Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à Public Sénat le 26 février 2024, sur la visite du président de la République au Salon de l'agriculture, le mouvement de contestation des agriculteurs, les élections européennes et les mesures gouvernementales en matière agricole.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Oriane MANCINI.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. On est ensemble pendant 25 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale. Bonjour Fabrice VEYSSEYRE-REDON.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane. Bonjour Madame la Ministre.

ORIANE MANCINI
Fabrice du groupe EBRA, tous les journaux régionaux de l'Est de la France. On va commencer par ce qui s'est passé samedi, Agnès PANNIER-RUNACHER et la manière dont s'est déroulée cette visite d'Emmanuel MACRON très tendue, sous des huées Cette colère des agriculteurs qui dure, c'est un échec pour le président de la République ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne crois pas. Au contraire, je pense que la colère, on l'entend. Elle est légitime. Et ce qu'a montré le Président de la République, c'est qu'il allait au-devant des agriculteurs, c'est qu'il était en capacité de faire des propositions. Et le débat qui a été, qui a eu lieu avec, pas des représentants des agriculteurs, pas des membres, je dirais, de l'état-major des syndicats agricoles, mais avec des agriculteurs directement, des exploitants, des gens qui sont confrontés à ces difficultés, a été un débat de grande qualité. Pendant plus de deux heures, le président de la République a répondu point par point aux difficultés de ces différents exploitants, et ça a montré aussi que ces difficultés, elles étaient très hétérogènes entre l'éleveur qui a besoin d'un revenu, l'arboriculteur qui a des problèmes par rapport à l'utilisation des phytosanitaires, et qui a l'impression d'être dans une concurrence déloyale, ou le grand céréalier qui est confronté…

ORIANE MANCINI
Mais on va revenir sur le fond…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Aux grands déséquilibres des marchés internationaux. On est dans des situations très différentes, et on a vocation à y répondre. Et je crois que le président de la République a montré qu'il ne se dérobait pas à ses responsabilités et qu'il apportait des réponses.

ORIANE MANCINI
On va revenir évidemment sur le fond, mais on a quand même vu cette ambiance très tendue avec des images jamais vues ici au Salon. Hier soir, Gabriel ATTAL est venu en visite surprise une fois le Salon fermé. Est-ce que c'est la preuve qu'il fallait déminer le terrain auprès des agriculteurs ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense que ce qu'on avait aussi, il ne faut pas le surestimer, on avait 300, 400 personnes qui ont donné une image pas très positive du Salon. Moi, je rappelle que le Salon de l'agriculture, ça doit être une fête, une fête de l'excellence de nos agriculteurs, une fête de l'excellence de notre agriculture, de notre alimentation, que c'est un moment convivial, c'est un moment familial. Il y a 600.000 visiteurs sur le Salon. Moi, j'appelle d'ailleurs les familles à venir. Ça se passe très bien sur le Salon, et ce n'est pas 300, 400 personnes qui sont représentatives de la profession agricole, il y a 400.000 exploitants, et beaucoup d'agriculteurs me disaient hier qu'ils étaient un peu déçus de ce qui s'était passé parce que ça ne donnait pas la réalité de l'image. Ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas des problèmes, ça ne veut pas dire que nous leur devons des réponses rapides. Mais ce n'est pas ça l'agriculture. Ce qui est l'agriculture, c'est ce que nous voyons aujourd'hui. C'est ces stands qui montrent que nous sommes à la pointe et de la transition écologique et de l'excellence des produits de l'agriculture.

ORIANE MANCINI
Emmanuel MACRON, qui fait porter une grande part de la responsabilité de ce qui s'est passé samedi sur la Coordination rurale. Il dit qu'une partie de ce syndicat fait le jeu du Rassemblement national. Est-ce que ça ne dénote pas une fébrilité de la part du chef de l'Etat de s'en prendre ainsi à la Coordination rurale et au RN ?

ORIANE MANCINI
Ecoutez, moi, j'observe une chose, et je ne veux pas rentrer dans la politique politicarde. Mais il y a une instrumentalisation. On ne comprend pas ce que veut le Rassemblement national aujourd'hui, que monsieur BARDELLA arrive sur le Salon avec la perche à selfie et multiplie les photos. C'est une chose, mais quelle est sa ligne ? Moi, je peux dire à tout le monde : je vous ai entendus, je vous ai compris. Mais sachant que les gens disent des choses très différentes, quelle est la ligne de monsieur BARDELLA ?

ORIANE MANCINI
Mais lui, il a été très bien…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Monsieur BARDELLA qui vote pour la PAC les jours pairs, et contre la PAC les jours impairs.

ORIANE MANCINI
Mais il a été très bien accueilli hier, lui, lors de sa venue au Salon. Est-ce que, du coup, lui réussit ? Et le RN réussit à capter cette colère du monde agricole, plus que vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Quand vous n'avez aucune proposition à avancer, et que votre seul propos est de dire : vous avez raison d'être en colère, bien sûr que vous avez de l'écoute, mais, en réalité, monsieur BARDELLA fait la politique de la chaise vide au Parlement européen. C'est-à-dire que quand il était en situation d'agir, il n'a rien fait, il n'a pas apporté de solutions. Et effectivement, gouverner, c'est prendre des décisions, et parfois des arbitrages qui sont difficiles. Donc nous, nous avons une ligne, nous devons balayer devant notre porte. Ça, c'est très clair. Je pense notamment à la simplification d'un certain nombre de textes. Les agriculteurs ont raison de nous interpeller. Ils ont raison de dire qu'il y a trop de paperasseries. Ils ont raison de dire que des dispositifs sont incompréhensibles. Ils ont raison aussi de dire que sur certains sujets, ils connaissent mieux leur exploitation que nous dans l'administration. Et ça, il faut changer. Et c'est ce que nous sommes en train de faire avec le président de la République.

ORIANE MANCINI
Est-ce que ce Salon de l'agriculture, il lance la campagne des européennes. Et est-ce que la majorité présidentielle va mettre l'agriculture au coeur de cette campagne ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que nous avons beaucoup de sujets à mettre au coeur de la campagne européenne. Mais ce que montre ce sujet de l'agriculture, c'est qu'effectivement, l'Europe est une puissance agricole, et la France peut être une puissance agricole grâce à l'Europe. On montre qu'on ne peut pas se passer de l'Europe. Et d'ailleurs, c'est ce que disent beaucoup d'agriculteurs. Ils disent : sans Europe, on ne sera pas puissant. En revanche, il faut changer des choses en Europe, et je pense que c'est très important de se le dire, parce que beaucoup de nos opposants, on l'a entendu encore récemment, nous expliquent qu'il faut refuser les exportations, mais ça fait vivre, nous exportons deux tiers des calories que nous produisons, deux tiers. Comment penser une minute que notre agriculture peut vivre dans une France fermée. Ça ne fonctionne pas…

ORIANE MANCINI
Vous l'avez entendu, Jordan BARDELLA, il dit : il faut sortir l'agriculture des traités de libre-échange.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais ça, c'est une bêtise énorme. Est-ce qu'on a un traité de libre-échange avec la Chine ? Est-ce qu'on a un traité de libre-échange avec la Chine ? Non. Est-ce qu'on importe des produits chinois ? Oui. Les traités de libre-échange, en réalité, c'est la manière de réguler le commerce, c'est la manière d'imposer des clauses de réciprocité, des clauses environnementales, des clauses où on demande aux pays en face de nous de respecter des accords et des niveaux de contraintes environnementales que nous nous imposons, nous. Donc en fait, c'est une façon de réguler le commerce. Et lorsque nous n'avons pas ces clauses de réciprocité, lorsque nous ne pouvons pas imposer cette exigence, par exemple sur les sujets environnementaux, nous refusons de signer les traités. C'est le cas de la position constante depuis plusieurs années de la France et du Président de la République sur le traité du Mercosur. Nous estimons…

ORIANE MANCINI
Vous pensez pouvoir l'emporter au niveau européen… ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, moi, j'observe une chose, c'est que ça fait quatre ans et demi que ce traité n'est pas mis en place, et ça, c'est la France qui l'a fait.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Agnès PANNIER-RUNACHER, les détracteurs, les agriculteurs qui n'étaient pas contents ce week-end, c'est ceux aussi qui étaient sur les routes, il y a quelques semaines. Ils font un reproche au gouvernement. C'est beaucoup de paroles mais pas de concret. Est-ce que toute la difficulté pour vous, ce n'est pas la traduction de vos intentions dans le quotidien des paysans français ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, la traduction de nos intentions, elle est faite ici et maintenant. Je donne un exemple, depuis…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ce qu'ils ne voient pas, ce que les paysans ne voient pas…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Depuis mi-février, les paysans ont la possibilité, par exemple, d'avoir accès à une avance sur la ristourne sur le gazole non-routier. Combien d'exploitants l'ont utilisée aujourd'hui ? A peu près 17.000 Combien a-t-on d'exploitants en France ? 400.000. Donc là, les choses existent. Le guichet est ouvert. L'argent arrive dans les cours de ferme. Mais il faut aussi que ce type de nouvelles soit relayé. Et justement, qu'on arrête de faire circuler des fake news qui disent : rien n'est fait. Vous avez un guichet sur la maladie MHE qui touche durement les élevages bovins. Là, l'argent arrive dans les cours de ferme, et ce n'est pas l'épaisseur du trait. On peut aller jusqu'à 2.000 euros par vache touchée. Donc cet argent-là, il est déployé…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Le grief qui est fait à vos administrations…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur la viticulture, pardon, sur la viticulture, nous avons aussi de l'argent qui est déployé. Que nous disent les agriculteurs ? Le premier sujet, c'est la trésorerie. Face à ça, nous avons des réponses. Le deuxième sujet, c'est la simplification. 60 arrêtés de simplification ont d'ores et déjà été pris, et effectivement, il y a des sujets…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ils sont appliqués ? Est-ce qu'ils sont appliqués ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, s'ils sont pris, ils sont d'application directe…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Dans vos administrations, c'est la question que posent les agriculteurs…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils sont d'application directe. Cessons de laisser circuler des infox…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ce sont des fake-news…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Qui nous racontent que rien n'a été fait. Ce n'est pas exact, en revanche, en revanche, et ça, c'est vrai, il y a beaucoup de sujets qui demandent un peu plus de temps. Lorsque nous réformons avec Marc FESNEAU, lorsque nous simplifions, par exemple, les procédures sur le curage des fossés, ça, ce sont des textes qui sont transmis, mais qui doivent être validés par le Conseil d'Etat. Ça prend quelques semaines de plus, lorsque nous présentons un projet de loi d'orientation agricole. Ça, c'est des projets qui vont prendre quelques mois. Mais les agriculteurs savent que nous n'allons pas changer les choses du jour au lendemain, et que ce Salon n'est pas l'aboutissement de notre travail…

ORIANE MANCINI
Un mot juste, puisque vous parlez de fausses infos qui circulent…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, sur la trésorerie…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous allons continuer…

ORIANE MANCINI
Agnès PANNIER-RUNACHER, qui fait circuler ces fausses infos ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, on l'a entendu, enfin, typiquement, le Rassemblement national nous explique que rien ne s'est passé, et certaines personnes parmi, je dirais, certains syndicats, ont tendance plutôt à dire que le verre est à moitié vide, que le verre est à moitié bas, et encore une fois…

ORIANE MANCINI
Vous aussi, vous parlez de la coordination rurale, comme Emmanuel MACRON ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne veux pas rentrer dans ce type de débat, moi, je parle à tout le monde, et je parle à tous les gens de bonne volonté qui veulent faire avancer notre agriculture. Et je serai leur interlocuteur quels qu'ils soient…

ORIANE MANCINI
Mais il y a une volonté du RN d'envenimer la situation pour vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais en tout état de cause, oui, il y a une volonté du RN de surfer sur les difficultés des agriculteurs sans proposer de solution. Nous, nous sommes au travail, nous proposons des solutions, nous acceptons la critique, et nous allons avancer avec eux. Et c'est ce qu'a dit le président de la République. Dans trois semaines, on refait le point, et on continuera dans les mois qui viennent. Parce qu'encore une fois, cette situation, elle ne va pas se résoudre en quelques semaines, et nous rendrons compte aux agriculteurs des avancées que nous aurons faites, et nous serons à portée d'engueulade.

ORIANE MANCINI
Fabrice, sur la question de la trésorerie.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, justement, le président de la République a parlé de cette question de trésorerie avec un plan d'urgence pour la trésorerie des agriculteurs, unanimement salué d'ailleurs, y compris par la coordination. Vous l'avez relevé. En quoi va consister ce plan ? Est-ce qu'il s'agira de nouvelles subventions ? Est-ce qu'il s'agira de prêts ? Est-ce que ce seront des choses qui seront remboursables ? Et sur quelle échéance ? Pour l'instant, on a eu une annonce, mais on n'a pas de détails.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors justement, ce détail, nous allons le travailler. Moi, je suis convoquée à l'Élysée à 9h30 pour faire le point sur la mise en oeuvre des annonces du président de la République. Bercy réunira demain notamment les banques qui soutiennent le secteur agricole pour ces avancées. Ce dont nous avons besoin d'abord et qui a été lancé d'ores et déjà, c'est de recenser, en s'appuyant sur les chambres d'agriculture, en s'appuyant sur les syndicats agricoles et en s'appuyant sur les services de l'Etat, là, et puis, sur la MSA, toutes les exploitations…

ORIANE MANCINI
C'est la Mutuelle Sociale Agricole…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Qui aujourd'hui – la Mutuelle du secteur agricole – toutes les exploitations qui aujourd'hui sont confrontées à des importants soucis de trésorerie, nous savons…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ça peut prendre quelle forme, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, qui est concerné ? Ensuite, quels sont leurs problèmes ? Est-ce que c'est tout simplement des problèmes de non-recours ? Ce que j'appelle des problèmes de non-recours, c'est qu'il y a des dispositifs qui existent, auxquels elles ont droit, qui leur permettent de soulager leur trésorerie agricole, parce qu'elles sont confrontées à une difficulté en viticulture, à une difficulté en élevage bovin, à cause de cette maladie qui circule, la MHE, ou parce qu'ils sont confrontés à des difficultés en agriculture biologique. Et nous avons un plan que nous avons augmenté qui fait 90 millions d'euros d'accompagnement du secteur de l'agriculture biologique, donc de s'assurer que ces exploitations ont bien accès et ont l'argent qui arrive sur leur compte en banque. Première chose. Deuxième chose, celles qui ont une situation structurellement délicate en matière de trésorerie. Là, on a su accompagner, on a su accompagner depuis quatre ans maintenant des entreprises qui étaient en difficulté de trésorerie. Et ce n'est pas propre d'ailleurs au secteur agricole. On sait que le PGE peut peser sur les entreprises, le remboursement des PGE ; donc toutes les TPE…

ORIANE MANCINI
Qui étaient les prêts garantis qui ont été…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Prêts garantis d'Etat, notamment qui avaient été mis en place…

ORIANE MANCINI
Pendant la crise, pendant le Covid…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pendant le covid, il faut se souvenir d'où nous venons, et comment nous avons, nous, gouvernement, soutenu l'économie française, pour ces petites entreprises, nous allons transversalement, à plusieurs secteurs, l'agriculture, mais également le BTP, faire en sorte de mieux les accompagner. C'est le deuxième chose. Et puis, il y a des situations structurelles. On se pose des questions sur des exploitations qui sont confrontées par exemple à un stress hydrique, et enfin, en fait, aux dérèglements climatiques, et dont on peut penser qu'il va falloir changer la nature des activités agricoles qui sont menées. Et là encore, je pense à la viticulture, notamment dans les Pyrénées-Orientales, nous avons un plan de 150 millions d'euros. Pas pour faire face à l'urgence, mais pour les accompagner dans un renouvellement d'activité…

ORIANE MANCINI
Oui, un petit mot là-dessus, d'ailleurs, est-ce que la loi d'orientation agricole qui sera présentée va faciliter la création de bassines ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, je n'aime pas ce terme de bassines, parce que vous reprenez le terme qui est utilisé par des gens qui veulent invalider ce type d'ouvrage. De quoi parle-t-on ? De stockage d'eau ! Ça fait depuis que l'agriculteur, depuis que les humains font de l'agriculture, ils stockent de l'eau. Donc ce dont nous parlons, c'est de faire du stockage d'eau. Et, oui, nous allons faciliter la mise en place…

ORIANE MANCINI
Et vous allez faciliter ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Enfin, les procédures pour faire des ouvrages de stockage d'eau…

ORIANE MANCINI
De quelle manière, en simplifiant les procédures ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En simplifiant les procédures. Ce sont.... Vous avez des procédures administratives, donc c'est assez classique. Moi, je l'ai fait sur les énergies renouvelables, et on applique ce type de méthode pour les ICPE, notamment aussi les bâtiments pour l'élevage et les ouvrages de stockage d'eau.

ORIANE MANCINI
Parmi les grandes annonces d'Emmanuel MACRON, samedi, il y a la question des prix plancher. On va écouter ce qu'en pense Arnaud ROUSSEAU, le patron de la FNSEA Il était l'invité hier du Grand Jury.

ARNAUD ROUSSEAU, PATRON DE LA FNSEA
Prix plancher, ça donne le sentiment qu'il y aura une espèce de conférence annuelle ou de conférence trimestrielle où on décréterait que la viande vaut tant. Nous, ce n'est pas ce qu'on dit. Cette déclaration du président de la République nous a un peu surpris. Je ne crois pas que sa politique économique telle qu'il la porte depuis le début soit de soviétiser l'économie.

ORIANE MANCINI
Il y a une volonté de soviétiser l'économie, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, surtout pas, et ce n'est d'ailleurs pas du tout le sens de notre proposition. Nous ne sommes pas dans la proposition LFI où le président de la République et le Premier ministre arrêteraient par arrêtés le prix des matières premières agricoles. Ça, ça n'existe pas. En revanche, responsabiliser chaque interprofession pour faire de leur indicateur de référence la référence des contrats agricoles, et donner plus de poids légal à cette référence qu'il définit soi-même, oui, ça, c'est ce que nous voulons faire. Nous l'avons fait progressivement dans la loi Egalim. Vous savez que c'est un des éléments de référence pour la contractualisation. Nous voyons que malgré tout, ça ne suffit pas, qu'il y a par exemple cette discussion entre LACTALIS et ces producteurs, où vous avez un prix de l'interprofession qui est au-dessus du prix proposé par LACTALIS. Donc, nous voulons aller un cran plus loin, mais ça sera fait…

ORIANE MANCINI
Mais comment ça va marcher ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça sera fait avec les interprofessions, et c'est aussi à elles de se mouiller pour nous dire comment ça doit être fait. On ne peut pas dire d'un côté, on a besoin de plus de revenus, on soutient nos agriculteurs, et de l'autre côté, ah ben, non, rien n'est possible. Donc chacun doit se mouiller…

ORIANE MANCINI
Vous attendez des interprofessions, qu'elles vous donnent une méthode ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
J'attends des interprofessions de travailler avec nous. On va le faire ensemble. On ne va pas définir de manière soviétique les prix. Elles devront se mouiller. Mais effectivement, nous voulons embarquer l'ensemble des filières. Moi, j'observe que dans la filière lait, on a réussi à contractualiser 90% des volumes, et on ne parle pas des acteurs qui jouent le jeu, je pense à un acteur comme BEL, par exemple. Et on voit que dans la viande, on n'est pas du tout à ce niveau de contractualisation. Et pourquoi ? Parce qu'il y a peut-être un effort à faire aussi par les acteurs de l'interprofession pour aller un cran plus loin…

ORIANE MANCINI
Donc ils n'en font pas assez, selon vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour aller plus loin dans la contractualisation et la protection du revenu des producteurs. Chacun doit se mettre autour de la table…

ORIANE MANCINI
Et y compris au niveau européen, parce que ça va se jouer également au niveau européen…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est l'autre enjeu. C'est effectivement au niveau européen d'aller rechercher plus de protection des agriculteurs. Là encore, on a vu – c'est plutôt du côté de la grande distribution – la grande distribution essayer de contourner les textes en allant mettre en place des centrales d'achat européennes, en pensant que ça allait suffire pour échapper au droit français. Heureusement, après trois ans et demi de contentieux, on a pu montrer qu'au moins sur certaines amendes qu'on avait prononcées, une amende de 117 millions d'euros à l'encontre de LECLERC, c'était bien la juridiction française qui était, je dirais, en charge. Mais on le voit bien. On a besoin de clarification juridique pour éviter d'avoir des contentieux très longs et que les choses soient très claires. Et donc, au niveau européen, nous travaillons avec les commissaires à avoir une sorte d'équivalent de loi Egalim. Alors, ça ne sera pas tout à fait le même type de système, mais l'enjeu, c'est que le droit soit clair et protecteur pour les agriculteurs.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que ce sera prêt pour les prochaines négociations commerciales, c'est ce qu'a dit Emmanuel MACRON samedi, le calendrier sera tenu ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors le calendrier sur le prix de référence…

ORIANE MANCINI
L'application des prix plancher…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, en France, et ce sur quoi nous travaillons en Européens, c'est effectivement de durcir et de permettre à ce que nous faisons en France, d'être d'application directe, et sans ambiguïté.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Est-ce que concrètement, cette mesure sur les prix plancher, c'est la mesure qui doit permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est une des mesures parce que je pense qu'il y a plusieurs enjeux dans la crise des agriculteurs. Lorsqu'on parle de simplification des normes, on parle aussi de compétitivité, on parle de diminuer les charges et de mieux valoriser la production. Donc il ne faut pas penser que c'est la mesure ultime, on a tout un ensemble de mesures clés qui vont permettre de redonner du revenu aux agriculteurs.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est vraiment possible ? Et je rebondis sur la question d'Oriane sur l'Europe. Est-ce que c'est vraiment possible dans l'organisation européenne actuelle ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, moi, j'ai été à l'Industrie, en charge, ministre en charge de l'Industrie, ministre en charge de l'Energie, et tant à l'Industrie qu'à l'Energie, j'ai pu constater que quand on était déterminé politiquement, on obtenait des succès, y compris parfois contre certains des Etats membres. Lorsque j'ai fait…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Donc, il ne faut pas se battre…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Lorsque j'ai fait la réforme du marché de l'électricité…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est ce que vous nous dites…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je peux vous dire que tout le monde n'était pas d'accord au début, et nous avons réussi à obtenir un accord unanime en octobre dernier. Donc oui, quand il y a de la volonté, de la détermination et du combat. Nous y serons. Et j'observe une deuxième chose, c'est que la crise agricole, elle n'est pas propre à la France. Les Polonais sont en train de manifester, les Espagnols sont en train de manifester, les Néerlandais ont, il y a six mois, mené un combat très fort. Ils sont rentrés au Parlement de manière très… enfin, en surprenant tous les commentateurs politiques. Donc ce combat, il n'est pas propre à la France. Nous avons besoin aujourd'hui en Europe de compétitivité en matière agricole, de remettre des règles du jeu de concurrence loyale. Il faut importer et exporter, mais il faut importer et exporter avec des règles du jeu qui soient claires et qui ne soient pas contre nos agriculteurs européens.

ORIANE MANCINI
Ce qui tend les agriculteurs européens notamment, c'est la question de l'importation des produits venant d'Ukraine. Est-ce qu'il faut freiner ces importations ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors là, le président de la République et Marc FESNEAU se sont engagés. C'est la France à nouveau, je devrais dire, qui a porté le combat de clause de sauvegarde. Soutenir l'Ukraine, c'est très important. N'oublions jamais que l'argent que nous investissons en Ukraine, c'est un argent qui est fait pour les Européens. Il ne s'agit pas juste de protéger l'Ukraine. Il s'agit de protéger l'Europe contre une guerre qui est à ses portes, contre une guerre qui est en train de déstabiliser le système. Monsieur POUTINE a déstabilisé le système, le marché de l'énergie, les agriculteurs l'ont vu dans leur compte de résultat. Monsieur POUTINE a déstabilisé le système céréalier. Les céréaliers l'ont vu dans leur compte de résultat. Donc cette guerre…

ORIANE MANCINI
Sauf que l'Union a redonné son feu vert, pardon…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardon…

ORIANE MANCINI
Sur les importations ukrainiennes la semaine dernière…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Si vous me permettez, je vais aller jusqu'au bout. Donc oui, nous serons aux côtés des Ukrainiens, parce que nous sommes en faveur de leur combat. Mais nous sommes aussi, je dirais, en faveur du combat des Européens, et c'est absolument essentiel. Deuxième élément, nous mettons des clauses de sauvegarde, nous mettons des clauses de sauvegarde, et nous mettons des quotas pour dire : on est capable d'absorber, mais jusqu'à un certain niveau, et ces clauses de sauvegarde, elles s'activeront cette année…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous comprenez quand même que cet apport massif de céréales venant d'Ukraine, qui a une capacité de production absolument immense, fasse peur à la production française ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais je le comprends totalement, d'ailleurs, je veux préciser une chose, les clauses de sauvegarde, nous les avons négociées pour, notamment, les oeufs et la volaille, et nous sommes en train de travailler sur la partie céréales. Je ne voudrais pas qu'on se méprenne sur mon propos.

ORIANE MANCINI
Oui, parce que là, c'est sur notamment le poulet. C'est le poulet ukrainien aussi qui inquiète beaucoup…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est sur ça que nous avons obtenu d'ores et déjà des clauses de sauvegarde…

ORIANE MANCINI
Et ce sera suffisant pour vous pour réguler le marché ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un élément qui s'activera, ça, c'est très clair.

ORIANE MANCINI
Un mot, je reviens sur Egalim et les contrôles, puisque le gouvernement a multiplié les contrôles ces derniers temps sur le respect d'Egalim, et également sur le respect de l'origine française. Bruno LE MAIRE a promis des sanctions très élevées pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires. D'après les premiers chiffres qu'il a donnés, il y a un tiers des entreprises contrôlées qui ne respectaient pas les règles. Est-ce que vous allez rendre public le nom de ces entreprises, est-ce que ça fait partie des outils du gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je vous rassure, lorsque vous faites un contrôle dans un magasin de grande distribution, vous trouvez toujours des non-conformités. Donc, il y a une différence entre des non-conformités qui sont par exemple un étiquetage qui est un peu maladroit, mais qui n'a pas forcément vocation à tromper, et une fraude caractérisée de francisation des marchandises. Nous prononçons des sanctions qui sont proportionnées aux situations, et moi, je n'ai pas de problème…

ORIANE MANCINI
Donc sur les cas dits de non-respect donnés par Bruno LE MAIRE, ça peut être des maladresses, c'est ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça peut être des choses… Je qualifierais surtout ça plutôt de négligences plutôt que de maladresses. Parce que maladresses, c'est un gentil, on a progressé. Moi, j'étais en charge, j'avais le portefeuille de la Consommation, il y a cinq ans. Je constate qu'il y a eu un vrai…, une vraie amélioration dans la mise en avant de l'origine France dans la grande distribution. Mais il y a encore le panneau fabriqué en France ou produit en France au-dessus de l'étal par exemple de boucherie, et dans l'étal de boucherie, si vous regardez dans le détail, vous avez du français, du français, du français, du Nouvelle-Zélande, du Belge, du Français, du Français. Ça, ce n'est pas acceptable, et c'est pour ça que nous poussons les contrôles, pour aller un cran plus loin. Mais surtout ce qui compte, ce qui compte, c'est d'aller débusquer les fraudes organisées qui vont mentir sur l'origine des produits. On l'a fait, je m'en rappelle, il y a quatre ans, lorsque j'étais à la Consommation, pour par exemple démanteler un réseau de francisation de kiwis, c'était des kiwis qui étaient produits en Italie et dont on mentait sur l'origine. Là, nous allons effectivement accentuer aussi ces contrôles qui sont sur de la fraude organisée et qui est de plus grande importance.

ORIANE MANCINI
Un mot sur le plan Ecophyto, puisque le gouvernement a annoncé le remplacement de l'indicateur français par l'indicateur européen. Christophe BECHU, votre collègue, le ministre de la Transition écologique, avait annoncé une pause de trois semaines il y a trois semaines. Elle va durer encore longtemps, la pause ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, le plan Ecophyto, il continue à se dérouler. C'est-à-dire que…

ORIANE MANCINI
L'indicateur, il va être mis en place quand ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En bien, l'indicateur, je crois que ça a été très clair, il est... C'est une décision que nous prenons d'appliquer cet indicateur sur l'année…

ORIANE MANCINI
Donc il est applicable dès aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur l'année 2024. Nous sommes en 2024, nous utilisons l'indicateur…

ORIANE MANCINI
Donc la pause est finie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle d'ailleurs que cet indicateur est obligatoire. Donc c'est de se dire que la référence que nous utilisons pour suivre la diminution de l'utilisation des phytosanitaires est une référence qui a été validée par l'ensemble des 27 pays européens, qui est obligatoire en termes de suivi. Et ça me paraît légitime en européen d'avoir une référence unique. Cet indicateur n'est pas parfait, il n'est pas parfait, il a au moins le mérite, à la différence de l'indicateur français, de tenir compte de la nocivité des produits, ce que ne faisait pas l'indicateur français. Ce qui nous permet aussi de montrer qu'on a diminué les produits les plus… qui avaient l'impact le plus important sur la santé des humains et sur la biodiversité. Mais nous pouvons aller plus loin, et nous, nous sommes prêts à y travailler…

ORIANE MANCINI
Donc il n'y a plus de pause. Un dernier mot, Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, moi, je voudrais interroger Agnès PANNIER-RUNACHER sur la question de la forêt. Nous avons sur la zone… l'une des plus grandes forêts, celle du Jura, qui fait partie des troisièmes stocks européens de bois. On parle finalement peu de la forêt en ce moment en France, alors qu'il y a quand même un enjeu écologique fort autour de la forêt.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait. D'abord, pour avoir beaucoup travaillé sur la planification écologique. Ce que nous observons, c'est que l'impact du dérèglement climatique est dramatique sur nos forêts. C'est-à-dire que notre carbone est en train de diminuer, alors que c'était une force de la France. Il diminue sous l'effet d'un certain nombre de parasites. Il diminue sur l'effet du stress hydrique qui fait que nos forêts, certaines parcelles de nos forêts sont en grande difficulté, qu'il va falloir revoir probablement le peuplement de ces forêts, qu'il va falloir instituer une gestion plus durable de nos forêts. Et nous avons un plan avec Christophe BECHU, qui vise à accompagner notamment tous les petits propriétaires qui n'ont pas les moyens aujourd'hui, et qui n'ont pas forcément la connaissance de ce que veut dire adapter la gestion de leur forêt dans l'impact, enfin, face aux dérèglements climatiques, faire en sorte qu'on ait une gestion plus durable de nos forêts, ça fait partie, là aussi, de nos ambitions et des enveloppes que nous portons. Je rappelle qu'il y a 500 millions d'euros dans le budget 2024 sur la forêt.

ORIANE MANCINI
Merci. Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci Oriane MANCINI…

ORIANE MANCINI
Merci d'avoir été notre invitée ce matin. Merci Fabrice, à la semaine prochaine.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonne semaine au Salon.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2024