Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à TF1 le 23 février 2024, sur l'invitation du mouvement écologiste "Les Soulèvements de la Terre" pour débattre au Salon de l'agriculture et le mouvement de contestation des agriculteurs.

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Média : TF1

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Crise, couacs et polémiques, le Salon de l'agriculture s'ouvre dans un climat tendu. Ça tombe bien, votre invité, Adrien GINDRE, est le Ministre de l'Agriculture, Marc FESNEAU.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
Assurément ça commence mal pour la visite du président prévue demain au Salon de l'Agriculture. Alors je résume rapidement. Hier après-midi, l'Elysée dit " nous organisons un grand débat avec l'ensemble des acteurs du monde agricole, y compris les écologistes radicaux des Soulèvements de la Terre et hier soir, patatras !, la FNSEA dénonce une provocation et refuse d'y participer. Alors ce débat aura-t-il bien lieu demain, Marc FESNEAU ?

MARC FESNEAU
Je l'espère parce que je considère que le fait que le président de la République puisse débattre avec les agriculteurs, avec l'ensemble des parties prenantes est une bonne idée.

ADRIEN GINDRE
" Je l'espère ", ça veut dire que vous n'avez pas de certitudes…

MARC FESNEAU
Je n'ai pas de certitudes parce que d'abord, je ne pratique pas l'oukase ou l'obligation faite aux syndicats, aux représentants agricoles – d'ailleurs le débat était prévu pour s'organiser aussi d'agriculteurs qui n'étaient pas syndiqués. Il faut que ce que les agriculteurs ont à dire ils puissent le dire devant le président de la République.

ADRIEN GINDRE
Donc vous ne savez pas ce matin si la FNSEA sera réellement absente au Salon demain.

MARC FESNEAU
On va y travailler. Je ne suis pas aveugle, j'ai entendu ce qu'a dit la FNSEA ou ce qu'ont dit un certain nombre de syndicats sur leur refus de participer à date. Je pense qu'on a besoin de travailler avec eux. Ça fait six semaines qu'on travaille avec eux sur cette question-là pour faire en sorte qu'on trouve des solutions, et ce débat qui a été souhaité par le président de la République, dont je répète je considère qu'il est une bonne idée, est un débat qui permet aussi de poser les problèmes et que le président puisse d'un point de vue complémentaire apporter des réponses.

ADRIEN GINDRE
Qu'est-ce que vous dites à la FNSEA ce matin ? Qu'est-ce que vous dites à ses représentants qui visiblement sont soit dans le refus, soit dans l'hésitation ?

MARC FESNEAU
Je dis que je comprends parfaitement l'incompréhension, pour ne pas dire la colère, qui s'est exprimée à l'idée que certains avaient exprimé qu'on invite les Soulèvement de la Terre. Parce que moi, je considère que les Soulèvements de la terre, leur mode d'expression, c'est le casque, c'est le masque et c'est le cocktail Molotov.

ADRIEN GINDRE
Je rappelle que votre gouvernement, le vôtre, le ministre de l'Intérieur avait voulu les dissoudre.

MARC FESNEAU
Et j'avais soutenu l'initiative de mon collègue Gérald DARMANIN. Alors, le Conseil d'Etat n'a pas donné droit à cette demande mais on a très bien vu à Sainte-Soline quels étaient leurs modes d'action.

ADRIEN GINDRE
Qui a eu l'idée Marc FESNEAU ?

MARC FESNEAU
Je n'en sais rien.

ADRIEN GINDRE
Pardon, vous êtes ministre de l'Agriculture, il y a un débat…

MARC FESNEAU
Monsieur GINDRE, ça ne m'intéresse pas de dire et de chercher des boucs émissaires.

ADRIEN GINDRE
En même temps, c'est la Présidence de la République, Marc FESNEAU, qui a fait cette annonce.

MARC FESNEAU
Je considère que c'était une invitation qui était inopportune compte tenu du contexte mais au-delà du contexte, compte tenu de la nature de ce que sont les Soulèvements de la Terre. D'ailleurs, ce n'est pas une organisation, c'est une espèce d'archipel de gens…

ADRIEN GINDRE
Un collectif on va dire.

MARC FESNEAU
Dont le modèle d'expression est plutôt le cocktail Molotov. Donc on ne discute pas avec ces gens-là, c'est très bien ainsi.

ADRIEN GINDRE
Donc vous vous désolidarisez de cette idée, mais je trouve que c'est… Mais ce n'est pas la question de se désolidariser.

ADRIEN GINDRE
Ah, si !

MARC FESNEAU
L'Élysée hier a exprimé le fait qu'il trouvait qu'effectivement ç'avait créé trop d'émoi et donc je ne reviens pas là-dessus. Je considère qu'on a besoin de trouver les voies du débat et que les Soulèvements de la Terre ne sont pas ceux qui sont les plus à même non seulement d'avoir un débat apaisé, mais au fond, ils ne veulent pas débattre, or on discute…

ADRIEN GINDRE
Marc FESNEAU, non mais…

MARC FESNEAU
On discute, pardon juste on discute assez régulièrement avec les associations non gouvernementales représentant l'environnement.

ADRIEN GINDRE
Vous dites " je ne vais pas revenir là-dessus ". Il se trouve que c'est quand même le fait majeur à l'ouverture de ce Salon. Vous comprenez quand même que quand on regarde l'idée même d'avoir eu un débat – enfin, représentons-nous l'image – où il y a la FNSEA, les Soulèvements de la Terre ensemble autour du président de la République, on ne voit ni la ligne ni la vision, on ne comprend plus rien. Vous comprenez qu'on ne comprend plus rien ?

MARC FESNEAU
Non, parce que la ligne et la vision, c'est celles que nous exprimons depuis des années. La ligne et la vision, c'est ce que nous faisons en termes de simplification, de réponses au sujet de la crise, de réponses européennes. On a commencé à avoir des réponses européennes hier sur les sujets qui sont exprimés par les agriculteurs. Moi ce qui m'importe, je vais vous dire, au-delà des polémiques que je peux comprendre, ce qui m'importe, c'est qu'on apporte des solutions aux agriculteurs. C'est ce qu'on fait depuis des mois et singulièrement depuis des semaines. Et donc tout le travail que nous avons fait avec les organisations syndicales, dont je voudrais saluer l'esprit de responsabilité, il doit se poursuivre de toutes façons.

ADRIEN GINDRE
Mais vous en avez reparlé avec la FNSEA depuis hier soir, depuis cette annonce ?

MARC FESNEAU
J'en ai reparlé hier soir avec eux pour essayer de trouver les voies du dialogue. On en reparlera ce matin. Je pense qu'on a les bases de quelque chose qui permette de changer le logiciel de l'agriculture. C'est ça qui compte pour moi.

ADRIEN GINDRE
Qu'est-ce qui peut faire qu'ils viennent à ce débat demain ? Qu'est-ce que vous pouvez leur dire pour qu'ils viennent ?

MARC FESNEAU
Mais que je pense, ce que je vous dis à l'instant, c'est-à-dire qu'on a jeté les bases ensemble d'un dialogue renouvelé et d'une inflexion, pour ne pas dire d'un changement de logiciel sur les sujets d'agriculture, sur les sujets de compétitivité, sur le sujet du rapport aux normes, sur le sujet de la vision européenne que nous devons avoir pour l'agriculture. Et donc, essayons de continuer à travailler dans ce registre-là avec un débat et par ailleurs avec un certain nombre…

ADRIEN GINDRE
Mais s'ils ne viennent pas, est-ce que le débat aura lieu quand même ?

MARC FESNEAU
Nous verrons mais je pense que le débat…

ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous, vous le souhaitez ?

MARC FESNEAU
Il me semble que c'est bien. Je trouve que l'idée qui avait été portée par l'Elysée et par le président de la République d'avoir un débat avec les agriculteurs est une bonne idée, avec d'autres, avec des tierces parties est une bonne idée. Et donc je souhaite que ce débat puisse avoir lieu parce que ça permet aussi que chacun puisse exprimer, au fond, ce qu'il a sur le coeur et plus que sur le coeur, ce qu'il a comme demande, et qu'après le Président de la République puisse donner et sa vision et ses réponses concrètes.

ADRIEN GINDRE
Mais, ce débat, l'enjeu, que l'on comprenne bien, c'est d'écouter les demandes, les doléances, ou c'est de faire de nouvelles annonces au monde agricole ?

MARC FESNEAU
C'était à la fois d'écouter les doléances, de redonner. De redonner de la perspective à ce que nous faisons depuis des années et depuis des semaines, et que le président de la République puisse compléter avec un certain nombre d'autres annonces.

ADRIEN GINDRE
Vous dites " c'était ", parce que…

MARC FESNEAU
Non, je veux mettre l'imparfait, c'est l'objectif…

ADRIEN GINDRE
Vous prenez acte du fait que ça n'aura pas lieu. Ou que ça n'aura pas lieu comme vous le souhaitiez.

MARC FESNEAU
Non, non, non, non, non, ne jouons pas sur les mots, je souhaite que cela ait lieu et j'espère et je pense que ça aura lieu, parce qu'on doit trouver les voies et moyens. Moi je suis un artisan du dialogue et j'essaie d'avancer avec des sujets concrets pour les agriculteurs. Moi, ce qui m'importe…

ADRIEN GINDRE
Bon, mais on comprend bien par l'incertitude dans laquelle vous êtes ce matin.

MARC FESNEAU
Mais si je vous disais « je suis certain que ça va avoir lieu », avec tout ce que vous avez comme informations, vous êtes aussi informé que moi, vous diriez " Marc FESNEAU, il vit sur une autre planète ".

ADRIEN GINDRE
" Il est un peu trop confiant ".

MARC FESNEAU
Moi, je ne suis pas sur une autre planète, et j'essaie, en responsabilités, de trouver les voies du dialogue.

ADRIEN GINDRE
Il y a d'autres acteurs, vous l'avez dit, notamment les industriels et la grande distribution. Est-ce qu'eux, pour le coup, ont répondu favorablement ? Est-ce que LIDL, LECLERC, LACTALIS…

MARC FESNEAU
On va voir. Les invitations ont été adressées, me semble-t-il hier en fin de journée, donc on va regarder. Mais je trouve que…

ADRIEN GINDRE
Ça sent un peu l'improvisation tout ça.

ADRIEN GINDRE
Non non, non…

ADRIEN GINDRE
Pour un moment aussi important que l'ouverture du Salon de l'Agriculture, à quelques heures...

MARC FESNEAU
Pardon, tous ces acteurs-là, le jour de l'ouverture du salon, ils sont là.

ADRIEN GINDRE
Oui, mais ils ne sont pas forcément autour du président de la République à l'attendre pour un débat.

MARC FESNEAU
Ils peuvent, dans un agenda, qui est un agenda de Salon, dégager 2 ou 3 heures.

ADRIEN GINDRE
Ils peuvent, mais est-ce qu'ils veulent ?

MARC FESNEAU
Mais, on va voir. Mais je pense qu'un certain nombre d'entre eux seront présents, parce qu'un certain nombre d'entre eux ont des choses à dire, y compris sur la volonté. Je sais, dans la grande distribution, qu'il y a un certain nombre d'acteurs qui essaient eux aussi de trouver un chemin de la rémunération et y compris dans la transformation.

ADRIEN GINDRE
Comment vous qualifiez le climat dans lequel on est, et dans lequel s'ouvre ce Salon de l'agriculture.

MARC FESNEAU
Eh bien, c'est un climat à la fois d'exigence très fort du monde agricole sur les réponses qu'ils ont voulu qu'on apporte, un climat éruptif, parce qu'on voit bien que tout acte, toute parole, toute invitation crée parfois de la colère ou de l'incompréhension. Et donc il faut être très vigilant sur ça. En tout cas, moi je suis très vigilant là-dessus.

ADRIEN GINDRE
Mais vous voyez que la colère, malgré les annonces depuis des semaines, elle est toujours là. Il y a des agriculteurs, des cultivateurs, qui sont en train de converger vers Paris.

MARC FESNEAU
Oui, alors, écoutez, moi j'ai été beaucoup sur le terrain, avec ma collègue Agnès PANNIER-RUNACHER, qui est arrivée récemment au travail sur ces sujets-là. J'étais hier en Bretagne, j'étais la semaine dernière dans les Pyrénées-Orientales…

ADRIEN GINDRE
Donc vous voyez la colère.

MARC FESNEAU
Donc je la sens, et en même temps, à chaque fois, les agriculteurs me disent : on voit bien que vous avancez, on voit bien que vous essayez de résoudre les problèmes, on voit bien qu'il y a des choses nouvelles qui apparaissent sur la table, et c'est ça qui compte.

ADRIEN GINDRE
Comment vous pouvez mettre fin au mouvement, alors que ça fait des semaines que vous faites des annones et que les agriculteurs…

MARC FESNEAU
Mais vous avez à la fois des sujets parfois territoriaux, des sujets de revenus qui sont des sujets un peu plus longs, des sujets de simple…

ADRIEN GINDRE
Mais ça, ils le savent.

MARC FESNEAU
Mais, attendez, au fur et à mesure qu'on crée les simplifications, au fur et à mesure qu'on crédibilise notre parole par des réponses concrètes, c'est comme cela qu'on arrivera à faire que ce mouvement se transforme en une transformation profonde du regard qu'on a sur l'agriculture et du regard qu'ont les agriculteurs sur la puissance publique.

ADRIEN GINDRE
Mais donc vous êtes conscient que ce mouvement va encore durer et peut encore durer.

MARC FESNEAU
Il peut encore durer. En même temps, je vois partout des agriculteurs qui sont au travail avec les préfets, qui sont au travail avec nous au niveau national, au ministère de l'Agriculture, pour faire en sorte de trouver des solutions. Parce qu'une crise, elle doit déboucher sur des solutions. Elles ont été mises sur la table par le Premier ministre pour un certain nombre d'entre elles, sur la simplification, sur un texte de loi à venir, sur les questions de rémunération, sur les questions de crise, je pense à la question de l'élevage ou à la question de la viticulture. Et donc on continue à dérouler des solutions pour les agriculteurs. C'est ça qui compte pour moi.

ADRIEN GINDRE
Merci Marc FESNEAU d'avoir été sur le plateau de TF1 ce matin et bon courage pour les prochaines heures. Vous allez en avoir besoin.

MARC FESNEAU
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2024