Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'accord entre l'État et EDF concernant le prix de l'électricité, à Paris le 14 novembre 2023.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Texte intégral

Deux remarques préalables avant de rentrer dans le vif du sujet.

Première remarque : le prix de l'électricité a toujours été un atout de compétitivité majeur pour la nation française.

Il doit le rester.

C'est un atout pour les ménages, qui doivent conserver l'assurance de payer leur électricité à un prix juste dans la durée. C'est un atout pour les entreprises, en particulier les entreprises industrielles et énergo-intensives, pour accélérer la réindustrialisation de la France chère à Roland Lescure. Nous voulons redevenir une grande nation de production.

Le choc inflationniste des derniers mois a montré à quel point cet atout était vital. Vital pour notre cohésion sociale. Vital pour la survie de nos entreprises. Vital pour attirer des investissements étrangers en France.

Mais ce choc inflationniste a aussi montré que nous étions encore trop exposés à la volatilité des prix du marché. Cette volatilité est insupportable pour les ménages et les entreprises.

Nous voulons rester l'un des pays les plus compétitifs en Europe pour l'électricité.

Deuxième remarque : l'électrification est l'un des enjeux économiques majeurs du XXIe siècle.

L'économie mondiale s'électrifie, de la voiture électrique à la domotique en passant par l'électrification des usines et les centres de données.

Le besoin en électricité va exploser.

Il y a aura, d'un côté, les Etats qui seront indépendants en matière de production électrique et, de l'autre, ceux qui ne le seront pas. Les premiers seront les grands vainqueurs de l'économie mondiale du XXIe siècle. La France a vocation à faire partie de ce camp.

Nous devons donc lancer dans les années qui viennent des investissements massifs sur les réseaux, sur les structures de production, sur les énergies renouvelables, sur le nucléaire, sur la recherche en matière d'énergie.

Cela représente des dizaines de milliards d'euros, que nous devons intégrer dans les prix de l'énergie.

Avec le président de la République, nous avons anticipé ces évolutions radicales en prenant quatre décisions.

1. Nous avons engagé une politique de sobriété énergétique qui porte ses fruits. Nous devons réduire la consommation partout là où c'est possible. La sobriété est l'une des clefs d'une politique énergétique réussie.

2. Nous avons négocié et obtenu, grâce à Agnès Pannier Runacher, une réforme structurelle du marché européen de l'électricité. Cette réforme est un succès français. Elle est juste. Elle est efficace. Elle permet de protéger tous les consommateurs de la flambée des prix.

3. Nous avons engagé, à la demande du président de la République, la réalisation de six nouveaux EPR et nous avons accéléré le déploiement des ENR.

4. Nous sommes montés à 100% du capital d'EDF.

Ces quatre décisions représentent les décisions les plus radicales sur le marché de l'énergie depuis le plan Mesmer de 1974, c'est-à-dire depuis un demi-siècle.

Ces décisions nous préparent au XXIe siècle.

Sur la base de ces décisions, nous avons engagé des négociations avec EDF depuis plusieurs mois. Le but était de définir une régulation optimale du parc nucléaire français pour succéder à la régulation que vous connaissez, l'ARENH, qui prend fin en 2026.

C'était le dernier chaînon manquant.

Ces négociations étaient indispensables. Il était impensable de laisser le marché sans régulation.

Nous avons donc anticipé, préparé, négocié la régulation future avec EDF et son Président-directeur général Luc Rémont.

Ces négociations ont été longues, parfois difficiles, mais elles ont abouti. Dans le fond, une bonne négociation est une négociation qui a abouti et dont tout le monde est satisfait. Je crois que c'est le cas.

Nous avons conclu ce matin un accord entre l'Etat et EDF. Il pose les bases de la nouvelle régulation française de l'électricité nucléaire.

1. Cet accord garantit un niveau de prix autour de 70€ le MWh pour l'électricité nucléaire, qui correspond aux coûts de production totaux de l'électricité nucléaire en France.

Qu'est-ce que cela implique ?

Le plus grand avantage de cet accord pour les ménages, ce sera un prix stable. Au cours des deux dernières années, les prix de l'électricité ont augmenté de 80, 90, 100%. Les consommateurs ne l'ont pas vu car nous avons mis en place un bouclier tarifaire. Mais ce bouclier a un défaut : il aura coûté près de 40 Md€. C'était une bonne décision, une décision juste, mais que nous ne pouvions pas prolonger indéfiniment.

Vous ne connaîtrez plus des épisodes de flambée des prix. C'était notre objectif numéro 1, il est tenu.

Nous mettons en place une protection permanente du consommateur sur les prix de l'électricité.

Le bouclier tarifaire était une protection provisoire. L'accord obtenu avec EDF est une protection permanente.

Cette stabilité est d'autant plus fondamentale que nous allons consommer de plus en plus d'électricité. Demain, l'électricité sera le nouveau carburant de nos voitures et sera indispensable pour chauffer nos maisons.

Cette stabilité garantit enfin le financement de nos investissements futurs, en particulier des nouveaux réacteurs nucléaires, qui apporteront eux aussi de la stabilité.

Voilà pour les ménages : de la stabilité sur le long terme.

Pour les entreprises, je tiens d'abord à préciser un point majeur, qui n'est pas spécifique à notre accord mais qui est important : le système du tarif réglementé de vente (TRV) pour les particuliers et les petites entreprises sera maintenu. Il sera même étendu. C'était une demande de longue date.

Toutes les entreprises de moins de dix personnes et de moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires auront donc droit à un tarif régulé, quel que soit leur niveau de consommation. Il n'y aura plus de seuil à 36 kva (kilovolt ampère).

2. Cet accord donne aussi de la visibilité aux entreprises en portant sur l'intégralité de la production nucléaire d'EDF, ce qui n'était pas le cas dans la régulation précédente.

Tous ceux qui font des comparaisons avec les 42€ le MWh de la régulation précédente oublient que ce chiffre ne correspondait qu'à un tiers de la production nucléaire d'EDF. Ceux qui utilisent ce chiffre utilisent donc un chiffre qui n'a aucun sens.

Cet accord concerne cette fois 100% de la production nucléaire d'EDF.

C'est une véritable régulation.

3. À partir de là, cet accord prévoit une redistribution aux consommateurs des bénéfices d'EDF au-delà d'un certain niveau de prix que vous détaillera Agnès Pannier-Runacher.

4. Pour les entreprises industrielles, la régulation s'inscrit sur la base de contrats de long terme d'une durée de l'ordre de dix ans, qui seront mis en place par EDF. Ces contrats donneront de la stabilité. C'est indispensable pour la réindustrialisation du pays.

Avec cet accord, nous avons donc réussi à trouver un équilibre vital entre la compétitivité de notre industrie, la stabilité pour les ménages et le développement d'EDF.

Oui, EDF est une entreprise nationalisée. Mais EDF doit être rentable. Nous ne sommes pas en Union soviétique. EDF doit dégager des moyens de financer ses investissements futurs.

EDF est l'une des très grandes entreprises publiques du pays. Elle appartient à notre histoire économique. Elle est un élément décisif de notre souveraineté industrielle.

Il aurait été irresponsable de demander à EDF de vendre son électricité à perte au risque de mettre son développement, le financement de sa dette et ses investissements futurs en risque.

C'est pour cela que cet accord fait entrer EDF dans le XXIe siècle. C'est une entreprise nationalisée, mais c'est aussi une entreprise rentable. Nous devons conjuguer ces deux impératifs.

Il revient maintenant à EDF de mettre en place cet accord dans les mois qui viennent. Nous avons prévu de nous retrouver dans six mois pour nous assurer que cette politique commerciale fonctionne.

Cet accord sera mis en consultation auprès des associations de consommateurs, des fournisseurs, des industriels et de tous les acteurs du marché, pour une consultation publique que je souhaite la plus large possible.

Les parlementaires seront évidemment associés à cette consultation.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 15 novembre 2023