Texte intégral
Monsieur le Premier ministre, Cher Edi,
Chère Linda,
Madame la Présidente du Parlement
Madame la Vice-Première ministre
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Maire,
Madame l'Ambassadrice de France,
Monsieur l'Ambassadeur d'Albanie,
Mesdames et Messieurs,
Certaines dates, certains moments, certains parcours, tissent entre des pays des liens qui ont une force historique et charnelle à la fois. Je crois que cette journée en est une : la première visite bilatérale d'un chef d'État français en Albanie, depuis la proclamation de votre indépendance le 28 novembre 1912.
C'est un grand bonheur d'honorer votre invitation, cher Edi, et de m'adresser à vous ce soir. Le plaisir est d'autant plus grand que nous nous retrouvons dans ce magnifique cadre du palais des Brigades, où j'ai pu redire il y a quelques instants, au plus célèbre des Albanais en France et des Français en Albanie, cher Ismaïl Kadaré, mon admiration et ma reconnaissance, et celles de la France.
L'amitié entre nos deux peuples est séculaire, et même les vicissitudes de l'histoire, les sombres années du totalitarisme qui ont éprouvé votre pays, n'ont pu briser des affinités qui tirent leur force de l'aurore même de votre indépendance.
Chacun sait que la " République albanaise de Korça " (kortcha) qui s'inspirait de notre modèle républicain, proclamée en décembre 1916 sous la protection de l'armée française, fut le ferment de l'Albanie moderne. L'aigle noir sur fond rouge, étendard de Skanderberg, flottait au balcon de la préfecture, aux côtés de notre bannière tricolore, comme le présage bicéphale de notre amitié toujours actuelle.
Et dans l'Europe entière résonnait la voix de notre compatriote Justin Godart pour défendre la nation albanaise, pour dénoncer les violences de la guerre qui a meurtri les Balkans, pour oeuvrer en faveur de l'adhésion de l'Albanie à la Société des Nations.
Au point que lorsqu'en 1921 il visita pour la première fois l'Albanie, son accueil fut, dit-on, triomphal, et que de nombreuses rues albanaises se parèrent de son nom !
Cet immense humaniste qui défendit si noblement la cause albanaise, votre aspiration à la dignité et à la liberté, fut aussi, il est important de le rappeler, un Juste parmi les nations pour son rôle déterminant dans le sauvetage de ses compatriotes juifs persécutés.
Aujourd'hui encore, le cimetière militaire de Korça [kortcha] conserve la précieuse mémoire du sacrifice de la France en faveur de votre indépendance et pour votre liberté.
Pour ces pages que nous avons écrites ensemble, vous nous apportez les plus belles des récompenses : une francophonie et francophilie vivace et singulière.
Y compris dans la parenthèse totalitaire, le français demeura la langue étrangère la plus enseignée dans les écoles albanaises, respiration ou espoir pour tous ceux qui aspiraient à la liberté. Le lycée de Korça [kortcha], fondé jadis par la France, en fut aussi un symbole très fort.
Lorsque l'Albanie recouvra la liberté, la France fut le premier pays à signer avec elle le Traité d'entente et de coopération le 12 décembre 1994, scellant la singularité et la force retrouvée de notre relation.
Puis un accord de Partenariat Stratégique fut signé à Paris le 28 mars 2017 par vous-même, cher Edi, jour de la remise de vos insignes de commandeur de la Légion d'honneur.
Ce dialogue étroit entre nos deux pays ne cesse de s'épanouir par la culture. Liens poétiques tissés par Valéry Larbaud, Jean Genet ou Paul Éluard, noués plus étroitement entre Apollinaire et Gaspard Jakova Merturi, entre le même et Faïk Konitza, que son ami surnommait " le Voltaire des Balkans ".
Lien de création et d'émotion entre Paris et votre oeuvre magnifique, cher Ismaël Kadaré, liens de traduction sublimés par Jusuf Vrioni [Youssouf Vriyoni] d'abord mais aussi d'Ornela Vorpsi et de Tedi Papavrami, qui va nous prouver encore ce soir combien il a de cordes à son archet et à sa harpe littéraire.
Liens chorégraphiques incarnés par Angelin Preljocaj [Angelin Prejeloquaje), l'un de nos plus grands génies de la danse, qui reste indéfectiblement attaché à l'Albanie. Liens plastiques et picturaux façonnés par Anri Sala, également, qui représenta la France à la Biennale de Venise, et dont l'oeuvre puise aux deux rives de nos pays. Liens cinématographiques avec Erenik Beqiri (èrenique betchiri), liens sportifs, avec la brillante carrière de Lorik Cana (lorique csana), passé par un club que j'aime beaucoup.
Sans oublier d'évoquer votre propre séjour à Paris, cher Edi, qui méritez toute votre place dans la belle chronique de l'amitié entre nos deux pays.
Vous avez marqué l'histoire de l'Albanie et de Tirana.
Vous leur avez redonné des couleurs, leurs couleurs.
Et je tiens à vous redire, ce soir, ma conviction que cette histoire qui nous unit constitue le plus précieux des héritages, et que la France est décidée à faire fructifier cette relation bilatérale, autour de la francophonie vivace de l'Albanie, de la mer Méditerranée que nous avons en commun.
Je tiens à vous redire le soutien de la France au processus d'élargissement, qui est d'abord une entreprise de réunification de notre Europe afin de la renforcer, et notre soutien à l'adhésion de l'Albanie à l'Union européenne, que j'espère la plus rapide possible.
Nous avons d'excellentes relations politiques, nos échanges économiques progressent, et je souhaite leur donner une nouvelle impulsion avec l'appui de nos entreprises. Les réalisations d'aujourd'hui, et je pense notamment au parc solaire de Karavasta, témoignent de cet immense potentiel, dont nous parlerons demain, en signant en particulier notre feuille de route économique, avec des enjeux très forts sur l'énergie, les services urbains, les transports et l'économie de demain. Qu'il me soit permis ici de rendre un hommage particulier à notre compatriote Julien Roche, installé en Albanie depuis le début des années 1980 et Président de la chambre de commerce et d'industrie France – Albanie, parce qu'il est – avec le soutien précieux de nos deux ambassadeurs – un artisan infatigable du renforcement de notre coopération économique.
Je me réjouis des séquences qui nous attendent demain, et en particulier de mes échanges avec les jeunes Albanais, dans le cube que vous avez voulu réserver à la France, dans la pyramide de Tirana reconstruite et magnifiée.
Je garde en tête ces mots, remplis de clairvoyance que Justin Godart écrivait il y a un siècle : " L'Albanie attirera les voyageurs, les touristes, les artistes du monde entier ; les amis de la liberté viendront à elle en pèlerinage ; [...] elle deviendra la terre promise de l'optimisme ".
Je lève mon verre à cette vision enthousiaste de votre pays, qui est la nôtre. Je le lève en l'honneur du peuple albanais, aux liens étroits et si particuliers qui nous unissent, à l'Europe que nous construisons ensemble.
Rrofte Shqiperia ! Rrofte miqesia franko-shqiptare !
[Vive l'Albanie, vive l'amitié franco-albanaise].
Source https://al.ambafrance.org, le 5 décembre 2023