Texte intégral
DAVID MALLE
Bonjour Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour David MALLE.
DAVID MALLE
Vous aimez Astérix ?
CHRISTOPHE BECHU
C'est une question à laquelle je ne m'attendais pas, mais la réponse est oui.
DAVID MALLE
C'est la sortie du nouvel album d'Astérix aujourd'hui et vous êtes, ici en Touraine, un peu dans le village gaulois, le seul département de la région sans aucune éolienne. Il faut que ça cesse, il faut que ça change, Christophe BECHU ?
CHRISTOPHE BECHU
On a besoin partout qu'il y ait des énergies renouvelables, si dans certains endroits il y a des éoliennes, dans d'autres du photovoltaïque, dans un troisième de la géothermie, ce qui importe c'est qu'on soit capable d'en d'avoir partout. Il y a des territoires qui s'y prêtent moins que d'autres, et la Touraine, objectivement l'Indre-et-Loire, a moins d'atouts éoliens que d'autres, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas d'éoliennes, et je sais l'opposition qu'il y a de la part de certains par rapport à un projet à proximité d'Amboise et qui suscite un débat, ça c'est légitime, mais parfois j'allais dire aussi des fake news, ou en tout cas une manière de présenter les choses comme si ça allait être dramatique, une atteinte à nos paysages, pour apaiser, pour objectiver tout ça, il va y avoir des tests grandeur nature, pour montrer ce que ça donne avec un ballon à 140 mètres de haut et pour qu'on arrête de laisser penser qu'on est sur le point de défigurer le Val-de-Loire.
DAVID MALLE
Donc on comprend bien, une pause, mais pas de recul sur les éoliennes d'Amboise, vous nous le dites ce matin Christophe BECHU sur France Bleu Touraine. Vous étiez hier soir à Sorigny pour poursuivre le Tour de France de l'écologie, vous dites vouloir éviter que la planification ne soit l'otage des populismes, ce que vous redoutez c'est que toutes les mesures que vous proposez ne se fracassent contre un nouveau mouvement des Gilets jaunes ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce que je ne veux pas c'est que l'écologie ça serve de carburant aux extrêmes, et j'observe que c'est de plus en plus difficile de tenir un discours qui soit un discours de modération ou de nuance. Vous avez des gens qui vous disent vous ne faites rien, c'est l'inaction climatique, alors même que notre pays fait partie de la vingtaine qui baisse ses émissions de gaz à effet de serre, et de l'autre côté vous avez des gens, de plus en plus nombreux, qui nous disent vous en faites trop, la France ça pèse que 0,8 % des émissions, pourquoi est-ce que vous nous demandez de faire tous ces efforts alors que si les Chinois et les Indiens ne baissent pas leurs émissions on n'arrivera pas à sauver la planète ? Je veux qu'on sorte de ce climato-défaitisme qui laisse penser que tout serait foutu, que si on ne sort pas du capitalisme, si on ne fait pas du greenwashing, de la lutte des classes, on n'y arrivera pas, et je ne veux pas qu'on tombe dans une forme de climato-scepticisme qui tait son nom et qui ne regarde pas en face la réalité des problèmes, recul de la biodiversité, pollution, accélération des sécheresses et des difficultés.
DAVID MALLE
Cette tempérance, cette mesure, c'est une ligne de crête quasiment impossible à tenir entre, vous dites des extrêmes de part et d'autre.
CHRISTOPHE BECHU
Le sujet ce n'est pas est-ce que c'est possible ou impossible à tenir, c'est est-ce que c'est souhaitable, est-ce que dans ce pays on n'a pas besoin d'essayer de construire des consensus, de construire des choses qui nous unissent, au lieu que tout soit un prétexte à champ de bataille, il y a suffisamment de violences, de difficultés, de soucis à régler pour que, un objectif, comme celui de la préservation de la nature, de la terre qu'on va laisser à nos enfants, à ceux qui viendront entre nous, nous réunisse, et très concrètement, l'objet de ce débat c'est de se mettre à portée de baffes, comme on dit, des citoyens à portée de questions, de pouvoir répondre, de pouvoir expliquer pourquoi ce n'est pas pour les éoliennes, ou pour le nucléaire, mais pourquoi il faut un mix avec des énergies renouvelables, et avec une énergie pilotable. C'est une manière de montrer que l'agriculture elle est aussi, elle est une partie parfois des difficultés, avec les intrants, les pesticides, mais une partie de la solution, parce que c'est la souveraineté alimentaire, c'est ce qui se passe près de chez nous, c'est ce qu'on produit, c'est des circuits courts, c'est un meilleur bilan écologique que de faire venir des produits agricoles de loin, et tout ça, ça suppose d'avoir un tout petit peu de temps pour le dire, et d'aller à la rencontre des citoyens pour le partager avec eux.
DAVID MALLE
Etre à portée de baffes, c'est ce que vous faites depuis maintenant six réunions, c'était la sixième, j'imagine qu'on vous pose des questions sur les éoliennes, la méthanisation, la qualité de l'eau, un petit peu tout, vous en tirez quoi, vous, individuellement, au-delà de présenter votre plan ?
CHRISTOPHE BECHU
D'abord il y a cette part de débat. Après, hier c'est un peu plus de 2000 personnes qui finalement dans ces six premières réunions se seront pressées, et je vais continuer à en faire une par semaine, j'allais dire presque jusqu'à l'été prochain, donc je suis au début de quelque chose qui va durer. Mais, il y a un autre temps que je fais, à chaque fois, c'est d'aller voir des bonnes pratiques ou des choses dont on peut s'inspirer, parce que ce n'est pas comme si tout commençait maintenant. Il y a, depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans, des initiatives, des territoires qui vont plus vite, sur la collecte des déchets, sur la sensibilisation des enfants, sur les énergies renouvelables, hier à Sorigny, dans une commune de petite taille, vous avez un pôle autour de l'hydrogène, vous avez une benne à ordures ménagères hydrogène, vous avez une station qui va se monter, des gens qui y croient, qui sont en train d'innover et d'insister là-dessus. Et, quand on dit que l'écologie rassemble, dans quelques minutes, après être passé chez vous, je vais avoir l'occasion d'avoir une réunion de travail sur les RER métropolitains.
DAVID MALLE
Alors justement, vous y venez. Vous venez en voisin ici en Touraine, vous l'ancien président du Conseil départemental du Maine-et-Loire, vous l'ancien maire d'Angers, Angers c'est la même taille que la ville de Tours, et pourtant à Angers il y a déjà trois lignes de tram, Tours une seule, toutes les peines du monde à en construire une deuxième, vous dites quoi à Frédéric AUGIS que vous allez voir dans quelques instants, « bougez-vous les Tourangeaux » ?
CHRISTOPHE BECHU
Je dis que, un des atouts, du Maine-et-Loire et d'Angers, ça a été que les collectivités locales elles ont tiré dans le même sens en même temps.
DAVID MALLE
Ah oui, et donc là ce que vous êtes en train de dire en creux c'est que ce n'est pas le cas ici à Tours ?
CHRISTOPHE BECHU
Et qu'entre le département, l'intercommunalité, la ville centre, tout le monde s'est aligné, il n'y a pas eu de bisbille, et tout le monde a considéré qu'il fallait pousser dans le même sens, et une fois qu'il y a eu des décisions, parce qu'il pouvait y avoir des choix différents, pour les tracés, pour les priorités, tout le monde a tiré dans le même sens. Ce que je constate c'est que précisément sur le RER métropolitain il y a une union sacrée, de toutes les familles politiques, de tout le monde, de tous les territoires, pour dire ça, ça peut être une fantastique occasion pour nous d'accélérer sur les questions écologiques, avec un maire écologiste, avec un président de métropole divers droite, avec une présidente de département qui s'inscrit dans cette même famille, donc on y va, on fait en sorte collectivement de tirer dans le même sens, et que l'écologie ça apporte des réponses aux gens, des solutions concrètes, et que ça nous permette de nous réunir.
(…) Coupure Pub
DAVID MALLE
Christophe BECHU, il y a quelques secondes, vous venez de nous dire pour le RER métropolitain, ce qui est bien c'est que tout le monde tire dans le même sens. On comprend ça n'a pas toujours été le cas. Est-ce que vous pouvez nous le dire ? On est entre nous avec les auditeurs de France Bleu Touraine : c'est bon, Tours est dans la short-list pour le RER métropolitain.
CHRISTOPHE BECHU
David MALLE, je comprends, c'est très habile. D'abord vous commencez par m'amadouer avec Astérix et maintenant vous me demandez à la fin de vous donner un peu de potion magique pour le territoire. Pour être très clair…
DAVID MALLE
Je peux faire le barde si vous le souhaitez.
CHRISTOPHE BECHU
Je l'entends et je n'en doute pas, il est un peu tôt pour ça en tout cas. Pour être très clair, dans quelques jours on devrait d'abord avoir la loi qui permet de créer ces RER métropolitains. Le Sénat l'a voté seulement le 24 octobre. On est donc aujourd'hui en navette et donc je viens ce matin pour constater un projet qui s'inscrit pour faire partie de la première vague. Cette vague, elle va être en gros annoncée dans les six mois. On va préciser les modalités, la façon dont les choses se passent et clairement, Tours a des atouts. Son étoile ferroviaire avec une réalité existante de rail ; sa volonté politique alors même qu'il y a un an et demi, au moment où un groupe d'experts et d'élus locaux, dans le cadre du comité d'orientation des infrastructures, avait dessiné la France qui était souhaitable, Tours n'était pas sur la carte. Et il y a eu cette mobilisation de l'intercommunalité, de la métropole et de la ville-centre pour dire " on est là et on veut en être ". Et cette mobilisation, elle a conduit à ce que Tours, en l'espace de quelques mois, rattrape des territoires qui, eux, étaient en avance et qui avaient pris position. Donc incontestablement, il y a des atouts. Ensuite, je vous dis il faut d'abord que la loi soit définitivement votée. Ça devrait être le cas en novembre. Et ensuite, il y a ce petit processus classique : on a combien de candidats en vrai sur la table à la fin et avec quel calendrier de réalisation
DAVID MALLE
Donc on a bien compris, vous venez constater l'avancée du projet tourangeau, Vous n'êtes pas là pour nous dire aujourd'hui " c'est bon, Tours fera partie des treize, quinze villes qui sont soutenues par l'Etat ", parce qu'il y aura des fonds de l'Etat pour permettre ces RER métropolitains. On va changer de sujet, Christophe BECHU. Dans le journal de 7 heures, le représentant des promoteurs immobiliers de la région Centre demandait à ce qu'on ralentisse sur les exigences environnementales dans le bâtiment au regard du marché immobilier. Alors en tant que ministre de la Transition écologique, est-ce que vous êtes prêt, vous, à ralentir le rythme pour limiter la crise du logement ?
CHRISTOPHE BECHU
On a une crise du logement, c'est incontestable, avec une difficulté mais qui n'est pas d'abord provoquée par l'écologie, qui est liée au fait qu'on a des taux d'intérêt qui augmentent et le prix de la construction qui augmente. Donc quand vous pouvez emprunter moins d'argent et que ça coûte plus cher, forcément vous avez moins de gens qui se portent acquéreurs. La crise du logement, elle n'est pas qu'en France. Les deux éléments que je viens de vous donner, qui sont pour partie alimentés par la guerre en Ukraine, ça existe dans tous les pays européens et on n'a pas partout les mêmes exigences environnementales. En Allemagne, il y a une crise du logement ; en Angleterre, il y a une crise du logement ; en Italie, il y a une crise du logement et ailleurs, il n'y a pas les mêmes règles. Donc qu'on arrête de vouloir faire porter à l'écologie le chapeau de la difficulté qu'on rencontre. Pourquoi ? Parce que dans le même temps, c'est quoi ces fameuses exigences écologiques ?
DAVID MALLE
C'est par exemple l'interdiction de la location de passoires énergétiques.
CHRISTOPHE BECHU
Non mais ce que je veux dire, c'est que c'est d'essayer de tenir compte de ce qu'on est en train de vivre. Donc vous avez à la fois des normes pour tenir compte des catastrophes naturelles. Je vous donne un exemple : on a des millions de Français qui sont potentiellement concernés par du retrait gonflement d'argile. Est-ce qu'il faut arrêter ?
DAVID MALLE
Et c'est le cas chez nous en Touraine.
CHRISTOPHE BECHU
Mais je le sais, c'est pour ça que je vous le dis. Donc poser des exigences écologiques et environnementales pour dire que dans la manière de construire, il faut qu'on évite de se retrouver à pouvoir exposer une maison à ça, ce n'est pas une façon de lutter contre la crise du logement, ce serait une façon d'exposer demain des gens à des crises écologiques. Les passoires énergétiques, j'entends des gens me dire " vous vous rendez compte, il y a beaucoup de travaux à faire, on a des propriétaires qui vont avoir du mal à les faire ". J'aimerais juste qu'on pense aux locataires de ces passoires. Qui paye les factures énergétiques de ces lieux dans lesquels on chauffe le dehors ? Les locataires.
DAVID MALLE
Donc non, on ne reporte pas l'obligation faite aux bailleurs d'interdire la location des passoires énergétiques.
CHRISTOPHE BECHU
Je vous le confirme. Nous avons un calendrier auquel nous tenons. En revanche, on crédibilise le fait d'accompagner ceux qui en ont besoin. C'est 1,6 milliard d'euros complémentaire de soutien aux aides à la rénovation écologique des logements, c'est 40% d'augmentation de ces crédits, c'est un objectif de pouvoir accompagner 700 000 propriétaires au titre de l'année 2024. Ce n'est pas rien. On a une crise, il y a des réponses qui ont été apportées encore récemment, d'autres le seront. Mais n'allons pas faire de l'écologie le bouc émissaire de ce qui ne va pas.
DAVID MALLE
Merci Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, d'avoir été notre invité ce matin sur France Bleu Touraine.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 octobre 2023