Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangère, sur la nouvelle stratégie humanitaire de la France, à Paris le 19 décembre 2023.

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Circonstance : Clôture de la sixième Conférence nationale humanitaire

Texte intégral

Me revoilà et vous revoilà. Je vois que bon nombre d'entre vous a réussi à tenir le choc de la journée, donc félicitations ! Et félicitations à ceux qui l'ont organisée. Pour ma part, je suis heureuse de revenir vous voir, après vos trois tables rondes qui, m'a-t-on dit - mais je n'étais pas là, je vérifierai - ont permis des échanges à la fois riches et de qualité. Vous confirmerez ou vous infirmerez, mais je crois que ça s'est bien passé, des quelques échos que j'ai eus, jusqu'à l'Assemblée nationale, où bon nombre de nos parlementaires suivaient nos travaux. Et à nouveau, je veux vous remercier d'être là, d'avoir tenu bon, jusqu'au bout de cette journée, et puis de nous aider surtout, toute l'année, et d'aider ceux que nous voulons aider.

Quelques mots en réaction et, à nouveau, quelques mots sur la nouvelle stratégie humanitaire de la République française, mais très brièvement, pas comme ce matin.

1) On est tous d'accord, cette stratégie doit viser à mieux garantir la sécurité des personnels humanitaires. De plus en plus souvent, ils sont eux-mêmes les victimes et les cibles, en tout cas, des belligérants : 116 décès, je crois, en 2022. Ces acteurs de terrain, la France est à leur écoute. Et ça a été le cas pour créer des exemptions humanitaires aux régimes de sanctions, vous l'avez évoqué. Nous avons poussé ce thème et c'était nécessaire. En ce moment à Bruxelles, par exemple, nous nous sommes mobilisés pour que le financement de l'aide humanitaire à Gaza ne pâtisse pas de la situation.

2) La nouvelle stratégie doit aussi permettre de répondre de manière encore plus adaptée aux besoins des populations les plus affectées. Cela aussi, vous l'avez dit. Et ne m'en veuillez pas de mettre au premier rang de celles-ci, à nouveau, les femmes, parce que nous portons une diplomatie féministe officiellement, depuis plusieurs années. Vous l'avez vu à l'arrivée sur les grilles de ce ministère, mais c'est une réalité dans nos actions. On sait que les droits des femmes et des filles doivent rester une priorité, parce qu'elles sont souvent, elles aussi, visées et victimes. Donc je veux annoncer aujourd'hui que nous nous fixons un objectif, qui est d'atteindre 85% des financements humanitaires qui contribuent d'une façon ou d'une autre, directement ou indirectement, à "l'égalité de genre", comme l'on dit, à l'horizon 2027. C'est demain. Et je prends cette annonce pour une bonne nouvelle.

Le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale des droits de la femme, nous avions décidé de renforcer à la fois le Fonds de soutien aux organisations féministes et notre contribution au Fonds mondial pour les survivantes et les survivants de violences sexuelles liées aux conflits. J'ai redit avant-hier en Israël notre politique de tolérance zéro face aux violences sexuelles abominables qui ont eu lieu, en particulier le 7 octobre. Notre aide continuera aussi à garantir la santé et les droits sexuels et reproductifs - nous souhaiterions que tous les pays nous rejoignent dans ce combat - en apportant des soins, allant de la contraception d'urgence à l'avortement. Et enfin, j'ai lancé la semaine dernière à Genève la coalition que l'on appelle "Avec elles", et je l'ai fait avec mes collègues ministres - elles - du Gouvernement qui m'accompagnaient, pour aider ces femmes et ces filles déracinées de force.

La protection des droits de l'enfant et leur éducation sera également renforcée. La France a ainsi annoncé une nouvelle contribution de 40 millions d'euros pour la période 2024-2027. Education Cannot Wait : l'éducation ne peut attendre, ou ne doit attendre, vous traduirez comme vous voudrez.

Je le disais par ailleurs aussi ce matin : nous devons être en mesure de répondre davantage aux catastrophes climatiques et environnementales. Vous l'avez également évoqué.

Nous devons aussi renforcer notre action pour répondre à la crise alimentaire mondiale. Je vous parlais ce matin de la guerre d'agression russe en Ukraine et de ses conséquences. C'est l'action de la Russie qui crée ou augmente l'insécurité alimentaire. Nous avons depuis 2020 considérablement accru notre contribution au Programme alimentaire mondial. Par l'effet des crises peut-être, autant que sous l'influence de la Ministre, je vois de mois en mois que nous sommes appelés à contribuer davantage au PAM. Bref, depuis 2020, nous avons été amenés à multiplier par six notre contribution. Au total, la France investit près d'un milliard d'euros par an dans l'aide alimentaire, donc au bénéfice des plus vulnérables.

3) Le financement de l'aide humanitaire. C'était précisément l'un des sujets, le troisième, je crois, de votre conférence. Je réitère l'engagement pris par le Président de la République ce matin, répété par moi devant vous, d'atteindre un milliard d'euros d'ici 2025. Donc la France veut continuer d'apporter une aide, à la fois massive, efficace et réactive.

C'est cette réactivité qui a permis à notre pays d'aider, par exemple, à l'accueil des populations arméniennes du Haut-Karabakh, déplacées de force brutalement, en septembre, avec une aide de plus de 30 millions d'euros ; ou de mobiliser presque 40 millions d'euros pour les populations déplacées civiles en République démocratique du Congo ; plus de 300 millions pour cette action sur l'Ukraine ; et depuis le 7 octobre, 100 millions d'euros supplémentaires par rapport à notre aide habituelle aux populations palestiniennes, ceci à destination de la population civile de Gaza.

Quatrièmement, la France continuera d'agir avec vous tous, avec tous les acteurs concernés. Evidemment, il le faut, vous le souhaitez, nous le souhaitons aussi. Donc ONG, collectivités territoriales, autres ministères - Intérieur, Armées, Santé évidemment, particulièrement. Nous avons pu ainsi collectivement apporter une réponse aux inondations, par exemple, au Pakistan, à ce qui s'est passé au Tchad, aux feux de forêts, récemment, au Chili, aux tempêtes tropicales au Vanuatu - je crois que j'en parlais ce matin, dans leurs effets dévastateurs -, aux blessés et malades gazaouis à bord du porte-hélicoptères médicalisé Dixmude, qui stationne à El-Arich. Je veux remercier, je parlais ce matin des financements et du besoin que nous avons de travailler avec les acteurs du privé, je veux remercier les fondations privées CMA CGM, Airbus, l'entreprise Nutriset, qui va nous permettre d'apporter ces 600 ou 700 tonnes, dont je parlais, à Gaza. Egalement l'ONG Electriciens sans frontières, l'association Tulipes, et la Fondation S de Sanofi, qui apportent une aide décisive, régulièrement, à nos opérations. Et je rappelle, je le disais ce matin, qu'un navire, avec l'aide de la Fondation CMA CGM, partira demain pour amener la première moitié des 700 tonnes de fret alimentaire du PAM à destination de la population civile de Gaza.

Enfin, last but not least, et je le dis devant quelqu'un qui m'approuvera, j'en suis sûre, le Président de la République l'a rappelé, notre politique humanitaire est résolument européenne. Elle est à l'oeuvre, concrètement : je pense aux contributions que nous faisons, au pont aérien de l'Union européenne vers Gaza, ou vers la RDC ; ou encore au déploiement récent d'un hôpital de campagne à Derna, là aussi dans un cadre européen. Et je salue la présence, notamment, de M. Miliband, mais aussi du commissaire Lenar?i?.

Mesdames et Messieurs, j'en termine là. Penser ensemble pour faire mieux ensemble, c'était l'objectif de cette sixième édition de la Conférence nationale humanitaire. Rendez-vous pour la septième, dans deux ans, après un premier point d'étape l'an prochain sur la mise en oeuvre de cette septième édition et de notre nouvelle stratégie. Vous pouvez en tout cas compter sur la France pour mener une action décisive, nous l'espérons, dans le domaine humanitaire. Nous sommes toujours plus engagés grâce à vous, fondés comme nous le devons sur les droits, sur les principes, mais aussi sur l'action, avec votre aide. Et je veux saluer à nouveau votre engagement, le courage dont beaucoup d'entre vous font preuve pour sauver les autres, parfois en risquant leur vie pour sauver celle des autres.

Un grand merci, et on continue.

Je vous remercie.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 janvier 2024