Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
La dernière fois que je me tenais devant vous, ici à Doha, au mois de juin dernier, j'avais dit que ce qui relie la France et le Qatar, c'est une volonté commune de faire oeuvre utile. La situation alors était bien différente, tout autre, et je crois que ceci est d'autant plus vrai, aujourd'hui nous voulons faire oeuvre utile.
Depuis le 7 octobre et l'attaque terroriste massive et abominable que le Hamas a décidé de perpétrer contre Israël, la situation dans cette région du monde est extrêmement préoccupante.
C'est sur cela, bien entendu, que je suis venue échanger avec mon homologue Cheikh Mohammed Al-Thani, et avec Son Altesse l'Emir, qui m'a fait l'honneur de me recevoir ce matin. Je l'en remercie.
Le Qatar, bien évidemment, a un rôle important à jouer, personne n'en doute, et nous comptons sur lui pour l'exercer dans ces moments qui sont des moments si difficiles, et même, des moments dangereux.
En premier lieu, l'urgence est humanitaire.
Elle est de répondre aux besoins des populations civiles à Gaza. D'y répondre davantage et de manière durable. Quelques camions franchissant le point de passage de Rafah ne suffisent pas. C'est utile, mais cela ne répond pas aux besoins, qui sont immenses. Et disons-le, ce n'est pas à la hauteur de la situation : il faut collectivement faire davantage, et vite. Nous avons collectivement la responsabilité de répondre fortement à la catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux et de le faire maintenant, sans plus attendre.
L'accès doit être donc facilité, facilité de toute urgence. C'est pour cette raison qu'une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, est absolument nécessaire. Elle doit pouvoir mener à un cessez-le feu. Vous savez qu'un consensus a été trouvé sur ce point au sein de la communauté internationale, qui a entériné la résolution présentée le 26 octobre par la Jordanie à l'Assemblée générale des Nations unies. La France a voté en faveur de cette résolution et a soutenu, donc, cette vision, comme vous le savez. Il faut désormais que le Conseil de sécurité soit à la hauteur de ses responsabilités et adopte un texte. Nous y travaillons avec nos partenaires, notamment avec le Brésil, et d'autres pays bien sûr.
Par ailleurs, pour avancer sur ce volet humanitaire et répondre mieux à cette urgence, la France organisera, le 9 novembre à Paris, au Palais de l'Elysée, une Conférence humanitaire internationale pour la population civile de Gaza, avec ses principaux partenaires régionaux et internationaux et les agences des Nations Unies également. Il s'agira d'apporter une réponse aux besoins, aux besoins de protection de la population civile palestinienne à Gaza, avec trois objectifs : premièrement, des actions en faveur du respect du droit international humanitaire, de la protection des civils et du personnel humanitaire, ainsi que du renforcement, bien nécessaire, de l'accès humanitaire ; deuxièmement, apporter aussi une réponse humanitaire dans les secteurs clés de la santé, de l'eau, de l'énergie et de l'alimentation ; et troisièmement enfin, un appel à la mobilisation concrète en faveur de tous les civils de Gaza.
Donc je veux à nouveau souligner un point que nous rappelons régulièrement et je le redis très clairement : la lutte contre le terrorisme doit être menée conformément au droit international humanitaire. C'est une obligation internationale, c'est une obligation morale, vous l'avez rappelé également : une obligation de protéger les civils. Trop d'entre eux meurent dans les frappes sur Gaza. Et en particulier les écoles, les hôpitaux, les personnels humanitaires, les journalistes aussi doivent être préservés. La population civile palestinienne n'a pas à payer les crimes du Hamas. Le président de la République l'a dit lorsqu'il s'est rendu récemment dans la région : une vie est une vie. La vie d'un innocent vaut la vie d'un autre innocent, et toute perte de vie civile est une tragédie. Israël doit donc faire tout son possible pour protéger la vie des civils, et des mesures concrètes à cette fin sont attendues, car cela ne peut pas durer ainsi.
Mais il faut rappeler aussi que l'utilisation d'infrastructures civiles comme sites militaires constitue également une violation du droit international, et mérite d'être condamnée tout autant. Nous le faisons tous, comme nous avons été nombreux et nous l'avons fait, à condamner les violences inacceptables commises par les colons en Cisjordanie, violences qui doivent cesser.
Outre cette urgence humanitaire, il y a une deuxième urgence, qui est tout aussi impérieuse : elle est d'éviter un embrasement dans la région. La France agit depuis le premier jour en ce sens, avec d'autres. Je me suis rendue, comme d'autres, dans la région, et notamment au Liban, pour le dire de manière très claire : aucun groupe, aucun groupe ne doit penser qu'il pourrait tirer parti de la situation. Nous avons eu également un échange approfondi ici à Doha sur ce sujet. Nous poursuivrons nos efforts, dans l'intérêt de tous, et je dis bien dans l'intérêt de tous.
Et l'on voit, en particulier, que certains en dehors du monde arabe semblent vouloir que le chaos se développe. Ils espèrent sans doute attirer les regards loin de leurs propres actions, de leurs propres actions de déstabilisation ou d'agression. Et je dois dire qu'entendre l'Iran ou la Russie donner des leçons de morale, eux qui ont brisé tant et tant de vies arabes en Syrie, ou brisé tant de vies ailleurs, est particulièrement révoltant et absolument cynique.
Alors que certains croient bon aussi de laisser planer une menace de guerre totale, la France ne ménagera donc aucun effort pour éviter l'embrasement.
Eviter l'embrasement, qui pourrait devenir incontrôlable, mais aussi restaurer une perspective de paix. C'est le troisième volet de ce que nous devons collectivement faire.
Nous en avons reparlé aujourd'hui : il faut un horizon politique. Les Palestiniens ont le droit de vivre en paix. La France soutient résolument leurs aspirations à disposer d'un Etat et à vivre en paix et en sécurité, tout comme elle soutient le droit d'Israël à vivre en paix et en sécurité. C'est une position constante de la France que de rappeler que la seule solution viable est la solution à deux Etats, vivant côte à côte, en paix et en sécurité.
Il est urgent, il est même indispensable, de rappeler cette vérité que certains avaient peut-être oubliée, et de restaurer un horizon politique. Et même, de travailler avec coeur pour recréer les conditions d'une solution politique, seul moyen, je le répète, seul moyen de répondre aux aspirations légitimes des uns et des autres et d'assurer durablement la paix dans la région.
Et depuis le 7 octobre, nous le disons : le Hamas ne représente pas l'ensemble du peuple palestinien. Et l'Autorité palestinienne doit également être confortée, comme le Président de la république l'a fait en se rendant il y a quelques jours à Ramallah.
C'est pourquoi la France continuera d'oeuvrer à restaurer cet horizon politique, selon des paramètres clairs, qui sont connus et qui sont simples : la sécurité pour Israël, et un Etat pour les Palestiniens, formant un tout indissociable. La France appelle toutes les bonnes volontés à travailler en ce sens, sans attendre.
Et enfin, je souhaite remercier bien sûr le Qatar, les efforts qui sont les siens pour assurer la libération de tous les otages, comme pour assurer la sortie en sécurité de Gaza des étrangers qui s'y trouveraient, et notamment, mais pas seulement, et notamment des Français, ainsi que des personnes les plus vulnérables. Nous apprécions hautement ces efforts, nous travaillons de près en ce sens. Et bien sûr ces sorties doivent reprendre. Elles ont été interrompues hier, elles doivent reprendre, c'est un impératif humanitaire que je voulais également rappeler.
Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 novembre 2023