Texte intégral
CHARLES MAGNIEN
Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
CHARLES MAGNIEN
Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. On l'oublie trop souvent, mais c'est peut-être le dossier en fait au coeur de cette crise agricole. Merci d'être avec nous ce matin sur RMC, alors que vous étiez hier soir à Matignon, face aux deux principaux syndicats d'agriculteurs, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs. A la sortie, ils ont reconnu que ça s'était – je cite – bien passé. Mais alors, attention, écoutez Arnaud ROUSSEAU, le patron de la FNSEA. Il maintient clairement la pression.
ARNAUD ROUSSEAU, PATRON DE LA FNSEA
On souhaiterait que ce Salon se passe bien, mais ce Salon, pour qu'il se passe bien, il faut aussi qu'à un moment, les demandes agricoles soient entendues, et que la réponse soit au niveau attendu. Aujourd'hui, l'impatience, elle est très forte, le mouvement s'est transformé, donc effectivement, les agriculteurs ne sont plus sur l'autoroute ou sur des points de blocage, mais que personne ne se trompe, la détermination reste totale.
CHARLES MAGNIEN
Détermination totale. Alors, Marc FESNEAU, on sait que le gouvernement a déjà annoncé beaucoup de mesures, fait beaucoup de promesses. Qu'est-ce qui va encore bouger, qu'est-ce qui va se concrétiser dans les dix jours qui viennent avant l'ouverture du Salon de l'agriculture ?
MARC FESNEAU
D'abord, peut-être dire ce qu'on a fait sur les mesures d'urgence, je pense aux mesures qu'on a prises, qui ont été prises sur l'élevage, je pense aux mesures qui ont été prises et annoncées sur la viticulture, parce que ça ne paraît rien, mais monter un dispositif, regarder comment il va fonctionner, travailler avec les organisations professionnelles pour le faire, c'est important. On a évidemment stoppé la mesure sur le GNR, préparé les mesures de remboursements anticipés pour le GNR également. Et puis, un certain nombre de mesures de simplification, qui sont déjà posées sur la table, je pense en particulier, pour ne citer que cet exemple, à la réduction des délais de recours contentieux sur les bâtiments d'élevage ou sur les questions d'eau. Alors, tout ça ne paraît rien, mais ça produit des décrets, des décrets qui sont envoyés au Conseil d'Etat, et donc, on est dans un délai, je ne suis pas sûr qu'on ait beaucoup dans l'histoire de la simplification en dix jours fait autant de sujets de simplification. Qu'est-ce qu'on a devant nous d'ici le Salon ? Un certain nombre de mesures de simplification complémentaires, on continue à regarder le travail qui est fait au niveau départemental et dans les préfectures. Des éléments qui seront mis en dur, si on peut dire, en textes de loi, dans la loi d'orientation agricole, pour faire en sorte que là où il y a besoin de législatif, on puisse le faire…
CHARLES MAGNIEN
Une loi qui sera présentée avant le Salon ?
MARC FESNEAU
Qui sera envoyée au Conseil d'Etat, parce qu'il y a quand même… la simplification, ce n'est pas la suppression du Conseil d'Etat…
CHARLES MAGNIEN
Non, non, mais… oui, mais le calendrier est serré, là, il vous reste dix jours…
MARC FESNEAU
Je ne crois pas qu'on puisse faire tellement plus serré, mais il sera envoyé au Conseil d'Etat, et mis sur la table, d'ailleurs, hier, on a échangé sur les éléments de texte avec les syndicats agricoles, comme on le fera avec les autres syndicats aujourd'hui, pour faire en sorte qu'on soit bien au rendez-vous d'un dépôt au Conseil d'Etat aux horizons du Salon, et une délibération à l'Assemblée et au Sénat, qui doit se dérouler d'ici le mois de juin, pour qu'on ait un texte complet sur ce sujet-là. On aura dans ce texte, par exemple, la mesure de simplification sur la haie, qui sont des mesures particulièrement attendues.
CHARLES MAGNIEN
Alors, puisque vous dites, tout va bien, tout s'est bien passé hier soir, pourquoi à la sortie, Arnaud ROUSSEAU dit : mais attention, il faut que ça aille vite, il reste dix jours…
MARC FESNEAU
Mais vous ne m'avez pas entendu dire tout va bien, sur ce sujet de la souveraineté, sur le sujet de la simplification, on n'a pas évoqué les sujets européens…
CHARLES MAGNIEN
La jachère notamment, la France a obtenu gain de cause hier…
MARC FESNEAU
Alors, elle a obtenu gain de cause, mais je vous rappelle que c'est à mon initiative au niveau européen qu'on avait posé la question, au mois d'octobre ; voyez parfois l'inertie du système. J'entends avec satisfaction que l'Union européenne, la Commission européenne, d'ailleurs, elle nous a demandé de fournir des propositions, nous en avions tout un tas sous les chaussures, si je peux dire, si vous me permettez cette expression. Et on va ouvrir cette boîte-là, d'ailleurs, pendant le Salon, avec la Commission, puisqu'on aura un débat entre ministres de l'Agriculture pour engager des mesures de simplification. Et puis, donc, les mesures de simplification, elles doivent se poursuivre, et je comprends la vigilance des syndicats, parce que, ce n'est pas parce qu'il y a eu un moment de crise plus éruptif que, une fois que les tracteurs seraient rentrés dans les fermes, on a résolu les problèmes. Simplement, il faut en continu qu'on vérifie que la simplification et ce qu'on a mis sur la table se déroulent bien.
CHARLES MAGNIEN
Alors, j'entends un dialogue constructif, on va le dire comme ça…
MARC FESNEAU
Oui, oui, je crois que c'était constructif…
CHARLES MAGNIEN
Avec la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs, vous nous dites : les tracteurs sont rentrés, eh bien, pas tous, il y a des agriculteurs qui se sont déjà remobilisés, hier, par exemple, sur l'autoroute A75, ils ont vidé les camions étrangers de leurs marchandises, tiens, écoutez, ce viticulteur, qu'on a interrogé, viticulteur dans l'Hérault, il s'appelle Sébastien SERRYS.
SEBASTIEN SERRYS, VITICULTEUR DANS L'HERAULT
Il y a des promesses, des promesses, mais aujourd'hui, il n'y a rien de concret, rien de signé, donc, ça serait bien qu'ils mettent un coup d'accélérateur. Le Salon approche, Monsieur le Ministre, et ne vous inquiétez pas, je pense que vous allez être reçu, et puis, après, bien évidemment, moi, aujourd'hui, je suis viticulteur, je veux vivre de mon produit tout simplement, qu'on me paie le vin au juste prix et pas des primes, pas des aides, pas des… voilà, parce que dans deux ans, dans trois ans, on en sera toujours au même point.
CHARLES MAGNIEN
Marc FESNEAU, il vous interpelle directement en tant que ministre de l'Agriculture, qu'est-ce que vous répondez à ce viticulteur, parce qu'il y a les dialogues à Matignon, etc., les réunions, et puis, il y a le terrain, là, il y a des agriculteurs qui bloquent ce matin ?
MARC FESNEAU
Que j'étais, il y a une semaine, dans l'Hérault et dans le Gard pour présenter deux mesures, une mesure d'urgence à hauteur de 80 millions d'euros, dans l'Hérault, c'est plus d'une dizaine de millions d'euros qui seront développés en urgence pour soulager les trésoreries, je rappelle que, on est d'ailleurs encore dans cette mesure, l'an dernier, on a mis 200 millions sur la table pour faire des mesures de distillation, la distillation, ça a vocation à retirer des volumes de vin pour faire monter les prix. Après, il faut que chacun joue le jeu aussi, je pense à la question de la grande distribution, à la question des négociants, si on retire des volumes, ça doit avoir un effet sur les prix. Et c'est ça aussi qu'on attend…
CHARLES MAGNIEN
Mais, Marc FESNEAU, vous me dites, pour ce viticulteur, on a débloqué des dizaines de millions d'euros, ils en demandent trop, ils sont trop gourmands, là, les agriculteurs en ce moment ?
MARC FESNEAU
Non, non, pas du tout, non…
CHARLES MAGNIEN
Est-ce qu'ils profitent de l'effet du blocage, du Salon qui arrive, pour vous mettre une pression…
MARC FESNEAU
Non, non, non, moi, je ne leur fais pas ce grief-là, vous avez des situations, c'est peut-être le cas de ce monsieur, de gens qui depuis parfois une ou deux années ont un revenu net égal à zéro, pour ne pas dire qu'il est négatif. Donc ils sont pris à la gorge de leurs remboursements d'emprunts et d'une situation où vous ne dégagez pas de revenus pour vous-même. Donc c'est normal qu'il y ait cette colère qui s'exprime. C'est normal qu'on mette des mesures d'urgence. J'ajoute que dans les territoires viticoles, on a annoncé qu'on mettrait 150 millions d'euros pour de l'arrachage différé du vignoble, pour permettre, là aussi, de retirer provisoirement, mais, l'arrachage, il ne se fait pas au printemps, il se fait plutôt à l'automne, c'est dans cette perspective-là, donc il y a un moment, qui est un moment un peu d'impatience qui se manifeste, mais en tout cas, on ne peut pas dire que sur la viticulture, comme sur d'autres secteurs, on n'ait pas fait des efforts significatifs.
CHARLES MAGNIEN
J'entends toute cette liste de mesures, les Français l'entendent. Et en attendant, quand on tend le micro à tous les agriculteurs, ils nous disent tous : ça ne va pas assez vite, ça n'est pas assez concret, et quoi qu'il arrive, on va se mobiliser lors du Salon de l'agriculture. Est-ce que vous redoutez ce Salon ?
MARC FESNEAU
Moi, je ne redoute pas ce Salon, d'abord, le Salon, ce n'est pas la rencontre seulement entre le monde politique et les agriculteurs, c'est la rencontre entre les Français et les agriculteurs, et on y sera. Non, mais je veux dire…
CHARLES MAGNIEN
Vous y serez quoi qu'il arrive d'ailleurs, Marc FESNEAU ?
MARC FESNEAU
Eh bien, j'y serai, parce que je pense que la place d'un ministre de l'Agriculture, c'est d'être au Salon de l'agriculture, sinon, il y aurait quelque chose d'assez iconoclaste à refuser le débat, le dialogue, et parfois, vous savez, j'ai fait 120 déplacements depuis que je suis ministre de l'Agriculture, donc je n'ai pas la crainte d'aller sur le terrain, y compris pour nous confronter à une propre réalité, on a souvent des contacts avec des gens qui nous disent : la mesure, il faut l'ajuster comme ça, etc. Alors, je répète, d'abord, c'est une crise qui vient de loin dont on prend la part qui est la nôtre, il ne faut pas se raconter d'histoires, mais quand vous avez 25 ans de procédures de sédimentation, de sur-administration, de sédimentation, de surtransposition, quand vous détricotez tout ça et que vous ouvrez, là aussi, le capot, évidemment, tout sort. Et donc, on a besoin, au fur et à mesure, de façon très sérieuse, de dire : ça, on a réglé, ça, on a réglé, ça, on va régler, ça, il faut qu'on le regarde au niveau européen pour faire en sorte que chacun se sente reconnu globalement dans cette volonté de simplification. Et la simplification, c'est fait pour quoi ? C'est pour gagner en compétitivité et en souveraineté.
CHARLES MAGNIEN
L'enjeu, ensuite, une fois que les mesures sont prises, sont annoncées, c'est d'être entendu, on va le dire comme ça, par les syndicats mais aussi par la base. Et puis le 24 février, donc ouverture du Salon. Il y aura… Il y a deux visites annoncées le même jour, Emmanuel MACRON et Jordan BARDELLA. Est-ce que vous imaginez le président de la République chahuté pendant que le patron du RN serait applaudi par les agriculteurs ?
MARC FESNEAU
Je pense que même chez ceux qui sont les plus virulents, il y a beaucoup de gens qui reconnaissent qu'on a essayé de faire le maximum, nous, sur cette question de crise, que le président de la République s'est engagé très tôt sur la question de la rémunération. Moi, j'attends de monsieur BARDELLA qu'il nous dise quelque chose d'autre que : je comprends votre colère et je la soutiens, quelles sont les propositions…
CHARLES MAGNIEN
Eh bien, visiblement, ça suffit pour l'instant pour l'instant pour qu'il soit applaudi par les agriculteurs…
MARC FESNEAU
Oui, mais quand vous ne gouvernez pas, c'est toujours très commode. Puis, à un moment, vous allez vous confronter. Qu'est-ce que vous faites comme simplification ? Qu'est-ce que vous demandez au niveau européen ? Comment vous trouvez un chemin ? Alors, on pourrait dire : moi, je m'abstrais des règles européennes, après, on ira expliquer aux agriculteurs qu'on ne peut plus bénéficier des aides de la PAC qui sont un élément structurant de la politique agricole française. Les aides de la PAC sont très importantes. Allez demander aux Anglais, aux agriculteurs anglais ce qu'ils pensent du Brexit. Donc c'est très facile d'être dans la posture de celui qui n'a jamais gouverné et qui au fond ne se met pas dans la situation d'avoir à gouverner en se disant : après tout, je peux dire tout et n'importe quoi, on verra bien si jamais…
CHARLES MAGNIEN
Vous seriez prêt à en débattre directement avec Jordan BARDELLA, s'il est au Salon, là…
MARC FESNEAU
On verra, enfin, la théâtralisation…
CHARLES MAGNIEN
Eh bien, à le rencontrer…
MARC FESNEAU
Non, mais la théâtralisation sur le dos des agriculteurs n'est pas trop mon truc, pour tout vous dire. Donc, moi, je travaille, vous voyez…
CHARLES MAGNIEN
Il fait du théâtre, Jordan BARDELLA ?
MARC FESNEAU
Eh bien, il y a un peu de théâtralisation. Il enfile des bottes, et puis, après, il enfile un ciré, il va voir les pêcheurs. Enfin, je veux dire, tout ça est un peu théâtral. J'aurais aimé l'entendre et le trouver vocal dans les cinq dernières années au niveau européen, sur les sujets agricoles. Après, il fait comme il veut…
CHARLES MAGNIEN
Alors, autre question très politique, on a beaucoup parlé d'Arnaud ROUSSEAU, le patron de la FNSEA. Il y a, j'ai envie de dire, il y a l'autre ROUSSEAU, Sandrine ROUSSEAU, la députée écolo…
MARC FESNEAU
Il y a plein de ROUSSEAU dans la vie, oui…
CHARLES MAGNIEN
Oui, eh bien, c'est l'autre partie de la tenaille pour vous, parce que les écolos et la députée écolo Sandrine ROUSSEAU, qui sera dans moins d'une heure maintenant sur RMC et BFM TV dans " Le face à face ", elle vous accuse clairement d'avoir… comment dire… sacrifié la santé des Français en stoppant le plan Ecophyto, d'avoir sacrifié la santé des Français pour calmer la colère des agriculteurs.
MARC FESNEAU
Ce n'est pas la première fois, je n'ai pas envie d'avoir de querelles avec madame ROUSSEAU, mais ce n'est pas la première fois que madame ROUSSEAU parle d'un sujet que, manifestement, elle ne connaît pas. Le plan Ecophyto, c'est une stratégie de réduction. Qui a dit qu'on n'avait pas une stratégie de réduction et qu'on mettait en pause, ça ? Qui a dit qu'on n'avait pas déjà des programmes de recherche pour trouver des alternatives ?
CHARLES MAGNIEN
Il y a une pause sur le plan Ecophyto ?
MARC FESNEAU
Oui, sur un sujet principal qui est le sujet des indicateurs. Ça n'obère pas les efforts qui doivent être faits par les agriculteurs et les efforts qu'on fait, les moyens qu'on met, les 250 millions qu'on met pour la recherche d'alternatives aux produits qui portent le plus de toxicité. Madame ROUSSEAU pourrait reconnaître que pour les produits les plus à risque, qu'on appelle les CMR-1, pour la santé, on a baissé de 95 % dans le quinquennat qui vient de s'achever.
CHARLES MAGNIEN
Eh bien, Sandrine ROUSSEAU va vous répondre sur RMC dans une demi-heure maintenant, à 08h30, " Le face à face ", Sandrine ROUSSEAU, la députée écolo. Mais je vous remercie surtout Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, d'avoir été en direct ce matin sur RMC.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
CHARLES MAGNIEN
Est-ce que vous serez tout à l'heure à l'Elysée avec Emmanuel MACRON, qui reçoit tout à l'heure, qui reçoit…
MARC FESNEAU
Je suis à Matignon, je suis à l'Elysée, et je suis dans mon ministère pour recevoir tout le monde parce que ça nécessite des réunions en continu.
CHARLES MAGNIEN
Donc Coordination Rurale, Confédération Paysanne tout à l'heure, et vous serez bien au Salon de l'agriculture dans dix jours maintenant.
MARC FESNEAU
Absolument.
CHARLES MAGNIEN
Marc FESNEAU. Merci encore une fois d'avoir été en direct ce matin sur RMC.
MARC FESNEAU
Merci à vous
source : Service d'information du Gouvernement, le 15 février 2024