Texte intégral
Merci Monsieur le Ministre, cher Sameh,
Mesdames et Messieurs, merci de votre présence.
Monsieur le Ministre, je suis toujours très heureuse de revenir au Caire, mais j'aurais souhaité revenir en Égypte et vous revoir dans d'autres circonstances, un mois juste après ma dernière visite chez vous.
Je me suis rendue dans la région pour passer un appel à la responsabilité. Israël a été frappé par le terrorisme et a le droit de se défendre. Israël doit exercer ce droit en protégeant les populations civiles, car chaque perte de vie humaine est une tragédie. Nous sommes clairs sur ce point : le droit international doit être respecté, et c'est dans ce cadre que son action s'exerce.
Je suis dans la région depuis samedi soir, j'ai multiplié les consultations, et ce que j'en retire, je le dis en pesant mes mots, c'est que la situation est grave, et même dangereuse. Face à l'engrenage qui peut mener à l'embrasement et peut-être à la déstabilisation de la région, il faut que la raison et la maîtrise l'emportent. La France appelle tous les groupes ou États qui pourraient chercher à profiter de la situation à s'abstenir de le faire. C'est un message que nous avons déjà passé, mais que je souhaite passer de la façon la plus claire aujourd'hui. Hier, j'étais donc à Tel Aviv et à Jérusalem, je serai tout à l'heure à Beyrouth, j'avais d'ailleurs prévu de me rendre à Naqoura, au siège de la FINUL, au Liban Sud, mais les conditions de sécurité - vous avez vu ce qui s'est passé hier - ne me permettront pas de le faire. Tel Aviv, Jérusalem, Le Caire, Beyrouth, ce qui relie tous ces lieux, c'est que l'une des clés du conflit en cours se trouve dans chacun d'entre eux ; bien sûr, il y en a, ici, une, en Égypte. Et cette clé, pour ce qui concerne le moment d'aujourd'hui, dans cette étape trop brève en Égypte, c'est l'importance de ce pays, son rôle, sa résilience. Nous savons d'ailleurs que l'Égypte se trouve dans une situation économique qui justifie toute notre attention et celle de la communauté internationale. La France fait partie des pays qui vous apportent ce soutien, nous en avions parlé lors de ma visite précédente, Monsieur le Ministre, nous en avons très rapidement reparlé tout à l'heure.
Je veux aussi insister sur l'importance de la situation à Rafah, et l'Égypte a un rôle à jouer à cet égard. Soyons clairs, ceux qui souhaitent quitter Gaza doivent pouvoir le faire. Nous sommes choqués que le Hamas les empêche de le faire, c'est inacceptable. Ceux qui veulent quitter Gaza doivent pouvoir le faire. Le Hamas ne peut pas prendre en otage les populations. Nous demandons à tous que des points de passage soient ouverts. D'ailleurs, nous avons nous-mêmes quelques dizaines de Français ou d'agents de l'Institut français qui souhaitent sortir ; j'ai bon espoir que tout sera fait pour les aider en ce sens. Ces efforts sont en cours.
Par ailleurs, nous en avons parlé aussi, le blocus ne respecte pas le droit humanitaire. Il faut aussi d'urgence ouvrir un accès humanitaire à Gaza. Le Secrétaire général des Nations unies a fait des propositions. Hier à notre consulat général, à Jérusalem, j'ai rencontré les agences des Nations unies, plusieurs ONG internationales ou françaises opérant sur le terrain. Elles évoquent toutes une catastrophe humanitaire en cours, qui a d'ores et déjà commencé. Donc l'aide humanitaire doit pouvoir entrer à Gaza, parce qu'il est inacceptable de laisser des femmes, des hommes, des enfants, qui ne sont pas responsables des crimes du Hamas, souffrir de cette façon. Le Hamas ne doit pas être confondu, faut-il le rappeler, avec l'ensemble de la population palestinienne. Les civils doivent être protégés, leurs besoins essentiels doivent être satisfaits. Je l'ai dit à tous mes interlocuteurs en Israël, comme à mon homologue palestinien, que j'ai eu hier, au téléphone, de Jérusalem-Est où je me trouvais.
Le poids du conflit ne doit pas retomber sur l'Égypte. Ce n'est pas à l'Égypte d'endosser une responsabilité qui ne lui incombe pas. Des aides sont prêtes à être acheminées. Un travail rigoureux a été fait avec les Nations unies, nous l'avons évoqué. Cette aide, bien sûr, doit être contrôlée, pour s'assurer qu'elle bénéficie à la population, et ne soit pas détournée. Mais il faut laisser passer l'aide. C'est une urgence ; c'est une urgence humanitaire. Au-delà, je suis ici également pour apporter le soutien de la France, et je peux annoncer que la France mobilisera 10 millions d'euros d'aide humanitaire pour la population de Gaza, qui financeront des actions de l'UNRWA, du PAM, du CICR et des ONG humanitaires. Les actes terroristes commis par le Hamas ne doivent pas nous faire oublier l'existence et les droits de toute une population palestinienne qui souffre de leurs conséquences.
J'ai pu m'entretenir ici avec mon homologue le Ministre, et être reçue -ce fut un grand honneur- par le Président Sissi. Avec l'Égypte, nous partageons la même inquiétude sur les dangers d'une situation qui est déjà une situation difficile si tout n'était pas fait pour éviter les risques d'engrenage voire, je le répète, de déstabilisation de certains dans la région. Personne ne peut prendre un tel risque. Au-delà de l'urgence, il convient donc d'œuvrer pour retrouver une perspective politique, même, et je dirais, même et surtout dans ces moments de grande volatilité. La France œuvrera en ce sens mais il est aussi de la responsabilité de tous les membres de la communauté internationale d'œuvrer en ce sens. C'est la raison pour laquelle la France accueille favorablement l'initiative égyptienne de réunir une conférence internationale à cette fin, c'est-à-dire non seulement pour traiter les questions humanitaires, mais pour éviter l'escalade, et pour montrer aussi qu'il existe un horizon politique qui prenne en compte le droit d'Israël à la sécurité et le droit des Palestiniens à disposer d'un État. Cette initiative mérite l'attention de tous ceux qui seront invités à y participer. Nous le savons, nous le savons tous, ne l'oublions pas dans des circonstances aussi difficiles que celles qui existent aujourd'hui, ne l'oublions pas, surtout dans ces moments-là : c'est la paix qui assurera la sécurité de façon durable ; et la paix qui assurera la sécurité de tous. Je vous remercie.
Q - Bonjour, Madame la Ministre, est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus d'informations, nous faire un point sur où en sont les négociations pour laisser passer l'aide humanitaire à travers le poste-frontière de Rafah ?
R - Merci de votre question, Madame. Ces efforts sont prioritairement ceux des Nations Unies avec, à leurs côtés, les États qui s'efforcent de trouver une solution : l'Égypte en fait partie, les États-Unis d'Amérique doivent être cités également, la France et quelques autres. Je me suis entretenue à deux reprises avec le Secrétaire général des Nations unies, dont la dernière fois hier après-midi à sa demande, et après qu'il ait dû constater en fin de journée que l'accord qui était espéré, après qu'il ait transmis la veille des propositions ajustées, n'avait pas été reçu. Nous avons donc, à sa demande, renouvelé nos efforts, renouvelé nos efforts d'explication et nos demandes auprès des autorités israéliennes pour que, comme je le disais, l'aide humanitaire qui doit arriver aux populations, parvienne aux populations. Il y a véritablement une urgence. Vous connaissez la situation, que ce soit au sud de Gaza, ou à Gaza ville. Les besoins sont criants et il doit y être répondu de façon urgente avant que la situation de certaines populations s'aggrave, et lorsque je parle des populations, j'ajoute celle des étrangers qui sont à Gaza. La France a des agents, elle a des Français qui sont là-bas et qui travaillaient pour les ONG. Nous avons aussi, comme d'autres, eu le souci de demander la sortie des étrangers qui ne sont pas partie prenante à la situation, en rien, de façon à ce qu'ils puissent être en sécurité. Ils ne le sont pas aujourd'hui, là où ils se trouvent, même ceux qui sont au sud de la bande de Gaza.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 octobre 2023