Texte intégral
ADRIEN GINDRE
L'invitée ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes ministre de la Transition énergétique. Vous avez une actualité très importante, on va en parler dans un instant. Mais d'abord, un mot, ce premier signal au Proche-Orient, avec la possibilité d'une libération d'otages. En tout cas, le gouvernement israélien a donné son feu vert à un accord, il s'agirait de libérer des prisonniers palestiniens, rendre effective une trêve de quatre jours avec à la clef la libération de 50 otages. On espèce des Français. De quelles informations dispose le gouvernement français ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je vais être très prudente, d'abord, surtout partager le soulagement du gouvernement français qui a eu le président, la ministre des Affaires étrangères, le ministre des Armées, une intense activité diplomatique pour contribuer à cet accord. La volonté de notre part que des populations civiles, qu'elles soient israéliennes ou du côté palestinien, puissent être également soulagées, soulagées en récupérant des otages d'un côté, et soulagées en pouvant obtenir une trêve et un soutien humanitaire qui est aujourd'hui nécessaire. Et nous allons tout faire dans les prochaines heures pour prendre notre part de ce soutien humanitaire.
ADRIEN GINDRE
On suivra bien sûr cette information tout au long de la journée sur LCI. On va parler dans un instant également de vos annonces, la stratégie énergie climat, je voudrais quand même vous entendre sur ces mots du président de la République : réveillez-vous ! C'est ce qu'il a lancé hier devant des chefs d'entreprise à l'Elysée. A qui s'adresse cet appel ? Qui doit se réveiller ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'il faut être attentif sur le fait que nous sommes dans un moment de transformation de notre pays, et qu'il ne faut pas considérer qu'il n'y a pas d'autres réformes à mener. S'agissant des entreprises…
ADRIEN GINDRE
Il pense à quoi ou vous pensez à quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
S'agissant des entreprises, vous savez qu'on se bat depuis six ans pour atteindre le plein emploi. Lorsque le président de la République est arrivé au pouvoir, le taux de chômage était supérieur à 9%. Il a baissé. Moi, je viens d'un territoire, le Pas-de-Calais, et en particulier le bassin minier, où il a baissé de quatre points, c'est énorme…
ADRIEN GINDRE
Et il ré-augmente légèrement. On est passé de 7,2 à 7,4% au dernier trimestre…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il ré-augmente légèrement. Et surtout, on doit continuer à se battre, continuer à se battre pour les jeunes, continuer à se battre pour le travail des seniors. Le gouvernement s'est totalement impliqué pour relancer l'apprentissage, pour faire la réforme des lycées professionnels, pour permettre aussi aux seniors de mieux travailler et de travailler plus longtemps.
ADRIEN GINDRE
Mais aujourd'hui, le chef de l'Etat en fait craint que son objectif d'atteindre le plein emploi ou de passer sous les 7 % de chômage ne soit pas tenu. En fait, c'est ça, il voit l'une de ses seules réussites possibles sur ce quinquennat potentiellement s'évanouir.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je ne pense pas que ce soit une des seules réussites possibles. On pourra parler de l'énergie, on pourra parler de la protection du pouvoir d'achat, on pourra parler du fait que la France est un des rares pays, des grands pays en Europe, à être toujours en phase de croissance. Donc tout ça, c'est du succès du président de la République. Mais au-delà de ça, c'est surtout de rappeler aux entreprises que nous accompagnons fortement, qui bénéficient de France 2030, de nombreux soutiens qu'ils ont leur part dans la bonne santé économique et sociale de notre pays. Que lorsqu'on parle d'apprentissage, on attend effectivement d'eux qu'ils prennent aussi leur part, lorsqu'on parle le travail des seniors. Lorsqu'on parle d'insertion des jeunes. Et donc, je pense qu'effectivement, c'est un donnant/donnant que nous devons installer et continuer à porter.
ADRIEN GINDRE
Ça rappelle quand même certaines formules, comme les Gaulois réfractaires, les feignants. Il y a un agacement du président de la République face à ses interlocuteurs. De votre point de vue ou de son point de vue, les entreprises ou la société ne fait pas assez pour accompagner et soutenir le gouvernement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois surtout qu'il y a une volonté inlassable de réformer et de faire en sorte que notre pays aille mieux. Nous avons mené énormément de réformes ces dernières années. Je le disais, l'apprentissage, la formation professionnelle, la réforme des lycées professionnels également. Mais nous en avons mené sur le registre de la fiscalité. On a massivement baissé les impôts dans ce pays, on a tendance à l'oublier, plus de 50 milliards d'euros. Nous avons lancé France 2030 pour mettre en place des filières du futur. Nous avons réformé le chômage, nous avons pris des mesures courageuses de réforme des retraites qui n'étaient peut-être pas populaires…
ADRIEN GINDRE
Mais ça, c'est ce qui a été fait. Malgré tout, le chômage ré-augmente. La question qui va se poser à vous, c'est qu'est-ce que vous faites maintenant ? Qu'est-ce qu'il faut faire ? L'agenda législatif, il est à peu près vide pour l'année 2024, pour le moment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, l'agenda législatif, il est loin d'être vide. J'ai moi-même deux lois que je porte par exemple sur l'énergie. L'énergie, c'est 100.000 recrutements sur le nucléaire dans les dix années qui viennent, c'est plus de 200.000 recrutements sur la rénovation thermique, et c'est probablement à peu près le même nombre sur la partie des énergies renouvelables. Simplement, il faut former les gens, il faut avoir les techniciens, il faut avoir les opérateurs, les tuyauteurs, les soudeurs, les chaudronniers, qui ont les compétences et qui peuvent être embauchés derrière. Donc c'est un travail qui n'est pas juste décrété par l'Etat. C'est un travail qui est collaboratif, coopératif. Les entreprises ont leur part, les collectivités locales aussi, d'ailleurs, parce qu'elles ont des compétences en la matière. Et oui, on ne va rien lâcher dans les années et dans les mois qui viennent.
ADRIEN GINDRE
C'est l'appel qui est clair du président relayé ce matin. On va parler donc de vos sujets. En effet, vous mettez en consultation la stratégie française pour l'énergie et du climat. Si j'en crois ce que disent nos confrères du Monde et l'interview que vous leur avez accordée, c'est un document assez conséquent. On parle de plusieurs dizaines de pages, qui doit déboucher sur une loi de programmation pour permettre à la France, c'est l'objectif, et vous allez nous l'expliquer, de sortir des énergies fossiles. D'abord, pour ceux qui nous regardent. Est-ce que cela veut dire que notre vie, notre quotidien vont radicalement changer en raison de cette sortie et cet objectif de sortie des énergies fossiles ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, peut-être pour planter le décor. Aujourd'hui, nous dépendons à 58% des énergies fossiles. C'est essentiellement du pétrole et du charbon (sic), du pétrole et du gaz, pardon, le charbon étant inférieur à 1%, donc résiduel dans notre mix énergétique. Le pétrole, c'est pour se transporter, le gaz, c'est essentiellement pour se chauffer et faire tourner les industries. Notre plan vise à réduire ces deux consommations et à remplacer par moins de consommation d'énergie. C'est ce qu'on appelle l'efficacité énergétique. On utilise des techniques qui sont plus efficaces et la sobriété. On change de mode de transport. Si vous basculez pour aller au travail de la voiture aux transports en commun, probablement, vous réduisez la consommation de carburant…
ADRIEN GINDRE
Donc ça veut dire qu'on devra tous consommer encore moins qu'aujourd'hui. Ce mot de sobriété que le gouvernement a mis dans le débat public depuis plus d'un an maintenant, ça va devenir un mantra quotidien ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça va devenir un mantra dans les 30 années qui viennent. Ça fait partie des piliers de notre politique énergétique, sobriété, efficacité, production d'énergies renouvelables sur notre territoire, production d'énergie nucléaire sur notre territoire. Et si on enlève un de ces éléments, on n'arrive pas à la neutralité carbone. On n'arrive pas à baisser notre dépendance aux énergies fossiles. Et je rappelle que cette dépendance, c'est ce qui pèse sur la facture des Français. C'est ce qui, l'année dernière, a conduit les prix à s'envoler parce que nous ne produisons pas d'énergies fossiles. Et ces énergies fossiles, elles sont produites en Russie, au Moyen-Orient. Et on comprend bien que dans le contexte géopolitique, on n'en a pas la maîtrise des prix. Et c'est aussi ce qui explique une forme de dépendance économique à d'autres pays. En produisant chez nous, en baissant notre consommation d'énergie, on crée des emplois en France, on récupère une partie de notre indépendance énergétique on peut installer des sites industriels, et également, on maîtrise notre facture énergétique, je crois que les Français y sont très attachés.
ADRIEN GINDRE
Alors, on va reprendre ces différents points. La sobriété, la transition écologique, c'est aussi vu encore aujourd'hui comme un facteur de contrainte et de coût. S'acheter une voiture électrique, ça reste plus cher malgré les aides. Faire la sobriété, c'est une contrainte. Vous dites peut-être c'est faux, mais en l'occurrence, c'est comme ça que le ressentent nos concitoyens, et c'est aussi comme ça que le portefeuille de nos concitoyens le ressent…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, vous avez parfaitement raison. Le sujet, c'est de faire en sorte que l'écologie ne soit plus un produit de luxe. Et dans la tête de nos concitoyens, l'écologie est encore un produit de luxe, quand on pense par exemple aux voitures électriques...
ADRIEN GINDRE
Dans la tête et dans la réalité.
AGNES PANNIER-RUNACHER
En 2024, avec les aides que nous apportons sur les voitures, et avec le fait qu'une voiture électrique coûte moins cher, moins cher en termes de carburants, significativement moins cher, c'est une économie de l'ordre de 1.000 euros par an, pour un conducteur qui fait ses 10.000, 12.000 kilomètres par an de voiture. Donc 1.000 euros par an, plus les aides prime à la casse et bonus écologique, ça place la voiture aujourd'hui en dessous de 15.000 euros, une voiture neuve, sachant qu'une voiture neuve, dans quelques années, sera sur le marché d'occasion et qu'elle deviendra également accessible…
ADRIEN GINDRE
Mais si vous voulez que ce ne soit pas un produit de luxe, est-ce que ça veut dire l'Etat et le gouvernement sont condamnés à toujours plus dépenser pour toujours plus aider, et que cette transition écologique et énergétique va fondamentalement peser sur nos finances publiques ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Absolument pas, parce que la transition écologique, c'est aussi, et je le disais à l'instant, des perspectives d'installer des nouvelles filières industrielles avec des prix qui vont progressivement converger vers le coût des solutions carbone. Aujourd'hui, oui, nous devons financer des voitures électriques. Mais vous constaterez que là où il y a encore quelques années, une voiture électrique, c'était 40.000 euros, nous allons avoir l'année prochaine des voitures électriques qui vont arriver sur le marché dont le prix sera du côté de 20.000, 23.000, 25.000 euros. Avec les aides, elles deviendront accessibles à ceux qui peuvent aujourd'hui se payer des voitures électriques, mais donc ça vise des classes moyennes. Ce n'était pas le cas il y a à peine quelques années. Et ces prix vont continuer à baisser nécessairement, puisque la masse, l'industrialisation de ces filières que nous faisons au passage sur notre territoire français, je rappelle qu'il y a cinq ans, nous avions zéro production de batteries électriques. Maintenant, avec le ministre de l'Economie, nous nous sommes battus. Nous avons accompagné la mise en place de quatre Gigafactory de batteries électriques. Et derrière, nous travaillons sur l'amont de la filière, comment récupérer les terres rares et les transformer pour les mettre dans les batteries, et sur l'aval de la filière, comment récupérer les batteries électriques en fin de vie et les recycler. Tout ça, c'est des milliers d'emplois à la clé.
ADRIEN GINDRE
Mais quand sera-t-on prêts, Agnès PANNIER-RUNACHER, pour que tout ce que vous nous décrivez-là, cet horizon que l'on peut partager, considéré comme souhaitable, soit entièrement, tenable, que la France soit d'une certaine manière, autosuffisante, dans ses capacités à produire, à produire y compris ses propres énergies renouvelables. L'exemple des panneaux photovoltaïques, c'est souvent donné, on les achète en Chine, ils viennent de Chine. Quand vous pourrez nous dire : " ça y est, la France fait tout ça, toute seule " ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Adrien GINDRE, nous parlons de 30 ans de transformation et la planification écologique qui est portée par le président de la République et la Première ministre, donne une visibilité sur ces 30 ans. En 30 ans, nous sommes capables d'atteindre une indépendance énergétique, et nous sortons de notre dépendance aux énergies fossiles. L'indépendance énergétique ne veut pas dire que nous n'importons rien, cela veut dire que nous ne sommes pas dépendants d'un seul pays ou d'un seul producteur pour faire fonctionner notre mix énergétique et que nous sommes très largement indépendants sur la partie électrique. Et c'est ça que nous sommes en train de construire. On dit « mais ça n'arrive pas tout de suite », mais les solutions, elles sont sous notre nez. Aujourd'hui, nous avons des voitures électriques. Le prix des voitures électriques est en train de baisser. Nous permettons aux Français de classes moyennes, et je dirais ceux qui gagnent aux alentours de 2 000 €, de commencer à pouvoir s'acheter ces voitures électriques. En Norvège, 80 % des immatriculations sont électriques. Donc, ce qui paraissait il y a à peine 5 ans, absolument inatteignable, se met en place sous nos yeux. Notre responsabilité politique est de faire en sorte que nous ne laissons personne sur le bord de la route. C'est pour ça que nous massifions les crédits pour la rénovation thermique. C'est pour ça que nous massifions les crédits pour l'électrification des véhicules. C'est pour ça que nous investissons massivement sur le train, sur les transports en commun, les RER métropolitains. Tout ça fait partie des solutions pour rendre l'écologie accessible à chacun.
ADRIEN GINDRE
Agnès PANNIER-RUNACHER, pour que ce soit aussi accepté, parce que c'est l'un des enjeux, il faut aussi écouter. Si je comprends bien ce que vous décrivez chez nos confrères du Monde, vous avez accepté de mettre pour le coup le pied sur le frein sur l'éolien terrestre. On ne va pas aller plus loin, plus fort sur l'éolien terrestre, si décrié par la droite, si décrié par l'extrême droite, et très contesté dans beaucoup de campagnes.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'il faut surtout écouter ce que nous disent les campagnes, comme vous le dites. Ce que nous, nous disons, c'est que nous avons un rythme de déploiement des éoliennes terrestres qui aujourd'hui est de l'ordre de, rentrer dans la technique, et vous me pardonnerez, 1,5 gigawatts à 2 gigawatts, et que nous pensons que ce rythme-là est un rythme raisonnable. Ce n'est pas un rythme petit, mais nous ne pensons pas qu'il faut forcer l'installation d'éoliennes terrestres et qu'il faut, nous pensons au contraire qu'il faut aller à un rythme qui correspond à l'acceptabilité sur notre territoire, de ce type d'énergie. En revanche, nous proposons de doubler le déploiement des énergies photovoltaïques en termes de rythme. Nous proposons de faire la même chose pour le biogaz. Nous proposons de quadrupler le déploiement de la géothermie. Et d'ailleurs, ce n'est pas que le gouvernement. Ce travail est le fruit d'une très longue concertation. Nous avons ouvert cette concertation au grand public entre le mois d'octobre et le mois de février. J'ai ensuite organisé des groupes de travail qui ont été pilotés par des parlementaires et des élus locaux, qui n'étaient pas de la majorité…
ADRIEN GINDRE
Mais vous dites : les conditions d'acceptation sont là.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà. Transpartisans, et ce sont eux qui m'ont remis leurs propositions en septembre. Simplement, ces propositions, on les retravaille, on les modélise aussi avec les experts et les scientifiques. Donc RTE nous dit : " Votre scénario fonctionne. Voilà les points de risque ", et nous allons continuer à travailler en ce sens, avec un scénario qui est fondé sur la science, la réalité des faits.
ADRIEN GINDRE
Sur les énergies renouvelables, Agnès PANNIER-RUNACHER, vous en êtes où de vos discussions avec Bruxelles sur de possibles sanctions ? Parce que l'Europe considérait qu'on n'allait pas assez vite, qu'on n'était pas assez bon.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, alors moi, effectivement, comme vous le savez, je suis en discussion avec la Commission européenne, parce que nous avons, le gouvernement de l'époque, en 2010, a accepté un objectif d'énergies renouvelables dans notre consommation finale de 23%. Elle avait déployé le même niveau d'énergies renouvelables à l'époque l'Allemagne, et en 2023, nous avons le même niveau d'énergies renouvelables que l'Allemagne dans notre consommation finale. Sauf que l'Allemagne s'est donnée comme objectif 19%, et donc nous apparaissons comme un mauvais élève dans la classe, alors que nous avons très exactement fait le même déploiement d'énergies renouvelables, plutôt plus que la moyenne européenne, + 46%, et que nous continuons à accélérer sur les énergies renouvelables. Et effectivement, il y avait une situation politique. Nous avions la présidence de l'Union européenne, il fallait faire aboutir un accord. Nous avons fait un effort supplémentaire…
ADRIEN GINDRE
Mais ... alors, finalement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais jusqu'au bout. Nous avons fait aboutir cet accord. Nous avons pris nos responsabilités à l'époque. Il ne faut pas que cela nous revienne en boomerang pour nous expliquer qu'on a été mauvais élève, alors qu'on ne l'a pas été. Donc moi, j'ai très clairement dit à la commissaire Kadri SIMPSON, que je suis tout à fait disponible pour discuter avec elle, mais que je pense que l'intérêt de l'Europe, c'est que la France mette plus de moyens dans ses énergies renouvelables en France, et elle fait la démonstration qu'elle les développe à marche forcée. Nous avons attribué 50% de plus de volume d'énergies renouvelables en 2023 par rapport à 2022. Et l'année n'est pas terminée…
ADRIEN GINDRE
Donc la discussion continue.
AGNES PANNIER-RUNACHER
La discussion continue, mais effectivement, on ne va pas acheter des transferts statistiques d'énergies renouvelables qui existent déjà, alors qu'on doit investir, faire en sorte de décarboner plus l'Europe et plus la France.
ADRIEN GINDRE
Vous n'avez pas le sentiment, cela dit parfois, de prêcher un peu dans le désert en exposant votre stratégie. Il y aura la COP dans quelques jours à Dubaï, fin novembre début décembre. On sait que beaucoup de pays sont très, très loin de respecter les engagements pris par le passé ou refusent d'en prendre, d'ailleurs. Même une grande entreprise française comme TotalEnergies, d'ailleurs vous en parlez dans l'interview que vous avez accordée à nos confrères du Monde, a indiqué qu'elle entendait accroître sa production d'hydrocarbures à l'horizon 2030. Ça ressemble à un énorme pied de nez, presque une forme de provocation. Au moment où vous, vous dites " on doit faire des efforts ", TOTAL nous dit " Eh bien nous, on va produire encore plus ".
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, en fait, pour négocier, il faut être plusieurs autour de la table. Donc nous, nous irons à la COP28, avec l'intention d'obtenir des engagements, y compris des industries pétrolières et gazières. Ces engagements, ils sont assez simples, c'est que déjà ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre sur leurs opérations. Ça, ça ne dépend que d'eux. Ils peuvent le faire avant 2030. Et il se trouve que ce n'est pas du tout négligeable dans les émissions de gaz à effet de serre. Je pense notamment aux fuites de méthane qui représentent aujourd'hui, le méthane c'est 30% du réchauffement, du dérèglement climatique, ou de l'impact sur les émissions de gaz à effet de serre. La deuxième chose, c'est qu'avec la politique que nous menons, avec l'électrification des véhicules et le fait de changer le chauffage en passant du fioul à d'autres technologies, on réduit notre consommation de pétrole. Donc après, les industries pétrolières et gazières pourront dire ce qu'elles veulent, mais il n'y aura plus besoin de vendre du pétrole...
ADRIEN GINDRE
Pas chez nous, peut être ailleurs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, nous sommes déjà en Européens 450 millions de citoyens et nous sommes le marché qui a le plus de valeur au monde. Donc ça, ça a de l'importance, et il faut se méfier. Ce qui se passe en Chine en ce moment, c'est une transformation massive du système énergétique. Les Chinois sont en train de déployer, avec la vitesse la plus importante des énergies renouvelables, ils vont avoir plusieurs années d'avance avec leurs objectifs. Donc il ne faut pas croire que le monde ne se transforme pas. Et là où nous devons, nous, prendre les autres de vitesse, c'est précisément de prendre de l'avance. Parce que, vous l'avez compris, derrière cette transformation énergétique, il y a aussi une guerre industrielle. Les premiers qui mettront en place les filières de demain, la voiture électrique, l'hydrogène, les éoliennes marines, ce sont ceux qui auront les emplois industriels de demain. Et c'est ce que nous faisons.
ADRIEN GINDRE
C'est l'avertissement à TOTAL : ne vous trompez pas de combat pour l'avenir, si je comprends bien ce que vous nous dites. Juste une question également, parce que vous avez insisté tout à l'heure, sur la nécessité d'aider et d'accompagner, même si ça ne durera pas éternellement parce qu'on se transformera. Emmanuel MACRON avait promis de doubler l'aide publique aux industriels pour leur décarbonation, en la passant de 5 à 10 milliards, si j'ai bien noté. Vous, aujourd'hui, vous participerez à la signature de contrats de transition écologique pour les sites les plus polluants. Est-ce que ce sera le cas ? Est-ce que ces aides vont passer de 5 à 10 milliards ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, aujourd'hui on va faire le point sur ces contrats de transition écologique. Je vais juste dire ce dont il s'agit, c'est les 50 sites les plus émetteurs de France qui se mettent sur une trajectoire, en accord avec les Accords de Paris, avec des investissements massifs, pour passer du gaz, parfois du charbon, vers l'électrique ou d'autres technologies, l'hydrogène vert, qui leur permettent de baisser drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Du point de vue industriel, l'industrie aujourd'hui fait son travail de baisse des émissions de gaz à effet de serre et est sur la bonne trajectoire. Ce dont on va prendre acte avec Roland LESCURE, nous soutenons massivement cette décarbonation, c'est 5 milliards d'euros. Si nous devons doubler la mise, vous comprendrez bien que ce sera au président de la République de l'annoncer, parce que c'est un effort considérable, et nous voulons aujourd'hui prendre la mesure de où nous en sommes avec les industriels, même si nous savons qu'ils sont très engagés dans cette politique de décarbonation.
ADRIEN GINDRE
Donc la promesse restera en suspens. Parlons quand même des prix, Agnès PANNIER-RUNACHER. D'après nos confrères du Canard Enchaîné, il n'y aura pas de stabilité, contrairement à ce que l'on avait cru comprendre, des prix d'électricité. Je les cite. " Le contrat que Bruno LE MAIRE vient de négocier avec EDF – disent-ils – prévoit une augmentation carabinée du mégawattheure d'ici 2 ans, + 70% ". Alors, éclairez-nous, que va-t-il se passer sur les prix de l'électricité ? Va-t-on voir notre facture flamber dans les 2 ans à venir ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, + 70% là aussi, c'est totalement absurde.
ADRIEN GINDRE
Donc, de combien sera la hausse ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle juste un détail aujourd'hui. Le bouclier énergétique, il est à 110 € du mégawatheure, 100 à 110 € du mégawatheure, sur la composante électricité. Nous parlons d'un prix d‘EDF qui est de 70 € en moyenne. En moyenne, ça veut dire que tous les consommateurs ne vont pas payer le même prix. Mais vous voyez bien qu'il y a de l'espace de jeu pour qu'il n'y ait pas une augmentation massive des prix. Ce que ne comprend pas manifestement le Canard Enchaîné, c'est que la régulation que nous avons mis en place, c'est une régulation qui protège massivement les Français. Elle dit qu'au-delà de 110 € du mégawatheure, nous captons l'ensemble des surprofits que ferait EDF, pour le redistribuer vers les consommateurs. C'est un bouclier énergétique qui se prolonge en réalité. C'est de cela qu'il s'agit, et c'est ce que nous mettons en oeuvre avec le ministre de l'Economie.
ADRIEN GINDRE
Dernier mot, vous allez aussi avoir à traiter des cas de dérapages, les fournisseurs d'électricité qui peut être, ne se comportent pas bien. Les propositions de la Commission de régulation de l'énergie ne suffisent pas à convaincre les associations de consommateurs. Qu'est-ce que vous allez faire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, on n'a pas attendu qu'il y ait ces propositions, puisque vous savez que nous avons renforcé les pouvoirs de la CRE l'année dernière pour leur permettre de poursuivre des fournisseurs qui ne faisaient pas bien leur travail…
ADRIEN GINDRE
Donc il y aura des sanctions ou il y a eu des sanctions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a eu des sanctions, il y aura des sanctions si nous mettons à jour des pratiques commerciales qui sont abusives…
ADRIEN GINDRE
On parle de quels fournisseurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On parle de fournisseurs dont on parlera quand les enquêtes arriveront au bout, c'est comme la justice, on n'en parle pas tant qu'on n'est pas arrivé au bout des enquêtes. En revanche, ce qui est très clair, c'est que nous voulons faire une partie de la loi de programmation, nous voulons dans cette loi un volet sur la protection du consommateur, avec une obligation par exemple de connaissance du prix, lorsqu'on signe un contrat. Alors, ça a l'air très.…
ADRIEN GINDRE
Un prix fixe qui est vraiment fixe ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, il peut être calé sur un prix de marché, ça, c'est des choses qui arrivent, enfin, je veux dire, c'est assez classique, mais il faut que ce soit transparent, ça a l'air d'être très bête, mais en réalité, ce n'est pas toujours très transparent.
ADRIEN GINDRE
A suivre donc. Merci beaucoup, Agnès PANNIER-RUNACHER, d'être venue ce matin sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2023