Texte intégral
Q - Bonjour, Madame la Ministre.
R - Bonjour.
Q - Merci beaucoup d'être en direct avec nous depuis Bruxelles, où vous devez participer tout à l'heure à une réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN.
R - Merci de votre invitation.
Q - Merci beaucoup. Trois des huit Français enlevés, le 7 octobre dernier, dans l'attaque du Hamas, ont donc été libérés hier soir. Il s'agit des trois enfants : Eitan, 12 ans, Erez, 12 ans également, et sa soeur Sahar, 16 ans. Est-ce que vous avez eu, Madame la Ministre, de leurs nouvelles, pendant la nuit ?
R - Nous avons des nouvelles indirectement et je peux vous dire qu'elles sont bonnes. D'abord, évidemment, parce que cette libération est un réel soulagement pour tous et nous partageons la joie de la mère de Sahar et Erez, de la grand-mère d'Eitan. Vous savez, nous les connaissons. Le Président de la République les avait reçus. Moi-même, je les avais rencontrés très tôt après les attentats du 7 octobre, lorsque je m'étais rendue à Tel-Aviv, une semaine plus tard. Et donc on partage leur joie, leur immense soulagement, même si nous devons savoir que ce sont des familles qui sont éprouvées, qui ont perdu un proche ou qui sont sans nouvelles d'un parent. Mais pour le moment, réjouissons-nous, vraiment, c'est une excellente chose que trois enfants français aient pu être enfin libérés. Et c'est en pensant à tous ceux qui ne le sont pas encore aussi que je vous parle, pour lesquels nous travaillons, pour la libération desquels nous travaillerons sans relâche. Le Président de la République, toute notre diplomatie, moi-même, mes collègues ministres, tout le monde est au travail.
Q - On va y revenir, bien sûr, Catherine Colonna. Ils sont en bonne santé ? Est-ce que vous pouvez nous le confirmer, ça, ce matin ?
R - Des informations indirectes que j'ai, oui. Il y a un suivi médical, classique, comme toujours dans ces cas, mais ils ne semblent pas éprouver, au-delà de ce que cette terrible détention - 50 jours - a pu représenter de choc psychologique, de difficultés de vie quotidienne, évidemment... Et pour le moment, écoutez, tout va bien.
Q - Vous n'avez pas pu échanger avec leurs mamans qui, on le sait, sont à leurs côtés ?
R - Je le ferai un peu plus tard dans la matinée. La grand-mère d'Eitan... J'avais rencontré toute la famille d'Eitan, le Président aussi. Nous avons eu, vous savez, tout au long de ces 50 jours, un contact permanent avec les familles, par notre consulat général à Tel-Aviv, par le centre de crise et de soutien du ministère, moi-même, à plusieurs reprises. Nous avons partagé tout ce que nous savions, partagé aussi nos incertitudes, et même parfois nos inquiétudes. Mais aujourd'hui, c'est d'abord un très, très grand soulagement.
Q - Catherine Colonna, vous parlez de ce soulagement et on l'entend dans votre voix. Vous vous êtes dit : "ouf !" hier, quand vous avez appris la nouvelle ?
R - Oui, bien sûr, d'autant que vous savez que ce sont des négociations difficiles entre le Qatar - auquel je rends hommage -, Israël, avec l'aide des Etats-Unis, de l'Egypte, avec l'aide du CICR. Et jusqu'au dernier moment, on ne sait pas. Il y a des listes qui sont échangées, mais ensuite, il y a souvent eu des difficultés. Hier encore, il y a eu des inquiétudes et des interrogations pendant une partie de la journée. J'étais dans une réunion avec nombre de pays arabes et de pays européens à Barcelone, j'ai pu m'entretenir - et j'ai souhaité m'entretenir - avec plusieurs de mes collègues ministres, arabes, pour qu'ils fassent passer les messages. Et tout s'est bien passé. Donc oui, à la fin de la journée, on a un grand "ouf !" de soulagement, je ne vous le cache pas.
Q - Et on entend votre sourire ce matin. Sans dévoiler, bien sûr, les coulisses de tout ça, mais quand vous nous dites : "jusqu'au dernier moment, on n'y croit pas forcément", ça veut dire quoi, très concrètement ? Que cette liste, elle est d'abord publiée - enfin, remise aux autorités -, il y a le nom de certains Français, puis les noms disparaissent ? Comment ça se passe ?
R - Les listes sont remises par le Hamas, organisation terroriste, je le rappelle, responsable d'attentats atroces, abominables, barbares. Techniquement, les listes sont remises par le Hamas à Israël, puis les otages qui sont appelés à être libérés sont réunis par le même Hamas, et ensuite il faut les rassembler et les amener jusqu'au point de contact qui est le CICR, qui s'occupe de la dernière phase des opérations de libération. Mais parfois, il y a des discussions sur des noms, des discussions sur le nombre de personnes aussi, la qualité des personnes, si l'une n'a pas pu être retrouvée ou rassemblée à temps, il y a des tentations de changer. C'est arrivé déjà dans le passé.
Q - C'est arrivé qu'il y ait les noms de certains enfants français, ces précédents jours, et puis finalement les noms...?
R - Pas pour ce qui nous concerne, non. C'est arrivé d'une façon générale ; notamment au cours du week-end, il y a eu de grosses difficultés - vous vous souvenez du retard qu'a pris la libération des personnes qui étaient sur la liste de samedi. Pour ce qui nous concerne, non. Tout s'est bien passé. Nous avions eu l'engagement qu'il y aurait au moins les enfants : ils sont là. Et maintenant il faut travailler, continuer à travailler pour que tous les autres Français qui sont disparus ou qui sont otages, et vous savez que nous avons encore cinq de nos compatriotes qui ont disparu le 7 octobre, eh bien, il faut que nous puissions les retrouver, les rendre à leur liberté, les rendre à leur famille.
Q - D'après les médias israéliens, Catherine Colonna, le Hamas aurait fourni une nouvelle liste d'otages à libérer pour aujourd'hui. Est-ce que ça, vous pouvez nous le confirmer ?
R - Au moment où je vous parle, je n'ai pas de confirmation officielle. Néanmoins, vous connaissez le mécanisme : il y a une trêve, et cette trêve entre le Hamas et Israël, sur la base d'un accord entre eux ; et cette trêve se déroule sur le principe de la prolongation de 24h de la trêve en échange de la libération d'un certain nombre d'otages. La trêve a été prolongée de deux jours, hier. Evidemment, c'est une excellente chose : cela signifie qu'aujourd'hui et demain - et en souhaitant que ce soit encore une trêve qui soit prolongée davantage -, il devrait y avoir...
Q - Vous souhaitez qu'elle le soit ?
R - Oui, évidemment. Il devrait y avoir deux séries de libérations. Et il faut que cette trêve soit prolongée, et il faut qu'il y ait une trêve durable. Vous connaissez la position du Président de la République, exprimée clairement, exprimée à plusieurs reprises : la trêve doit être durable. C'est ce que nous avons dit aussi au Conseil de sécurité et ce que nous disons dans toutes les enceintes internationales. D'abord, pour permettre la libération des otages. Il y a encore des enfants qui sont otages. Il y a encore peut-être 100 ou 200 personnes qui sont otages. Donc d'abord, permettre la libération des otages, puis permettre l'entrée de plus d'aide humanitaire, comme cela a été le cas ces derniers jours, et la distribution de l'aide humanitaire, permettre de soigner les blessés, permettre de faire sortir les blessés les plus graves, oeuvrer à un cessez-le-feu. Car c'est ce qu'il faut. Il faudra que ces opérations prennent une autre forme, il faudra oeuvrer à une solution politique, contribuer à la désescalade. Nous sommes préoccupés, vous le savez, par les risques d'embrasement de la région. Cette inquiétude demeure, ces risques demeurent réels, donc il faut y travailler. C'est également l'objet de tous nos efforts diplomatiques.
Q - Catherine Colonna, vous le rappeliez encore cinq français sont portés disparus ou otages. Vous continuez à faire cette distinction, "disparus ou otages" ; est-ce que c'est parce que vous n'avez pas de preuve de vie, tout simplement ?
R - Il faut que nous fassions cette distinction et, par prudence, nous la faisons à chaque fois que nous en parlons, parce qu'en effet, parmi les Français disparus, nous avons eu des preuves de vie pour certains d'entre eux, mais pas de façon certaine pour d'autres. Et donc il est prudent de parler de "disparus ou otages", en souhaitant bien sûr que tous soient otages et soient otages appelés à être libérés le plus vite possible. Nous sommes pleinement mobilisés pour cela.
Q - Est-ce que vous savez combien d'entre eux sont otages ? Deux, avec certitude ?
R - Je ne peux pas vous le dire, si vous le permettez. Nous ne souhaitons pas le dire.
Q - Je comprends. Le Premier ministre du Qatar a indiqué hier qu'une quarantaine d'otages, des femmes et des enfants notamment, n'étaient plus aux mains du Hamas, qu'ils avaient été remis soit à des civils, soit à d'autres organisations terroristes. Est-ce que vous nous le confirmez, ça ?
R - C'est exact. À l'origine, le 7 octobre, dans le désordre qui a accompagné les attentats terroristes, des civils israéliens ont été pris en otage, des soldats également, par le Hamas, par une autre organisation terroriste qui s'appelle le Djihad islamique, et aussi par des individus qui étaient entrés et qui ont commis, on s'en souvient, des exactions abominables. Le Hamas donc a la responsabilité, si je puis dire, de la majorité des otages, mais il n'est pas le seul. Ceci dit, c'est l'interlocuteur du Qatar, c'est l'interlocuteur d'Israël, et donc il lui revient de les rassembler, de les libérer et de faire en sorte que tout se passe bien et dans de bonnes conditions également de santé. Vous avez vu que certaines personnes sont éprouvées, en particulier parmi les personnes âgées. Et je pense aux enfants. Il y a encore des tout petits enfants. C'est absolument monstrueux de prendre des enfants en otage.
Q - Juste d'un mot, on peut imaginer qu'il y ait des Français, parmi ces otages qui ne sont plus aux mains du Hamas ?
R - Je ne peux pas vous répondre, là aussi, permettez-moi. Vous savez qu'on ne peut pas tout dire, qu'on ne doit pas tout dire pour que les choses se passent comme nous le souhaitons et que tout le monde soit libéré.
Q - Merci beaucoup en tout cas, Madame la Ministre, de nous avoir accordé ces quelques minutes, en direct depuis Bruxelles. On comprend, bien sûr, cette part de secret que vous êtes obligée de garder. On pense bien sûr à ces trois petits Français qui ont été libérés, aux cinq autres, toujours portés disparus. Et permettez-moi aussi de donner un coup de chapeau à tous ceux qui oeuvrent en ce moment même, justement, pour la libération de ces otages. Merci beaucoup, Catherine Colonna.
R - Merci beaucoup. Merci pour eux.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2023