Texte intégral
Bruno LE MAIRE
Monsieur le Premier ministre, Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs,
Le revenu des agriculteurs ne doit pas être la variable d'ajustement des négociations commerciales entre les industriels et les distributeurs. C'est le principe fondamental qui est au coeur de la loi qui a été rappelé par le Premier ministre, et c'est le principe que nous ferons respecter maintenant que les négociations commerciales viennent de se terminer. Elles ont pris fin cette nuit à minuit.
Nous allons donc entrer maintenant dans une phase de contrôle massif de tous les contrats négociés avec un objectif : le soclage des prix des matières premières agricoles pour protéger les revenus des agriculteurs. Très concrètement, 150 agents de la répression des fraudes sont mobilisés dans toute la France pour mener des contrôles et infliger des sanctions lorsque cela est nécessaire. Nous multiplierons par deux ces contrôles par rapport à l'année 2023. Nous ferons des contrôles aussi bien sur les industriels que sur les chaînes de supermarchés. Et les sanctions pourront s'élever jusqu'à 2% du chiffre d'affaires.
S'agissant des industriels, 250 contrôles sont déjà prévus chez les plus grands industriels. Certains ont déjà été lancés et je vous confirme que quatre procédures de pré injonctions ont été lancées mardi à l'encontre de quatre industriels pour absence de contractualisation avec les agriculteurs. S'agissant de la grande distribution, toutes les plus grandes chaînes de supermarchés seront contrôlées dans les prochains jours, sans exception. Plus de 500 contrats avec leurs principaux fournisseurs seront contrôlés. Je rappelle que c'est des contrats qui peuvent faire plusieurs centaines de pages. Ça demande donc un travail technique considérable. Ces contrôles concerneront aussi les contrats des marques distributeurs. Et j'insiste sur ce point, car les marques distributeurs se développent. Elles seront donc aussi soumises à contrôles. Elles seront aussi soumises aux exigences de formalisation du coût de la matière première. Aucun contrat n'échappera au contrôle de la répression des fraudes. Ces contrôles, et j'y reviendrai, s'appliqueront enfin aux centrales d'achat européennes.
Je veux dire aussi que nous contrôlerons l'origine France des produits. Il est inacceptable que cette origine France, qui est gage de qualité, soit galvaudée ou contournée par un certain nombre d'industriels au détriment de la production de nos agriculteurs. Il est donc hors de question qu'il puisse y avoir tromperie sur la marchandise. Je vous donne un exemple très concret. Quand un poulet est présenté avec un drapeau français sur l'emballage, le consommateur est fondé à penser qu'il était produit en France. Trop souvent, ce n'est pas le cas. Nous prévoyons donc plus de 10 000 contrôles sur l'origine française des produits, avec des sanctions qui, cette fois, pourront atteindre 10% du chiffre d'affaires des industriels ou des distributeurs qui auraient fraudé sur l'origine française des produits agricoles. Un produit agricole estampillé comme d'origine française par son étiquetage ou par un drapeau tricolore doit être réellement d'origine française.
Un mot sur les centrales d'achat européennes dont a parlé le Premier ministre. Chacun sait que ces centrales d'achat européennes se développent et que la plupart des distributeurs y ont désormais recours. C'est pour moi désormais le sujet principal. Je ne laisserai passer aucune tentative de contournement de la loi française par des centrales d'achat qui sont installées hors de France. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté. La loi française s'applique totalement, intégralement, rigoureusement, aux négociations hors de France de tous les produits qui sont vendus en France. Et ce n'est pas parce que la négociation a eu lieu en dehors des frontières françaises que les produits qui sont vendus en France ne sont pas soumis exactement et rigoureusement aux mêmes règles. J'ai donc demandé à la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes de concentrer ces contrôles sur le recours à ces centrales d'achat européennes et de sanctionner les distributeurs lorsque la loi française n'est pas respectée. J'ai déjà eu l'occasion de le faire pour un distributeur, pour une amende qui représentait plus de 6 millions d'euros. Je n'hésiterai pas à sanctionner aussi lourdement les distributeurs qui contourneraient la loi française par les centrales d'achat européennes.
Par ailleurs, au-delà de ces contrôles, je lancerai à l'été, avec la prochaine Commission européenne, une initiative européenne pour renforcer et durcir le cadre applicable de négociation dans le cadre de ces centrales d'achat européennes. Concrètement, je proposerai de mettre en place un réseau européen intégré de la répression des fraudes pour que la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes française puisse échanger ses informations avec tous ses équivalents européens, puisse mener sur cette base-là des enquêtes européennes avec la coordination de l'ensemble de ses homologues étrangères. Nous l'avons fait avec les autorités de la concurrence nationales et cela a donné des résultats extrêmement probants et efficaces. Nous le ferons également avec la nouvelle Commission sur le contrôle et la répression des fraudes. Il doit y avoir un contrôle et une répression des fraudes européenne et pas simplement nationale. C'est ce qui nous permettra de rendre plus efficace le contrôle sur les centrales d'achat européennes.
Un mot enfin sur le cadre de la loi EGAlim. À la demande du Premier ministre, nous allons lancer une mission d'évaluation du cadre EGAlim, de son application depuis que les différentes lois ont été votées et du cadre de négociations annuelles. Cette mission devra associer l'ensemble des parties prenantes, un rapport et des recommandations sont remises d'ici au printemps. Elles pourront ouvrir la voie à une amélioration et un renforcement de la loi EGAlim.
Un tout dernier mot sur les transmissions qui sont, comme le Premier ministre l'a rappelé, un gage du renouvellement des générations dans l'agriculture. Nous avons décidé de relever tous les seuils d'exonération sur les transmissions pour les biens agricoles. Par ailleurs, une mission sur les transmissions agricoles sera lancée afin de faire des propositions pour faciliter le renouvellement des générations en agriculture et lever les freins concrets à la transmission des exploitations, en particulier dans le domaine viticole. Cela prendra quelques mois et pourrait être transposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Je vous remercie.
Grégoire POUSSIELGUE
Oui, bonjour. Grégoire POUSSIELGUE des Échos. Est-ce qu'aujourd'hui, après les mesures que vous annoncez, vous appelez à une levée du blocus qui ont eu un peu partout en France ? Et deuxième question un peu plus technique. Sur les transmissions, vous avez évoqué un relèvement des seuils. Est-ce que vous pouvez être un peu plus précis sur ce sujet ? Merci.
Gabriel ATTAL
Sur le premier point, moi, je l'ai dit à l'instant, je ne crois pas une seconde qu'aucun agriculteur ne se complaît dans un mouvement, dans des blocages. Par définition, les agriculteurs, ils subissent les blocages au quotidien, avec beaucoup de normes, beaucoup de règles qui se sont empilées. Et justement, on veut débloquer tout ce qui les freine dans leur activité au quotidien. Donc aucun d'entre eux ne se complaît dans cette situation. Je crois profondément que ce que nous avons annoncé, que ce que nous annonçons aujourd'hui est que le travail qui est engagé sur des chantiers qui sont extrêmement clairs est défini, ça nous permettra d'avancer pour le bien de tous. Je vais peut-être laisser Bruno LE MAIRE sur les mesures fiscales pour donner les détails.
Bruno LE MAIRE
Merci. Donc trois mesures sur la transmission des exploitations et du foncier agricole. La première, donc, c'est le relèvement de tous les seuils d'exonération sur les transmissions.
La première, c'est l'exonération de plus-value sur les transmissions d'entreprises individuelles. Pour être tout à fait précis, c'est l'article 238, quindecies du Code général des impôts. Les seuils actuels permettant une exonération totale sont de 500 000 euros et partielle jusqu'à 1 million d'euros. Ces seuils seront relevés à 700 000 euros pour l'exonération totale et 1,2 million d'euros pour une exonération partielle en cas de reprise d'une exploitation agricole par un jeune agriculteur.
Deuxième relèvement de seuil, c'est l'exonération de droits de succession et donations en cas de transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme et de parts de groupements fonciers agricoles. C'est l'article 793 bis du Code général des impôts. Le seuil limite d'exonération actuel est de 500 000 euros en cas d'engagement de conservation de 10 ans. Il sera porté à 600 000 euros en cas de transmission à un jeune agriculteur.
Enfin, troisième relèvement de seuil, le régime d'exonération des plus-values en cas de retraite sera également ouvert aux jeunes agriculteurs dans les situations de cession qui se réalisent sur longue période. Donc, ce sont des modifications très substantielles qui permettent d'améliorer la transmission des exploitations à des jeunes agriculteurs.
Je profite d'avoir la parole pour rappeler que nous ouvrirons le guichet permettant de bénéficier de l'avance de 50 % sur le remboursement du GNR, il est ouvert depuis ce matin, ce qui va permettre aux agriculteurs de demander dès aujourd'hui une avance de 50% sur les remboursements de gazole non-routier, comme annoncé par le Premier ministre vendredi dernier. La décision a été prise, le guichet est ouvert, ça permet d'avoir une avance de trésorerie de plusieurs mois pour tous les agriculteurs, ils peuvent en faire la demande dès maintenant, et le versement sera effectué sous 10 à 15 jours maximum. C'est l'engagement que je prends.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 7 février 2024