Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de l'Economie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique. Merci de répondre à mes questions ce matin, elles sont nombreuses. Sur les prix bien sûr, sur le volet économique de la Loi immigration. Inflation, d'abord : est-ce que c'est derrière nous ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, la crise inflationniste est derrière nous, je vous le confirme. Nous avons une crise inflationniste qui a démarré fin 2021, qui ensuite a explosé avec la guerre en Ukraine. On a atteint des niveaux d'inflation de plus de 6%. Aujourd'hui, l'inflation elle vient de repasser à 4%, et elle devrait retomber à 2,6% en 2024. Qu'est-ce que ça veut dire ? D'abord, ça veut dire que malgré tout ça reste difficile pour beaucoup de nos compatriotes. Les prix alimentaires continuent à rester élevés, il y a encore une inflation sur les produits alimentaires, qui reste élevée, même si elle ralentit, elle est freinée, comme je l'avais promis. La deuxième chose que ça veut dire, c'est que nous avons réussi à sortir de cette crise inflationniste, en deux années, là où dans les années 70 il avait fallu 10 ans. Donc, nos politiques économiques, françaises et européennes, ont été efficaces. Et la troisième conclusion qu'il faut tirer de cette crise, c'est que là où le niveau des prix était le plus bas dans tous les pays européens, c'est en France. Donc les décisions qui ont été prises par le président de la République, par le gouvernement, pour amortir le choc inflationniste, elles ont été particulièrement efficaces, notamment grâce au bouclier sur le prix du gaz et le prix de l'électricité.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a plein de choses dans ce que vous dites. Pour autant, effectivement, la vraie question, c'est : quand est ce que les prix vont baisser ou en tout cas vont arrêter de monter ? On va y revenir. Mais il y a quand même un mot que vous avez dit, vous avez dit " comme je l'avais promis ", enfin, vous l'aviez quand même promis un peu plus tôt puisque je me souviens que vous nous aviez un peu déjà fait le coup – pardon – mais vous nous aviez dit que le pire de l'inflation serait en juin 2022.
BRUNO LE MAIRE
Apolline de MALHERBE, on peut toujours chipoter sur les dates. Moi, ce que je constate…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce coup-ci c'est sûr.
BRUNO LE MAIRE
Ce que je constate, c'est un, eu 2 ans, nous avons réussi à maîtriser la crise inflationniste la plus grave depuis les années 70. C'est un succès national et européen. Deux, aucun pays en Europe, aucun, n'a plus protégé ses compatriotes que la France. Nous n'avons pas été exposés à des taux d'inflation de 16, 20 ou 25%, comme cela a été le cas dans d'autres pays européens. Et trois, nous sortons, comme je m'y étais engagé à l'automne, de la crise inflationniste. Nous sommes passés de 4,9 à 4% de niveau d'inflation, 2,6 l'année prochaine. Mais pour autant, on ne relâche pas notre effort. Regardez le projet de loi que nous venons de faire adopter, sans 49.3, avec Olivia GREGOIRE, à l'Assemblée nationale et au Sénat, qui anticipe d'un mois les négociations commerciales. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que la baisse des prix de gros sur le blé, sur l'huile, pourra être répercutée plus tôt sur les prix alimentaires. Donc je vous rassure et je rassure nos téléspectateurs, avec Olivia GREGOIRE, avec l'ensemble des ministres concernés, nous continuons à nous battre pour faire baisser les prix le plus vite possible, pour le consommateur.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, rentrons un peu dans le dur effectivement, et dans cette guerre des prix. Vous le disiez, ça fait quelques temps que vous promettez, et que vous le négociez, y compris avec les parlementaires, hier l'Assemblée nationale et le Sénat se sont mis d'accord. On s'en souvient maintenant, on connaît par coeur comment ça fonctionne, y compris avec la grande distribution. En gros, pour fixer les prix, il y a une négociation, cette négociation commerciale, entre les grands industriels de l'agroalimentaire et la grande distrib, normalement c'est le 1e mars, la date butoir. Vous l'avancez de 29 jours.
BRUNO LE MAIRE
On l'avance d'un mois.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui.
BRUNO LE MAIRE
C'est important un mois de hausse des prix. On ne peut pas me dire d'un côté, que lorsque les prix alimentaires augmentent de 7 ou 8% sur un mois par rapport au mois de l'année précédente, c'est dramatique. Et puis me dire de l'autre, qu'on n'est pas à un mois près. Si, les consommateurs, les ménages, sont à un mois près, et si…
APOLLINE DE MALHERBE
On est à un mois près. Mais, est-ce que…
BRUNO LE MAIRE
Si votre paquet de pâtes, votre litre d'huile, ou vos produits alimentaires peuvent baisser plus vite, même d'un mois, eh bien moi je prends ce mois et je me bats pour ce mois.
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais on est bien d'accord, qu'on est à un mois près, mais le problème c'est : est-ce que ce sera un mois de baisse ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr, mais l'objectif…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire est-ce qu'on est sûr que cela va entraîner des baisses ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais être très clair et très précis. L'objectif, c'est bien de faire baisser le prix d'un certain nombre de produits. Ce n'est pas revenir…
APOLLINE DE MALHERBE
Lesquels ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas revenir aux prix d'avant. Soyons très clairs. On ne va pas revenir aux prix d'avant la crise inflationniste. Pourquoi ? Eh bien parce qu'entre 21 et 2023, vous avez les prix de production qui ont augmenté, les coûts de l'énergie qui ont augmenté, les salaires qui ont augmenté aussi. Donc ça se répercute forcément sur les prix que vous avez dans les rayons. Mais l'objectif, c'est que par rapport à aujourd'hui, vous ayez sur les pattes, sur les huiles, sur les volailles, sur un certain nombre de produits alimentaires, sur les produits pour animaux, l'alimentation pour les animaux, que vous ayez des baisses qui correspondent à la baisse sur les marchés.
APOLLINE DE MALHERBE
" Tous les tarifs que nous recevons pour entamer ces négociations sont à la hausse ", voilà ce que dit Michel-Edouard LECLERC. Il dit que 8 groupes de l'industrie alimentaire sur 10 leur demandent des prix à la hausse, et ils demandent entre 6 et 10% de hausse. Je ne vois pas du coup comment, mécaniquement, vous arrivez à la baisse.
BRUNO LE MAIRE
Mais vous connaissez beaucoup de négociations qui commencent par un accord ? Non. Ça commence par un désaccord.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est de la négo, quoi.
BRUNO LE MAIRE
C'est normal, c'est de la négo.
APOLLINE DE MALHERBE
D'accord.
BRUNO LE MAIRE
Et donc le distributeur va dire…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc DANONE arrive, et il dit : " je te vends mon yaourt 10% de plus ", et puis LECLERC arrive et il dit " eh bien non, ça sera 2 " …
BRUNO LE MAIRE
C'est leur sujet. C'est à eux de négocier et c'est à eux de répercuter sur les prix des produits, les baisses que l'on constate sur les marchés. Moi je n'ai aucun doute que, au bout de cette négociation, il y aura effectivement des prix qui vont baisser et qui baisseront plus tôt, grâce à l'action d'Olivia GREGOIRE, grâce à l'action des parlementaires. Et au passage, je me félicite que sur des sujets qui sont d'intérêt général, baisser les prix, lutter contre l'inflation, on soit capable de dépasser les querelles politiques et nous soyons capables de trouver facilement un accord à l'Assemblée nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a beaucoup de questions qui demeurent sur la constitution du prix, sur l'action de la transparence, je vais y revenir, mais j'aimerais d'abord que vous écoutiez la question de Nadia ZIANE, elle est directrice consommation pour Familles rurales, l'association de consommateurs. Et précisément, elle était mon invitée sur RMC ce matin, elle savait que vous viendriez. Elle estime qu'il y a encore beaucoup trop de marges. Ecoutez.
NADIA ZIANE
Aujourd'hui on sait, ce n'est pas nous qui le disons, c'est l'Autorité de la concurrence, c'est le FMI, que la crise a profité à certains géants industriels notamment, qui ont réalisé des profits excessifs. Dans le même temps, on a un consommateur sur deux qui aujourd'hui renonce à certains produits faute de moyens. Donc, ce qu'on dit au ministre, c'est : taxons ces produits excessifs pour permettre le financement, pourquoi pas d'une allocation alimentaire, qui permettrait à ces familles qui sont aujourd'hui exclues d'une alimentation saine, de pouvoir de nouveau remplir leurs paniers, conformément aux préconisations de santé publique.
APOLLINE DE MALHERBE
Envisageable ?
BRUNO LE MAIRE
Non, parce que les marges excessives, on les récupère déjà. On les a récupérées sur les énergéticiens, on les a récupérées sur toutes les grandes entreprises dont on estimait qu'elles avaient fait des surprofits, qui étaient liés à l'inflation. Mais taxer, taxer, taxer, ce n'est pas la bonne solution. Parce que si vous taxez un certain nombre d'entreprises, les produits aussi vont être plus chers et tout le monde sera perdant.
APOLLINE DE MALHERBE
Du côté justement de la transparence, parce que c'est une autre question qui est portée par les associations de consommateurs, ils disent : il faudrait imposer une transparence, qu'on sache vraiment d'où vient la hausse. Est-ce que ça vient du prix du départ, de la production ou est-ce qu'en fait cela vient de la marge ? Pourquoi vous ne demandez pas cette transparence totale ?
BRUNO LE MAIRE
Mais la transparence, nous la faisons. Moi, j'ai toujours dit que j'étais prêt à faire la transparence, et que nous la ferons sur les niveaux de marges qui peuvent être faits. Vous avez un office qui s'occupe de la transparence sur les marges. Nous avons demandé de le faire sur les produits agricoles parce qu'ils sont évidemment fondamentaux pour nous et fondamentaux pour nos agriculteurs. Donc moi, je suis tout à fait favorable à la transparence, favorable à ce qu'on s'assure que les marges restent raisonnables. Mais au bout du compte, quand vous avez une crise inflationniste, que des prix du gaz, du pétrole, l'électricité, flambent, que pour les PME c'est très difficile, que cela devient très coûteux de produire, forcément, ça se répercute sur le prix. Et ma responsabilité de ministre de l'Economie, a été pendant 2 ans de revenir à un niveau d'inflation raisonnable. Nous y sommes. Donc, le contrat, j'estime qu'il a été rempli par l'ensemble des pays européens. Il ne faut pas relâcher la pression. Et tant qu'on ne sera pas autour de 2% d'inflation, on ne sera pas satisfait.
APOLLINE DE MALHERBE
Et je précise d'ailleurs qu'il y a eu aussi le témoignage ce matin sur RMC, d'Eddy, qui est boulanger dans la Saône-et-Loire et qui disait : " Les prix de la production ont baissé au départ sur la matière première ". Oui, lui il fait une économie cette année de 3 000 € sur le prix du blé, sur le prix de la farine, mais les prix de l'électricité ont augmenté de 15 000 € pour lui, pour sa seule boulangerie. Donc effectivement, l'équilibrage est difficile.
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr. Mais vous voyez bien que l'équilibre il est à trouver entre le producteur, le consommateur, la PME, l'agriculteur. Donc, c'est trop facile de dire qu'au bout du compte, il faut que le prix soit le plus bas possible pour le consommateur. Oui, il faut que les prix soient répercutés à la baisse. C'est mon combat. Mais oui, il faut aussi que les producteurs puissent vivre, que le boulanger puisse vivre, que l'agriculteur qui produit du lait ou qui fait de la viande puisse vivre de son travail. C'est cet équilibre là qu'il faut trouver et dont je suis le garant.
APOLLINE DE MALHERBE
Après, il y a deux points que je ne comprends pas du tout. L'un d'abord, c'est pourquoi vous interdisez les promos, les super promos sur les produits d'hygiène ? Je ne comprends pas.
BRUNO LE MAIRE
Mais connaissez ma position. C'est un choix qui a été fait par le Parlement, à l'unanimité.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais enfin, par le Parlement, par votre famille politique, par Renaissance.
BRUNO LE MAIRE
C'est un choix qui a été fait à l'unanimité par le Parlement. Moi je respecte le Parlement.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est n'importe quoi.
BRUNO LE MAIRE
Ça s'appelle la proposition de loi Descrozaille, pour être tout à fait précis, qui limite les promotions, pour être là aussi tout à fait précis, à 34 % sur les produits d'hygiène. Si le Parlement veut revenir sur cette décision, ils connaissent l'avis du ministre de l'Economie et des Finances, c'est un avis qui est favorable. Mais le rôle du ministre de l'Economie et des Finances n'est pas d'aller contre le Parlement, qui s'est exprimé à l'unanimité sur ce sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous espérez donc qu'il retrouve la raison, en quelque sorte…
BRUNO LE MAIRE
J'espère que dans sa grande sagesse…
APOLLINE DE MALHERBE
... et qu'il remette en cause cette loi Descrozaille.
BRUNO LE MAIRE
... le Parlement comprendra que sur les produits d'hygiène, ça peut être les déodorants, ça peut être les shampoings, ça peut être les savons, nous avons…
APOLLINE DE MALHERBE
On sait que les Français se privent sur les produits d'hygiène aujourd'hui.
BRUNO LE MAIRE
Je le sais bien, mais à nous de convaincre le parlement qui, je le rappelle, a voté cette disposition à l'unanimité…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est pour protéger qui ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que derrière il peut y avoir des PME aussi de l'hygiène, qui vous diront " on est une petite PME, on ne s'en sort pas, les coûts de production sont trop élevés ". Moi, je rappelle juste que quasiment 80% de ces produits sont réalisés par des multinationales, que donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Voilà, c'est ce que j'allais vous dire, c'est que…
BRUNO LE MAIRE
... nous avons intérêt, c'est la position que je défends, mais le ministre doit trouver un équilibre entre sa position qu'il défend et le Parlement qui vote la loi. Le Parlement s'est exprimé.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais bon, s'ils rouvrent cette discussion, et s'ils remettent en cause cette loi, ils vous trouveront.
BRUNO LE MAIRE
S'ils rouvrent cette décision, ma position elle est, comme sur quasiment tous les sujets, constante.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur le carburant…
BRUNO LE MAIRE
Je souhaite qu'on puisse avoir les prix les plus bas possible sur les produits d'hygiène, et donc que ce plafonnement à 34 % de promotions, on puisse le faire sauter.
APOLLINE DE MALHERBE
Que vous puissiez le faire sauter. Bruno LE MAIRE, le carburant, Michel-Edouard LECLERC, encore lui, dit : " On vend à prix coûtant ". On se souvient évidemment du psychodrame sur la vente à perte, finalement, qu'ils ont tous refusée, qui était demandé par Elisabeth BORNE. Mais ils ont tous accepté de faire un effort en vendant à prix coûtant. Ils disent : « Oui, mais pendant ce temps-là, TOTAL ne vend pas du tout à prix coûtant. L'essence chez TOTAL aujourd'hui, elle est 15 centimes de plus le litre, que chez LECLERC ou chez SUPER U.
BRUNO LE MAIRE
Oui mais arrêtons de renvoyer tout le monde, parce que ça c'est le…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, enfin, on voudrait bien, TOTAL il maîtrise toute la chaîne. Pourquoi ils ne font pas plus d'efforts ?
BRUNO LE MAIRE
Non mais c'est la querelle permanente. C'est untel a fait ceci, untel a fait cela. Moi, j'ai un rôle de garant de l'équilibre économique, de protection du consommateur. Et ce rôle de garant…
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien justement, si on pouvait faire baisser de 15 centimes TOTAL…
BRUNO LE MAIRE
Non mais je regarde ce que font chacun. Les distributeurs, ils ont fait des opérations à prix coûtant, plusieurs milliers d'opérations à prix coûtant. Tant mieux. Bravo, c'est ce qu'il faut faire. Et TOTAL de son côté, fait un plafonnement à 1,99 €, qui est garanti. Mais, là aussi je dis bravo. Parce que si demain le conflit s'étend au Proche-Orient, que le prix du Baril explose et que le prix des carburants repasse au-dessus de 2 €, eh bien on sera bien content d'avoir un grand industriel, producteur français, qui s'appelle TOTAL, qui a décidé dans toutes ses stations, de plafonner le prix du litre de carburant à 1,99 €. Donc arrêtons ce petit jeu très français qui consiste à renvoyer systématiquement la balle sur l'un ou l'autre, à critiquer systématiquement les uns ou les autres. Travaillons dans la même direction. La même direction, c'est protéger l'intérêt du consommateur, c'est se rassembler pour faire baisser les prix, c'est apporter des garanties. Chez les distributeurs, ce sera la vente à prix coûtant. Chez TOTAL, ce sera le plafonnement à 1,99 €. Eh bien, ce travail, ensemble, c'est plus efficace.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez évoqué le conflit au Proche-Orient. Ça pourrait avoir un impact sur les prix.
BRUNO LE MAIRE
Mais, on sait bien que tant que le conflit reste un conflit local, aussi dramatique soit-il, l'impact économique est limité. Si demain le conflit devait devenir un conflit global, nous serions exposés à un troisième choc économique après le choc du Covid et après le choc inflationniste. Et ça a été tellement dur, ces deux chocs, le Covid et le choc inflationniste, que nous devons tout faire pour prévenir un troisième choc économique lié à l'embrasement de la situation au Proche-Orient.
APOLLINE DE MALHERBE
Et là pour le coup, c'est la casquette de l'ancien diplomate aussi qui parle. Bruno LE MAIRE, un mot sur le label ISR, alors ça ne parle pas à grand monde, mais honnêtement, c'est très important, notamment pour les écolos. C'est un label que vous estampillez à Bercy sur les fonds d'investissement dits vertueux. Et jusqu'à présent, on pouvait quand même investir dans l'hydrocarbure et avoir ce label vert. Est-ce que vous allez y mettre fin ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, on va modifier le label ISR, et j'ai pris la décision de modifier ce label. Mais ça ne concerne pas que les écolos, ça nous concerne tous. Ça concerne tous ceux qui, comme vous, comme moi, comme ceux qui nous écoutent, sont inquiets du réchauffement climatique et veulent que nous prenions des décisions qui soit fortes, crédibles et simples. Nous avons mis en place en 2016 un label investissement socialement responsable, qui garantit à l'épargnant que lorsqu'il confie son argent à un fonds d'investissement, le fonds d'investissement ira investir dans un investissement qui est bon pour la planète, bon pour le climat. Ça peut être des énergies renouvelables, ça peut être de l'hydrogène vert, ça peut être des batteries électriques. Mais ce label, il n'était pas suffisamment strict, donc il perdait en crédibilité. Donc j'ai pris la décision que ce label ISR ne pourra plus être accordé à un investissement dans un nouveau projet de pétrole, de gaz, de charbon, pour garantir que ce label est effectivement écologiquement et socialement responsable. Rien n'est pire que donner le sentiment aux épargnants ou à nos compatriotes, que l'on met une estampille verte, et en fait, derrière, il y a des activités brunes. Donc j'ai simplement voulu garantir la crédibilité de ce label. Désormais, on ne pourra plus financer sous ce label des investissements dans le pétrole, le gaz ou charbon.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, les prix de l'assurance. Vous aviez demandé aux assureurs de maîtriser ces prix. Et voilà qu'après déjà des hausses l'année dernière, eh bien le patron d'AXA ce matin, nous dit que ça va augmenter. Le patron d'AEMA, c'est les assurances MACIF, ABEILLE, OFI INVEST, il dit : " L'inflation, ce ne sera que le plancher pour l'année à venir. Les prix vont exploser dans l'assurance, l'assurance auto, l'assurance habitation, toutes les assurances ". Qu'est-ce que vous leur dites ?
BRUNO LE MAIRE
Je leur dis qu'il faut qu'ils tiennent leurs engagements, que je veillerai à ce que leurs engagements soient respectés.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous allez faire comment ?
BRUNO LE MAIRE
Je prends l'exemple d'AXA. AXA a fait deux engagements qui me paraissent très importants, c'est que les tarifs augmentent moins que ce que leur coûte la réalité des sinistres. Et la deuxième chose, c'est qu'ils fassent des tarifs particuliers pour les moins de 30 ans et pour les personnes qui sont les plus fragiles, qui ont les revenus les plus modestes. Moi je salue ces engagements d'AXA. Et engagements pris, engagements tenus. Sinon, vous me parliez de transparence tout à l'heure, on fera la transparence sur les tarifs. La deuxième chose...
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand vous dites " je veillerai ", ça veut dire quoi ? Vous direz : Ce n'est pas bien " ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais juste vérifier, avec l'ensemble de mes équipes, que pour les moins de 30 ans qui souscrivent une prime d'assurance chez AXA, comme AXA a dit qu'ils feront des choses qui sont positives pour les moins de 30 ans…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si le reste, pour tous les autres, explose de 8%, de 10% ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien dans ce cas-là, il y a quelque chose qui est tout à fait formidable, qui s'appelle la concurrence, vous pouvez aller chez le voisin. Nous montrerons que les engagements ne sont pas tenus s'ils ne le sont pas, mais je fais confiance à AXA pour tenir ses engagements. Et aujourd'hui, grâce aux mesures que nous avons prises, il est très simple de changer d'assurance. La deuxième chose que je veux souligner, est un problème beaucoup plus global, c'est que de toute façon, tous les assureurs sont confrontés à un défi considérable qui est à nouveau ce défi climatique. Assurer un sinistre…
APOLLINE DE MALHERBE
J'allais y venir avec la tempête.
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Assurer un sinistre qui est possible, ça c'est le rôle des assureurs. Mais lorsqu'il faut assurer des sinistres qui sont certains ou des catastrophes climatiques qui deviennent certaines, eh bien forcément le coût des primes d'assurance explose, ça pose un problème systémique. Regardez des phénomènes de " retrait gonflement argile ", qui menacent aujourd'hui des millions de maisons…
APOLLINE DE MALHERBE
Les fondations des maisons.
BRUNO LE MAIRE
Regardez le problème des traits de côtes, regardez le problème de cette tempête terrible que nous venons de vivre, notamment en Bretagne et dans le Nord de la France. Regardez la multiplication des phénomènes d'inondations. Comment est-ce que vous faites pour assurer un pays et ses citoyens face au réchauffement climatique ? J'ai lancé une mission sur ce sujet. Elle rendra ses conclusions à la fin de l'année, début de l'année prochaine, pour que nous regardions comment maintenir la soutenabilité financière des assurances face au changement climatique, sans que cela fasse exploser les primes d'assurances de nos concitoyens.
APOLLINE DE MALHERBE
Et précisément, sur cette question-là, les tempêtes des derniers jours. Est-ce que demain, en Conseil des ministres, l'état de catastrophe naturelle sera véritablement obtenu ?
BRUNO LE MAIRE
Pour tous les lieux où il y a eu des inondations, comme l'a dit le président de la République, il peut y avoir le régime de catastrophe naturelle.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ce sera décidé demain ?
BRUNO LE MAIRE
Moi j'ai rencontré hier tous les assureurs qui sont concernés, je peux vous dire aujourd'hui qu'il y a eu 120 000 demandes d'indemnisation qui ont été déposées chez les différents assureurs que j'ai rencontrés, que ce soit AXA, CREDIT AGRICOLE, GROUPAMA ou d'autres. Donc, on en est à 120 000. Il y a encore sans doute beaucoup de demandes qui n'ont pas été faites, tout simplement parce que l'électricité est coupée, parce que le téléphone n'a pas encore été rétabli. On va avoir des demandes d'indemnisation qui vont se chiffrer en centaines de millions d'euros. On est très loin des milliards d'euros de la tempête de 1999, donc pour remettre les choses à leur juste proportion. Les assureurs ont pris des engagements d'indemnisation rapide, d'allongement du délai pour déposer sa demande. D'habitude, c'est 4 jours, là ce sera un mois. Donc tout est fait pour essayer de soutenir les assurés.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous, côté politique, vous allez décider demain de l'état de catastrophe naturelle ?
BRUNO LE MAIRE
C'est des décisions qui appartiennent au président de la République et à la Première ministre, mis le président de la République a été très clair dans son déplacement, dès lors qu'il y a inondations, catastrophes naturelles, évidemment, on le fera au plus vite et on indemnisera au plus vite.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, la Loi immigration, l'article 3, c'est l'article de la discorde. Il prévoit de régulariser des sans-papiers qui travaillent dans les secteurs sous tension. Votre ancienne famille politique, LR, dit : " S'il y a l'article 3, ce sera sans nous, on ne votera pas la Loi immigration ". Est-ce que vous les comprenez ?
BRUNO LE MAIRE
Non.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous, l'ancien des LR.
BRUNO LE MAIRE
Non. J'espère surtout que sur un sujet aussi majeur, la raison l'emportera. Et je partage totalement l'avis qui a été exprimé par le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN. En étant raisonnable et constructif, nous devons facilement pouvoir trouver un accord sur ce projet de loi immigration, autour de trois principes qui pour moi sont fondamentaux. Un, fermeté totale vis à vis de l'immigration illégale. Accélérer les procédures de retour, accélérer les exécutions des obligations de quitter le territoire français. C'est tout ce qu'il y a dans ce projet de loi. C'est un projet de loi de fermeté, que je soutiens, car nous avons besoin, en matière de contrôle des flux migratoires…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais LR dit : " Oui, mais avec cet article 3, c'est un appel d'air " …
BRUNO LE MAIRE
... d'immigration, d'un contrôle ferme de l'immigration illégale. La deuxième chose qui est très importante, c'est dire : voilà, il y a des cas qu'on connaît tous, vous connaissez, vous, moi, nos téléspectateurs, c'est des personnes qui sont arrivées légalement sur le territoire, qui travaillent dans la restauration, dans le bâtiment, dans l'hôtellerie, qui travaillent bien, respectent nos valeurs, respectent la République, parlent bien le Français. Eh bien, je pense que le plus juste, c'est effectivement de régulariser ces personnes plutôt que de les laisser la clandestinité. Enfin, il y a un troisième point qui est très important, qui est de se dire, bon, est ce qu'il faut dans la période actuelle, parce qu'il y a des tensions sur le marché du travail, faire appel à de l'immigration de travail ? Je dis que tant que nous ne sommes pas au plein emploi, c'est à dire à 5% de taux de chômage, il faut en priorité former, qualifier les jeunes, les personnes qui n'ont pas les bonnes formations, pour qu'elles puissent reprendre un travail sur notre territoire, plutôt que de faire appel à l'immigration de travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, en tant qu'homme politique, vous êtes inquiet du climat actuel en France ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, je suis inquiet. Je suis inquiet parce que vous avez un conflit qui est un conflit au Proche-Orient, qui n'est pas un conflit en France, et qui ne doit pas devenir un conflit en France. Et je voudrais que chacun mesure à quel point c'est une chance d'être Français. Nous sommes protégés par la République, par les droits de la République. Nous sommes protégés par notre Constitution, par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Et en France, on n'est pas juif, musulman ou catholique, on est citoyen français, éventuellement de confession juive, éventuellement de confession musulmane, éventuellement de confession, d'aucune confession, parce qu'on ne croit pas dans quelque Dieu que ce soit. Je pense qu'il est indispensable, au moment où nous sommes à la croisée des chemins en France, de réaffirmer que nous sommes une Nation et pas une somme de communautés. Que nous nous définissons comme citoyens, avec une part d'universel en nous, et pas comme des individus ramenés à leur origine, à leur race ou à leur religion. C'est cela qui se joue en ce moment. Quand on dit " importer le conflit du Proche-Orient ", c'est tout simplement céder au communautarisme. Moi, je voudrais qu'on défende la Nation.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu répondre à mes questions ce matin, ministre de l'Economie.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2023