Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 7h40 et vous êtes bien sur RMC. Bonjour Prisca THEVENOT. Merci d'être dans ce studio ce matin. Vous êtes la nouvelle porte-parole du Gouvernement. On va évidemment revenir sur cette situation de chaos ce week-end avec la visite d'Emmanuel MACRON au Salon de l'agriculture. C'était le bordel. Voilà ce qu'il dit, le président de la République, il le reconnaît lui-même, c'est ses mots. Cités par le journal Le Figaro ce matin, c'était le bordel. Mais j'ai envie de vous dire, la faute à qui ?
PRISCA THEVENOT
Ouh là ! Je pense qu'il est important de ne pas inverser l'échelle des valeurs. Nous avons un président de la République qui a honoré une tradition, celle qui est que le président de la République ouvre le Salon de l'agriculture. Maintenant, regardons en face ce qui s'est passé, c'est que nous avons eu, en face de ce moment important, solennel, national, une minorité, une centaine d'ultras, ultra-violents qui étaient là non pas pour dialoguer, pour échanger, mais pour en découdre. Et l'ensemble des chaînes télévisées qui étaient sur place ont pu le voir, ont pu le filmer, et, ils ne l'ont pas fait à visage caché. Ils l'ont parfaitement assumé. Et donc ça, nous devons être collectivement capables de le dénoncer. Nous ne devons absolument jamais accepter que la violence prenne le pas dans l'opinion publique dans notre pays, et qu'encore moins, ce soit…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites collectivement…
PRISCA THEVENOT
Ce soit le terreau assumé d'une volonté d'éventuellement défendre des idées. Ce n'est pas le cas. Quand j'ai entendu samedi matin, vraiment extrêmement choquant : nous sommes chez nous, nous allons tout faire pour le dégager. À quel moment on tolère ce genre de phrase ?
APOLLINE DE MALHERBE
Nous sommes chez vous (sic)…
PRISCA THEVENOT
Nous sommes chez nous…
APOLLINE DE MALHERBE
C'était une phrase dite par les agriculteurs. Cette centaine d'agriculteurs, dont vous dites qu'ils étaient…
PRISCA THEVENOT
Quelques-uns qui ne sont absolument pas représentatifs de l'entièreté des exposants et des agriculteurs, qui sont présents au Salon de l'agriculture…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous faites référence, là, est-ce que vous faites référence, là, et allons-y, mettons les pieds dans le plat, Prisca THEVENOT : Nous sommes chez nous, ça fait évidemment écho, j'imagine, en tout cas, c'est aussi comme ça que vous le comprenez à : on est chez nous, qui est un slogan historique du RN et de l'ancien FN ?
PRISCA THEVENOT
Vous avez tout dit. Vous avez exactement tout dit. Et je vous le dis avec l'origine qui est la mienne, avec l'histoire qui est la mienne, et avec la raison pour laquelle je me suis engagée, nous ne devons pas tolérer ce genre de propos.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi avec l'histoire qu'il est la mienne, avec…
PRISCA THEVENOT
Vous savez, moi, je me suis engagée en politique évidemment…
APOLLINE DE MALHERBE
La couleur qui est la mienne…
PRISCA THEVENOT
Pour défendre une certaine idée de la France et un projet européen dès 2017, dès 2017, mais aussi face à une montée qui était là, latente depuis un certain nombre d'années, avec notamment Jean-Marie LE PEN qui est arrivé au second tour des élections présidentielles il y a maintenant de cela quelques années, pour justement combattre cette montée de l'extrême droite en France. Et donc quand aujourd'hui, enfin, j'entends en allumant la télé un samedi matin, alors que c'était un moment extrêmement attendu pour de nombreuses familles, pour de nombreux Français, pour de nombreux exposants, des agriculteurs, que le Salon de l'agriculture est ouvert par un homme, par une minorité d'ultras qui crient : on est chez nous ! Pardon, mais c'est ça qui doit nous interroger aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, ce n'était pas une colère d'agriculteurs. C'était une colère, quoi, de racistes ?
PRISCA THEVENOT
C'était une colère d'ultras. C'était une colère d'ultras. Ensuite, maintenant, ce qu'on doit aussi pouvoir regarder, c'est pouvoir parler du Salon de l'agriculture et des revendications des agriculteurs…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, alors, je vais y revenir, parce qu'il y a cette colère-là…
PRISCA THEVENOT
Ne les laissons pas prendre en otages…
APOLLINE DE MALHERBE
Et il y a aussi évidemment la colère qui ne s'est pas manifestée par des violences, mais la colère des syndicats, la colère des différentes personnes qui avaient été invitées à débattre avec Emmanuel MACRON, qui l'ont refusé. Et je pense qu'il faut quand même que vous puissiez répondre aussi sur ces questions-là. Mais puisque vous dites qu'il y a des familles qui auraient aimé pouvoir rentrer dans ce Salon de l'agriculture et qui n'ont pas pu, eh bien, accueillons tout de suite François, parce qu'il nous a appelés précisément au 32 16 pour en témoigner. Bonjour François.
FRANÇOIS, 44 ANS, CHEF DE CHANTIER
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
François, si je comprends bien, vous, vous étiez un visiteur qui voulait venir en famille samedi matin, et vous avez mis du temps à pouvoir rentrer. Racontez-nous ce que vous avez vu.
FRANÇOIS
Alors non seulement, on a mis du temps, on est arrivé à 9h tranquillement devant l'entrée du Salon, et en fait, on n'a pas pu rentrer. Alors on a vu des CRS. On s'est dit : ça y est, c'est un état de siège, on est en guerre. Eh bien, non, finalement, c'était juste le président de la République qui voulait être là. Mais complètement déconnecté, en fait, les gens dehors, les exposants, les machins, tout ça, et puis, c'est trop facile de remettre ça sur le RN, c'est trop facile parce que moi j'ai vu plein de gens qui n'avaient aucunement le profil d'ultra, qui n'avaient rien du tout. Moi, d'ailleurs, aussi. Mais, on n'en peut plus, ça devient viscéral, en fait, être déconnecté de la vie à ce point-là. Non, non, moi, j'y vais, j'y vais, moi, j'y vais, je tape des pieds, et j'y vais et j'y reste ! Non mais n'importe quoi, en fait, un peu de dignité !
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, vous auriez préféré, François qu'il n'aille pas ?
FRANÇOIS
Mais non, mais vous savez, s'il avait été digne, avec un minimum, un minimum, je ne sais pas, de fierté, eh bien, juste, il aurait fait : eh bien écoutez, je vois que ce n'est pas le moment pour moi, je rentre chez moi, voilà, il n'a qu'à aller cultiver des radis à l'Elysée, et ce sera bien, comme ça, il passera pour un agriculteur…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes très en colère, on l'entend, vous êtes très en colère, François, vous avez quand même pu rentrer dans le Salon ? Vous avez pu le visiter en famille, vous avez pu…
FRANÇOIS
Oui, alors, bien sûr, alors, on a pu rentrer, alors, moi, tranquille, et j'étais content, j'avais le hall de la bouffe, c'était parfait pour moi. Mais par contre, mes enfants, moi, je suis de la campagne, vous savez voir les belles bêtes dans le hall 1, eh bien, non, le hall 1 bloqué jusqu'à 3h. Alors pendant que lui va caresser l'égérie du Salon, eh bien, non, nous, on n'a même pas pu la voir.
APOLLINE DE MALHERBE
François, je veux que la porte-parole du Gouvernement puisse vous répondre. Vous entendez la colère de François qui effectivement a pu visiter mais qu'une partie du Salon, et encore très tard.
PRISCA THEVENOT
Non, mais j'entends tout à fait sa colère, et la colère de vous, Monsieur. Elle est aussi celle d'autres, je pense, qui n'ont pas pu rentrer en temps et en heure au sein du Salon. Mais bien évidemment ! Mais regardons ce qui s'est passé. Est-ce que le problème, c'est que le président de la République, pour ce qu'il représente, c'est-à-dire une institution, ne puisse pas rentrer dans un Salon de l'agriculture pour l'ouvrir de façon extrêmement simple et basique, c'est ça qui doit nous choquer ! Mais ce n'est pas le fait qu'il veuille l'ouvrir…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais Prisca THEVENOT, là, vous parlez de cette manifestation de colère, et évidemment, c'est très important…
PRISCA THEVENOT
Qui a été très violente…
APOLLINE DE MALHERBE
Que vous ayez pu le faire. Mais pour autant, il ne faut pas oublier le contexte dans lequel ce Salon s'est ouvert. Et le contexte, c'est que, pendant 24h, il y a eu une confusion très importante autour de la tenue ou non de ce fameux grand débat. Au lieu d'une visite, je dirais classique, avec une déambulation, Emmanuel MACRON avait prévu, espérait pouvoir transformer ça en grand débat. C'est ce qu'il avait annoncé depuis l'Elysée, et choisir les intervenants, parmi ces intervenants : les Soulèvements de la Terre. Alors certains disent : oui, mais ce n'est quelques conseillers qui avaient prévu… bon, si on écoute les journalistes, ils disent qu'il leur a bien été confirmé et précisé à ce moment-là que les "Soulèvements de la Terre", oui, oui, avaient été invités par le président de la République. Mais bref, dans ce contexte-là, vous ne pouvez pas tout jeter sur le dos des ultras. Il faut aussi parler de la colère plus sourde qui ne s'est pas manifestée par de la violence. Mais les syndicats eux-mêmes n'étaient pas dans un accueil honnêtement triomphant au président de la République. C'est le moins qu'on puisse dire.
PRISCA THEVENOT
Vous avez raison de rappeler le contexte. Oui, nous devons rappeler le contexte, depuis maintenant pas simplement 48h, 24h, depuis maintenant plusieurs semaines, le début effectivement de la crise agricole, est-ce qu'il n'y a pas eu des dialogues, des échanges, des réunions de travail aussi bien tenus à l'endroit, dans le terrain, sur le terrain, auprès des préfets, autour des préfets, avec les élus locaux, avec les agriculteurs, les exploitants, mais également à Matignon, à l'Elysée. Est-ce qu'il n'y en a pas eu ?
APOLLINE DE MALHERBE
Il y en a eu. Il y en a eu, et il y a même eu…
PRISCA THEVENOT
Il y en a eu…
APOLLINE DE MALHERBE
Et il y a même eu plusieurs trains d'annonces.
PRISCA THEVENOT
Exactement. Et il y a eu plusieurs trains d'annonces, pour reprendre vos propres termes. 62 engagements ont été pris, 80 % sont déjà satisfaits ou en cours de l'être. Et nous allons continuer avec l'annonce de deux lois qui vont arriver, notamment le travail sur Egalim qui va se poursuivre avec un travail parlementaire qui est déjà à l'œuvre, mais également la loi sur le projet agricole pour la transmission, pour cette capacité de former nos jeunes pour aller vers ces métiers. Tout cela, ce sont des annonces très simples, très concrètes pour le quotidien des agriculteurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous avez dit : il y a eu un certain nombre de mesures, et puis, il y en a une dont on a quand même un peu l'impression qu'Emmanuel MACRON l'a sortie un peu spontanément, je dirais, sans forcément savoir de quoi il parle, les prix plancher. Est-ce que, vraiment, Prisca THEVENOT, vous allez oui ou non appliquer des prix plancher ? Vous savez ce que ça veut dire les prix plancher, est-ce que, effectivement, l'Union européenne va laisser la France mettre des prix plancher en place ? C'est une proposition aujourd'hui qui est formulée par La France Insoumise…
PRISCA THEVENOT
Non…
APOLLINE DE MALHERBE
Et qui a été reprise par le président…
PRISCA THEVENOT
Non, non, non, je le dis de façon très claire, non, je pense que c'est important. Il y a des choses qu'il ne faut pas laisser dire. Le texte dont vous parlez de La France Insoumise, c'est un texte qui est consigné au sein de l'Assemblée nationale qui est disponible sur le site Internet et je vous invite vraiment…
APOLLINE DE MALHERBE
La proposition de loi formulée par La France Insoumise pour des prix plancher.
PRISCA THEVENOT
Voilà. Exactement. Et j'invite chacun à ne pas s'arrêter au titre, mais à aller regarder ce qu'il y a dans la proposition, à lire…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, le titre, c'est comme ça qu'il a été repris par Emmanuel MACRON…
PRISCA THEVENOT
Ecoutez, je sais, je sais, mais il faut regarder exactement ce qu'il y a dans…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, allez-y, dites-nous…
PRISCA THEVENOT
Et article par article. Ils ne sont pas du tout dans la même mécanique que nous proposons…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, quelle est la mécanique, moi, je m'intéresse à une chose…
PRISCA THEVENOT
Ils sont dans une démarche de mécanique d'économie administrée. Ce que nous proposons, c'est effectivement la mise en place de prix plancher. Mais prix plancher, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est mettre en place des prix sur la base des coûts de production par filière, avec des indicateurs interprofessionnels, et non pas des prix qui seraient décidés en début d'année pour l'année coulante, sans prendre en considération des aléas qui pourraient nous arriver…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, qui va les fixer ces prix plancher… ?
PRISCA THEVENOT
De façon interprofessionnelle, je viens de vous le dire.
APOLLINE DE MALHERBE
D'accord. Donc, ce sont les agriculteurs eux-mêmes…
PRISCA THEVENOT
Filière par filière…
APOLLINE DE MALHERBE
Et non pas le Gouvernement qui décidera de ce que sont ces prix plancher.
PRISCA THEVENOT
Exactement.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça pourra évoluer au fur et à mesure de l'année ?
PRISCA THEVENOT
Ça doit pouvoir aussi évoluer, être en méthode agile. Regardez ce qui s'est passé avec la guerre en Ukraine. Si nous avions décidé de prix le 1er janvier, et qu'ensuite, la guerre arrivait et qu'on nous avait dit : non, non, non, circulez, il n'y a rien à voir, on a décidé au 1er janvier, on aurait eu un gros problème.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous n'avez pas peur que ça devienne… justement, que ça empêche en quelque sorte les prix de décoller, et que ça les maintienne au plancher ? C'est-à-dire que, on le sait qu'en ce moment, notamment dans le bras de fer avec la filière laitière, pour ne pas dire LACTALIS, la grande difficulté, c'est de réussir à faire monter les prix payés par LACTALIS. Est-ce qu'en leur donnant comme ça, en quelque sorte, un prix plancher, ils ne vont pas rester au plancher ?
PRISCA THEVENOT
C'est pour ça qu'il faut pouvoir le regarder filière par filière, secteur par secteur, et même de temps en temps, région par région. C'est ce qui a été dit par un certain nombre d'agriculteurs. Je pense que le pire serait ici de considérer que nous savons mieux que ceux qui sont sur le terrain. Donc écoutons-les, allons sur des discussions, sur des échanges qui peuvent encore une fois se faire filière par la filière sur la base d'indicateurs très précis.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup Prisca THEVENOT…
PRISCA THEVENOT
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
D'être venue ce matin répondre à mes questions. Vous êtes donc porte-parole du Gouvernement. Vous accusez, vous accusez cette poignée d'ultras, dites-vous, dont vous considérez même qu'ils sont comme téléguidés, ou en tout cas qu'ils ont vraiment une proximité avec les idées au minimum du Front National, du Rassemblement national. Merci en tout cas d'être venue dans ce studio.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2024