Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Olivier DUSSOPT.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Hier, à la clôture de la conférence sociale, Elisabeth BORNE a mis un coup de pression aux branches qui ont encore des minimas salariaux sous le Smic, elles sont encore 60 sur 170, si d'ici le 1er juin 2024, elles ne se mettent pas en conformité, elles verront leurs exonérations de charges baisser. Pourquoi attendre 8 mois pour agir ?
OLIVIER DUSSOPT
Pour laisser le temps au dialogue social de faire son travail. Mais vous l'avez dit, et pardonnez-moi, si j'amène une précision, nous sommes dans une situation en France où le Smic est déterminé par l'Etat, par la loi, avec un principe d'indexation, ce qui nous a amené à augmenter le Smic d'un peu plus de 12 % depuis 2021 parce qu'il aide l'inflation. Et c'est normal. Par contre, les salaires sont fixés par le dialogue social, et notamment les niveaux de rémunération des conventions collectives sont fixés par le dialogue social. Les entreprises peuvent payer plus que la convention collective, mais il y a un minimum. Il y a 170 branches et 170 conventions que nous suivons plus particulièrement, les plus importantes. Quand le Smic augmente, il y a certaines conventions collectives dont des niveaux de rémunérations passent en-dessous du Smic, et la loi dit que ces branches ont 45 jours pour ouvrir une négociation et se mettre en conformité.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que pour certaines, pour une dizaine, ça fait plusieurs années que ça dure…
OLIVIER DUSSOPT
Alors, justement, j'y viens parce que vous avez dit 60, aujourd'hui, nous avons 56 branches qui ont au moins un niveau sous le Smic, parce que le Smic a été augmenté le 1er mai. Mais depuis le 1er mai, 80 branches ont fait le travail de mise en conformité ; et nous avons une petite dizaine de branches, 8 à 10, qui sont en non-conformité depuis un peu plus de 18 mois, c'est moins que d'habitude, parce que, quand on regarde sur les vingt dernières années, on était plutôt à 15, 20 branches en non-conformité, mais nous en avons entre 8 et 10. Et ce que nous avons dit, avec la Première ministre hier, c'est que ces branches qui sont en non-conformité, non pas simplement depuis la dernière revalorisation du Smic, mais durablement, c'est-à-dire depuis plus de 18 mois, ont 6 mois devant nous pour agir, négocier, se mettre en conformité, et à défaut, nous pouvons mettre en place, nous proposerons au Parlement un projet de loi qui diminuera les exonérations…
JEROME CHAPUIS
C'est de l'incitation ou c'est de la menace ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est de l'incitation, c'est de l'incitation, parce que, quand vous avez une convention collective avec des niveaux de rémunérations, souvent les premiers, pour les gens qui ont moins d'expérience ou le moins de qualifications, en-dessous du Smic, la réalité, c'est que, lorsque vous êtes un salarié concerné et que vous occupez ces postes-là, vous êtes payé au Smic, parce que l'entreprise, heureusement, n'a pas le droit de vous payer en-dessous du Smic, mais la conséquence, c'est que si vous avez 3, 4, 5 niveaux qui sont sous le Smic, ça veut dire que quand vous entrez dans ces entreprises au premier niveau pendant des années et des années, vous êtes scotché au Smic…
JEROME CHAPUIS
C'est quoi ces branches ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est les branches assez classiques, parfois, petites, il y a par exemple…
JEROME CHAPUIS
Mais on peut les avoir ou pas ?
OLIVIER DUSSOPT
Oui, on va rendre publiques ces branches-là, je vais les recevoir toutes dans les jours qui viennent…
JEROME CHAPUIS
Et vous ne pouvez pas nous dire aujourd'hui quelles sont ces branches, pourquoi est-ce qu'on ne peut pas…
OLIVIER DUSSOPT
Le principe que nous avons retenu avec la Première ministre, c'est d'accompagner, de booster le dialogue social, pardon pour cet anglicisme. Je vais d'abord les recevoir, leur rappeler les règles du jeu, et en disant à ces branches que le 1er juin prochain, si la situation ne s'est pas améliorée, si elles ne sont pas en conformité, nous proposerons au Parlement ce projet de loi. Il y a un autre outil que je mets en oeuvre dès aujourd'hui, un outil législatif qui date de 2022, c'est nous qui l'avons créé, qui dit que lorsqu'une branche est durablement dans cette situation de non-conformité, si ça ne bouge pas, on peut obliger la branche à fusionner avec une autre, il y a une branche par exemple, et ça, c'est public, c'est la branche des casinos, quand je dis Casino, c'est les jeux d'argent, dans laquelle il n'y a pas de dialogue social, en tout cas, il n'y en a pas assez pour que ça puisse déboucher sur un accord…
JEROME CHAPUIS
Donc là, on la fait fusionner avec une autre ?
OLIVIER DUSSOPT
J'ai indiqué à cette branche-là que nous mettons en oeuvre, nous commençons le processus de restructuration obligatoire.
SALHIA BRAKHLIA
Vous parliez à l'instant du tassement des salaires au niveau du Smic, la CFDT avait fait une proposition pour inciter les entreprises à augmenter les salaires, elle proposait que les entreprises qui gardent plus de 2 ans un salarié au Smic ne puissent plus bénéficier des exonérations de cotisations…
OLIVIER DUSSOPT
Il y a cette proposition…
SALHIA BRAKHLIA
Et vous dites non…
OLIVIER DUSSOPT
Et la CFDT avait aussi proposé de conditionner, sans attendre juin 2024, les exonérations au fait que les branches réussissent. Là où nous avons deux difficultés, mais ça fait partie du débat que nous avons avec les organisations syndicales et la CFDT en particulier. Première difficulté, elle est purement technique, lorsqu'il faut examiner la situation de chaque entreprise par rapport à sa convention collective, par rapport au Smic, et en plus, regarder l'ancienneté de tel ou tel occupant d'un poste, c'est un travail de fourmi, donc de titan, et c'est extrêmement compliqué. Il y a une deuxième difficulté, qui est que, dans un certain nombre de branches qui ne sont pas en conformité avec la loi, parce que leurs conventions collectives n'ont pas été revues, ça ne signifie pas que les entreprises ne se comportent pas mieux que les branches, vous pouvez appartenir à une branche qui n'a pas revu ses niveaux de rémunérations depuis des années et des années, mais vous, comme employeur, payez bien au-delà de ce que prévoit la convention collective…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça veut dire qu'on ne peut pas faire du cas par cas juste pour un aspect technique ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est techniquement compliqué, parce que nous avons des dizaines, des centaines de milliers d'entreprises, et donc, ce que nous avons retenu avec la Première ministre, et qui s'inscrit dans cette logique-là, c'est de regarder les branches qui sont structurellement, durablement en-dessous du Smic, et la Première ministre a d'ailleurs dit que si au 1er juin 2024, les choses ne se sont pas améliorées, si elles ne sont pas mises en conformité, on appliquera, on fera voter et on appliquera le projet de loi de diminution des exonérations, uniquement pour les entreprises qui sont scotchées à la convention collective et qui ne font aucun effort. Les entreprises qui ont une politique de rémunération supérieure à la convention collective, on ne va pas les sanctionner pour un défaut de la branche à laquelle elles appartiennent, quand vous créez votre entreprise, vous ne choisissez ni votre branche ni vos représentants de branche.
JEROME CHAPUIS
Olivier DUSSOPT, question sur les primes d'activité sur les bas salaires, elles ont un effet pervers, parce que quand le salaire augmente, la prime a tendance à diminuer, donc il faut beaucoup d'augmentation de la part de l'entreprise pour que l'employé en voit vraiment les effets sur son compte en banque, comment est-ce qu'on fait pour lutter contre ça ?
OLIVIER DUSSOPT
C'était au coeur des échanges d'hier, alors, pardon parce que c'est hyper technique, on appelle ça…
JEROME CHAPUIS
Mais c'est très important…
OLIVIER DUSSOPT
Oui, on appelle ça le coin fiscalo-social, quand je dis que c'est technique, je vous ai prévenu…
SALHIA BRAKHLIA
On va essayer de ne pas être plus techniques alors…
OLIVIER DUSSOPT
Il y a deux aspects dans ce débat-là extrêmement complexes, qui n'ont pas été tranchés hier, premier aspect, c'est qu'au niveau du Smic, aujourd'hui, un salarié célibataire, sans enfant, qui touche le Smic, il a une prime d'activité, s'il la demande bien évidemment, de 220 euros. Ça présente 16 % de son revenu, c'est beaucoup, ça veut dire que l'Etat prend en charge 16 % du revenu global. Et on sait que si on augmente le salaire, si le patron augmente le salaire, la prime d'activité va progressivement baisser, et parfois, si la prime d'activité baisse aussi vite que votre salaire augmente, vous n'avez pas intérêt pour l'employeur à augmenter, et pas intérêt à prendre des responsabilités. Et on a un deuxième phénomène identique, qui est pour les personnes qui sont payées 1,6 fois le Smic, c'est-à-dire, autour de 2.100 euros nets à peu près, lorsque leurs employeurs les augmentent, à ces deux endroits, quand l'employeur augmente le salaire net, ça lui coûte beaucoup plus cher que l'augmentation du net, parce qu'il sort de ce qu'on appelle le tunnel de l'allégement ou le tunnel des…
JEROME CHAPUIS
C'est les effets de seuil en fait…
OLIVIER DUSSOPT
C'est les effets de seuil, et donc ça a été l'objet d'un atelier de la conférence sociale hier, mais c'est extrêmement compliqué pour une raison, c'est que nous savons que ces exonérations sont utiles pour préserver l'emploi, sont utiles pour la compétitivité, sont utiles pour permettre la réindustrialisation…
JEROME CHAPUIS
Mais ça coince des salariés en fait sur un niveau de salaire pendant longtemps.
OLIVIER DUSSOPT
Mais dans le même temps, nous voulons lutter contre cette possibilité, soit, de trappe à bas salaires, lorsqu'on parle de prime d'activité, soit, sur cette incapacité à augmenter, vous savez, il y a un chiffre…
JEROME CHAPUIS
Mais vous n'avez pas de solution aujourd'hui…
OLIVIER DUSSOPT
Pas à ce stade, parce qu'elles sont très contradictoires entre elles, et c'est normal, c'est d'une complexité sans nom, mais aujourd'hui par exemple, quand, c'est un cabinet qui s'appelle Rexecode qui l'a montré, quand vous êtes payé 1,6 Smic, c'est-à-dire, un peu plus de... autour de 2.100 euros nets, si vous êtes payé 1,7 Smic, vous êtes augmenté de 220, 230 euros, la réalité, c'est que vous payez un peu plus l'impôt, vous perdez ce qui reste de prime d'activité, et le gain net, c'est un peu plus du quart de ce que votre employeur a voulu vous donner, alors même que pour lui, ça lui a coûté beaucoup plus cher, donc c'est un débat d'une complexité sans nom, et hier, les partenaires sociaux ont reconnu cette complexité, patronat comme syndicats…
SALHIA BRAKHLIA
Et il n'y a pas de solution ?
OLIVIER DUSSOPT
Pas directement, s'il y en avait une, je pense que tout le monde serait ravi de la mettre en place. On peut penser à des lissages pour éviter les effets de seuil, il faut voir combien ça coûte, d'une part, pour les finances publiques, et quels sont les effets sur l'emploi.
JEROME CHAPUIS
A 8h40, on va faire une pause, le temps de laisser passer le Fil Info, vous restez avec nous, Olivier DUSSOPT, on vous retrouve juste après les infos avec Maureen SUIGNARD.
/// Fil Info ///
SALHIA BRAKHLIA
Avec le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT. Elisabeth BORNE a annoncé hier la création d'un Haut Conseil des rémunérations ; il peut servir à quoi ?
OLIVIER DUSSOPT
A y voir plus clair parce que tout à l'heure, juste avant l'interruption pour le flash d'info, on dit que c'était extrêmement complexe et c'est vrai. Et donc, on a besoin d'y voir plus clair sur l'évolution des salaires, sur l'évolution du SMIC. Aujourd'hui, nous avons un groupe d'experts qui nous qui appuie le Gouvernement, qui ne travaille que sur la question du SMIC donc il faut regarder au-delà. Par exemple, pour illustrer finalement les travaux qui peuvent être menés, les pistes qui peuvent être examinées par ce au conseil en vue de réformes législatives, de négociations interprofessionnelles, la Première ministre a proposé qu'un des premiers chantiers ouverts par ce Haut conseil (lorsqu'il sera installé) soient sur la question du temps partiel et notamment du temps partiel subi.
SALHIA BRAKHLIA
Pardon, mais ça, ce n'est pas le travail des partenaires sociaux avec vous, le Gouvernement. Ce n'est pas l'occasion des conférences sociales justement ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, une conférence sociale comme hier, c'est très utile parce que ça fait extrêmement longtemps qu'on n'avait pas pris un temps de débat collectif sur autant de sujets à la fois généraux et avec des ateliers. Mais c'est un temps, donc c'est un moment, c'est une journée. Le Haut Conseil a vocation à travailler dans le temps, de manière plus durable, plus approfondie sur un certain nombre de sujets.
JEROME CHAPUIS
Mais ces informations, vous ne les avez pas aujourd'hui ?
OLIVIER DUSSOPT
Si, nous les avons. Les organisations syndicales peuvent en avoir et les organisations patronales aussi.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous avez des services statistiques par exemple à votre ministère ?
OLIVIER DUSSOPT
Bien évidemment. Mais il faut aussi savoir les partager et au-delà des informations partagées, voir quelles sont les pistes qui peuvent être explorées. Je reviens sur cette question du temps partiel parce qu'elle est tout à fait fondamentale. Quand on parle de temps partiel, on parle de deux choses : on parle de personnes qui ne travaillent pas à temps plein, qui ne travaillent pas 35 heures, mais 17-20-25-30 heures, très souvent des femmes, assez souvent malheureusement c'est un temps partiel subi c'est-à-dire des hommes et des femmes qui n'ont pas choisi de travailler à temps partiel mais qui n'arrivent pas à travailler à temps plein parce que ce n'est pas compatible, parce que ce sont des horaires coupés. Et puis, par temps partiel subi, on pense aussi à des hommes et des femmes qui travaillent à temps plein quand ils travaillent mais qui ont des contrats courts avec des interruptions ; ce qui fait qu'à l'échelle d'une année, ça n'est pas un temps complet, ça ne représente pas la totalité des heures qu'on travaille. Et souvent, on sait que c'est un facteur de pauvreté. On appelle ça parfois (je n'aime pas l'expression) « la pauvreté laborieuse », pour envoyer à des personnes qui travaillent mais qui ne gagnent pas assez parce que leur temps de travail n'est pas suffisant pour sortir de la pauvreté. Et donc trouver des pistes et ça peut aller très loin, y compris d'un point de vue technique sur des groupements d'employeurs, parfois à l'échelle territoriale. Ça fait aussi partie des missions qu'on souhaite voir donner à ce Haut Conseil ; la Première ministre l'a dit. J'aurais, au mois de décembre, l'occasion de mener les concertations sur sa composition, ses missions précises et le calendrier de son travail.
JEROME CHAPUIS
L'une des problématiques de cette conférence, Olivier DUSSOPT, concernait l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Elisabeth BORNE veut revoir l'index femmes-hommes. Qu'est-ce qu'elle veut changer précisément ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a deux choses. D'abord, c'est une demande qui a été portée très fortement par les organisations syndicales. Donc, nous avons organisé hier un temps spécifique sur l'égalité professionnelle femmes-hommes autour de deux sujets. Le premier sujet, c'est que nous avons un index pour l'égalité professionnelle qui a été créé il y a plusieurs années. Le fait de le remplir est obligatoire pour les entreprises de taille plus importante ; il faut prendre des mesures correctrices quand il y a des inégalités entre les femmes et les hommes. Parce que personne ne peut accepter qu'à travail égal, une femme sera moins bien payée qu'un homme ; ça n'est pas normal et c'est toujours dans ce sens-là que ça se joue. Et nous sommes dans un temps de bilan et il y a des possibilités d'amélioration de l'index. Je ne rentre pas dans le détail si vous voulez bien parce que c'est la manière dont on construit des coefficients, la manière dont on garantit la transparence.
JEROME CHAPUIS
Et est-ce que pour garantir la transparence, il faut permettre aux syndicats d'avoir accès aux feuilles de paye pour s'assurer que les femmes sont payées autant que les hommes ?
OLIVIER DUSSOPT
Je pense qu'il faut donner accès à un maximum d'informations. Pas nécessairement des informations individuelles, mais un maximum d'informations pour y voir parfaitement clair. Il y a un deuxième sujet qui est que l'Europe (et nous avons soutenu cette démarche), l'Europe a adopté une directive sur la transparence et l'égalité des salaires, notamment l'égalité professionnelle. Et dans cette directive, il y a des dispositions qui sont inspirées par notre index mais qui vont un peu plus loin que l'index français, notamment en matière de transparence et nous devons transposer cette directive. Nous avons jusqu'en 2026 pour le faire. La Première ministre a souhaité que nous allions plus vite pour que le bilan sur l'index égalité professionnelle que nous avons construit et qui a inspiré les travaux européens, puisse être un bilan qui permette à la fois de l'améliorer pour le rendre plus effectif, plus sûr, plus efficace. Ce que je vois c'est que les entreprises le remplissent de plus, que leur note moyenne a tendance à s'élever. Ce qui est une bonne chose, mais il y a encore énormément de progrès à faire.
JEROME CHAPUIS
Mais plus vite, ce sera quand alors ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous nous sommes donnés 18 mois. Ça peut paraître long mais je peux vous assurer que lorsqu'on est sur un tel travail de bilan, sur une telle technicité (je reprends le terme à nouveau) et de dispositions.
JEROME CHAPUIS
Ça veut dire fin 2024.
OLIVIER DUSSOPT
C'est notre objectif.
SALHIA BRAKHLIA
Elisabeth BORNE a aussi annoncé vouloir réformer le congé parental. L'objectif, c'est de pouvoir le prendre quand on veut ?
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif que nous avons, et c'est ma collègue Aurore BERGE qui mènera cette discussion avec les partenaires sociaux, c'est de faire en sorte que le congé parental soit plus facile à prendre. Pour qu'il soit plus facile à prendre, il y a plein de pistes que nous devons regarder, des pistes pour faciliter le fait que ce soit le père ou la mère, en tout cas l'un des deux parents, qui le prenne de manière partagée.
SALHIA BRAKHLIA
Ils jouent en commun, et on le prend quand on veut.
OLIVIER DUSSOPT
Et puis des parents qui souhaitent faire valoir leur droit à un congé parental y renoncent parce que l'indemnisation, l'allocation n'est pas assez élevée. Certains nous disent : « Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas un congé ou la possibilité d'un congé plus court mais mieux rémunéré pour que plus de personnes puissent le prendre sans qu'il y ait trop de pertes ou de problèmes de pouvoir d'achat ? » Il y a plein de pistes en la matière. Ce que nous voulons, c'est qu'il soit plus facile à mettre en oeuvre et qu'il soit mieux partagé entre le père et la mère.
JEROME CHAPUIS
Olivier DUSSOPT, vous aviez fait part de votre volonté de ponctionner un milliard d'Euros des caisses de l'Agirc-Arrco, les retraites complémentaires du privé, qui profitent d'une trésorerie confortable, et ça pour financer votre politique. Les partenaires sociaux ont décidé, au contraire, il y a quelques jours, de consacrer ces excédents à revaloriser les retraites complémentaires du privé de 4,9 %. Quelle est votre réaction ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors la réaction, elle est double. Nous avons dit depuis plusieurs mois que la réforme des retraites que nous avons portée, c'est une réforme qui permet le retour à l'équilibre tous régimes confondus. Et nous savons, nous l'avons partagé avec les partenaires sociaux, qu'à horizon 2026, puisqu'on parle de 2026, la réforme des retraites produit mécaniquement, parce qu'il y a plus de cotisations, plus de temps de travail, une augmentation des excédents de l'Agirc-Arrco. Sur le total des excédents de l'Agirc-Arrco en 2026, le Gouvernement considère que 1,2 milliard d'excédent n'existerait pas sans la réforme.
JEROME CHAPUIS
Mais ça veut dire que c'est dû à l'Etat ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est dû à la réforme. Les services de l'Agirc-Arrco considèrent que ça n'est pas 1,2 milliard mais 1 milliard. Nous ne sommes pas si loin en termes d'estimation. L'Agirc-Arrco est géré par les partenaires sociaux, c'est une gestion autonome, c'est eux qui avaient, par exemple, créé la décote il y a quatre ans pour ceux qui partent avant 65 ans. Et dans le cadre de leur nouvel accord, les partenaires sociaux ont fait le choix, d'une part, de ne pas participer au retour, de ne pas mobiliser… uniquement cette partie des excédents, on ne parle pas des réserves, mais uniquement la partie des excédents liée à la réforme pour contribuer au retour à l'équilibre général. Ils n'ont pas souhaité financer, par exemple, une partie du relèvement des minimums de pension. Nous le regrettons, avec la Première ministre, et nous le regrettons pour deux raisons. La première, c'est qu'ils ont décidé de dépenses qui sont financées par la réforme des retraites, mais ils ont décidé de dépenses qui n'étaient pas prévues, et c'est considéré, par l'Europe notamment, comme des dépenses publiques. Donc ça veut dire…
SALHIA BRAKHLIA
Mais c'est leur caisse, ils ont le droit de la gérer comme ils veulent. L'excédent, c'est grâce à eux aussi, parce qu'ils ont bien géré leur caisse.
OLIVIER DUSSOPT
Mais je souligne que ces dépenses supplémentaires, par rapport à ce qui était prévu, sont considérées notamment par la Commission européenne comme des dépenses publiques, et dans une période de discussion de loi de finances et de loi de programmation pluriannuelle. Ça nous pose une difficulté avec un milliard de dépenses en plus qui n'étaient pas prévues.
JEROME CHAPUIS
Mais ça veut dire que vous pourriez leur forcer la main ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors il y a une discussion qui continue, et nous continuons à discuter avec les uns et les autres parmi les partenaires sociaux pour voir comment nous pouvons trouver un point d'entente. Mais nous avons toujours dit…
SALHIA BRAKHLIA
Mais pardon, Olivier DUSSOPT, je ne comprends pas, parce qu'hier, Elisabeth BORNE avait déclaré : « Il n'a jamais été question de ponctionner les retraites complémentaires ». Là, j'ai l'impression que vous dites l'inverse.
OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais parce qu'on…
SALHIA BRAKHLIA
Elle dit : « Je souhaite les sanctuariser, les excédents ». ça veut dire quoi ?
OLIVIER DUSSOPT
Ben on dit évidemment la même chose. Nous disons que la part des excédents liée à la réforme des retraites doit contribuer au retour à l'équilibre, et pas nécessairement à des dépenses supplémentaires. Et donc nous allons continuer à discuter et travailler pour voir comment ça va peut-être mobiliser ou pas ce que la Première ministre a dit. Parce que souvent, ça nous a été dit, et à tort, c'est qu'il n'a jamais été question de piocher dans les réserves de l'Agirc-Arrco, jamais.
SALHIA BRAKHLIA
Mais juste dans les excédents.
OLIVIER DUSSOPT
Mais la partie des excédents liée à la réforme.
JEROME CHAPUIS
Pour un milliard quand même, ce qui n'est pas rien.
OLIVIER DUSSOPT
On va continuer à discuter avec les différents partenaires sociaux.
JEROME CHAPUIS
Donc l'épisode n'est pas terminé. Olivier DUSSOPT, on vous retrouve dans quelques instants. Vous êtes l'invité du 8/30 France Info à 8h50.
/// Fil Info ///
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, avec l'attentat à Arras, le texte sur l'immigration est au coeur de toutes les discussions, la droite continue de s'opposer au volet régularisation des travailleurs sans-papiers, s'il y a une trace de ces deux articles, pas de vote, c'est ce que dit la droite, ils ne veulent même pas entendre parler de réécriture de ces deux articles, l'article 3 et l'article 4, est-ce que ça peut bouger de votre côté ?
OLIVIER DUSSOPT
Le débat est en cours et Gérald DARMANIN mène ces concertations, j'y participe avec lui sur la partie travail, et nous considérons toujours que la réforme est équilibrée, puisqu'elle a un côté qu'on qualifie de régalien, qui permet, qui permettra à la justice, à l'Etat de faire appliquer plus facilement ses décisions, d'être plus fort, et le contexte montre que c'est utile, et puis, il y a le volet sur le travail, sur le travail, en réalité, moi, j'entends un certain nombre d'arguments, et notamment avancés par les sénateurs du groupe LR, je ne les partage pas. De quoi parlons-nous, parlons de personnes qui sont en situation irrégulière, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas de papiers, pas de papiers valables, mais qui travaillent légalement, comment est-ce que c'est possible, parce que, bien souvent, ces personnes ont signé des contrats de travail à un moment où elles avaient des papiers, puis, les papiers n'ont pas été renouvelés pour une raison ou pour une autre, des problèmes administratifs, des problèmes d'éligibilité, des problèmes de retard, ça peut arriver des tas de fois. Et nous parlons de personnes qui travaillent dans des métiers où tout le monde a du mal à recruter. Et ce que nous disons dans le projet de loi, tel qu'il est aujourd'hui, c'est que ces personnes, quand elles ont passé plus de 3 ans sur le territoire, quand elles travaillent le plus régulièrement et légalement depuis plus de 8 mois, dans des métiers en tension, on doit pouvoir les régulariser…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ce que dit aussi la droite, c'est que c'est un appel d'air…
OLIVIER DUSSOPT
Alors, ce n'est pas un appel d'air, parce que…
SALHIA BRAKHLIA
On dit aux étrangers, venez, venez, on va vous régulariser au bout d'un moment…
OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais imaginez que ça voudrait dire que quelqu'un en dehors de l'Europe, parce qu'on parle d'étrangers non-communautaires, en dehors de l'Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, se dise : je vais entrer en France clandestinement, rester dans la clandestinité pendant au moins 3 ans, à 8 mois du terme, trouver un emploi dans les métiers en tension, sachant que la liste est révisée tous les 2 ans et qu'elle peut changer entre temps, pour ensuite, être régularisé. Il n'y a pas d'appel d'air. Après, le débat continue, moi je pense que c'est important de sécuriser les personnes qui travaillent légalement dont on a besoin, et qui sont sur notre territoire, et c'est important aussi de sécuriser leurs employeurs, parce que, souvent, les employeurs sont confrontés à cette situation, et eux-mêmes, dans une insécurité juridique. Et je reste ouvert à toutes les formes.…
JEROME CHAPUIS
Mais le climat dans le débat politique, ça compte, le climat, il a changé peut-être depuis quelques jours avec l'attentat d'Arras…
OLIVIER DUSSOPT
Mais mille fois oui, le climat a changé, le climat a changé, mais je pense que ça serait absolument terrible quelle que soit l'issue de cela, que ce soit par voie législative, par voie réglementaire, j'ai toujours dit que je restai ouvert à toutes les solutions.
SALHIA BRAKHLIA
Ah, donc, ça peut ne pas être dans la loi ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais ça serait absolument terrible que des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement... pardon, mais de qui parlons-nous, nous parlons de commis de cuisine, nous parlons d'employés de ménage, nous parlons de travailleurs saisonniers pour l'agriculture, qui travaillent, et qui travaillent, je le répète, avec un contrat de travail, soient les victimes d'un climat, qui est un climat terroriste, qui ne les concerne pas.
JEROME CHAPUIS
Ouvert à toutes les solutions, ça veut dire quoi, ça veut dire quoi, un décret ou ça veut dire 49.3 ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, mais la question n'est même pas là, j'ai toujours été... il va y avoir un débat au Sénat, à l'Assemblée, et ce que j'ai noté, au-delà des déclarations du groupe LR, que nous entendons et que nous respectons bien évidemment, c'est que d'autres groupes, je pense à l'Union centriste, je pense à des groupes de gauche, des groupes de la majorité présidentielle, disent leur attachement à cette disposition, laissons le débat vivre.
JEROME CHAPUIS
Vous êtes ministre du Plein emploi, qui n'est pas seulement un objectif, qui peut aussi être un problème, sujet ultrasensible dans le contexte de menace terroriste, il y a 20.000 postes non-pourvus dans le secteur de la sécurité privée, à 9 mois des Jeux olympiques, comment est-ce qu'on va faire ?
OLIVIER DUSSOPT
Tout le monde cravache, tout le monde cravache, tout le monde est mobilisé, c'est un dossier que nous suivions avec la ministre des Sports et le ministre de l'Intérieur, nous avons fait plusieurs choses, j'en cite 3, d'abord, Pôle emploi met les bouchées doubles pour proposer, montrer l'intérêt de ces métiers, et permettre à des demandeurs d'emploi de rejoindre ces métiers-là, nous avons créé une nouvelle formation pour accompagner les grands événements sportifs, pas seulement les JO, mais les grands événements sportifs, où nous ne sommes pas tout à fait dans la sécurité, mais dans l'accueil, dans l'orientation, formation d'un peu plus de 100 heures, qui a été validée, et puis, nous finançons, nous finançons beaucoup de formations, à la fois des formations pour être agent de sécurité, mais vous savez, c'est un métier qui est réglementé, et vous avez une carte professionnelle quand vous êtes agent de sécurité…
JEROME CHAPUIS
Il n'y a pas de risque qu'on soit moins regardant sur le profil des candidats ?
OLIVIER DUSSOPT
Certainement pas, et cette carte doit être renouvelée, et pour être renouvelée, il faut suivre une formation, qu'on appelle de recyclage, de reclassement, normalement, ce sont les branches professionnelles qui les paient. L'Etat paye la moitié, j'ai signifié à madame la présidente de la région Ile-de-France, Valérie PECRESSE, juste avant l'été, que j'augmentais le budget de l'Etat, la participation de l'Etat au budget formation de la région Ile-de-France, quelques dizaines de millions dont 39 qui sont consacrés justement au financement de places en formation. Donc tout le monde met les bouchées doubles pour être au rendez-vous des JO, et pouvoir recruter. Et je précise en plus que c'est un secteur, le secteur de la sécurité privée, qui recrute durablement, ça n'est pas qu'un emploi pour les JO, c'est une perspective de carrière à long terme.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier DUSSOPT, l'information a été divulguée, il y a quelques jours dans la presse, votre ex-conseiller, chargé des retraites, vient de quitter son poste pour AXA, qui n'est autre que le leader sur le marché de l'épargne-retraite par capitalisation, est-ce que ça ne la fout pas un peu mal après ce qu'on a vécu pendant la réforme des retraites ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce que certaines organisations syndicales et certains députés LFI ont fait un scandale. Le conseiller dont vous parlez, au-delà du fait d'être un jeune brillant et extrêmement investi d'une grande loyauté, a participé avec moi à l'écriture d'un texte, la réforme des retraites qui ne dit pas une seule fois le mot capitalisation, jamais, quand on fait le lien avec l'activité d'AXA, le texte n'a jamais parlé de capitalisation…
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous connaissez les soupçons qui pesaient sur cette réforme…
OLIVIER DUSSOPT
Il rejoint…
SALHIA BRAKHLIA
Inciter les Français à capitaliser finalement…
OLIVIER DUSSOPT
On a toujours dit que c'était faux. Il rejoint AXA pour s'occuper de responsabilité sociale et environnementale, il ne touchera pas au sujet des retraites, et puis, par ailleurs, il y a une haute autorité de la transparence et de la vie publique qui a été consultée et qui a donné un avis favorable, favorable. Elle a été consultée.
SALHIA BRAKHLIA
Donc c'est un mauvais procès ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un très mauvais procès. C'est une mauvaise manière qui est fait, et j'ai été très choqué que des responsables politiques et syndicaux, sans vérifier, parce qu'il suffisait de nous demander et de lui demander pour que l'avis de la HATVP soit dit, il est favorable, rendre public un nom, un visage, c'est jeter en pâture un visage et un nom, c'est aussi une famille derrière. Et c'est vraiment une mauvaise manière qui est faite.
JEROME CHAPUIS
Olivier DUSSOPT, vous allez être, vous jugé, à la fin du mois prochain pour favoritisme dans une affaire qui porte sur un marché public conclu en tant que maire d'Annonay, il y a plusieurs années, si vous deviez être jugé coupable, est-ce que vous quittez le gouvernement ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne vais même pas dans cette perspective-là, cette affaire, elle a trois ans maintenant, trois ans et demi, le Parquet a entendu mes arguments, puisque sur les 5 points qu'il a vérifiés, il en a cassé 4, il en reste un qui concerne une procédure de marché public en 2009, il y a 14 ans. Et je vais au procès avec un seul objectif, qui est convaincre de ma bonne foi. J'ai créé une régie publique de l'eau. J'ai baissé le tarif payé par les usagers, j'ai fait les choses dans les règles, et je vais répondre aux questions du tribunal, bien évidemment, avec un seul objectif, c'est montrer que je suis de bonne foi.
JEROME CHAPUIS
Merci Olivier DUSSOPT, ministre du Travail, du Plein emploi, de l'insertion
source : Service d'information du Gouvernement, le 20 octobre 2023