Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Quelques mots avant de quitter le Liban.
Je suis dans la région, certains d'entre vous le savent peut-être depuis samedi soir. Je me suis rendue à Tel Aviv, à Jérusalem, au Caire ce matin et maintenant à Beyrouth. Je m'y suis rendue à la demande du Président de la République française parce que la situation est inquiétante et même, disons-le, dangereuse.
Au terme de ce déplacement de trois jours, je veux lancer ici un appel à la responsabilité et à la maîtrise.
J'étais hier en Israël, car des milliers de civils ont été victimes d'actes terroristes abominables que rien ne peut justifier.
Israël a subi une attaque terroriste sans précédent dans son histoire. Une offensive dont l'ampleur laisse peu de doute sur le fait qu'elle ait été préparée, orchestrée, planifiée.
Outre les exactions et les massacres, car il y a eu des massacres, outre nos 19 Français morts dans ces attentats terroristes, des hommes, des femmes, des enfants ont été pris en otages, dont vraisemblablement plusieurs de nos compatriotes.
Je redemande instamment la libération de tous les otages, sans délai et sans condition.
Dans ce drame affreux, la France se tient donc aux côtés d'Israël qui a le droit de se défendre dans le respect du droit international, et en prenant en compte bien sûr la protection des civils.
Les populations civiles ne sont pas responsables de la situation. Il faut se garder de confondre le Hamas avec l'ensemble de la population palestinienne. J'ajoute que j'ai évoqué cette nécessité avec tous mes interlocuteurs, en Israël comme en Égypte.
J'ai annoncé au Caire une aide de 10 millions d'euros au profit des agences des Nations unies (UNRWA, PAM), du CICR et des ONG humanitaires, au bénéfice direct des populations de Gaza.
Et au-delà, des efforts sont en cours pour ouvrir un couloir humanitaire afin que l'aide des Nations unies puisse être acheminée par Rafah et parvienne aux populations après les contrôles nécessaires. Cette aide est prête. Elle doit maintenant pouvoir passer et c'est une urgence.
Enfin, je le dis avec solennité, tous les civils doivent pouvoir quitter Gaza, s'ils souhaitent le faire. Et de son côté, le Hamas ne peut pas prendre en otage toute une population.
Donc : accès humanitaire, protection des civils, respect du droit humanitaire. L'urgence est d'abord là. Elle est donc d'abord humanitaire, mais elle est aussi évidemment diplomatique.
Diplomatique et impérieuse. Elle est de tout faire pour éviter l'embrasement. Je me suis déjà exprimée à de nombreuses reprises à ce sujet. J'ai indiqué que c'était la raison principale de ce déplacement au Proche-Orient : contribuer à éviter un embrasement qui peut menacer toute la région.
La France s'y emploie depuis le premier jour. Elle multiplie les contacts avec les acteurs de la région, avec ses partenaires de l'Union européenne, avec les États-Unis d'Amérique aussi. Elle passe tous les messages nécessaires et souhaite que les messages adressés par les uns et les autres soient convergents et dans cet objectif.
C'est aussi pour cela que je suis au Liban cet après-midi. J'y suis venue rappeler notre attachement au Liban, rappeler notre soutien à la stabilité du pays, mais venue aussi pour dire dans les termes les plus clairs qu'aucun groupe ne doit penser qu'il peut tenter tirer parti de la situation. Ce message est clair.
De leur côté, les responsables libanais ont aussi une responsabilité à cet égard, pour éviter que le Liban ne soit entraîné malgré lui dans un engrenage, un engrenage dont il ne se relèverait pas.
Mesdames et Messieurs, l'heure est donc à la responsabilité, à la raison, à la maîtrise.
Un engrenage, qu'il se produise de façon délibérée ou involontaire, ne profiterait à personne, ni aux populations, ni à aucun pays dans le monde arabe et au-delà.
La France prend la situation actuelle très au sérieux, je le répète, et fidèle à sa vocation elle ne ménagera aucun effort pour éviter l'embrasement et restaurer un horizon de paix aussi parce qu'il le faut, et que cet horizon est indispensable à la sécurité de tous.
Voilà les quelques messages que je souhaitais vous passer après m'être entretenue avec nombre d'interlocuteurs, et non seulement devoir exprimer cette inquiétude, mais devoir formuler cet appel à la plus grande responsabilité. Il faut le faire, il faut le faire maintenant et il faut le faire de façon convergente, et que tous nos efforts soient destinés à cette fin.
Vous avez peut-être quelques questions. J'y répondrai brièvement car je dois quitter le Liban pour un autre pays.
Q - Aucun mot de condamnation des massacres que l'armée israélienne commet contre les civils palestiniens à Gaza ?
R - Madame, vous m'avez sans doute mal entendu, donc je répète volontiers qu'Israël a le droit de se défendre et le devoir de le faire dans le respect du droit international, et notamment le droit international humanitaire. Cela signifie la prise en compte, entre autres, de la protection des populations.
Q - On devait avoir aujourd'hui un accord pour l'ouverture du point de passage de Rafah, avec entrée de l'aide et sortie de binationaux ou d'étrangers. Qu'est-ce-qui s'est passé, pourquoi il n'y a pas eu l'ouverture du point passage de Rafah ? Le ministre Shoukry a dit que c'était à cause des Israéliens. Est-ce-que c'est aussi votre version ? Et est-ce que vous avez une idée du nombre de Français, binationaux palestino-français à Gaza ?
R - Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à votre première question, Madame, car je ne me suis pas bien placée pour vous répondre sur les raisons ou les responsabilités. Ce que je sais, parce que c'est ce que je constate, comme vous-même, c'est que les Nations unies ont fait des propositions, qu'elles sont prêtes à dispenser de l'aide, des médicaments, des vivres, des biens de première nécessité, comme les populations civiles en ont besoin, qu'elles ont transmis cette proposition, qu'elles la travaillent avec les autorités israéliennes, avec sur place ceux qui peuvent être leurs interlocuteurs, avec l'Égypte aussi. Les Nations unies sont évidemment au premier rang, mais elles ont des partenaires dans cet effort auquel j'ai appelé : accès humanitaire, protection des civils, respect du droit humanitaire. L'accord, hélas, ne s'est pas encore fait ; il est souhaitable qu'il se fasse le plus rapidement possible. Je redis qu'il y a urgence, et je vous ai rappelé la décision qu'avait prise la France pour aider, prendre sa part de l'aide pour les populations civiles de Gaza par le canal des Nations unies et de ses organisations, et le canal du CICR aussi.
Nous avons des Français qui sont à Gaza, dont la plupart sont dans le sud maintenant de la bande de Gaza, que nous souhaitons pouvoir voir quitter, comme ils le souhaitent, Gaza le plus rapidement possible. Je m'en entretiens avec mes interlocuteurs. Ils sont, si l'on compte leurs familles, peut-être un peu plus d'une centaine. Nous disposons des listes, nous les avons transmises bien sûr à qui de droit, d'abord et avant tout aux Nations unies évidemment.
Q - Bonsoir, est-ce que vous avez vu l'opportunité de vous entretenir avec les autorités israéliennes au sujet de la sécurité des journalistes opérant dans la zone. Comme vous le savez, il y a eu un décédé et plusieurs blessés vendredi dernier, et plusieurs morts à Gaza. Que vous ont répondu les autorités israéliennes ?
R - Les journalistes font partie évidemment des personnes dont nous demandons la protection, le respect de leurs droits, le respect de l'exercice de leur profession, souvent dangereuse, et comme vous l'avez évoqué, quelqu'un a dû perdre la vie tout récemment encore. Nous passons ces messages de la façon la plus ouverte lors de nos entretiens, publiquement aussi. Je l'ai fait hier, je l'ai refait ce matin, je le refais très volontiers aujourd'hui. Je crois qu'il faut encore une fois que les efforts de tous convergent pour permettre à la fois l'accès de biens humanitaires à Gaza, permettre aussi aux personnes qui souhaiteraient quitter Gaza de le faire, et aux personnes qui seraient à Gaza d'y vivre autant que possible en respectant leurs droits à la protection. Les journalistes en font partie.
Q - Madame la Ministre, le ministre français des Armées a annoncé que son pays fournissait des informations, des renseignements à Israël. Cela signifie-t-il que vous êtes partenaire de ce que l'armée israélienne commet contre les civils à Gaza ? Sinon, alors pourquoi votre silence et celui de la communauté internationale et européenne face à la catastrophe humanitaire et au génocide à Gaza, pourquoi encore certains pays européens, dont la France, empêchent-t-il toute manifestation de soutien aux Palestiniens et punissent-ils ceux qui le font ?
R - Il y a des choses très différentes dans votre question, Madame, et des mots que je ne saurais reprendre. Je rappelle que tout ceci advient auprès des atrocités. Des meurtres, des massacres, des assassinats d'enfants. Vous connaissez comme moi les images. Vous savez ce qui s'est passé. Vous savez quelle est la responsabilité du Hamas, organisation terroriste, dans ces morts, et la plupart du temps dans des morts de civils.
Q - Comment qualifiez-vous la situation au Liban ? Est-ce-que le Liban va réussir à rester à l'écart et à éviter les tensions et la guerre totale ?
R - Il le faut, Madame. J'ai redit avant de rappeler le message que j'ai transmis aux autorités libanaises notre attachement pour le Liban, pour sa stabilité et j'aurais même dû dire notre affection. Vous savez qu'elle est ancienne, qu'elle est constante et il faut que le Liban, avec l'aide de ses amis, fasse lui-même tout son possible pour rester à l'écart d'un engrenage, s'il devait se produire, mais surtout pour qu'il ne se produise pas.
Je vais m'arrêter là si vous me pardonnez. Nous avons d'autres obligations internationales que je dois rejoindre. Je suis déjà très en retard. Merci à toutes et à tous. Merci et s'il vous plaît, aidez-nous à ce que la responsabilité prévale.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 octobre 2023