Déclaration de Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'Etat, chargée des anciens combattants et de la mémoire, sur le plan d'accompagnement des militaires blessés et de leurs familles, à Paris le 18 décembre 2023.

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Intervenant(s) : 
  • Patricia Mirallès - Secrétaire d'Etat, chargée des anciens combattants et de la mémoire

Circonstance : Comité de suivi du plan blessé - 2ème partie

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Directeurs et les chefs de services,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les officiers,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
mesdames et Messieurs les présidents d'association,
Mesdames et Messieurs,


Comme je m'y suis engagée nous nous retrouvons pour ce deuxième comité de suivi du plan blessés, et j'en suis heureuse.

Ces comités sont pour moi essentiels : ils nous permettent de nous réunir, à échéance régulière, pour que je puisse vous présenter les avancées et les perspectives d'avenir du plan. C'est aussi l'occasion d'avoir avec vous une discussion très libre, très ouverte car vos retours d'expérience sont précieux, et c'est à partir de ceux-ci que le plan d'accompagnement des blessés a été construit, et avance.

Le premier thème de ce comité de suivi m'est particulièrement cher, et je crois que c'est le cas pour chacun d'entre vous. Car nous mesurons toutes et tous à quel point les familles sont importantes pour nos militaires.

J'ai l'habitude de dire qu'elles sont leur base arrière, celles vers qui ils peuvent se tourner ou se replier lorsque le besoin se fait sentir. Je connais la bravoure et la force d'âme de nos militaires, je sais les risques qu'ils prennent et les blessures qu'ils peuvent porter, qu'elles soient évidentes et visibles, ou au contraire intimes et secrètes. Et je suis profondément convaincue que, s'ils peuvent endurer, supporter et accepter tout cela, c'est parce qu'ils savent que leurs familles sont derrière eux.

Lorsqu'ils sont déployés pour nous protéger, en OPEX, sur le territoire national ou en Outre-Mer, ils partent avec la certitude que, lorsqu'ils reviendront, il y aura cette épouse, cet époux, ces enfants, ces parents, frère, soeur, parfois même un oncle, une tante ou un cousin. Ils seront là pour les accueillir et les soutenir.

C'est cette certitude, cette conscience du lien invisible et puissant qui les relie à ceux qui leur sont chers qui permet à nos soldats d'accomplir leur mission avec cette force d'âme qui les caractérise.

Et pourtant, malgré le rôle primordial qu'elles jouent pour nos combattants, les familles n'ont pas toujours la vie facile.

Elles sont nombreuses à devoir déménager régulièrement, au gré des affectations successives. C'est la scolarisation des enfants ou la carrière des épouses - ou des maris - qui s'en trouve affectées, sans parler des difficultés à se loger.

Et puis, lorsque l'être aimé part en mission, il y a l'attente teintée d'incertitudes et souvent d'angoisse. Et, si jamais il revient blessé, c'est souvent un choc.

Il faut alors composer avec des transformations profondes de la vie quotidienne auxquelles les familles ne sont pas préparées ni formées, ou auxquelles elles n'ont parfois jamais pensé car, lorsqu'on s'engage avec quelqu'un qu'on aime, on préfère peut-être ne pas penser à cela. Dans cette situation, ce sont bien les familles qui montent au front de leur proche blessé, seules, dans l'intimité de leur chambre ou de leur salon.

Alors, compte tenu de tout cela, compte tenu du rôle considérable des familles dans la réussite de nos soldats et dans le lien Armées-Nation, il ne me paraissait pas envisageable que le plan d'accompagnement des blessés et de leurs familles ne les associe pas. Non ! Elles y ont toute leur place.

Parce que leur rôle est inestimable, parce qu'il est irremplaçable, elles ont, elles aussi, besoin d'être soutenues, préparées et accompagnées. J'ai l'habitude de résumer ce plan à un objectif unique : la seule préoccupation des blessés doit être de se soigner.

Je la prolongerais aujourd'hui en ajoutant : " et la seule préoccupation des familles doit être de pouvoir soutenir nos blessés dans les meilleures conditions, pour eux et pour elles ".

Pour cela, pour les familles comme pour le reste du plan, j'ai tenu à appliquer la même méthode et le même esprit. Ce que j'ai voulu, ce que le monde combattant attendait, c'est un choc de simplification, un changement de paradigme qui s'applique aux règles comme aux pratiques.

Alors, pour apporter aux familles plus de sérénité, plus d'assurance et plus de répit dans l'accompagnement de leurs proches qui se sont engagés, nous avons développé une triple approche : mieux prévenir et informer ; mieux réparer, particulièrement sur le plan financier ; et enfin mieux accompagner dans le temps long.

C'est le travail que nous accomplissons.


Le premier enjeu est donc de mieux sensibiliser les familles, de mieux les informer sur ce qui existe, sur ce qui est à leur disposition lorsqu'elles font face à un besoin.

Cet objectif concerne toutes les familles de tous les militaires. Je veux qu'aucune ne soit laissée de côté, et je veux surtout que personne, à l'intérieur de celles-ci, ne soit oublié.

C'est toute la famille qui est concernée, car les réalités familiales sont aujourd'hui si différentes, si personnelles, que l'on ne sait jamais, lorsque la blessure arrive, qui va s'occuper du militaire blessé.

Qui va l'accompagner à ses rendez-vous médicaux, l'aider dans ses démarches ou le soutenir moralement. On ne sait jamais qui va être aidant, et les futurs aidants eux-mêmes l'ignorent souvent.

Plusieurs mesures, dont beaucoup sont déjà réalisées, et dont d'autres sont en cours de réalisation, vont dans ce sens.

• L'extension du dispositif de sensibilisation des familles avant le départ ou à la veille du retour d'OPEX sur le syndrome de stress post-traumatique. Cette initiative a déjà été initiée, elle fonctionne bien, elle est appréciée par les familles comme par les soldats. Nous allons donc la généraliser, car il faut savoir encourager ce qui fonctionne.

• Des journées des aidants seront organisées dans chaque zone de défense, sous la responsabilité du général commandant la zone. Cette journée, qui aura lieu au moins une fois par an, sera construite avec un triple objectif : informer, écouter les familles mais également les faire se rencontrer. Les familles de blessés, c'est un peu un nouveau régiment, un esprit de corps, et ces journées y participeront. Une première a déjà eu lieu à Rennes. Une nouvelle expérimentation sera menée en 2024 avant sa généralisation et sa pérennisation en 2025.


Le second enjeu est ce qu'on appelle, peut-être de façon impropre, de mieux réparer. La blessure ou la perte d'un être cher ont des conséquences extrêmement importantes dans les familles, et notamment des conséquences financières.

• Dans cet esprit, la loi de programmation militaire a permis de faire voter l'assouplissement de la majoration tierce personne dès que les infirmités pensionnées sont la cause déterminante du besoin d'assistance et non plus cause exclusive, qui excluait ainsi des blessés et  leurs familles. C'est une avancée majeure, et je me réjouis qu'elle soit désormais en vigueur ;

C'est également dans cet esprit de réparation que l'article 23 de la LPM redéfinit les conditions pour devenir pupille de la Nation.

• Désormais, le délai pour devenir pupilles de la Nation ne court plus jusqu'à 300 jours après la fin de l'opération, mais bien 300 jours après que l'aggravation de l'état du blessé fasse qu'il ne puisse plus s'occuper de ses enfants comme il le devrait. Cette disposition est adaptée à la réalité de la blessure psychique, qui peut se déclencher des années après l'événement traumatique.

C'est le fruit des échanges avec nos blessés, c'est réparer une injustice.

Cette mesure, en vigueur, a déjà soulagé le quotidien de plusieurs enfants puisque sur les 92 adoptions prononcées depuis le début de l'année, 6, c'est-à-dire 15%, ont été possibles grâce à ce réaménagement.


Enfin, le dernier volet du plan en direction des familles vise à améliorer l'accompagnement de celles-ci. C'est un accompagnement dans le temps qui est multidimensionnel.

• L'une des mesures les plus attendues est celle des séjours de répit. Le plan d'accompagnement des blessés prévoit en effet de pérenniser l'initiative de l'Armée de l'Air et de l'Espace qui a conduit en 2023 un premier stage pour des familles de blessés à Méribel. Cette première expérience, qui a été saluée par l'ensemble des participants et des organisateurs, va faire l'objet de deux nouveaux stages d'expérimentation au premier trimestre 2024 avant sa pérennisation pour le deuxième semestre 2024.

Il est important de soutenir les familles, notamment sur le plan psychologique, car seuls celles et ceux qui en ont fait l'expérience savent comme il peut être douloureux de se confronter à la blessure d'une personne que l'on aime.

• Pour cela, par le biais de la DALAM, l'action sociale des armées permet la prise en charge de séances psychologiques dans le milieu civil au profit des familles dès lors que le besoin, évalué par un médecin du service de santé des armées, est en lien avec l'absence, la blessure ou le décès du militaire. Le niveau de remboursement des consultations est amélioré, il passe de 60 à 80 euros. Et ce sont les membres de la famille au sens large qui peuvent en bénéficier : le conjoint, l'enfant mais aussi le parent et la fratrie du militaire.

• Ce soutien passe aussi par le développement des " SAS familles " lorsque leur proche revient d'opération. Cette mesure, déjà initiée, permet de prévenir les dangers, pour le soldat comme pour sa famille, d'un retour d'OPEX qui, sans période de transition, serait trop soudain.

Plus largement, l'accompagnement des familles des militaires doit se faire en prenant en compte l'ensemble de l'accompagnement social dont elles ont besoin, pour elle comme pour leur proche.

Et je ne parle pas seulement de l'accompagnement social proposé par les Armées, mais aussi de l'aide dans la constitution des dossiers pour la MDPH, pour la CAF, pour Pôle Emploi et pour l'ensemble des administrations qui, à un moment ou à un autre du parcours de vie, sont susceptibles d'être sollicitées.


Vous le savez peut-être, mais ce plan d'accompagnement des blessés et de leurs familles avance vite. Des 119 mesures actuellement intégrées, 59% sont effectives ou le seront dans les toutes prochaines semaines.

Deux chantiers, en particulier, ont fortement avancé: celui de la simplification administrative et celui de la prise en charge médicale. Alors, j'ai souhaité que ce deuxième comité de suivi soit celui de la poursuite du choc de simplification.

Par exemple, la demande unique PMI-Brugnot, annoncée par le Président de la République, est une réalité depuis le 13 juillet sur le site de la maison numérique des blessés et de leurs familles.

De nombreuses procédures sont également automatisées ou sur le point de l'être. Je pense au lancement automatique de la procédure de renouvellement des PMI qui a également été réalisé par le service des pensions, qui vous en parlera en détail avec la DRH-MD dans les prochaines minutes.

Je pense aussi à l'automatisation de la procédure d'homologation de la blessure de guerre, dans le cadre d'un dispositif Tarmac, lorsque la blessure est évidente, qu'elle a nécessité une hospitalisation et un rapatriement. Je pense enfin à l'automatisation de la demande de carte du combattant.

De nombreuses procédures sont également simplifiées: les expertises médicales peuvent se faire sur pièce ou par télé-expertise. Les cas de saisines de la commission consultative médicale ont eux été réduits.

Autre exemple du travail important sur la simplification administrative, une commission inter-Armées, directions, services et opérateurs pour les cas les plus difficiles sera également établie dans les toutes prochaines semaines.

Enfin, le dispositif de la réparation intégrale viendra garantir que les préjudices subis par nos blessés en OPEX, en mission opérationnelle ou dans les entraînements les plus durs seront indemnisés au plus juste.

Cette simplification administrative sera parachevée par la mise en oeuvre du coffre-fort numérique que nous sommes en train de développer.

Il permettra pour les blessés d'y stocker leurs documents, à l'administration du ministère des Armées de les y déposer mais aussi de les récupérer. Ce coffre-fort nécessite encore du travail, notamment pour garantir la sécurité et la confidentialité des données, mais sa version définitive devrait voir le jour en 2025.

Voilà, mesdames et messieurs, ce que je tenais à partager avec vous sur les avancées du plan d'accompagnement des blessés qui concernent les familles.

Georges Clemenceau disait des soldats blessés qu'ils " ont des droits sur nous ". Je pense que, par extension, c'est vrai aussi pour leurs familles. Nous devons tout faire pour les soulager et les accompagner, car lorsqu'on demande à des femmes et à des hommes de mettre leur vie et leur intégrité physique et psychique en péril pour nous protéger, ceux-ci doivent partir au combat avec la certitude que, quoiqu'il arrive, l'Etat sera à leurs côtés pour les aider à se relever s'ils devaient être blessés, et que leurs familles seraient accompagnées.

Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter, avec un peu d'avance, de joyeuses fêtes de fin d'année auprès de vos proches. J'aurai plaisir à vous retrouver au printemps à l'occasion du prochain comité de suivi qui portera sur les maisons Athos et l'emploi des militaires blessés et de leurs familles.


Source https://www.snemm.fr, le 26 février 2024