Interview de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à France Inter le 17 novembre 2023, sur le glyphosate et les intempéries en France,

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Média : France Inter

Texte intégral

ALI BADDOU
L'invité du " Grand entretien " ce matin avec Marion L'HOUR, notre invité est le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, secrétaire général et donc numéro 2 du parti Horizons, bonjour et bienvenue Christophe BECHU.

CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Ali BADDOU, bonjour Marion L'HOUR.

MARION L'HOUR
Bonjour.

ALI BADDOU
Vous dialoguerez dans une dizaine de minutes avec les auditeurs d'Inter qui peuvent vous appeler au standard 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter, nous avons beaucoup de sujets à aborder avec vous et notamment cette décision, qui était très attendue, elle concerne le glyphosate. La Commission européenne va renouveler l'autorisation du glyphosate pour dix ans, dix ans de plus, après l'échec d'un accord entre les 27 hier, la France s'est abstenue, pourquoi ?

CHRISTOPHE BECHU
D'abord il faut savoir qu'une abstention en fait ça vaut vote contre. On a essayé de trouver une position alternative à la position européenne. J'ai personnellement réuni un certain nombre de pays qui n'avaient pas soutenu la position de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate, sans aucune limite, et pour dix ans, pour qu'on essaye de se mettre d'accord de façon à s'engager dans un processus de baisse et de restriction de ce glyphosate, nous ne sommes pas parvenus à trouver suffisamment d'alliés. 17 pays ont voté en faveur de la position de la Commission, et donc on a, y compris pour des raisons diplomatiques, voté comme les Allemands, gouvernement au sein duquel il y a à la fois des écologistes et des socialistes…

ALI BADDOU
Pour des raisons diplomatiques, contre vos convictions…

CHRISTOPHE BECHU
Non…

ALI BADDOU
Et contre les promesses qui avaient été faites ?

CHRISTOPHE BECHU
Pour faire en sorte précisément de continuer à trouver des alliés sur ce sujet. Qu'est-ce que je peux vous dire ce matin ? que ce vote il ne va rien changer pour nous, la France va continuer à interdire des usages du glyphosate et à restreindre son utilisation. Depuis ces dernières années nous sommes le pays où l'utilisation du glyphosate a le plus baissé, 27% par rapport à la période 2015-2017, on a interdit tous les usages, pour les particuliers, pour les collectivités locales, et on travaille, avec la profession agricole, pour peu à peu, usage agricole par usage agricole, limiter, interdire, partout où on trouve des alternatives, l'utilisation de ce produit.

MARION L'HOUR
Vous nous dites l'abstention vaut vote contre, comment vous expliquez, par exemple à Théo, 16 ans, porteur de graves malformations parce que sa mère a été exposée au glyphosate pendant la grossesse, comment vous expliquez dans ce cas-là que vous ne votez pas, que vous vous abstenez, que vous ne votez pas contre ?

CHRISTOPHE BECHU
Cette histoire, qui m'a ému, comme beaucoup de gens, aujourd'hui elle n'est plus possible, dans un centre équestre vous n'avez plus le droit d'utiliser ce type de produit en France, c'est possible potentiellement dans d'autres Etats, chez nous, nous avons d'ores et déjà interdit ce type d'usage.

MARION L'HOUR
Mais si vous traversez un champ, oui.

CHRISTOPHE BECHU
Si vous traversez un champ, il y a des études qui ont été faites. Aujourd'hui, toute la difficulté que nous avons, c'est que vous avez des agences européennes qui ont dit " les conséquences sur la santé humaine ne sont pas certaines. " De là où je vous parle, moi ce que je dis c'est que les conséquences sur la biodiversité, sur les milieux aquatiques, eux ils sont certains et ils sont documentés, et donc c'est la raison pour laquelle nous devons baisser nos usages de glyphosate.

ALI BADDOU
Mais comprenez, Christophe BECHU, qu'une abstention ce n'est pas un vote contre, on peut voter contre, et quand on a pris l'engagement, comme le président de la République en 2017, d'interdire le glyphosate sous trois ans, on attendait que la position de la France soit la même.

CHRISTOPHE BECHU
Non seulement je le comprends, et je vous mentirais en vous disant que je ne m'attendais pas à votre question, mais le même président de la République, en 2019, a reconnu que nous n'arriverions pas à sortir du glyphosate en trois ans, précisément compte tenu du nombre de cas dans lesquels nous n'avions pas d'alternative crédible à la minute où on se parle, et c'est bien la difficulté devant laquelle nous sommes. La France a interdit tous les usages non agricoles, ça a été vrai pour la SNCF, ça a été vrai y compris pour les cimetières sur lesquels il y avait des tolérances, ça a été vrai sur les usages des particuliers, sur la vente, on l'a interdit dans le cas de centres équestres, et nous continuons, domaine par domaine, à…

ALI BADDOU
Donc vous reconnaissez que c'est pesticide mortifère, comme le dit GREENPEACE ?

CHRISTOPHE BECHU
Que c'est un pesticide qui est mauvais pour la biodiversité, et ça, de ce point de vue…

ALI BADDOU
Mortifère ?

CHRISTOPHE BECHU
Ecoutez, il y a des débats entre scientifiques, à titre personnel j'aurais évidemment préféré que, puisque nous étions opposés à cette décision, ça prenne la forme d'un vote contre plutôt qu'une abstention, puisque le résultat était le même, et ça m'aurait évité d'être soumis à la question tel que je le suis depuis une minute sur… encore une fois, la nature de la décision…

ALI BADDOU
Ce n'est pas de la torture, Christophe BECHU, c'est vraiment pour comprendre.

CHRISTOPHE BECHU
Mais non, je ne dis pas ça, ce que je veux dire c'est que nous avons… nous n'étions pas en accord avec la position de la Commission pour une raison simple, c'est que ça aurait été une régression environnementale et que la position de la Commission qui dit " on autorise tous les usages pendant dix ans sans limite ", est une dinguerie, nous sommes opposés à cette position, nous avons pris des mesures responsables d'interdiction dans un grand nombre de cas et nous allons continuer à baisser les usages, comme nous nous y sommes engagés.

MARION L'HOUR
Sur la question des intempéries, Christophe BECHU, on en a vu beaucoup ces derniers jours, dans le Pas-de-Calais notamment, il y en a eu en Savoie aussi, vous avez annoncé hier que vous travailliez à la mise en place d'un fonds d'urgence exceptionnel pour les habitants sinistrés de Bretagne qui, eux, ne vont pas bénéficier de l'état de catastrophe naturelle. Quel sera le montant de ce fonds, est-ce que c'est l'Etat qui va payer ?

CHRISTOPHE BECHU
Alors, je peux effectivement vous l'annoncer ce matin. J'ai hier annoncé qu'on travaillait à un fonds, la journée d'hier a permis, en particulier avec les services de la préfecture de Bretagne, mais je pense également au département de la Manche, qui a été touché par cette tempête Ciaran, de dimensionner ce qu'étaient les besoins, et c'est une première enveloppe de 50 millions d'euros…

MARION L'HOUR
D'argent public.

CHRISTOPHE BECHU
D'argent public, que je suis capable de vous annoncer ce matin, avec en particulier un axe sur le reboisement. On a près d'1 arbre sur 20, dans certaines forêts domaniales du Finistère, qui ont été déracinés et pour lesquels il n'y a pas de procédures d'indemnisation, d'accompagnement. On a des dégâts dans des collectivités territoriales qui n'ont pas pu être pris en compte parce que, pour des raisons historiques, une tempête ne peut pas, en métropole, être une catastrophe naturelle alors qu'un cyclone en Outre-mer peut l'être.

ALI BADDOU
On a découvert cette aberration. Un cyclone, c'est une catastrophe naturelle, une inondation, c'est une catastrophe naturelle, mais une tempête comme celle qui a ravagé la Bretagne n'est pas reconnue comme une catastrophe naturelle. Ça paraît aberrant mais ça a des conséquences extrêmement concrètes pour les personnes qui doivent être indemnisées et qui ne le sont pas.

CHRISTOPHE BECHU
Ça a évidemment des conséquences concrètes, des conséquences concrètes qu'il convient de limiter, notamment parce que la tempête est une des choses les mieux assurées paradoxalement, ou peut-être compte tenu de ce que je viens de dire. Ensuite, on a trois cas de figure. 1/ On a tout ce qui concerne l'agriculture. Là, la Bretagne va bénéficier de la procédure de reconnaissance de calamité agricole et 80 millions d'euros dédiés aux difficultés sur la totalité de cette façade - ce sera vrai pour le Pas-de-Calais, ce sera vrai pour la Bretagne - vont être versés en complément des aides. Ensuite, on a la catastrophe naturelle qui, elle, est possible pour le Pas-de-Calais et qui ne l'est pas pour la Bretagne, d'où ce fonds de solidarité qui va nous permettre de prendre, de financer, de tenir l'engagement pris par le président de la République d'être aux côtés des rescapés de cette tempête. Et puis enfin, il y aura quand même des conséquences à tirer et le fait qu'à partir de 145 kilomètres/heure pendant dix minutes en Outre-mer, vous soyez indemnisé et que, alors qu'on a eu des pointes à 200 kilomètres/heure sur la pointe du Raz, ce n'est pas une catastrophe naturelle, ça il faudra que ça change.

MARION L'HOUR
Alors ça peut sembler un peu technique, Christophe BECHU, mais vous dites que vous allez revoir la grille des catastrophes naturelles avec les assureurs qui, eux, disent que le coût des sinistres climatiques s'envole avec le dérèglement climatique, qu'ils doivent augmenter leurs primes. Est-ce que le gouvernement est prêt à accepter une augmentation de la surprime climatique ? Ça voudrait dire qu'on devrait payer plus cher pour nos assurances. Par exemple, la Caisse centrale de réassurance prône 25 à 45 euros sur l'assurance habitation. On augmenterait, on doublerait presque cette surtaxe en fait.

CHRISTOPHE BECHU
D'abord, pourquoi nous devons le faire ? Parce qu'on a une augmentation à cause du dérèglement climatique de ces catastrophes naturelles qui sont de moins en moins exceptionnelles. C'est vrai pour le retrait gonflement d'argiles, c'est vrai pour des épisodes d'inondations comme ceux qu'on a connus et qui malheureusement vont se multiplier parce qu'on va connaître plus de sécheresses l'été et plus d'inondations fortes pendant l'hiver. C'est vrai pour des phénomènes de tempêtes. Face à tout ça, on ne peut pas continuer à avoir une solidarité qui repose sur une caisse qui est désormais déficitaire depuis quelques années, et donc qui n'arrive plus à suivre en termes de rythme. Il faut qu'on revoie la grille et donc il faudra derrière qu'on revoit le financement.

MARION L'HOUR
Et donc ça va coûter plus cher.

CHRISTOPHE BECHU
Est-ce que c'est 12 euros ? Est-ce que c'est plus ? Est-ce que c'est dans un an ? Est-ce que c'est dans deux ans ? Tout ça, ce sont les débats que nous sommes en train d'avoir et qui déboucheront au début de l'année prochaine, dans le cadre du plan d'adaptation de la France à plus 4 degrés sur un dispositif.

ALI BADDOU
La MACIF a tranché. On vient d'apprendre, Christophe BECHU, que la MACIF avait tranché : il va falloir augmenter de quelques euros pour protéger ce régime et la surprime donc catastrophe naturelle.

CHRISTOPHE BECHU
Je vous le confirme.

ALI BADDOU
Vous le confirmez.

CHRISTOPHE BECHU
Mais bien entendu. Le sujet, encore une fois, c'est quand, comment, à quelle hauteur ? Est-ce que ça passe par cette augmentation sur les conventions d'assurance ? Qu'est-ce qu'on prend à l'intérieur ? Jusqu'où on va dans ce nouveau régime catastrophe naturelle que nous devrons mettre en place ? Parce que la conséquence du dérèglement climatique, c'est bien davantage de solidarité pour y faire face. (…)


source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2023