Texte intégral
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Bienvenue sur ce plateau, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Monsieur FESNEAU. Vous étiez d'ailleurs à ses côtés, aux côtés de Gabriel ATTAL, au Salon, encore hier matin, nous vous avons suivie sur LCI au cours de cette visite très, très matinale, je voudrais tout de suite entrer dans le coeur du sujet avec les prix plancher, c'est une des annonces, sauf qu'il y a encore des discussions sur la façon dont ces prix plancher seront mis en place. Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce matin quelles sont les pistes que le gouvernement poursuit pour les mettre en place, avec quels critères ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait. Alors je veux d'abord dire que c'est ce gouvernement qui, depuis sept ans, a mis en place deux lois pour protéger le revenu des agriculteurs, ce sont les lois Egalim, et ces lois elles visent à mieux partager la valeur entre les agriculteurs, les industriels, qui transforment leurs produits, et la grande distribution qui les vend. Ces lois elles ont protégé le revenu des agriculteurs, elles ont permis à des milliers d'exploitations, laitières notamment, de passer des crises ces dernières années, mais on voit qu'elles ne vont pas assez loin. aujourd'hui, ce que nous voulons faire…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Elles doivent être rénovées, pardonnez-moi, mais vu que vous en parlez, j'y viens tout de suite, elles doivent être rénovées, elles doivent même être contrôlée, elles n'ont pas été suffisamment bien appliquées.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors c'est bien le sujet, c'est qu'on voit que ces lois elles ont permis des progrès, en particulier dans la filière laitière, mais qu'il y a encore des éléments qui ne fonctionnent pas, et c'est tout l'enjeu des annonces du président de la République de dire on veut aller jusqu'à…on veut donner les moyens juridiques d'appliquer complètement ces lois. Ces lois elles visent à définir des coûts de revient dans chaque filière agricole, ces coûts de revient existent aujourd'hui, ils sont définis par les interprofessions, et à faire en sorte que ces coûts soient utilisés pour calculer le prix des contrats qui seront versés aux agriculteurs.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais quand vous parlez des coûts de revient, Madame la ministre, de quoi est-il question, on parle de l'électricité, de la facture, de la main d'oeuvre de ce que ça coûte à l'agriculteur, est-ce qu'on prend en compte, par exemple, la protection sociale ? C'est une des demandes de certaines associations d'agriculteurs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, vous savez que les interprofessions, elles les définissent déjà ces coûts de revient, nous, ce que nous voulons, c'est que toutes les interprofessions le fassent et que la contractualisation progresse. Ce qui fonctionne bien dans certaines interprofessions, dans certaines filières, doit être étendu à l'ensemble des filières, je vous donne un exemple. Dans la filière laitière 90% du volume de lait est contractualisé, dans la filière bovine c'est seulement 25%, vous voyez bien qu'on a des marges de progrès. Et deuxième sujet, c'est les contournements, en particulier par la grande distribution, des lois que nous avons votées, notamment en allant installer des centrales d'achat en Europe, en dehors de France, pour ne pas se faire imposer le droit français. Donc on a des ajustements à faire dans les lois qui ont été mises en oeuvre, mais nous restons dans l'esprit des lois Egalim, ces lois Egalim, je le rappelle, elles ont été fondées sur des grands états généraux de l'alimentation qui associaient tous les acteurs de la filière, les agriculteurs, les industriels, la grande distribution, et elles sont le fruit d'une concertation collective pour mieux partager le revenu et pour rémunérer les agriculteurs pour leur travail.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame PANNIER-RUNACHER, vous évoquez les laitiers, les producteurs de lait, sur ce plateau, il y a dix jours, il y avait Monsieur CHABANNE, qui est le créateur d'une marque consommateur C'est qui le Patron ?!, c'est un peu lui qui est à l'origine de vos lois Egalim puisqu'il a été sollicité pour réfléchir à une meilleure rétribution des laitiers, mais ça ne va pas, et lui, sur ce plateau, nous dit " je ne comprends pas pourquoi ils n'écoutent pas ce qu'on leur dit le gouvernement, pourquoi est-ce qu'ils ne reviennent pas me voir pour que l'on discute concrètement ? ". Les laitiers aujourd'hui, vous le savez, le stand de LACTALIS a été pris à partie au Salon de l'agriculture, c'est une des branches de l'agriculture française qui est la plus malheureuse, qui s'estime la moins bien rétribuée.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, justement, je vais revenir. C'est qui le Patron ?! ça fonctionne, ça montre bien qu'il y a des modèles qui fonctionnent et c'est sur ces modèles que nous avons construit la loi Egalim, donc c'est précisément ce qu'on est en train de le faire, et je pense que Monsieur CHABANNE sait que nous sommes à son écoute, et ce que nous allons faire, dans les mois qui viennent, c'est faire le point sur ce qui a fonctionné dans la loi Egalim, ce qui n'a pas fonctionné, confier une mission à deux parlementaires qui vont nous faire des propositions dans les quatre mois qui viennent et prendre une loi sur la base de ces propositions, sur la base…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Vous avez quatre mois devant vous, Madame la ministre ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avons quatre mois devant nous puisque le prochain round de négociations commerciales il est l'année prochaine en 2025. Et, par ailleurs, nous continuons à renforcer les contrôles sur l'application de la loi Egalim, nous l'avons dit, 10 000 contrôles sur l'étiquetage des produits, nous avons, vous citiez LACTALIS, LACTALIS est aujourd'hui devant le médiateur de l'Etat, ça c'est un outil que nous avons mis en place avec la loi Egalim, qui oblige LACTALIS à devoir répondre et à devoir négocier avec les agriculteurs, ça donne du pouvoir de négociation aux agriculteurs, et nous avons mis en place, qui pourrait être utilisé dans les jours qui viennent si ça ne fonctionne pas cette médiation, un comité de règlement des différends qui, lui, est capable de dire " si vous ne vous mettez pas d'accord, voilà le prix qu'il faudra appliquer dans le contrat et ça c'est d'application directe ", donc il faut aller plus loin, notre main ne tremblera pas et notre objectif principal c'est de faire en sorte que les agriculteurs puissent enfin bénéficier de la réalité d'une rémunération fondée sur les coûts de production.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
On en est où des contrôles sur les centrales d'achat hors de France, d'ailleurs - Bruno LE MAIE a annoncé une série de contrôles, des amendes pouvant aller, je crois, jusqu'à 10%, je parle de mémoire…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Du chiffre d'affaires.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Du chiffre d'affaires des distributeurs, vous avez des chiffres à nous donner ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, aujourd'hui des contrôles sont en cours, vous savez que deux centrales d'achat font l'objet d'une pré-notification, nous sommes dans un système où la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes envoie l'amende et demande, enfin envoie, je dirais, ses critiques, et demande à la centrale de répondre et de se justifier. Mais je veux dire sur ce plateau que moi, dès 2019, lorsque j'avais la charge de la consommation et que j'étais à Bercy, j'avais fait prononcer par cette Direction une amende de 117 millions à l'encontre d'EURELEC, EURELEC c'est la centrale d'achat de LECLERC, cette amende progresse, LECLERC a fait feu de tout bois, a attaqué au niveau européen, le juge français a enfin vu son autorité reconnue pour juger du bien-fondé de cette amende, et donc ça continue
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc il y aura d'autres amendes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, et il y a eu plusieurs amendes de prononcées sur des pénalités logistiques. Nous n'avons jamais cédé face à la grande distribution. Il y a ceux qui jouent le jeu, et nous les soutenons, il y a ceux qui ne jouent pas le jeu et nous les sanctionneront.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Un mot, s'il vous plaît, des prix plancher à nouveau, parce qu'en novembre la France Insoumise avait proposé une loi dans laquelle il y avait un certain nombre de choses sur l'encadrement des négociations, sur la transparence pour distributeurs et industriels, et sur des prix plancher, et à l'époque, à l'époque, Monsieur FESNEAU avait jugé le texte démagogique et l'ensemble des députés de la majorité, et LR, avaient voté contre, est-ce que ce n'est pas un peu une ironie ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas du tout, parce que nous ne parlons pas du tout de la même chose. Ce que propose LFI c'est un système soviétique où, par arrêtés, l'Etat définirait des prix, définirait des marges des industriels, ça, ça ne fonctionne pas.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Fixation annuelle d'un niveau plancher de prix d'achat des matières premières agricoles aux producteurs, c'était l'article 1er.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Par l'Etat, ça ne fonctionne pas, ce que nous nous proposons c'est de le faire avec les agriculteurs, avec les industriels, avec la distribution, avec l'interprofession, ce n'est pas l'Etat qui va dire quel est le prix du lait, c'est aux spécialistes, c'est aux professionnels de la filière, de dire quel est le prix du lait, de prévoir les clauses d'ajustement. Nous n'imposons pas à l'économie une vue de l'esprit qui serait celle de l'Etat. Dans un moment où les agriculteurs nous disent l'Etat a trop de normes, complexifie, impose des normes, comment voulez-vous que ce projet fonctionne ? Et puis, deuxième chose, si on allait dans la direction qui est proposée par LFI, qu'est-ce que ça voudrait dire ? Ça voudrait dire une massification des exportations, des importations, pardon, depuis les autres pays…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Pourquoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout simplement parce que si les prix plancher imposés aux Français sont supérieurs à ce qu'on peut acheter à l'extérieur, qu'est-ce qui se passera ? On achètera à l'extérieur. Et dans un monde…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Vous n'avez aucun moyen de réguler ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais enfin, si on régule, c'est les pénuries. Je veux dire, à un moment, il faut arrêter de penser que toutes les fixations, toutes les réglementations de prix qui ont été faites dans d'autres pays, elles ont deux effets : soit vous augmentez les importations, soit vous avez des pénuries. C'est ça que nous voulons pour notre pays ?
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame la Ministre, vous parliez de normes, il y a eu le dossier de la PAC qui est énorme. Les agriculteurs ont dit, en gros : " Mais pourquoi a-t-on autant de retard sur le versement ? ". Et on découvre en fait que l'argent est versé par Bruxelles, mais il est quelque part chez nous, il est dans l'administration. Est-ce que vous débloquez ça ? Est-ce que ça accélère et comment vous allez faire pour fluidifier ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je rappelle que 99,5% des aides PAC ont été versées. 99,5%. C'était un engagement du Premier ministre nous avons accéléré les versements des aides PAC. Une partie…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais ça, c'est pérenne désormais ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Une partie des aides PAC sont versées par les régions. Donc, sur ces aides PAC versées par les régions, ce n'est pas l'Etat qui est en responsabilité, ce sont les régions. Ce sont notamment les aides à l'installation, elles ne sont pas versées d'ailleurs tout à fait au même moment que les aides principales que nous pilotons.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais vous savez que pour les agriculteurs, enfin, entendre ça, c'est compliqué Madame la Ministre, dire " ce n'est pas nous, c'est les régions ", enfin…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne dis pas " ce n'est pas nous, c'est les régions ". Je vous donne juste une explication. Vous parlez de savoir où sont les aides. Une partie est versée par l'Etat, elles seront versées, les principales seront versées avant le 15 mars. Une partie est versée par les régions. Elles ont un calendrier différent. C'est précis et c'est net.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Sur le remboursement d'une partie ou la totalité de la taxe sur le GNR. Sur les 400 000 exploitations, combien en ont fait la demande ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, 27 000 exploitations ont fait la demande d'un versement, deux tiers ont demandé une avance de trésorerie. Comme vous le dites, il y a 400 000 exploitations, c'est 400 000 occasions de faire une demande d'avance de trésorerie. Donc, je le dis sur ce plateau, aux exploitants agricoles qui nous écoutent, c'est très simple, il n'y a pas de conditions, c'est une avance de trésorerie que vous pouvez demander. Au moment où les syndicats agricoles nous disent : " il y a des problèmes de trésorerie dans les cours de ferme ", c'est un outil très pratique et très rapide pour bénéficier de trésorerie.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Avez-vous lu Le Canard Enchaîné ce matin ? Le Canard enchaîné fait état du manque à gagner pour le Salon de l'agriculture, de ce qui s'est passé samedi avec la visite du président de la République. 400 à 500 000 euros perdus par le désordre généré par cette journée. Vous avez un commentaire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, j'ai un commentaire. Quand vous avez 300 à 400 personnes, qui ne sont d'ailleurs pas tous agriculteurs, qui je dirais, créent une situation de violence dans ce qui doit être une fête. Ce salon accueille 600 000 personnes chaque année. C'est le moment de la rencontre entre les agriculteurs et les Français, de la célébration de notre agriculture, de la célébration de notre gastronomie. Je trouve ça très dommage, et on l'a vu, c'est par le dialogue, c'est par la concertation. Moi, je préfère avoir un dialogue qui est rugueux, où on se dit les choses, où on est à portée d'engueulades, c'est normal, nous sommes en responsabilité politique, nous devons rendre des comptes. Mais ce n'est certainement pas en bousculant des policiers ou en essayant d'abattre, de franchir des portes, que l'on porte réellement la cause des agriculteurs. J'ajoute que, et on le sait, et il faut le dire, parmi ces 300 ou 400 personnes, il n'y avait pas que des agriculteurs, et je trouve dramatique que certains instrumentalisent…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Et les autres, alors, c'est qui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous le savez comme moi.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Ah non, pas du tout.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Certaines personnalités politiques instrumentalisent la colère des agriculteurs.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
De quel parti ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ferme le ban.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc, vous ne voulez pas le dire. Parce que moi, je ne vois pas de qui vous parlez.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous le savez très bien.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Non, je ne vois pas. Enfin, vraiment. A qui faites-vous allusion ? Des responsables politiques ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous le dis, nous avons clairement des gens qui ne faisaient pas partie, qui ne sont pas des agriculteurs...
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Ça, je l'ai entendu, mais…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et qui ont été violents sur ce salon, et ce n'est probablement pas la bonne manière de défendre les agriculteurs.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Un dernier mot. Vous avez vu ce que dit de vous monsieur WAUQUIEZ ? " Je ne veux pas faire de procès d'intention, ni de délit de faciès – déclare-t-il à Var Matin – c'est quelqu'un qui investit ses dossiers – alors ça c'est un compliment, mais il ajoute – la seule chose, c'est qu'elle ne connaît rien à l'agriculture ". Est-ce que vous le prenez mal, ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je ne le prends pas mal, c'est une attaque de l'opposition, donc c'est assez tendu lorsqu'on est ministre, d'être attaqué par l'opposition. Je constate qu'il a des difficultés à attaquer sur le sérieux de mon travail. On a dit la même chose sur l'industrie. Il se trouvait que je venais du monde industriel, on a dit la même chose sur l'énergie. Je crois avoir montré que j'avais été capable de négocier un accord historique au niveau européen sur le marché de l'électricité et de relancer le nucléaire, et donc sur l'agriculture, vous avez pu le constater, j'ai été à la manoeuvre sur les négociations commerciales il y a cinq ans, j'ai été en charge de la consommation, j'ai signé le contrat stratégique de filière des industries agroalimentaires. Je ne prétends pas tout connaître de ce monde et je crois que je suis très complémentaire de Marc FESNEAU, qui lui-même a travaillé en Chambre d'agriculture. Vous le voyez, nous sommes une équipe au travail et au service des agriculteurs.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci beaucoup, madame PANNIER-RUNACHER, d'avoir été avec nous ce matin, en direct sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 février 2024