Interview de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à BFMTV le 26 novembre 2023, sur la libération des otages et la pause dans le combats à Gaza.

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Média : BFM TV

Texte intégral

Q - Nous sommes en direct avec la ministre des affaires étrangères Catherine Colonna. Bonsoir Madame la Ministre.

R - Bonsoir

Q - Merci beaucoup d'être l'invitée de BFMTV et de "C'est pas tous les jours dimanche". Nous en sommes au 3ème jour de trêve à Gaza. 14 otages Israéliens et 3 étrangers ont été remis à la Croix Rouge, aujourd'hui - on voyait tout à l'heure les images de ces camions qui quittaient le point de passage de Rafah -, et toujours pas un seul Français, parmi ces otages libérés. Est-ce que vous avez encore un espoir que des otages français soient libérés avant la fin de la trêve ?

R - Bien sûr. Je sais que c'est une attente éprouvante, cruelle même, et je pense évidemment à toutes les familles qui sont dans l'angoisse. Une inquiétude que nous partageons, mais un espoir aussi que nous avons en commun. Alors évidemment, aujourd'hui encore, ces familles ont certainement été déçues de ne pas voir les leurs rentrer. Et nous demandons, nous demanderons avec insistance la libération de nos otages, nous y travaillons sans relâche, et la libération de tous les otages, parce qu'il ne faut pas oublier tous ceux qui restent.

Q - Si l'on regarde la nationalité des otages qui ont été libérés depuis deux jours, il y a des otages américains, des otages allemands, également. Comment est-ce que vous expliquez en l'état que les otages français soient absents de ces vagues de libération depuis vendredi ?

R - Il faut savoir qu'il y a des listes qui ont été établies au cours des négociations, c'est à dire essentiellement par l'intermédiaire du Qatar avec le Hamas, et ensuite c'est le Hamas, malheureusement, qui fait ses choix à l'intérieur de ces listes. Et donc jour après jour, ça n'est pas à leur partenaire de faire des décisions malheureusement, c'est le Hamas qui décide, et avec, vous l'avez vu, des difficultés comme par exemple hier. Néanmoins, nous avons bon espoir que nous pourrons avoir des otages libérés, mais il faudra aller plus loin, parce que 50 otages libérés, ça ne correspond pas à la totalité de ceux qui sont pris en otage. Donc nous travaillons sans relâche. Hier soir encore, j'avais le Premier ministre du Qatar au téléphone, demain je verrai les ministres égyptiens et saoudiens à Barcelone où je me rendrai. Le Président de la République, le gouvernement, l'ensemble du réseau diplomatique sont mobilisés, c'est vraiment notre première priorité. Les otages doivent être libérés, tous.

Q - Vous avez évoqué cet appel avec le Premier ministre qatari. Quelle est la teneur des discussions, que vous disent-ils sur l'état de ces négociations ?

R - Il est évidemment difficile d'en dire plus et certainement pas de parler à leur place, mais vous savez le rôle extrêmement important et très utile que joue le Qatar, qui est en liaison avec le Hamas. Et nous sommes aussi en contact, bien sûr, avec Israël, ça va de soi, avec l'Egypte, avec les Etats-Unis notamment, avec le CICR. Tout le monde travaille d'arrache-pied pour parvenir à ces libérations, mais il faudra aller plus loin. Je redis que tous les otages doivent être libérés. Evidemment, il serait bon, il serait utile, il serait même nécessaire que la trêve soit prolongée à cette fin.

Q - C'était justement ma question. Le Président des Etats-Unis Joe Biden a pris la parole en expliquant qu'il souhaitait que cette trêve se poursuive, je cite, "au-delà de demain". Vous nous dites donc ce soir que la position de la diplomatie française est similaire à celle de Joe Biden, à savoir demander à ce que cette trêve puisse se prolonger au-delà de demain, où elle doit normalement s'arrêter.

R - De longue date, la France considère qu'il faut une trêve, une pause - les mots sont équivalents - durable, et même qui permette d'aboutir à un cessez-le-feu. Il faut y travailler dès maintenant. Donc sur l'accord qui a été conclu entre le Hamas et le Qatar, il y a, oui, la possibilité de prolonger la trêve pour obtenir davantage de libérations. Evidemment, personne ne peut souhaiter le contraire, donc il faudrait que cette trêve se poursuive, que d'autres libérations, jour après jour, puissent intervenir et que l'ensemble des otages soient libérés.

Q - Est-ce que les autorités israéliennes sont réceptives à ces appels ? Est-ce que vous avez, là encore, pour reprendre votre expression, "bon espoir" que cette trêve soit prolongée ?

R - Nous le verrons, mais je pense que les voix qui s'expriment, qui sont de plus en plus nombreuses et qui sont convergentes pour les convaincre de la prolongation de la trêve, avec évidemment à la clé des libérations d'otages, sont dans l'intérêt d'Israël, et ça correspond même à l'accord qui a été conclu il y a quelques jours. Il faudrait qu'il soit prolongé pour permettre davantage de libérations, et même au-delà, pour permettre la reprise d'un processus politique, l'arrivée en plus grand nombre de l'aide humanitaire. Nous avons déjà apporté beaucoup d'aide, iI faut qu'elle passe, il faut qu'elle passe jusqu'au nord de Gaza, il faut que les blessés puissent être soignés. Nous apportons des capacités médicales, vous le savez, un navire français sera sans doute demain à proximité des côtes égyptiennes, et nous souhaitons pouvoir avancer. Il faut sortir de ce cycle, évidemment.

Q - Une toute dernière question, Catherine Colonna : sur le plan diplomatique, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a affirmé à Gaza aujourd'hui, je cite, "on continue jusqu'à la victoire". Est-ce que cette volonté des autorités israéliennes de détruire le Hamas est compatible avec, précisément, cette demande que vous venez de rappeler, à savoir une trêve durable, soutenue, qui devra conduire à un cessez-le-feu ? Est-ce que ces deux positions là sont compatibles ? Visiblement, les autorités israéliennes maintiennent leur volonté de détruire le Hamas.

R - Les autorités israéliennes, légitimement, veulent que le Hamas ne soit plus en mesure de recommencer les horribles attentats abominables, vraiment barbares, qui ont été commis le 7 octobre. Il y a différentes façons de le faire, et nous avons depuis longtemps souligné la différence qu'il y avait entre des opérations ciblées, qui vont permettre de s'en prendre à un terroriste désigné, et des bombardements massifs, des opérations terrestres, qui font trop de victimes civiles. Cela fait des semaines que nous le voyons, des semaines que nous le disons : il faut faire autrement, tout en atteignant cet objectif, mais avec d'autres méthodes, évidemment.

Q - Merci beaucoup, Madame la Ministre. Et donc je rappelle le message que vous faisiez passer, que vous avez bon espoir sur la question de la possible libération d'otages français. Merci infiniment d'avoir été l'invitée de "C'est pas tous les jours dimanche", ce soir.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 novembre 2023