Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, à RMC le 27 octobre 2023, sur la voiture électrique à 100 euros par mois et les stocks de gaz pour l'hiver.

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Média : RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes la ministre de la Transition énergétique. Merci d'avoir accepté l'invitation de RMC. Une transition qui coûte cher surtout pour les voitures, cette fameuse voiture électrique à 100 euros par mois. C'est pour quand ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors on pourra réserver pour les 50% des Français qui a priori pourraient y avoir accès, 50% des Français les plus modestes, à partir du mois de novembre pour une livraison en 2024.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc en fait, vous nous dites que c'est maintenant qu'on réserve mais la livraison, ce n'est pas tout de suite. La clé de la voiture, on l'aura quand ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En 2024, comme quand vous allez dans une concession.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais en 2024, plutôt janvier ou plutôt décembre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Comme quand vous allez dans une concession, ça prend le même temps lorsque vous commandez un modèle, entre le moment où vous réservez votre voiture et le moment où elle est livrée, et donc ça dépend des modèles. Il n'y a aucune différence, c'est un processus classique. Vous allez en concession, vous choisissez votre modèle de voiture, il bénéficie du leasing et vous récupérez votre voiture lorsqu'elle est livrée.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc à partir potentiellement de la semaine prochaine, enfin à partir de novembre on va pouvoir…

AGNES PANNIER-RUNACHER
À partir du courant du mois de novembre, on lance l'opération.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous lancez l'opération. J'ai entendu d'ailleurs dans votre propos, vous avez dit pour les 50% des Français qui y ont droit et puis après vous vous êtes reprise, vous avez dit : les 50% des plus modestes. C'est qui en fait ? C'est qui ces 50% des plus modestes ? C'est bien loin de 50 % des Français.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, non, c'est 50% des Français qui sont les plus modestes, c'est-à-dire les 50% de revenus.

APOLLINE DE MALHERBE
Un Français sur deux aura droit à une voiture à 100 euros ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Un Français sur 2 pourra bénéficier d'une voiture à 100 euros. Je rappelle que beaucoup de Français ont déjà une voiture, qu'ils ne cherchent pas nécessairement à en changer.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils en sont éligibles, c'est ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais ils sont potentiellement éligibles à ce dispositif, tout à fait.

APOLLINE DE MALHERBE
Quels seront les modèles de véhicules ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors ce sont des modèles de petites voitures, par exemple la C3, la C4 électrique, la 208, ce type de modèles seront accessibles. La 2008, pardon.

APOLLINE DE MALHERBE
Uniquement français ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, pas nécessairement des voitures qui sont fabriquées en France et en Europe. En fait, ce sont des voitures qui ont aussi un score environnemental positif. Nous faisons aujourd'hui une clause environnementale dans tous les dispositifs d'aide. Si vous avez un mauvais score environnemental parce que vous êtes fabriqué à l'autre bout du monde avec de l'électricité sur base charbon, vous n'avez pas d'aide. C'est quand même la moindre des choses. Si vous faites des efforts sur votre impact environnemental, alors vous pouvez bénéficier de l'aide.

APOLLINE DE MALHERBE
Les 100 euros par mois, c'est tout compris ou est-ce que c'est 100 euros + l'assurance + l'entretien ? Est-ce que les 100 euros couvrent tout ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les 100 euros, c'est sauf assurance conducteur, parce que les conducteurs choisissent des assurances différentes et que le risque associé à chaque conducteur est différent. Donc si c'est un mauvais conducteur, ce n'est pas logique que l'Etat paye pour ça. En revanche, l'assurance va couvrir des risques comme l'invalidité, la perte de travail ou le décès, de façon à ce que les familles n'aient pas à payer pour la voiture.

APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est 100 euros qui sont versés sur le compte de celui qui prend le leasing, ou c'est 100 euros que l'on doit… Enfin, est-ce que c'est avancé ou pas avancé ? Est-ce que vous avez réfléchi aussi à cette question-là ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un dispositif comme vous l'avez avec un leaser habituellement. C'est-à-dire que vous passez un contrat, la première mensualité est payée par l'Etat. C'est souvent celle qui est de plusieurs milliers d'euros et qui permet d'avancer le premier prix de la voiture. Et ensuite, vous payez votre loyer. On dit 100 euros mais il y aura des voitures qui seront en dessous de 100 euros et il y aura des voitures qui seront au-dessus de 100 euros, mais nous sommes capables d'avoir un certain nombre…

APOLLINE DE MALHERBE
100 euros, c'est donc une moyenne.

AGNES PANNIER-RUNACHER
100 euros, ça correspond à un certain modèle de voiture. Certains seront moins chers que 100 euros.

APOLLINE DE MALHERBE
Et il y aura des voitures moins chères, et on pourra prétendre à celles-là. C'est-à-dire que ce n'est pas l'Etat qui décidera " vous, vous avez droit à une C3 et vous, vous avez droit à une 2008 " ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, vous êtes libre d'aller chez votre concessionnaire, vous choisissez la voiture qui va bien et vous savez quel est, en face de ça, le loyer que vous devez payer chaque mois.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors l'autre question évidemment qui va avec la voiture électrique, c'est la question des bornes et de la recharge. Vous nous annoncez ce matin une rallonge de budget pour développer les bornes ; c'est bien ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Je vous annonce 200 millions d'euros que nous allons mettre dans le développement des bornes électriques. Ces 200 millions d'euros, ils permettent de financer par exemple des bornes dans les copropriétés, l'installation collective d'abord qui peut coûter plusieurs milliers d'euros. On en prend 50% en charge. Et ensuite, pour chaque prise individuelle, il y a un crédit d'impôt qui permet de prendre jusqu'à 80% en charge.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce crédit d'impôt, il reste à 8 % ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça, c'est pour les individuels.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
Les copropriétés, il y a aussi une autre chose qui bloque, ce n'est pas seulement les moyens, c'est parfois aussi le refus d'autres copropriétaires qui n'ont pas forcément envie qu'on installe des bornes dans le parking du sous-sol par exemple de la copropriété. Donc sur le plan des revenus, vous dites qu'il y aura des aides qui seront données à ces copropriétés.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

APOLLINE DE MALHERBE
En gros, ça leur coûtera combien de mettre en place ces bornes ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors ça dépend des installations. Vous savez que, là aussi, ça dépend est-ce qu'il faut des travaux de voirie juste devant la copro ? Est-ce qu'à l'intérieur il y a bien l'espace pour installer la bonne armoire ? Je vous passe les détails. Donc ça peut aller de quelques milliers d'euros à un peu plus. L'important, c'est qu'on peut financer jusqu'à 50 % des travaux et prendre en charge à hauteur de 8 000 euros, prendre en charge aussi une partie des travaux de voirie le cas échéant.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous allez également lever les moments où ça bloque dans une réunion de conseil syndical ? On sait qu'il y a aussi un problème de nombre de voix. Est-ce que vous allez alléger le nombre de voix nécessaires ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On l'avait déjà fait donc il y a assez peu d'espace pour aller plus loin. Mais moi, encore une fois, je veux le redire, le bilan carbone d'une voiture électrique c'est 5 fois moins sur le cycle de vie de la voiture, y compris la construction dans un pays comme la France où l'électricité est à plus de 90% décarbonée, et ça vous coûte beaucoup moins cher en carburant. Chaque année un Français parcourt en moyenne 12 000 kilomètres.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous encouragez toutes les copropriétés de France à…

AGNES PANNIER-RUNACHER
À regarder, bien sûr, et à donner cette possibilité aux Français. Vous savez qu'aujourd'hui en Suède par exemple, 80% des immatriculations sont des voitures électriques. Donc le mouvement est parti, ça va augmenter plus vite qu'on ne le croit et je pense que chaque copropriété a intérêt à laisser cette possibilité-là à ses copropriétaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous avez évoqué le crédit d'impôt qui va être poursuivi, le crédit d'impôt individuel. Il était de 300 euros me semble-t-il pour l'installation d'une borne individuelle. Est-ce que le montant pourrait augmenter ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, parce que ça correspond en fait à la réalité des coûts. L'installation d'une borne, c'est quelques centaines d'euros et on en prend jusqu'à 80%.

APOLLINE DE MALHERBE
Les stocks de gaz pour l'hiver, on se souvient que l'hiver dernier vous étiez déjà à ce poste et il y avait ces grandes inquiétudes sur les stocks de gaz, avec évidemment la dépendance vis-à-vis du gaz russe. Est-ce qu'on est totalement sorti de cette dépendance ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors 99 % de nos stocks sont constitués. Donc d'un point de vue de stockage, nous sommes en très bonne posture.

APOLLINE DE MALHERBE
Des stocks de secours ou des stocks tout courts ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, les stocks stratégiques que nous devons constituer, nous les avons remplis à 99%. Nous sommes toujours en Européens dépendants à hauteur d'une quinzaine de pourcent du gaz russe. On était dépendant à plus de 40 %, je le rappelle, au début de la crise ukrainienne. Donc on a énormément diminué et la France continue à importer une petite quantité de gaz russe, il faut le dire, à peu près 10% de ses approvisionnements. Simplement nous, nous avons la chance d'avoir l'apport de la Norvège puisque le tuyau, le pipeline vient de Norvège, arrive du côté de Dunkerque. C'est un des grands approvisionnements que nous avons. Et puis, nous avons des ports méthaniers, nous en avons 4 en France qui nous permettent d'être un grand approvisionneur.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on a 10% de notre gaz qui vient de Russie malgré tout et malgré tous les boycotts.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, parce que ce n'est pas boycotté la vente du gaz russe et c'est ça qui est intéressante. Parce que tout le monde pense que c'est boycotté, ce n'est pas le cas parce que l'Europe a fait des sanctions qui coûtent à la Russie mais qui évitent de coûter à l'Europe. Et aujourd'hui, on le voit, on a encore cette petite dépendance. Elle a été réduite des trois-quarts et c'est très bien et il faut continuer, mais on le voit. Dépendre du pétrole, dépendre du gaz, c'est effectivement des fragilités pour l'économie européenne. C'est pour ça qu'il faut aussi développer nos propres capacités de production d'énergie.

APOLLINE DE MALHERBE
Les factures d'électricité des professionnels, Sébastien.

SEBASTIEN KREBS
Oui. On a relayé ce matin l'inquiétude des restaurateurs en Ile-de-France qui se retrouvent avec des factures qui vont à nouveau augmenter cet hiver, fois 3, fois 4. Ils ont pour certains signé des contrats au pic de la crise, ils se retrouvent prisonniers de contrats à des prix au plus haut alors que depuis les prix ont largement baissé mais ils n'en bénéficient pas. Qu'est-ce que vous pouvez faire pour eux ? Est-ce qu'ils peuvent renégocier ces contrats ? Est-ce qu'on peut forcer une renégociation de ces contrats ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je le rappelle, tous ces professionnels bénéficient des différents dispositifs de soutien de l'Etat et dans des quantités qui sont un des plus favorables en Europe : l'amortisseur, le bouclier énergétique. Le bouclier énergétique, c'est pour toutes les très petites entreprises qui ont des puissances en dessous de 36 kVA, je ne rentre pas dans le détail technique, qui bénéficient du coût du mix électrique français qui bénéficie d'un des prix les plus bas d'Europe.

SEBASTIEN KREBS
Là, ils sont plutôt au-dessus de ce seuil.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour ceux qui ont plus de 10 salariés, donc là on parle d'un peu moins d'entreprises, pour ceux qui sont au-dessus de plus de 10 salariés ils bénéficient de l'amortisseur. Je veux le redire parce que j'écoutais votre chronique, l'amortisseur c'est directement sur la facture. La seule démarche à faire, elle a été faite au premier semestre, il s'agissait de dire si vous étiez une entreprise de plus de 10 salariés ou de moins de 10 salariés, en cochant une case sur un formulaire. Donc ça n'allait pas plus loin que ça et c'est automatique sur la facture et ça continue.

APOLLINE DE MALHERBE
Une toute dernière question Agnès PANNIER-RUNACHER. On a parlé du leasing, la voiture électrique à 100 euros. Si on veut acheter une voiture électrique pour les plus modestes, il y a toujours ce bonus qui peut aller jusqu'à 6 000. Est-ce que pour les plus modestes il pourrait même aller encore plus loin ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. D'abord, il peut aller jusqu'à 7 000. Ensuite, il peut se cumuler avec une prime à la conversion, c'est-à-dire…

APOLLINE DE MALHERBE
Jusqu'à 7 000, c'est pour les professionnels.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, non, non. Il peut aller jusqu'à 7 000. Ensuite vous avez la prime à la conversion qui peut aller jusqu'à 6 000 euros pour les plus modestes ? ça fait 13 000. Ensuite, si vous travaillez dans une zone à faibles émissions, vous pouvez encore bénéficier d'aides. Donc aujourd'hui lorsqu'on empile tout, on peut déjà bénéficier jusqu'à 15 000 euros de baisse de factures sur l'achat d'une nouvelle voiture. Surtout on est effectivement… Moi je souhaite qu'on augmente le bonus écologique pour permettre de baisser le prix des petites voitures électriques.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous pouvez encore augmenter la partie 6 000 euros, la partie bonus éco.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, tout à fait. De façon à le ramener…

APOLLINE DE MALHERBE
Et il pourrait monter jusqu'à combien ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous rajoutez 1 000 à 2 000 euros. C'est en cours d'arbitrage. L'enjeu pour nous, c'est de faire en sorte que la voiture électrique se rapproche au plus près du coût de la voiture thermique. Entre les économies de carburant que vous faites et le fait qu'on baisse massivement le prix de la voiture électrique, c'est vraiment une incitation à passer à l'acte. On sait que ce n'est pas les plus modestes qui achètent des voitures neuves mais pour ceux qui sont à revenus moyens, qui roulent beaucoup, ils peuvent avoir accès à ces aides, et derrière ils revendront leur voiture dans quatre, cinq ans et ça permettra aux gens les plus modestes d'acheter une voiture d'occasion pas chère.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous créerez un marché de l'occasion.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, c'est ça l'enjeu.

APOLLINE DE MALHERBE
Agnès PANNIER-RUNACHER, merci d'être venue dans ce studio nous donner toutes ces précisions, ces informations ce matin sur RMC.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup


source : Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2023