Texte intégral
Q - Bonjour Catherine Colonna.
R - Bonjour.
Q - Accord cette nuit validé par le gouvernement israélien menant à la libération de 50 femmes et enfants kidnappés le 7 octobre par le Hamas. Savez-vous, Madame la Ministre, qui va être libéré ? Savez-vous s'il y a des Français, parmi ces femmes et ces enfants ?
R - Il faut saluer cet accord, évidemment. C'est un moment de réel espoir et c'est la première fois, la première fois qu'on est aussi près de libérations effectives, avec vous l'avez dit, un premier groupe d'otages qui doit être libéré, spécialement des femmes et des enfants. Nous espérons qu'il y a des Français parmi eux, et même si possible parmi le premier groupe qui va être libéré, puisque ce doit être, grâce à une trêve, des libérations étagées. Nous l'espérons ; j'ajoute, nous y travaillons, et nous travaillons d'arrache-pied, c'est vraiment notre première priorité depuis le début.
Q - Les Américains annoncent déjà trois ressortissants libérés, dont une enfant de 3 ans. Pourquoi est-ce que la France ne peut pas annoncer le nombre d'otages français ?
R - Par prudence, parce qu'il faut que chacune des parties tienne sa part du contrat, parce qu'il faut que rien ne vienne entraver ce qui est prévu, parce qu'il faut une mise en œuvre. Et donc nous espérons, je l'ai dit, qu'il y aura des Français. Nous y travaillons. Et j'espère même que demain, je pourrai vous dire : oui, il y avait des Français.
Q - Il y a huit Français disparus. Parmi ces huit Français disparus, combien sont otages ?
R - Nous avons huit compatriotes dont nous sommes sans nouvelles, dont une partie avec certitude a été prise en otage.
Q - Certitude, ça veut dire que vous avez des preuves de vie ?
R - Nous avons eu des preuves de vie, c'est pour ça que nous nous exprimons de cette façon. Pour d'autres, nous n'avons pas eu de nouvelle ; nous pensons qu'ils ou elles sont otages, mais il faut distinguer les cas sur lesquels nous avons des certitudes des autres cas. Mais nous espérons évidemment la libération de tous nos huit compatriotes, mais aussi tous les otages. L'ensemble des otages doit être libéré.
Q - Vous tenez les familles au courant ? Les familles françaises ?
R - Bien sûr. Les familles sont au courant en permanence via Paris, via mes services, via le Consulat général de France à Tel-Aviv. Elles sont admirables de dignité, je tiens à le dire. Elles sont dans une situation de souffrance terrible. Beaucoup ont perdu des leurs, et elles sont dans une incertitude qui est cruelle, et il faut que cette cruauté s'arrête. Il faut vraiment que les libérations suivent, suivent vite. Nous nous y employons.
Q - Est-ce que la France participe à ces négociations ? Est-ce que la France joue un rôle ?
R - La France a été active, évidemment, depuis le premier jour. Je redis que ça a été notre première priorité, celle du Président de la République, la mienne ; ça le demeure. Nous sommes en contact avec ceux qui négocient, et je dois saluer tout particulièrement le travail qu'ont fait le Qatar, Israël bien sûr, et les Etats-Unis.
Q - Est-ce que le Hamas a la main sur le sort de tous les otages - on parle de 240 otages -, ou est-ce que il y a d'autres groupes armés qui retiennent des otages ? Et est-ce qu'il y a donc des otages avec lesquels les négociateurs n'ont pas de lien et pas d'intermédiaires ?
R - Le Hamas, dans ces négociations, a assuré qu'il pouvait rassembler l'ensemble des otages. Certains ont été pris par lui, d'autres ont été pris par le mouvement qui s'appelle le Djihad islamique, et d'autres peut-être ont pu être dispersés. Donc l'accord se fait sur la base de négociations entre le Qatar et les parties prenantes que sont le Hamas et ces différents groupes, tant politiques que militaires, de façon à permettre la sortie de tous les otages, d'abord grâce à cette première trêve, avec un certain nombre, plusieurs dizaines vraisemblablement, d'otages, et il faut que d'autres suivent. C'est la raison pour laquelle nous demandons que cette trêve soit durable et que l'ensemble des otages soit libéré.
Q - Alors, quand ? Quand est-ce qu'on va les voir arriver sur le sol israélien ?
R - Selon l'accord qui a été conclu, la pause, la trêve qui doit permettre les premières libérations, doit...
Q - Donc on commence par la trêve...
R - Bien sûr.
Q - ... et ensuite on verra des otages arriver.
R - Voilà. La pause, la trêve - c'est la même chose -, permettra de libérer les premiers otages. Elle doit commencer, dit le Qatar, dans les 24 heures, c'est-à-dire peut-être aujourd'hui, ce qui permet d'espérer soit une libération en fin de journée, soit plus vraisemblablement demain d'un premier groupe. Et j'aurai dit que nous espérons vivement, nous y travaillons, que des Français, des enfants et des femmes en particulier, soient dans ce premier groupe de personnes libérées.
Q - Catherine Colonna, qu'attendez-vous de cette trêve ? Qu'elle concerne autant Gaza que, par exemple, la frontière avec le Liban où d'autres combats... ?
R - Elle porte sur Gaza, et il s'agit, dans les opérations militaires que mène Israël, et que mène Israël à la suite d'attaques terroristes barbares qui ont commencé le 7 octobre. Et vous savez que les roquettes continuent de pleuvoir sur Israël, à la fois depuis Gaza et d'autres points. Cette trêve concerne la situation à Gaza, de façon à permettre que les otages soient libérés, dans un premier temps seulement une partie d'entre eux. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur le fait qu'il faut que la trêve soit durable et permette la libération de tous les otages. Permette aussi l'arrivée de l'aide : la population de Gaza souffre : il faut de la nourriture, il faut des médicaments, il faut des tentes, il faut de l'eau, il faut du carburant pour faire fonctionner les générateurs. La trêve va permettre cela, et peut-être aussi va-t-elle permettre d'enclencher une séquence plus positive, avec d'autres libérations, et avec au bout de cela un accord sur un cessez-le-feu. Il le faut.
Q - Il le faut, vous y croyez ?
R - Oui, il le faut.
Q - J'aimerais que vous clarifiiez en fait, Madame la Ministre, la position de la France, parce que, après avoir fermement soutenu le droit d'Israël à se défendre, dans son interview à la BBC qui a fait beaucoup parler, Emmanuel Macron a exhorté Israël à cesser les bombardements, je cite, "tuant des civils". C'est des propos qui ont été très mal reçus par Israël, qui s'est senti accusé de viser délibérément des civils. Est-ce que vous pouvez clarifier ce qui a été pris comme un retournement ?
R - Israël a le droit de se défendre, nous l'affirmons, nous le réaffirmons, comme tout pays attaqué. Et Israël a subi une attaque terroriste barbare, je le redis. Et nous-mêmes, nous aurions le droit de défendre si nous étions attaqués. Dans l'exercice de ce droit. Israël a une obligation, comme tout Etat. Cette obligation, c'est de respecter le droit humanitaire, de protéger les civils, de tout faire pour protéger les populations civiles. Il y a eu trop de morts. Nous ne le disons pas depuis hier ou depuis quelques interviews... Trop de morts, nous le disons depuis des semaines ; trop de civils tués...
Q - À Gaza ?
R - ... à Gaza. Une vie vaut une vie, à Gaza et ailleurs. On peut dire la même chose des civils palestiniens qui sont tués par les colons israéliens en Cisjordanie - déjà environs 200. C'est inadmissible, c'est indigne d'une démocratie...
Q - En Cisjordanie.
R - En Cisjordanie des extrémistes colons israéliens ont tué plusieurs centaines de Palestiniens. C'est indigne de la démocratie qu'est Israël. Nous l'avons condamné, nous le redisons, et il faut qu'Israël prenne des mesures pour que cela s'arrête
Q - Donc à ce stade, vous dites qu'Israël va trop loin, vous dites qu'il ne respecte pas le droit international ?
R - Un blocus complet n'est pas conforme au droit international. Ne pas tout faire pour protéger les populations civiles, même si nous sommes certains qu'Israël fait attention autant qu'il le peut, eh bien nous constatons qu'il y a trop de morts, il y a des milliers de morts. Je ne vais pas entrer dans une comptabilité macabre, et il n'y a pas de raison de...
Q - ...14.000 dénombrés par le Hamas
R - ...Et il n'y a pas de raison que le Hamas soit la meilleure source à cet égard, mais il y a des milliers de morts, des milliers de blessés. C'est trop. La population palestinienne n'a pas à subir les conséquences des crimes des terroristes.
Q - L'Union européenne a donné son aval hier à la poursuite de son aide en faveur du développement des territoires palestiniens, annonçant des contrôles plus stricts pour être sûr que ces fonds ne bénéficient pas au Hamas. La France y est favorable ?
R - Oui, nous sommes favorables. Nous en avons parlé lundi en réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. Les contrôles qui ont été faits ont mis en évidence qu'il n'y avait pas de cas connus de détournement. Vous savez que des interrogations s'étaient manifestées au tout début du mois d'octobre. La Commission européenne a fait son travail, comme nous lui avons demandé, de vérification. Ses résultats sont ceux qu'ils sont, et donc l'aide se poursuivra. J'ajoute même qu'il est nécessaire qu'elle arrive avec davantage de facilité et sans doute en plus grand nombre, vu la situation humanitaire catastrophique qu'il y a à Gaza.
Q - Madame la Ministre, Sébastien Lecornu, qui est ministre des Armées, revient d'une tournée au Proche-Orient où il a multiplié les rencontres. Y a-t-il deux ministres des Affaires étrangères en France en ce moment ?
R - Non, il y a des ministres qui travaillent pour la France, pour les intérêts de la France, sous la conduite du Président de la République. Je suis allée moi-même trois fois dans la région, la dernière fois, il y a une quinzaine de jours. Le ministre des armées y est retourné, a vu les mêmes pays, mais d'autres interlocuteurs, sur la même ligne, pour poursuivre les mêmes efforts, dont vous voyez, tant sur le plan de la trêve que sur des perspectives politiques sur lesquelles il y a une meilleure convergence maintenant pour qu'une solution politique vienne -et cela ne pourrait être que la solution à deux Etats -, eh bien pour que tout ceci progresse. C'est le sens de nos efforts, et on marque quelques résultats aujourd'hui, je pense que c'est un jour d'espoir.
Q - Merci, Madame la Ministre.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2023