Conférence de presse de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit à Gaza, à Jérusalem le 5 février 2024.

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Circonstance : Déplacement en Israël

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de rendre compte un peu de mes entretiens avec mon homologue et le Premier ministre Benjamin Netanyahou, et la position que nous avons tenue. Vous le savez, le 7 octobre [2023], Israël a subi une attaque terroriste abominable, la pire de son histoire. Près de 1200 hommes, femmes, enfants ont été sauvagement assassinés. Rien, jamais, nulle part, ne peut justifier le terrorisme. Et je veux redire ici l'horreur que nous inspirent les actes des terroristes du Hamas, qui ont aussi pris la vie de 42 de nos ressortissants français dans cette attaque.

Avec Israël, nous partageons une autre terrible épreuve, celle des otages. Trois Français sont toujours retenus dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre. Tous les otages doivent être libérés immédiatement et sans condition. Nous ne les oublions pas et nous nous battrons jusqu'au bout pour obtenir leur libération. C'était un mot fort que j'ai eu également auprès de mes interlocuteurs, ici, à Jérusalem. Je pense à eux, à leurs familles. Je pense aussi à ceux qui ont pu être libérés. Le 7 février à Paris le Président de la République leur rendra d'ailleurs hommage. Je veux aussi rappeler notre émotion face au crime à caractère sexuel commis le 7 octobre. Leur négation, leur relativisation sont indignes. Nous continuerons à le rappeler et à agir pour les victimes. J'ai ainsi l'honneur d'annoncer aujourd'hui que la France soutiendra à hauteur de 200.000 euros l'association des centres de réponse aux victimes de viols en Israël, qui accomplit d'ailleurs un travail formidable ; maintenant depuis 30 ans, elle travaille sur ces sujets, et bien entendu depuis le 7 octobre.

Après ces attaques terroristes, nous avons fermement soutenu le droit d'Israël à se défendre. Nous avons aussi oeuvré pour lutter contre les individus et les groupes qui ont commis ces attaques. Suivant notre initiative, la communauté internationale s'est coordonnée et se coordonne toujours. Sur notre proposition, l'Union européenne prend des sanctions. Et je le redis ici de manière assez ferme, rien ne peut justifier le terrorisme. Je suis d'ailleurs venu ici en ami, parce que la France est l'amie d'Israël, cette amitié m'oblige à dire la vérité, toute la vérité, celle que je viens d'exprimer, celle que j'ai exprimée d'ailleurs aux responsables israéliens, mais aussi celle que nos partenaires israéliens pourraient avoir plus de mal à entendre.

Depuis maintenant quatre mois, les Gazaouis sont sous les bombes et vivent un siège quasi absolu. Ils sont privés d'aide minimale qui leur permettrait de soigner leurs blessures, de se protéger contre les épidémies, de se nourrir. Ils ne peuvent pas quitter l'enclave de Gaza et sont massés près de Rafah. Rien ne peut justifier non plus une telle tragédie. La tragédie en cours à Gaza doit cesser. Nous réclamons le respect du droit international humanitaire par tous, un cessez-le-feu immédiat et durable, et une entrée massive de l'aide humanitaire. Il faut pour mettre fin aux souffrances des civils, mais aussi pour les otages qui restent dans cette bande de Gaza, nous le devons et nous irons oeuvrer justement immédiatement à cette libération. Nous devons aussi prévenir le risque d'escalade. Pour éviter l'embrasement en Cisjordanie, il est essentiel de s'abstenir de toute décision, action ou propos qui pourrait déclencher l'escalade. Les violences des colons doivent cesser dans les Territoires palestiniens. Nous condamnons également ces violences. Nous condamnons aussi les propos tout aussi violents qui sèment la haine des Palestiniens, voire appellent à la commission de crimes de guerre. Ces propos sont de plus en plus nombreux en Israël et ils sont relayés par des responsables politiques. Nous trouvons cela grave. Nous rappelons également, comme le font d'ailleurs nos partenaires jordaniens, avec qui j'étais hier, qu'il ne peut y avoir en aucun cas de déplacement forcé de Palestiniens, ni en dehors de Gaza, ni en dehors de la Cisjordanie. L'avenir de la bande de Gaza est indissociable de celui de la Cisjordanie. Nous devons préparer cet avenir en soutenant l'Autorité palestinienne. Celle-ci doit se renouveler et se redéployer dès que possible dans la bande de Gaza. Je le répète, Gaza est une terre palestinienne. Tout cela sera possible si, et seulement si, le conflit israélo-palestinien trouve un règlement politique global avec deux Etats vivant en paix côte à côte ; si et seulement si le processus de paix reprend sans attendre. C'est indispensable et c'est urgent. Sans solution politique, pas de paix juste et durable au Proche-Orient. C'est notre position et c'est notre analyse de la situation. Les grands paramètres sont donc connus : un Etat pour les Palestiniens, une reconnaissance mutuelle et garanties de sécurité pour Israël. Pour que cet Etat puisse advenir, l'Autorité palestinienne doit être appuyée, ses prérogatives devront être respectées, en particulier par Israël. Il devra aussi y avoir des progrès substantiels pour les Palestiniens dans leur vie quotidienne et pour leurs droits politiques.

L'escalade est aussi régionale : au Liban, où j'irai demain, en mer Rouge, en Irak, en Syrie. Autour de Gaza, les foyers de crise se multiplient. Nous oeuvrons et oeuvrerons sans relâche pour éviter cette contagion. J'ai rappelé au Premier ministre Netanyahou et à mon homologue que nous avions des liens historiques, politiques et humains avec le Liban qui nous engagent. Nous tenons à la sécurité et à la souveraineté du Liban. Nous tenons à la sécurité également d'Israël. Nous appelons à la retenue de part et d'autre. Tout autre choix serait synonyme d'embrasement. Cet engrenage serait d'ailleurs fatal pour la région.

Voilà, Mesdames, Messieurs, après les horreurs du 7 octobre, personne ne songe à récompenser le terrorisme ici, mais personne parmi les amis d'Israël n'imagine continuer à gérer la question palestinienne sans chercher à la résoudre. Et cela passera par un Etat palestinien, comme je vous l'ai dit. Soyez assurés en tout cas de la détermination de la France pour qu'enfin la paix et la sécurité deviennent une réalité tangible et durable pour les Israéliens comme pour les Palestiniens. Tous y ont droit. Et je pense qu'il est temps, merci.

[Question inaudible]

R - J'ai déjà répondu à cette question en Egypte. Mais vous voyez bien que la question de la reconnaissance est dans la solution politique. Et donc il y aura des discussions, notamment à la fois sur la question sécuritaire et le démarrage du processus politique. Mais évidemment, il n'y a pas de tabou sur cette question. Elle devra être discutée dans le cadre des discussions politiques, notamment, qui s'engageront entre Israël et les responsables palestiniens.

[Question inaudible]

R - Evidemment, il y aura des conditions de sécurité et notamment des garanties de sécurité pour Israël.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 février 2024