Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mobilisation générale donc ce matin sur l'antenne de BFM Business, consacrée à l'industrie et la réindustrialisation de notre pays. Plateau d'invités ici, à la BPI, qui nous accueille, la BPI qui est désormais la banque de l'industrie, pas seulement la banque de la French Tech. Et je suis avec Roland LESCURE, le ministre de l'Industrie. Bonjour.
ROLAND LESCURE
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on y croit, vous savez, nous, à la réindustrialisation, tous les jours, à l'antenne de BFM Business. On reçoit des acteurs de l'industrie, NOVO NORDISK, évidemment, la semaine dernière, on y croit, mais on est un petit peu inquiet, parce que, forcément, la conjoncture économique se dégrade, elle se dégrade pour tout le monde, toujours créations positives et d'usines en France, et d'emplois industriels ; toujours des pénuries de main d'oeuvre, on va parler de tout ça. Mais est-ce que vous êtes inquiet du petit ralentissement des implantations d'usines et de créations d'emplois dans notre pays ?
ROLAND LESCURE
Non, je ne suis pas inquiet, il faut être évidemment, je dirais, toujours alerte, volontariste et déterminé. On a les chiffres d'emploi qui viennent de sortir, là, qui ont été révisés pour le troisième trimestre, on crée plus de 35.000 emplois dans l'économie dont 12.000 dans l'industrie. Ça veut dire que depuis six ans, on a créé 120.000 emplois dans l'industrie, là où on en avait détruit plus de deux millions les vingt années qui ont précédé. Donc on est vraiment à un moment où on a inversé la tendance, et il faut qu'on accélère. Aujourd'hui, les industriels, il y en a deux types, il y en a, c'est vrai, qui souffrent de la conjoncture, qui ont tendance un peu à lever le pied, et il y en a, comme NOVO NORDISK, mais il y en a d'autres, qui investissent à long terme, qui investissent sur la décarbonation, sur les nouveaux produits innovants, c'est le cas de NOVO NORDISK, créent de l'emploi…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je rappelle NOVO NORDISK, cette entreprise danoise qui est aujourd'hui la première entreprise européenne en termes de valeur boursière, devant LVMH…
ROLAND LESCURE
C'est la première capitalisation boursière…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et qui choisit la France…
ROLAND LESCURE
Exactement, et qui choisit la France, je dirais, à nouveau, ça fait 60 ans qu'ils sont en France, ils avaient 1.600 employés à Chartres, c'est le plus grand employeur d'Eure-et-Loir, et ils vont créer 500 emplois de plus avec deux milliards d'investissement. Et pendant la construction, c'est 2.000 emplois…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et ils vont créer, ils vont donc fabriquer notamment un antibiotique et le nouveau coupe-faim à succès, succès mondial, qui permet peut-être, on l'espère, de réduire l'obésité dans le monde.
ROLAND LESCURE
Exactement. Donc on est vraiment sur des investissements assez emblématiques de ce que c'est que l'industrie aujourd'hui, de l'innovation, des secteurs stratégiques, comme la santé, il y a aussi l'aéronautique, il y a évidemment toutes les industries vertes. Donc on a des secteurs qui sont en train de se développer, on a du capital pour ça, bon, la BPI, évidemment, mais beaucoup d'autres qui sont prêts à accompagner les industriels. Donc je ne vais pas dire que tout va bien, il y a des défis majeurs, le risque géopolitique est prégnant, les taux d'intérêt ont monté. Mais vraiment, cette espèce de lame de fond qu'on a depuis cinq, six ans, elle se poursuit et évidemment, le ministre de l'Industrie en est très heureux.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais alors, justement, il y a beaucoup de beaux exemples d'usines qui s'implantent. On en a beaucoup parlé, il y a toutes les Gigafactory avec le travail formidable qui a été fait dans les Hauts-de-France. Il y a, on l'a dit, NOVO NORDISK, il y a eu STMICRO qui investit. Est-ce que ce n'est pas un peu, tout ça, des arbres qui cachent la forêt ? C'est-à-dire que, quand on voit la part de l'industrie dans le PIB, moins de 10 % aujourd'hui, on était à 20 %…
ROLAND LESCURE
Alors, on est plutôt à 13, 14, si on prend l'ensemble de l'industrie…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah, ça dépend des chiffres…
ROLAND LESCURE
Oui, oui, non, mais l'INSEE…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On était à 20%.…
ROLAND LESCURE
Voilà, on a diminué par deux.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc du coup, effectivement, c'est parce qu'on est mobilisé, le gouvernement, les subventions, on va en parler. Mais est-ce que, globalement, le tissu industriel profond, lui, repart vraiment à la hausse ?
ROLAND LESCURE
Non, mais on a arrêté la dégradation. Mais vous savez que pour monter la part de l'industrie dans le PIB, il faut que l'industrie aille plus vite que le PIB, c'est mécanique. Donc il faut qu'on accélère. On a stabilisé la part de l'industrie. L'INSEE dit 13, 14%. Bon, eh bien, on était à plus de 20 il y a effectivement 20 ans, donc il faut qu'on remonte. Si on va déjà jusqu'à 15, 16, 17, ce sera un énorme mouvement. Alors, est-ce qu'il n'y a que des Gigafactory, est-ce qu'il n'y a que des arbres et pas de forêt ? Non. On a un dispositif qui s'appelle Territoires d'industrie, qui a très bien fonctionné, qui a permis de relancer des usines, d'accroître des capacités de production un peu partout en France. On l'a prolongé, on va faire 500 millions d'euros d'accompagnement dans les cinq ans qui viennent, mais surtout, des chargés de projets qui vont accompagner les territoires. En général, on a des élus et des industriels qui s'engagent ensemble, dans le Cambrésis, donc à Caudry, on a lancé un dispositif de Territoires d'industrie qui a conduit à des créations d'emplois dans la dentelle de Caudry. Ce n'est pas des Gigafactory de batteries, c'est quelques emplois, mais qui permettent de redynamiser des entreprises qui vont bien, qui habillent à la fois Lady Gaga et la future reine d'Angleterre à son mariage, mais qui sont vraiment inscrits dans les territoires, je dirais, profonds. Et c'est important parce que moi, c'est un peu mon combat politique. L'industrie, c'est une arme anti-colère, c'est une arme qui crée de l'espoir. Quand vous créez une usine dans un territoire délaissé, vous redonnez espoir à tout un territoire.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous venez de dire : créer une usine. Mais on a donné beaucoup d'exemples, regardez NOVO NORDISK, où, en fait, c'est souvent des extensions de sites, et ça, ça marche bien, tant mieux. Mais est-ce que ça veut dire que pour créer une usine, c'est encore trop compliqué ? Il y a encore trop lourdeurs administratives ? Il y a la nouvelle loi qui va permettre de réduire les délais. Mais bon, ça met du temps à se mettre en place. Les décrets, la viabilisation des terrains, le fait d'enlever toutes les autorisations administratives préalables, on en est où de ça ?
ROLAND LESCURE
Alors, d'abord, je vais vous dire que sur les décrets, ça va aller vite. Avec Bruno LE MAIRE, on a mis beaucoup de pression sur l'administration pour qu'elle puisse livrer les décrets d'ici le printemps. Cette loi, elle permet d'accélérer les délais et effectivement, en moyenne, on met 17 mois à avoir les autorisations. On va passer à huit ou neuf mois, donc on divise par deux. Ensuite, au-delà, je dirais, des délais législatifs, réglementaires, on a un changement de culture qui s'opère. Aujourd'hui, les préfets sont extrêmement mobilisés, les élus locaux sont alignés avec l'Etat. Moi, quand je vais dans les Hauts-de-France, en général, le président de région, le président de département, le président des interco, le maire, ils sont tous là, quelle que soit leur couleur politique, à part les extrêmes qui sont toujours un peu, allez, plus pour la misère et le désespoir que pour l'espoir, ils sont tous là. Donc on a un accompagnement global. Vous parliez des sites, parce qu'effectivement, pour installer une usine, on a besoin de terrains. On a lancé un dispositif " 50 sites clés en main ". Donc on a aujourd'hui un appel à projets qui fait que les communes qui souhaitent postuler, candidater nous proposent un terrain sur lequel on va investir de manière à le mettre clé en main. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va le dépolluer, s'il a besoin d'être dépollué, on va brancher l'électricité s'il n'y en a pas, l'eau, etc. On a 50 sites, ça va faire 2.000 hectares, des petits, cinq hectares, jusqu'à des plus gros, jusqu'à 100. Donc on va avoir à disposition des industriels qui veulent s'installer des sites clés en main qui vont permettre d'accélérer le mouvement. Vous avez raison, il faut accélérer, accélérer, accélérer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, est-ce qu'on a quelques bonnes nouvelles ce matin, on a raté, TESLA, on a raté INTEL, est-ce qu'on va avoir l'usine du constructeur chinois BYD ? On est en compétition avec les Hongrois. Est-ce que les négociations, les tractations se poursuivent ?
ROLAND LESCURE
Alors, sur BYD, j'allais dire, comme sur TESLA, tant qu'il n'y a rien de fait, il n'y a rien de fait. Donc on continue à travailler. NOVO NORDISK, on l'a annoncé la semaine dernière, 15 jours avant, ce n'était pas fait. Il faut que les conseils d'administration prennent leur décision et tout…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut que le board mondial dise…
ROLAND LESCURE
Exactement…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Dise c'est la France la meilleure en fait…
ROLAND LESCURE
Et je peux vous dire d'ailleurs j'ai demandé au PDG de NOVO NORDISK, mais qu'est-ce qui fait que vous avez choisi la France ?
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On lui a posé la même question.
ROLAND LESCURE
Et, je sais, parce que j'avais suivi votre entretien avec lui, et son board lui a dit : Mais pourquoi la France ? Parce que l'image de la France, quand on est près du terrain, on voit qu'on fait tout ce qu'il faut pour avancer, Choose France, etc, mais de loin, parfois, on a encore un peu cette image d'Epinal de la France, sur laquelle il faut qu'on avance. Donc ce n'est pas des combats gagnés. Donc ça, tant que ce n'est pas fait, ce n'est pas fait. On continue. On a eu, avant NOVO NORDISK, GSK, LILLY qui est une grande entreprise pharmaceutique américaine aussi, qui a investi 150 millions. Ces dernières semaines, c'est 2 milliards, plus de 2,5 de milliards dans l'industrie pharmaceutique, dont 2 milliards pour NOVO NORDISK. Donc vraiment, la France attire. Mais, il faut continuer, et il faut continuer à accélérer évidemment, c'est le maître mot de la journée…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pour BYD quand même. Encore une question sur le nœud d'étranglement, qui sont finalement les talents. Alors, ça vaut pour toute l'économie, mais dans l'industrie, c'est peut-être encore plus vrai, parce que pendant des générations, les étudiants, les ingénieurs ne se sont pas dit... dans les cabinets de conseil que dans les boîtes industrielles, comment on fait pour changer les mentalités ?
ROLAND LESCURE
Alors cette semaine, c'est la semaine de l'industrie. C'est un peu mon festival de Cannes à moi. Il y a 5 500 événements un peu partout en France et on a mis le paquet cette semaine, cette année sur justement la quête des talents. Premier défi, il faut attirer les jeunes. Ensuite, il faut les former, il faut les recruter et s'assurer qu'ils progressent dans l'entreprise. Le premier défi, c'est l'attractivité. Il faut donner envie d''industrie, donc merci de le faire avec nous ce matin et aujourd'hui. Il faut le faire via de la communication, notamment via des nouveaux modes de communication sur les réseaux sociaux, etc. Il faut aussi qu'on investisse tous les dispositifs de découverte des métiers à l'école. Je travaille là-dessus avec mon collègue Gabriel ATTAL, avec Carole GRANDJEAN pour que….
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
L'idée d'ATTAL, c'est de mettre davantage d'économie d'entreprise dans les écoles.
ROLAND LESCURE
Exactement donc les stages de troisième et stage de seconde par exemple, qui sont les premiers, je dirais cette année, 550 000 jeunes à qui il va falloir trouver des stages. Moi, je dis aux industriels, trouvez leurs des stages chez vous, faites-les venir.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils vont en trouver parce qu'ils ont besoin maintenant de main d'œuvre et de bras et que pour séduire les étudiants, il faut quand même leur montrer ce que c'est.
ROLAND LESCURE
Le changement culturel est là.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Leur dire aussi qu'on gagne plus d'argent.
ROLAND LESCURE
Alors il y a trois sujets. Un, montrer que l'industrie, ça décarbone parce qu'on a toujours l'image que l'industrie, ça pollue. En fait, l'industrie, c'est la seule manière de décarboner en créant de l'emploi. Deux, vous l'avez dit, ça paie. Le salaire moyen dans l'industrie, 250 euros de plus qu'ailleurs et surtout, ça progresse. Quand vous rentrez sur un niveau, en général, vous progressez parce que les carrières sont plus dynamiques. Et troisième point, c'est de moins en moins pénible. On a encore cette image de l'industrie avec des métiers, des postes extrêmement pénibles. Je ne vais pas vous dire que c'est la vie rose dans l'industrie, on a des horaires de travail parfois un peu difficiles, mais c'est beaucoup moins pénible que c'était, allez voir des usines, Mesdames et Messieurs, vous verrez qu'aujourd'hui les usines sont robotisées, sont extrêmement passionnantes à faire avec des métiers qui sont souvent des métiers assez technologiques, donc c'est moins pénible, ça pollue et ça paye. Il faut aller dans l'industrie.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un exemple EDF qui doit construire des EPR et qui va recruter 10 000 personnes par an quand même, 10 000 talents.
ROLAND LESCURE
L'ensemble de la filière nucléaire, 150 000 personnes à recruter dans les dix ans qui viennent.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Roland LESCURE, ministre de l'Industrie, d'avoir été avec nous.
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 novembre 2023