Interview de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à France Info le 10 novembre 2023, concernant les inondations dans le département du Pas-de-Calais, l'état des nappes phréatiques, les Soulèvements de la Terre, le Sommet sur les pôles et la manifestation contre l'antisémitisme.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Christophe Béchu - Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Média : France Info

Texte intégral

JEAN-REMI BAUDOT
Bonjour Christophe BECHU.

CHRISTOPHE BECHU
Bonjour.

JEAN-REMI BAUDOT
L'angoisse continue de monter dans le Pas-de-Calais. Certes, la nuit a été moins pluvieuse que prévue, mais d'autres pluies sont attendues dans la matinée. Il y a évidemment une vigilance rouge crue inondation. Est-ce qu'on peut imaginer un début de décrue dans les prochaines heures ?

CHRISTOPHE BECHU
D'abord, je veux avoir un mot pour ceux qui nous écoutent et qui sont dans ces 130 communes qui sont inondées. Les plus de 50 000 personnes qui vivent une forme d'enfer, y compris compte tenu de la répétition avec des temps d'accalmie, des temps où il repleut, des moments où on lave sa maison, puis les moments où on revoit l'eau qui monte. Pour avoir été avec Gérald DARMANIN sur place, pour avoir rencontré des gens qui sont dans cet épuisement moral…

JEAN-REMI BAUDOT
Vous y étiez mercredi.

CHRISTOPHE BECHU
Exactement. Je veux dire, et j'avais eu l'occasion de dire que malheureusement ce n'était pas derrière nous et qu'on allait repasser en vigilance rouge et, vous l'avez dit, on a eu une nuit pluvieuse, on a une matinée qui va être pluvieuse de manière intense et on escompte pour 16 heures un début d'accalmie qui devrait durer tout le week-end et qui devrait permettre de calmer une partie de la situation, mais avec quelques inquiétudes à nouveau pour le début de la semaine prochaine.

HADRIEN BECT
C'est-à-dire ?

CHRISTOPHE BECHU
C'est-à-dire que nous sortirons le département du Pas-de-Calais, et en particulier les trois bassins de la Liane, de l'Aa, de la Canche qui sont concernés par cette vigilance de la vigilance rouge pluie inondation à partir de 16 heures, mais on va les maintenir d'abord en vigilance crue parce qu'on sait que quand il a beaucoup plu, on peut ensuite avoir dans les heures qui suivent la fin de ces pluies, de l'eau qui continue à monter. Et à la minute où je vous parle, à partir de lundi, nous anticipons le fait qu'il pourrait à nouveau y avoir des précipitations donc on va maintenir ce territoire sous vigilance, même si nous ne savons pas l'ampleur de ces précipitations et donc ce n'est pas forcément des précipitations aussi fortes que celles qu'on a connues ces dernières heures qui ont été exceptionnelles. Juste pour se donner un ordre de grandeur, en 24 heures ce sera entre 70 et 100 litres par mètre carré qui seront tombés sur les territoires dont nous parlons.

HADRIEN BECT
Est-ce que ça veut dire qu'on peut imaginer dès le début de la semaine prochaine de nouvelles peut-être fermetures préventives, comme on peut le voir aujourd'hui ?

CHRISTOPHE BECHU
Vous savez, la situation depuis le début elle est suivie avec beaucoup d'attention, à la fois sur le plan national et sur le plan local. Je veux saluer le préfet, l'ensemble des équipes, les 700 pompiers qui ont été mobilisés toute la nuit et qui ont conduit y compris une évacuation d'un EHPADD de manière préventive. C'est plus de mille interventions depuis le début de la semaine qui ont eu lieu sur le terrain. Donc on continue à suivre cette situation et on prend les mesures qui sont appropriées. L'envoi des SMS par l'application et FR-Alert, déjà deux fois dans le courant de cette semaine ; les consignes au fur et à mesure ; la mobilisation avec les maires que je salue et qui sont en première ligne avec leurs services municipaux. Mais de la même façon que je ne veux pas sombrer dans un discours qui soit trop rassurant, je ne veux pas non plus provoquer une forme de panique. Nous suivons la situation et on prendra, pour le début de la semaine, les décisions qui s'imposeront compte tenu des prévisions météo de la journée de dimanche.

HADRIEN BECT
On évoquait ces derniers jours 60 communes touchées depuis lundi, 292 000 habitants concernés. Ce bilan, on l'imagine, a augmenté.

CHRISTOPHE BECHU
Alors les chiffres que vous donnez, c'est tout ceux qui, à un titre ou à un autre, sont concernés depuis une semaine. Aujourd'hui, notre attention se focalise sur les 50 000 habitants qui sont dans les 130 communes des trois bassins de la Liane, de l'Aa et de la Canche et qui, eux, sont particulièrement concernés par les épisodes de pluies très intenses que nous avons connus au cours de ces dernières heures, qui l'ont été un peu moins du côté de la Hem notamment, mais pour lesquels nous continuons à être extrêmement vigilants. C'est donc plus de 200 établissements scolaires fermés encore toute la journée d'aujourd'hui, 130 communes sur lesquelles notre attention se focalise.

JEAN-REMI BAUDOT
Vous parliez du dialogue avec les collectivités locales. Beaucoup vont ou ont déjà peut-être déposé des dossiers en vue d'une reconnaissance de catastrophe naturelle. Est-ce que ça va venir rapidement ? C'est une inquiétude sur le terrain.

CHRISTOPHE BECHU
Ça va venir très rapidement. La catastrophe naturelle, elle est déclenchée, déclarée, reconnue par le ministre de l'Intérieur. Mardi, le 14 novembre, il y aura à Beauvau au ministère de l'Intérieur, le temps qui sera consacré à examiner et à reconnaître la catastrophe naturelle que constitue cette pluie…

JEAN-REMI BAUDOT
Ça veut dire que vous pouvez peut-être rassurer ce matin les personnes sinistrées qui peut-être s'inquiètent - d'ailleurs, on les entend sur Franceinfo, le moral c'est difficile, là, pour les personnes qui sont concernées - elles vont pouvoir être remboursées dans des délais raisonnables ?

CHRISTOPHE BECHU
Il y a deux choses. Il y a cette reconnaissance de catastrophe naturelle et de calamité agricole parce que je n'oublie pas les agriculteurs de l'ensemble de secteurs, dont beaucoup sont évidemment extrêmement impactés. Dans les interventions de pompiers, il y a y compris des bovins qu'il convient d'évacuer dans certains endroits qui ont été piégés par les eaux. Il y a des quantités de situations qui sont effectivement terribles sur le terrain. Il y aura cette reconnaissance. Elle va arriver et elle va arriver vite. Et il y a en parallèle le fait de mobiliser les assureurs de chacune et chacun et là, il y a un guichet unique monté à l'échelle de la préfecture du Pas-de-Calais, parce que vous avez parfois des assureurs qui n'appliquent pas les mêmes principes.

JEAN-REMI BAUDOT
Il faut leur mettre la pression aussi tout de même.

CHRISTOPHE BECHU
Je vous confirme. C'est à ça que sert en fait le guichet unique coordonné par le préfet du Pas-de-Calais. C'est assurer une forme de pression et éviter qu'on aille dire aux gens " ne touchez à rien. Oui, il faut faire des photos de la situation dans laquelle on est ", mais on a besoin d'assurer, de réassurer ces populations d'abord d'un soutien immédiat, mais surtout qu'on va ensuite pouvoir les accompagner et les indemniser.

HADRIEN BECT
Sur l'état de catastrophe naturelle, c'est l'ensemble des communes que vous venez de citer, ce nombre qui sera concerné par cet état de catastrophe naturelle ? On évoque une cinquantaine de dossiers à ce stade.

CHRISTOPHE BECHU
Alors je pense que d'autres dossiers vont arriver parce que le nombre des communes qui ont été touchées à un moment ou à un autre de l'épisode, 50 c'est celles qui sont les plus durement touchées en ce moment et qui vivent, j'allais dire, à répétition ces épisodes d'inondations. Mais celles qui devraient être concernées devraient être plus importantes. Les maires doivent continuer à envoyer les dossiers et on sera, évidemment, dans une acception large des critères permettant cette reconnaissance.

JEAN-REMI BAUDOT
Se pose la question de l'entretien pour prévenir ce type de catastrophe : l'entretien des digues, l'entretien des cours d'eau. Quand on voit que certaines digues ont été débordées par les eaux, d'autres semblent avoir lâché, est-ce qu'il n'y a pas un manque d'anticipation, un manque d'entretien des collectivités ou même de l'Etat ?

CHRISTOPHE BECHU
D'abord, vous faites bien d'aller sur ce point y compris parce que dans la journée d'aujourd'hui, ce sont deux pompes supplémentaires de près de plus de 300 mètres cubes/heure de débit qu'on va ajouter à Arques pour soulager une digue existante et pour faire en sorte aussi d'accentuer l'évacuation des eaux. C'est le curatif et c'est un peu de préventif parce que grâce à ces pompes, on va soulager la pression énorme, exceptionnelle, qui pèse sur ces digues. On est quand même en train de discuter sur l'ensemble de ces bassins de crues historiques, de niveaux que nous n'avons jamais atteints. Il y a eu il y a vingt ans dans le même secteur, dans les mêmes secteurs, des inondations qui avaient concerné beaucoup plus de maisons avec un niveau pourtant des rivières qui était moins élevé. Entre temps, il y a eu des digues, il y a eu des PPRI, des plans de prévention des inondations. Il y a eu des décisions pour interdire des constructions d'urbanisme et je veux dire que souvent, quand il n'y a pas de difficultés, on tape sur les normes environnementales, on tape sur les plans de protection, on tape sur la lutte contre l'étalement urbain alors que tout ça c'est fait, y compris pour éviter qu'on se retrouve dans ce type de situation avec des difficultés aussi grandes. Néanmoins, on aura à apprendre. On aura à prendre en particulier sur le curage des rivières pointé par certains maires disant " on nous a empêché d'aller curer parce qu'on avait tel ou tel élément qui le justifiait. Dans certains endroits, est-ce qu'on devrait pas réhausser les niveaux des digues ? " Moi, je suis pour faire les choses dans l'ordre. Aujourd'hui, être aux côtés des populations, assurer l'ensemble des missions qui permettent de sécuriser les biens et les personnes, être aux côtés des collectivités qui se battent, être aux côtés des sapeurs-pompiers et des services municipaux qui sont en première ligne. Demain, tirer le bilan complet de ce qui a fonctionné en termes de prévention et d'alerte, de ce qui a moins bien fonctionné et de ce que nous devons faire parce que je me permets juste de vous dire la chose suivante : nous n'allons pas vers une diminution de ce type de phénomène.

JEAN-REMI BAUDOT
Vous savez quoi ? On va en parler dans un instant de l'avenir notamment des questions climatiques. Mais d'abord, c'est le fil info avec Maureen SUIGNARD. (…)
- Et toujours avec Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Ces intempéries dont on vient de parler feraient presque oublier la situation qu'a connue une grande partie de la France durant l'été et même, j'ai envie de dire, durant l'année précédente, celle de la sécheresse. Est-ce qu'avec les pluies abondantes qu'on a pu avoir à peu près sur tout le territoire, est-ce que c'est un souvenir un peu lointain aujourd'hui, la sécheresse ?

CHRISTOPHE BECHU
La semaine prochaine, en milieu de semaine, on communiquera l'état des nappes phréatiques comme on le fait tous les mois et avec aujourd'hui une attention médiatique qui n'existait pas avant la grande sécheresse de 2002.

JEAN-REMI BAUDOT
Que dit-il, cet état ?

CHRISTOPHE BECHU
Encore une fois, ce sera au milieu de la semaine prochaine et on a les chiffres seulement environ en milieu de mois puisqu'il faut relever tous les piézomètres sur la totalité du territoire. Il va de soi qu'avec les pluies qu'on a connues, on a des secteurs dans lesquels nous n'avons plus les inquiétudes que nous avions il y a un mois mais la situation n'est pas homogène. On avait beaucoup de retard à l'issue de l'été 2002. On avait encore du retard après un été qui a été moins catastrophique mais qui a été très dur aussi sur le plan de sécheresse dans beaucoup d'endroits et malgré les pluies qu'on a connues, il y a encore des secteurs dans lesquels, on sera en dessous des niveaux pour une raison simple, des pluies très rapides, ce ne sont pas nécessairement le meilleur moyen d'aller recharger les nappes et il faut comprendre que dans la stratégie qui consiste à lutter contre la sécheresse, la question de faire respirer la Terre, la question de déminéraliser des espaces, la question d'éviter de bétonner, d'étaler nos villes est un enjeu absolument crucial !

JEAN-REMI BAUDOT
Quels secteurs encore sous…

CHRISTOPHE BECHU
Vous aurez les réponses …

JEAN-REMI BAUDOT
On peut imaginer peut être les Pyrénées-Orientales, des endroits comme ça dont on parle …

CHRISTOPHE BECHU
Des endroits effectivement, en particulier dans le sud et dans la vallée du Rhône.

HADRIEN BECT
La sécheresse qui pose la question notamment de la question des bassines. Si je vous parle les bassines, c'est parce que les Soulèvements de la Terre, le dossier des Soulèvements de la Terre est passé devant le Conseil d'Etat. On sait que le Emmanuel MACRON l'a voulu, que le Gouvernement a tenté de dissoudre les Soulèvements de la Terre mais donc le Conseil d'Etat a retoqué cette dissolution malgré leurs actions violentes, notamment à Sainte-Soline au printemps. Pas proportionné, dit le Conseil d'Etat. Est-ce qu'avec cette dissolution, tout simplement, vous n'êtes pas allé trop loin?

CHRISTOPHE BECHU
Je ne le pense absolument pas. On est dans un Etat de droit. Il y a un juge qui contrôle les décisions et c'est souhaitable. Mais il faut rappeler que le rapporteur du Conseil d'Etat, celui qui a analysé le dossier, a considéré que la dissolution était justifiée. Et si vous lisez la décision du Conseil d'Etat, ils ne disent pas " le Gouvernement n'aurait pas dû faire ça " ; ils disent " ils n'ont pas totalement franchi la ligne rouge ". Oui, il y a eu de la provocation. Oui, il y a eu des agissements violents et donc je pense que ça a une vraie valeur à la fois d'avertissement pour ce collectif que tout n'est pas possible en démocratie, mais aussi une vraie valeur pour être capable d'expliquer qu'on peut manifester une opinion. On peut exprimer un désaccord sans recourir à la violence et il y a un avertissement très clair et un appel à la retenue dans cette décision.

JEAN-REMI BAUDOT
C'est aussi un avertissement pour les effets d'annonce du Gouvernement ?

CHRISTOPHE BECHU
Je ne crois pas, encore une fois, quatre dissolutions, trois ont été validées par le Conseil d'Etat et une dans les attendus où le Conseil d'Etat dit " ils n'ont pas totalement franchi la ligne rouge ", quand vous lisez la décision, ce n'est pas …

HADRIEN BECT
Vous parlez, Christophe BECHU, de provocation. Précisément, le Conseil d'Etat dit « aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre. ». Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

CHRISTOPHE BECHU
Moi, je pense que, encore une fois, la violence n'est jamais justifiée et que quand vous commencez à dire "ça n'est que de la violence contre les biens, on a une motivation légitime pour le faire parce qu'il y aurait telle ou telle situation dans le pays ", vous quittez l'Etat de droit, vous basculez dans autre chose et demain ce sera la porte ouverte à ce que chacun puisse considérer que sa cause justifie pleinement de ne pas respecter les règles. On a besoin de lanceurs d'alerte, mais la violence ne fait pas partie de la gamme de ce qui consiste à lancer des alertes.

HADRIEN BECT
Mais donc, pour bien comprendre, ce matin, vous nous dites voilà, le Gouvernement n'a plus de recours contre les Soulèvements de la Terre et il faudra donc désormais composer avec leurs actions ?

CHRISTOPHE BECHU
Non, le Gouvernement, très clairement, a engagé une procédure qui a conduit le Conseil d'Etat à dire " Ils n'ont pas complètement franchi la ligne rouge, mais nous avons constaté qu'il y avait des motifs légitimes qui avaient poussé le Gouvernement à engager cette procédure de dissolution. " Pour autant, toutes les causes ne sont pas réunies pour qu'on valide cette dissolution. Ce n'est absolument pas un camouflet pour le Gouvernement. C'est au contraire, je le considère comme ça, une manière d'aller préciser qu'on est proche de ça et encore une fois, c'est un appel à la retenue et un avertissement à ceux qui pensent qu'on peut justifier la violence de n'importe quelle façon dans ce pays.

JEAN-REMI BAUDOT
Alors juste un dernier mot là-dessus. Vous parlez d'appel à la retenue, mais de son côté, les Soulèvements de la Terre, eux, lancent des appels à multiplier les actions. Est-ce que vous craignez une reprise d'actions radicales, voire violentes?

CHRISTOPHE BECHU
Je pense que c'est totalement contre-productif. Je pense que ça dessert les causes qu'on prétend utiliser et si on est vraiment attaché à la transition écologique et à une accélération dans ce domaine de nos actions collectives, la violence, la radicalité, la provocation, elles provoquent la sidération et le rejet d'une partie de la population.

HADRIEN BECT
Pardon, je reviens quand même sur les sur les moyens d'action qui vous restent face aux Soulèvements de la Terre. La dissolution, ça n'a donc pas fonctionné ? Est-ce que vous pourriez envisager peut être une loi pour renforcer, je ne sais pas, le droit de propriété ou est-ce que vous dites maintenant que maintenant le sujet est plus un sujet d'ordre public et de justice ?

CHRISTOPHE BECHU
Monsieur BECT, on va faire les choses par étapes. On a une décision qui a été prise il y a quelques heures par le Conseil d'Etat que le Gouvernement évidemment respecte. Je ne préjuge pas de ce que seront d'autres actions à venir de ce collectif et je veux croire qu'il a entendu qu'il était passé très près de la dissolution et que ça sera suffisant pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les images de Sainte-Soline, les cocktails Molotov, les battes de baseball utilisées pour aller taper et blesser des dizaines de policiers et de gendarmes qui ne faisaient que leur travail, ça n'a pas sa place en démocratie.

JEAN-REMI BAUDOT
Les Soulèvements de la Terre qui, notamment parmi d'autres ONG, dénoncent l'inaction climatique supposée du Gouvernement. Il y a un sommet sur les pôles qui se tient aujourd'hui et Emmanuel MACRON doit s'exprimer cet après-midi en clôture d'ailleurs de ce sommet sur les glaciers et les pôles, Sommet à Paris. Présence officielle de la Norvège, de la Chine, de l'Australie ou encore du Tadjikistan, mais ni Mais ni le Canada, ni les États-Unis, ni la Russie. À quoi ça sert ?!

CHRISTOPHE BECHU
Alors attendez, le Canada est présent, j'étais hier soir avec l'ambassadrice canadienne qui représente son pays à cette occasion. Il n'y a qu'un pays qui n'y est pas, c'est la Russie, pour des raisons que chacun comprend, mais une seconde parce que moi, il y a des choses qui m'exaspèrent vraiment et le disque rayé utilisé par une partie de l'extrême gauche dans ce pays de l'inaction climatique, il est absolument insupportable. De quoi on parle? Où sont ces collectifs par rapport à des pays dont les émissions continuent ? Vous citez une liste de pays. Où sont les Soulèvements de la Terre en Chine, en Inde, dans des pays qui continuent à ouvrir des mines de charbon ? Ici, dans ce pays, les Français, vous, des quantités de gens et d'anonymes, ils ont changé leurs habitudes, fait en sorte de minorer une partie de leur consommation. Le Gouvernement a pris des décisions. On est le premier pays au monde à avoir interdit la vaisselle jetable. On est sur un doublement du rythme de baisse des émissions dans le quinquennat d'Emmanuel MACRON par rapport au temps où il y avait des écologistes au Gouvernement. Le premier semestre, on est à 4% de baisse et vous continuez à avoir des gens qui sont dans un discours extrémiste parce qu'ils ont le sentiment qu'à la fin, si nous réussissons sur la question de la transition écologique, ça prouvera qu'il ne faut pas forcément être de gauche, voire d'ultra gauche pour faire de la transition écologique ! On est face à une réalité.. Pardon, pardon, parce qu'à un moment, que ce soit toujours les mêmes qui répètent des choses qui ne correspondent pas à la réalité, sincèrement, ça n'est pas acceptable !

HADRIEN BECT
J'en reviens quand même d'un mot sur ce Sommet sur les pôles en l'absence, Jean-Rémy l'a dit de la Russie qui est quand même l'un des pays qui a une grande surface au niveau de l'Arctique, qui se prépare à faire transiter des hydrocarbures par l'Arctique, qui, selon certains, se préparent et en tout cas explorent l'Antarctique pour y trouver des hydrocarbures. Bon, sans la Russie, on a du mal à voir à quoi ça sert !

CHRISTOPHE BECHU
On a aujourd'hui une situation aux pôles qui nécessite que la communauté internationale se mobilise précisément parce que ce sont des lieux qui, à cause du recul de l'Arctique et de l'Antarctique vont ouvrir des voies, suscitent des appétits et des convoitises et représentent des dangers d'un point de vue géopolitique. Bien sûr, je préférerais qu'il y ait tout le monde autour de la table, mais c'est la première fois …

HADRIEN BECT
Vous préféreriez que la Russie soit là ?

CHRISTOPHE BECHU
C'est la première fois qu'on a un Sommet consacré à ce sujet, donc qu'à un moment on se dise qu'il y en a certains qui ne sont pas autour de la table, c'est une chose, mais qu'on mesure que pour la première fois et c'est bien la volonté du Président de la République, si ce Sommet a lieu, on se met tous autour d'une table pour dire comment on mutualise les données de la science, comment on se mobilise pour éviter que la fonte des glaciers, qui sont des châteaux d'eau qui permettent à 20% de la population de notre planète d'avoir de l'eau douce, soit irréversible, comment on renforce nos efforts collectifs pour baisser nos émissions, pour coopérer de manière plus efficace, pour partager des financements, pour poser des règles sur les espaces qui sont rendus vierges, honnêtement, on a besoin de ce Sommet.

JEAN-REMI BAUDOT
Et nous, on a besoin de faire une toute petite pause par le fil info à 8 h 51. (…)

HADRIEN BECT
Toujours avec Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Monsieur BECHU, la marche de dimanche contre l'antisémitisme a tourné ces derniers jours à la polémique politique. En cause notamment, évidemment, la présence du Rassemblement national. Le CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France, ne souhaite pas que le FN y participe. Est-ce qu'ils ont raison ?

CHRISTOPHE BECHU
Je veux dire, tout ça me désole. Je suis très honnête. Tout ça me désole parce que je suis, je pense, comme beaucoup de Français, sidéré de voir à la fois bien sûr par la violence des attaques terroristes du Hamas, par la souffrance que vivent certainement ceux qui sont dans la bande de Gaza, mais dans notre pays, par la multiplication des actes antisémites, par la façon dont presqu'à visage découvert, on en vient à stigmatiser une partie de nos concitoyens qui ont vécu dans leur chair et dans leur histoire la Shoa et l'extermination. Que dimanche, sur un sujet qui devrait rassembler absolument tout le monde, on ait une polémique sur qui vient, honnêtement ça me dépasse.

HADRIEN BECT
La polémique vient un peu de votre camp. C'est Olivier VERAN qui a un peu allumé la mèche au conseil des ministres en disant " à mon sens, le RN n'a pas sa place dans cette manifestation ". C'était mercredi.

CHRISTOPHE BECHU
Qu'on ne soit pas dupe du fait que certains partis politiques ont comme héritage, comme socle, à la fois la haine de l'autre. Qu'ils aient dans leur dans leurs agendas le fait de stigmatiser, de monter les communautés les unes contre les autres, c'est une réalité. Et donc je comprends qu'il y ait chez Olivier VERAN la volonté d'aller dire " ne soyons pas dupes ". Mais pour autant dimanche, ce n'est pas un temps de polémique. Ça doit être un temps de cohésion, un temps dans lequel on se retrouve et un temps dans lequel nous disons à tous les Républicains de ce pays : il y a des choses qu'on ne peut pas laisser passer, et à tous nos concitoyens qui se sentent menacés aujourd'hui en France par la montée de ce climat de haine : nous sommes à vos côtés et nous nous tenons debout. Et la polémique, elle devrait être sur ceux qui justifient de ne pas s'y rendre, pas sur le fait qu'on ait des gens qui aient envie d'y aller.

HADRIEN BECT
Pour bien comprendre votre position, ça ne vous choque donc pas que le RN participe à cette marche dimanche ?

CHRISTOPHE BECHU
Ce qui me choque, c'est que certains considèrent que se réunir contre l'antisémitisme, ce serait manifester un soutien à des massacres. Ça, ça me choque. En revanche, je ne suis pas du tout…

JEAN-REMI BAUDOT
Vous ne répondez pas à ma question.

CHRISTOPHE BECHU
Je suis choqué par ceux qui n'y participent pas. Je ne suis pas choqué par ceux qui y participent.

JEAN-REMI BAUDOT
Quitte à ce que le Rassemblement…

CHRISTOPHE BECHU
Ça ne peut difficilement être plus clair, pour autant, non mais attendez, pour autant, je n'ai aucun doute de savoir qui sont mes adversaires et ceux qui vont profiter d'un moment de recueillement et d'unité républicaine pour essayer de se refaire une virginité sur le sujet.

JEAN-REMI BAUDOT
C'est exactement ce que j'allais vous dire. Est-ce que le Rassemblement national ne se refait pas une virginité sur ce rassemblement ? Quand Jordan BARDELLA est incapable de dire que Jean-Marie Le PEN a été condamné pour antisémitisme ?

CHRISTOPHE BECHU
C'est super parce que ça nous permet, nous, de le rappeler et de faire en sorte que ceux qui n'ont pas de mémoire se souviennent que le point de détail, des fours crématoires et la Shoah, non seulement dans ce pays, ça a existé, mais ça correspond à la psyché, au socle idéologique du Rassemblement national. Mais dimanche, est-ce qu'on peut pendant quelques heures faire cesser les polémiques et faire ensemble Nation pendant quelques heures en montrant collectivement, je le redis à des milliers de nos concitoyens qui vivent aujourd'hui dans la peur, dans l'insulte, dans l'invective, que nous sommes là et que la République fait front. C'est ce que je souhaite, qu'on ait d'abord cette image d'unité et pas un temps consacré à nouveau à des polémiques. Il y en avait hier. Il y en aura lundi. Essayons de préserver ce moment pour faire front collectivement.

HADRIEN BECT
Alors, à vous entendre, tout le monde peut donc participer à cette marche. Est-ce que le président de la République aussi ?

CHRISTOPHE BECHU
Ça, c'est un autre sujet, et il a prévu de s'exprimer pour, précisément sur le thème. Sa parole est utile, elle est attendue, elle sera forte. On est dans une situation que beaucoup de nos concitoyens ne pensaient pas vivre, une espèce de libération de la parole et de la haine, des VTC qui refusent de prendre des clients parce qu'ils n'ont pas le bon prénom, des compatriotes de confession juive qui sont exclus de groupes d'amis ou de… parce que ça pourrait créer de la tension, une femme poignardée chez elle…

HADRIEN BECT
Précisément, peut-être faudrait-il que le Chef de l'Etat vienne témoigner de son soutien à ces personnes.

JEAN-REMI BAUDOT
D'autres Présidents l'ont fait par le passé…

CHRISTOPHE BECHU
Vous savez, toute la France ne manifestera pas dimanche. Il y a beaucoup de gens qui pourront manifester leur soutien et leur lutte contre l'antisémitisme d'une autre manière qu'en se joignant aux cortèges parisiens ou en très nombreux cortèges qui se tiendront en province comme à Angers, là où je serai, moi, pour manifester mon refus de cette montée de l'antisémitisme.

HADRIEN BECT
Mais vous souhaitez que le Président, s'il le peut, il y soit ?

CHRISTOPHE BECHU
Ce qui est absolument indispensable, c'est que sa parole soit entendue et ce sera le cas.

JEAN-REMI BAUDOT
Merci beaucoup, Christophe BECHU.

CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous.

JEAN-REMI BAUDOT
Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires. Merci d'avoir répondu ce matin aux questions de Franceinfo. Merci Hadrien BECT de m'avoir accompagné.

HADRIEN BECT
Merci Jean-Rémi.

JEAN-REMI BAUDOT
On se retrouve demain pour une nouvelle interview à 8 heures 30.


source : Service d'information du Gouvernement, le 15 novembre 2023