Interview de M. Roland Lescure, ministre délégué, chargé de l'industrie, à RMC le 27 novembre 2023, sur l'immigration économique et sur les pénuries de médicaments.

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Média : RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Roland LESCURE

ROLAND LESCURE
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de l'Industrie, et vous le clamez haut et fort, la relance de l'industrie ne se fera pas sans immigration ; vous parlez de 100 à 200.000 travailleurs immigrés nécessaires pour relancer l'industrie française, au moment où le ministre de l'Intérieur a l'air de dire : eh bien, non, non, on va fermer le robinet de l'immigration et où il espère avoir les voix des Républicains pour faire passer la loi Immigration, ça fait un petit peu contradictoire quand même, non ?

ROLAND LESCURE
Non, ça essaie d'apaiser le débat, et de montrer que, évidemment, l‘immigration, et notamment la loi qui est portée par Gérald DARMANIN, elle a deux dimensions, la première, c'est une dimension de fermeté, il faut que ceux qui n'ont pas vocation à rester en France ou à rejoindre la France, eh bien, n'y arrivent pas ou en repartent. A l'inverse, on a besoin de main d'oeuvre, il y a une petite immigration économique en France, et ce que je dis, c'est que dans les dix ans qui viennent, on va avoir 800 à 900.000 personnes qui vont prendre leur retraite dans l'industrie. On va former le maximum de jeunes qui sont présents en France aujourd'hui vers ces métiers, mais il faudra sans compléter ça par une partie qui viendra d'ailleurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça ne suffira pas, il en faudrait donc combien dans quels secteurs et quels types de métiers ?

ROLAND LESCURE
Alors, c'est ce qu'on appelle des métiers en tension, dans l'industrie, il y a des métiers en tension qui sont très qualifiés, on manque d'ingénieurs, on manque de docteurs, il y en a aussi qui sont qualifiés, mais je ne dirais pas de troisième degré universitaire, des soudeurs, des chaudronniers, typiquement, on a besoin de 150.000 personnes pour construire les réacteurs nucléaires dont on va avoir besoin pour décarboner la France. Eh bien, dans ces métiers du nucléaire, on a besoin de beaucoup de soudeurs, on manque de soudeurs en France, on manque de soudeuses aussi, il faudrait que les jeunes femmes s'y intéressent.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, moi, je suis un peu perdue, parce qu'on a quand même beaucoup parlé de ce fameux article 3 de ce projet de loi Immigration, on en est où, il dit quoi ce texte désormais, le texte tel qu'il est, là, tel qu'il arrive à l'Assemblée, il dit quoi sur les métiers en tension ?

ROLAND LESCURE
Tel qu'il arrive à l'Assemblée, il est très restrictif, et il est…

APOLLINE DE MALHERBE
Trop restrictif à vos yeux ?

ROLAND LESCURE
Il l'est trop parce qu'il ne permet pas de régulariser des gens qui sont déjà en France, qui bossent, qui sont utiles, et pour être très clair, qui font des jobs que personne d'autre ne veut. Et donc pour régulariser ces gens qui sont intégrés, le défi de l'immigration aujourd'hui, c'est l'intégration, il y a des gens qui ne s'intègrent pas, quand on parle d'islam politique, d'extrémisme islamisme, ce sont des gens qui ne sont pas intégrés à la société française. Là, on a des milliers de personnes qui sont intégrées à la société française, dont on dit : eh bien, franchement, eux, ils ont mérité leur permis de travail, donnons-leur. Et donc l'idée, c'est de converger, je l'espère, vers un compromis. Il y a aujourd'hui un amendement du rapporteur Florian BOUDIE, qui prévoit que sauf exception, les exceptions, c'est quoi, c'est une remise en cause violente de l'ordre public. C'est la polygamie, c'est des comportements qui ne sont clairement pas en phase avec ceux qu'on souhaite avoir en France, eh bien, sauf pour ces exceptions, ceux qui sont en France depuis un certain temps, qui bossent, qui sont intégrés, doivent pouvoir être régularisés. Au fond, c'est assez raisonnable…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour vous, il y a deux choses, il y a ceux qui doivent pouvoir être régularisés, et qui sont déjà là, mais il y en aurait 100 à 200.00 qu'il faudrait en plus faire venir, on est bien d'accord ?

ROLAND LESCURE
Oui, alors, il y a un dispositif qui existe déjà, qui s'appelle le Passeport talent, qui permet, notamment dans le secteur des nouvelles technologies, où on a besoin de talents très particuliers, de faire venir des ingénieurs ou des chercheurs. Moi, ce que je dis, c'est qu'il faudra sans doute élargir un peu ce dispositif à des métiers particuliers, dans les dix ans qui viennent, pour qu'on puisse faire venir ceux dont on a besoin, et qu'on n'arrive pas à former en France…

APOLLINE DE MALHERBE
Et ça passe ? Pour vous, ça passe ? C'est-à-dire, vous en avez parlé, j'imagine, avec Gérald DARMANIN, où on sent bien qu'il est quand même à la recherche des voix de la droite. Votre proposition, votre insistance sur ce besoin d'une immigration de travail, est-ce que ça passe ?

ROLAND LESCURE
Eh bien, en tout cas, il y a un député qui s'appelle Marc FERRACCI, qui va porter un amendement dans ce sens. Ce que je dis, au fond, ce n'est pas très loin de ce que disait Nicolas SARKOZY, il y a dix ans. Est-ce que c'est vraiment de gauche que de dire qu'aujourd'hui, on a des besoins économiques, et qu'il y a des talents qui peuvent rejoindre la France, et qui vont, du coup, s'intégrer davantage via l'économie, ça fait des siècles que la France est un pays d'immigration. Ça fait des décennies que l'immigration, qui marche en France, il y en a une qui marche, et j'aimerais qu'on le dise de temps en temps, elle marche parce que les gens s'intègrent, parce qu'ils bossent, parce que leurs enfants vont à l'école, à l'université ; on a des générations de Françaises et Français qui viennent de l'étranger, et qui se sont intégrés et qui aujourd'hui font la France, c'est ceux-là qu'il faut privilégier, ceux évidemment qui viennent en clandestins, qui viennent pour, je dirais, faire tout sauf s'y intégrer et ne pas y travailler, ceux-là, il faut qu'on puisse les renvoyer chez eux.

APOLLINE DE MALHERBE
Roland LESCURE, je voudrais vous parler des médicaments, parce que vous étiez à la réunion le 10 novembre dernier avec les industries pharmaceutiques, et on a découvert un paradoxe, c'est qu'on a des stocks d'antibiotiques, mais que les pharmaciens, eux, n'en ont pas, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qui fait que ça ne passe pas ?

ROLAND LESCURE
Exactement, vous avez fait le bon geste...

APOLLINE DE MALHERBE
Je fais le geste, alors pour ceux qui nous écoutent à la radio, c'est que, effectivement, je montre deux directions contradictoires.

ROLAND LESCURE
Vous faites le geste. Donc on a de la production correcte, notamment sur les antibiotiques, sur le paracétamol, et on a un problème d'acheminement, il faut que ça arrive... donc il y a des pharmacies qui en ont trop, pour simplifier, et des pharmacies qui n'en ont pas assez. Donc ce qu'on a annoncé avec Aurélien ROUSSEAU, c'est qu'on va…

APOLLINE DE MALHERBE
Le ministre de la Santé…

ROLAND LESCURE
Le ministre de la Santé, on va coordonner le travail entre les industriels, ce qu'on appelle les grossistes répartiteurs, ceux qui ramènent les médicaments chez les pharmaciens, et ça, via un système qui va permettre de connaître les stocks. On a besoin de savoir en fait si le pharmacien…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est quand ça ?

ROLAND LESCURE
Alors, on est en train de développer le système, et il sera disponible dans une version préliminaire dès cet hiver, parce qu'on ne veut évidemment pas que, comme l'année dernière, on se retrouve avec des manques…

APOLLINE DE MALHERBE
On pense évidemment au mois de janvier, février, mars, qui sont les moments où il y avait eu les plus grandes pénuries et tensions l'an dernier, donc ce que vous nous dites ce matin, c'est que ça devrait passer ?

ROLAND LESCURE
Ça devrait passer sur tous les médicaments dits en tension, qui sont importants, qui sont ceux qu'on utilise en fait face aux épidémies, qui se passent malheureusement en hiver, effectivement.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Roland LESCURE…

ROLAND LESCURE
Merci à vous.

APOLLINE DE MALHERBE
Ministre de l'Industrie, qui appelle donc à ce qu'il y ait la possibilité d'une vraie immigration de travail pour sauver, dites-vous, l'industrie française.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2023