Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, sur la politique de l'énergie au sein de l'Union européenne, à Bruxelles le 19 décembre 2023.

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Circonstance : Arrivée au Conseil Énergie

Texte intégral

Mme Agnès Pannier-Runacher : "Bonjour à toutes et à tous, je suis très heureuse d'être ici pour ce Conseil de l'énergie européen.

Trois temps forts dans la journée.

Un premier temps fort que je viens d'achever, c'est la signature d'une lettre d'intention avec mon homologue suédoise pour coopérer sur le nucléaire. Vous savez que la Suède a annoncé la construction de deux nouveaux réacteurs d'ici 2035 et de dix nouveaux réacteurs d'ici 2045. La France elle-même est engagée dans un projet de construction de six nouveaux réacteurs, auxquels elle pourrait adjoindre huit réacteurs additionnels avec la même ambition : celle de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et de tenir nos trajectoires climatiques tout en sécurisant notre approvisionnement en énergie. Nous allons donc travailler ensemble avec la Suède, et je salue cette lettre d'intention qui va nous permettre de resserrer nos liens sur le sujet du nucléaire.

Deuxième temps fort : la réunion de l'Alliance européenne du nucléaire, dont je porte les couleurs aujourd'hui. Cette alliance nous permettra d'aborder deux sujets. Le premier sujet, dans la perspective de la prochaine Commission européenne, ce sont les enjeux sur lesquels nous devons travailler pour continuer à faire du nucléaire un des éléments de notre politique énergétique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Vous le savez, la COP28 a reconnu le nucléaire comme étant une énergie indispensable pour la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et pour l'atteinte de la neutralité carbone d'ici 2050. Nous devons maintenant traduire cette orientation dans les textes européens, dans notre manière de travailler en Européens, et ce sera l'objet de cette réunion de l'alliance du nucléaire. Et puis le deuxième élément, c'est donner chair à l'annonce de la Commissaire européenne de l'énergie, Kadri Simson, d'une alliance industrielle des SMR, et donc de voir comment on peut travailler ensemble pour permettre d'accélérer la mise en œuvre de ces solutions de petits réacteurs modulaires en Europe, avec une approche qui nous permettra d'accélérer l'innovation, la construction, l'industrialisation de ces réacteurs.

En un mot, le nucléaire est de retour en Europe. C'est une solution qui est essentielle pour nous permettre de tenir nos objectifs climatiques et essentielle aussi pour sécuriser notre approvisionnement à tout moment en électricité sur notre continent, à un moment où nous électrifions à marche forcée notre système énergétique.

Troisième temps fort, évidemment : le Conseil des ministres de l'énergie, avec la prolongation de trois textes que nous avions pris l'année dernière en urgence : un texte sur les énergies renouvelables, un texte sur le plafonnement du prix du gaz, un texte sur des achats groupés en matière de gaz. Nous soutenons ces trois textes. Le texte sur le plafonnement du prix du gaz a montré finalement qu'il était efficace. En tout cas, les questions qu'il soulevait l'année dernière sont aujourd'hui levées. Le texte sur l'achat groupé de gaz permet en particulier aux pays qui avaient des accès difficiles au marché du gaz de pouvoir se regrouper et avoir un accès facilité. C'est donc une très bonne chose. Le texte sur les renouvelables va dans le sens de la politique que j'ai portée, notamment la loi d'accélération des énergies renouvelables et donc nous le soutenons à ce titre.

Voilà, en résumé, le programme de la journée.


Q : Lors du Conseil, vous allez aussi évoquer les PNIEC, les plans nationaux énergie-climat. Celui de la France a reçu quelques remarques pas toujours très positives de la Commission. Qu'est-ce que vous allez faire ? Est-ce que vous comptez rectifier le tir sur certains objectifs qui ne seraient pas atteints en 2030 si on suivait les mesures annoncées ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : À ma connaissance, ces remarques n'ont pas été particulièrement exprimées avec vivacité par la Commission européenne. Lorsqu'on regarde les PNIEC aujourd'hui, on s'aperçoit que beaucoup de PNIEC ne correspondent pas aux objectifs européens. Nous, ce que nous avons indiqué dans notre PNIEC, c'est que nous tenons globalement l'objectif de dé-fossilisation et de baisse des émissions de gaz à effet de serre en brut. Nous avons des interrogations et des travaux qui se poursuivent sur la partie du puits de carbone puisque - et ce n'est pas l'action politique, c'est la réalité de la nature - le puits carbone français diminue par rapport à ce qu'il était censé être du fait du réchauffement climatique et de l'impact du réchauffement climatique, en particulier sur nos forêts. Comme nous l'avons dit à la Commission européenne, ce PNIEC est un point d'étape très précis, avec un niveau de rigueur et une qualité des données qui me semble assez fondés et assez reconnus des échanges que j'ai pu avoir de manière très informelle avec la Commission européenne. Et il est plutôt considéré comme ambitieux dans la quantité de mesures, de moyens et les leviers qui sont mis en œuvre pour soutenir ces trajectoires. Pour le dire très simplement, les chiffres que nous annonçons sont des chiffres qui sont bâtis sur des politiques qui sont très précises, très rigoureuses et qui sont exprimées d'ailleurs dans la stratégie française énergie-climat que j'ai présentée le 23 novembre dernier et qui est aujourd'hui soumise à la concertation.

Q : Plusieurs États membres de l'UE ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'accord récemment conclu par la France et EDF sur le futur prix de l'électricité. Étant donné qu'ils disposent d'une marge de manœuvre budgétaire réduite comparée à la France, ils craignent que ces politiques pourraient faire du mal à leur avantage concurrentiel et à l'intégrité du marché. Leurs inquiétudes sont-elles légitimes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : Ce n'est pas ce que j'ai entendu non plus, parce que précisément, l'accord qui est intervenu avec EDF vise à s'appuyer essentiellement sur des mécanismes de marché, et donc des mécanismes qui ne constituent pas des aides et des soutiens publics. Donc par construction, si effectivement EDF est une entreprise qui est compétitive et qui produit l'électricité de manière compétitive, c'est un bénéfice pour les Français, c'est un bénéfice pour l'Europe, mais ce n'est pas un mécanisme budgétaire qui est mis en place. Ce n'est pas un mécanisme d'aide, et contrairement à ce qui avait pu être reproché à la France, que nous aurions un « plan caché de mise en œuvre de subventions massives » en matière d'électricité, ce n'est pas ce que nous faisons. Ce que nous faisons, en revanche, c'est de mettre en place un système qui permet de réduire la volatilité des prix de l'électricité sur les marchés, ce qui est parfaitement dans l'esprit de la réforme du marché de l'électricité que nous avons collectivement portée et qui a désormais fait l'objet d'un accord : réduire la volatilité, découpler le prix de l'électricité du prix du gaz et du prix des énergies fossiles, et permettre de mettre en place des contrats long terme qui sécurisent l'approvisionnement en électricité des entreprises d'un côté, et les capacités de production et d'investissement des producteurs d'électricité de l'autre. On est exactement dans l'esprit de l'accord que nous avons contribué à porter ces derniers mois".


Source https://ue.delegfrance.org, le 20 décembre 2023