Déclaration de M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, sur les suites données à la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, à l'Assemblée nationale le 28 février 2024.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Roland Lescure - Ministre délégué, chargé de l'industrie et de l'énergie

Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le thème : " Les suites données à la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. "

Texte intégral


Mme la présidente

L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " Les suites données à la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France. "
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie

Permettez-moi de vous remercier de me donner l'occasion d'intervenir devant vous dans ce débat. J'en profite pour remercier le Président de la République et le Premier ministre (" Ah ! " sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) qui m'ont confié la lourde responsabilité, depuis maintenant trois semaines,…

M. Nicolas Sansu

Après quatre semaines d'attente ! Ça a dû être dur !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…d'un portefeuille regroupant à la fois l'industrie et l'énergie.

M. Raphaël Schellenberger

C'est un bingo, cela ! Je le note !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Je pourrai ainsi respecter l'une des nombreuses recommandations du rapport de la commission d'enquête – vous l'avez mentionné, monsieur Armand – et réunir deux stratégies essentielles pour faire de la France la première nation verte en Europe et dans le monde. Nous avons besoin d'une industrie forte et souveraine, d'une industrie verte et, pour cela, plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, il nous faut produire une électricité décarbonée en masse, à des prix raisonnables. Je ferai en sorte que notre pays soit au rendez-vous.
Au risque de satisfaire le président Schellenberger et de cocher l'une des cases du bingo susmentionné, je voudrais saluer le formidable travail de ma prédécesseure Agnès Pannier-Runacher…

M. Raphaël Schellenberger

Eh bien voilà ! Bingo !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…qui a pris notamment des mesures visant à favoriser la sobriété exceptionnelle que nous avons connue il y a un an et qui ont permis à la France et aux consommateurs – ménages comme industriels – de changer leurs comportements et d'être au rendez-vous du défi…

M. Aurélien Pradié

Historique !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…historique, vous avez raison monsieur Pradié, auquel la France était confrontée : l'année dernière, nous avons failli manquer d'électricité. L'une des raisons pour laquelle cela ne s'est pas produit, c'est que les Françaises et les Français ont consenti des efforts exceptionnels.

M. Alexandre Loubet

C'est aussi grâce à la centrale à charbon !

M. Romain Daubié

Et aux centrales nucléaires !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Agnès Pannier-Runacher a également fait adopter deux lois essentielles, l'une relative à la production des énergies renouvelables et l'autre à l'énergie nucléaire, qui nous permettront d'accélérer le développement de ces deux types d'énergie. Elle a accompli un travail exceptionnel pour faire évoluer la régulation européenne et a lancé une Alliance du nucléaire, que nous continuerons, avec Bruno Le Maire, à faire prospérer. Elle a participé, avec votre serviteur, à la négociation d'un accord sur la régulation qui permettra à la fois de développer notre électricien national et de disposer de prix défiant toute concurrence. Merci à elle, donc, et je suis très heureux de marcher dans ses pas.
Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, nous avons besoin d'une énergie abondante, décarbonée et pas chère, non seulement pour répondre à l'électrification des usages, mais aussi pour poursuivre la révolution de la décarbonation industrielle. À cet égard, je voudrais remercier sincèrement les membres de la commission d'enquête, son président et son rapporteur, qui ont dressé un panorama complet, lequel nous permettra de nous projeter vers l'avenir.

M. Raphaël Schellenberger

Merci !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Le travail de la commission a permis un débat public exceptionnel : deux anciens présidents de la République, plusieurs ministres, d'anciens présidents d'entreprises publiques et privées et des experts ont été auditionnés.

M. Raphaël Schellenberger

De nombreuses personnes auditionnées, sauf Roland Lescure !

M. Roland Lescure, ministre délégué

C'est vrai, Roland Lescure n'a pas été auditionné : c'est le seul manque que je note à votre liste exhaustive d'intervenants ! Votre travail a permis non seulement de porter un regard sur la politique énergétique de la France depuis trente ans mais aussi de battre en brèche plusieurs mythes.
Grâce à vous, nous pouvons enfin sortir du mythe selon lequel la France aurait été davantage souveraine sur son mix énergétique dans le passé, souveraineté qu'elle aurait perdue. N'en déplaise au député Sansu, depuis des années, le mix énergétique français dépend à plus de 60% des énergies hydrocarbures produites dans le reste du monde – et elle est encore dépendante aujourd'hui. Le défi majeur auquel nous faisons face, c'est de sortir de cette dépendance, d'acquérir une pleine souveraineté énergétique – et pas seulement électrique.

M. Nicolas Sansu

Je suis bien d'accord !

M. Roland Lescure, ministre délégué

C'est ce que nous nous attacherons à faire. Cela a d'ailleurs été bien mentionné par Xavier Albertini.

M. Pierre Dharréville

Un bon point !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Grâce à vous, nous pouvons sortir d'un deuxième mythe, celui d'une France qui serait plus forte sans ses partenaires européens. Sur les quarante dernières années, nous avons exporté de l'électricité, monsieur Loubet, pendant trente-neuf d'entre elles ; c'est grâce à un marché européen de plus en plus intégré que nous avons pu le faire.

M. Alexandre Loubet

Cela n'a rien à voir ! Nous exportions de l'électricité avant les règles du marché européen !

M. Roland Lescure, ministre délégué

La seule année au cours de laquelle nous avons failli manquer d'électricité, heureusement que le marché européen était là…

M. Alexandre Loubet

Rien à voir avec la fixation des prix !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…pour pouvoir nous éclairer. Nous avons donc bénéficié de la solidarité européenne contre laquelle vous vous élevez régulièrement.

M. Alexandre Loubet

Vous parlez des interconnexions !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Enfin, nous pouvons désormais sortir du mythe selon lequel l'État français devrait disposer d'un opérateur unique, EDF, qui conduirait toute la stratégie. EDF est une entreprise exceptionnelle et continuera de l'être. Elle est, vous le savez, le leader d'une filière qui comprend à la fois des entreprises publiques et des entreprises privées, des jeunes entreprises innovantes…

M. Nicolas Sansu

Hercule n'est pas loin quand on vous entend, monsieur Lescure !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Je parle bien d'une filière, dirigée par une entreprise de taille et de réputation internationale, EDF, qui permettra à la France d'être à la fois un leader dans l'innovation, le développement, la production et qui nous permettra d'atteindre la souveraineté énergétique dans les trente à quarante prochaines années.
Votre commission d'enquête a permis de se projeter dans l'avenir : plus de la moitié des mesures sont réalisées. J'en citerai deux, qui me sont chères en tant que ministre de l'industrie : l'accélération de la décarbonation des sites industriels et le lancement d'un inventaire minier, qui nous permettra d'éviter de passer d'une dépendance à une autre. Bref, cette commission d'enquête a été très utile pour nous aider à dessiner notre feuille de route.
Notre besoin, dans les années futures, est très clair depuis maintenant deux ans, presque jour pour jour, lorsque le Président de la République l'avait évoqué dans son discours de Belfort : il repose sur quatre piliers tout aussi importants les uns que les autres : deux concernent la consommation – sobriété et efficacité énergétique – et deux la production décarbonée – les énergies renouvelables et le nucléaire.
Nous pouvons désormais nous projeter sur la suite et lancer de manière concrète, dès maintenant, les chantiers de long terme. Les besoins sont énormes : à l'horizon de 2050, il faudra produire au moins 170 térawattheures supplémentaires par rapport à aujourd'hui, c'est-à-dire l'équivalent de la production de quatorze EPR. Concrètement, continuer de produire de l'acier en France ne pourra se faire que s'il s'agit d'acier vert. Or cette seule production nécessite 7 térawattheures. Électrifier le parc automobile, qui totalise 35 millions de véhicules, requiert 100 térawattheures, soit l'équivalent de la consommation de deux grandes régions françaises : Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes.

M. Romain Daubié

Très bel exemple !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Bref, nous devons regrouper tout ce que nous avons à notre disposition pour consommer moins et mieux et pour produire plus et mieux. De ce point de vue, j'aimerais le dire de manière claire, la guerre des religions est terminée !

M. Emmanuel Lacresse

Très bien !

M. Raphaël Schellenberger

Vive le concordat !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous devons sonner la mobilisation générale, de manière à ce que, ensemble, nous poussions tous les feux qui nous permettront de remporter ce combat. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

M. Maxime Laisney

Six députés applaudissent !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Je comprends bien que M. le député Laisney est un peu déçu de nous voir enterrer ici la guerre des religions ; mais nous ne devons plus opposer les énergies les unes aux autres – je reconnais que je l'ai d'ailleurs très peu entendu cet après-midi. Nous n'avons qu'un seul mot d'ordre : sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et pousser les feux à fond en matière de réduction de la consommation et de décarbonation de la production.
Chaque besoin entraîne des défis, a des avantages, chacun a son calendrier. J'ai bien entendu, ici ou là, votre attente d'un débat sur la planification énergétique – nous l'aurons. Bruno Le Maire et moi-même avons souhaité lever le crayon, l'espace d'un instant, pour identifier la meilleure manière d'y parvenir, mais nous aurons bien ce débat. En attendant, concentrons-nous sur l'essentiel : l'application concrète des mesures qui ont été votées par le Parlement, de manière à accélérer.
Le nucléaire pose un défi de compétence – cela a été mentionné –, un défi de sûreté – cela a également été rappelé –, et nécessite un haut niveau d'exigence pour assurer la maîtrise industrielle, y compris sur l'aval du cycle. J'aurais sans doute l'occasion de revenir, dans les jours qui viennent, sur les questions qui m'ont été posées à ce sujet.

M. Raphaël Schellenberger

Ah ! On n'en peut plus d'impatience !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous continuerons évidemment à développer l'aval du cycle, en espérant peut-être même un jour en assurer la clôture.

M. Frédéric Petit

Excellent !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Il faut attirer les talents, s'assurer de la stabilité du cadre financier réglementaire, poursuivre la simplification administrative, y compris – nous aurons l'occasion d'y revenir d'ici quelques jours – le rapprochement de l'ASN et de l'IRSN.

M. Raphaël Schellenberger

Teasing !

M. Roland Lescure, ministre délégué

S'agissant des renouvelables, nous devons accélérer. J'ai bien entendu vos questions sur les décrets relatifs à la loi pour l'accélération de la production des énergies renouvelables – M. Castellani et Mme Battistel, notamment, l'ont évoqué. Permettez-moi de rappeler tout d'abord que la mesure phare, inscrite à l'article 15, ne nécessitait aucun décret mais appelait plusieurs actions de l'État, qui ont été engagées. L'État a publié, le 11 mai 2023, soit deux mois après l'adoption de la loi, la cartographie des zones géographiques. Le dispositif avance : nous instituons les comités régionaux de l'énergie – je souhaite participer moi-même à certains d'entre eux, de manière à montrer que la planification énergétique, cela marche au niveau régional et au niveau local. Nous pouvons identifier à la fois les besoins des municipalités et la volonté des régions d'avancer ensemble.
De nombreux décrets, parmi les plus importants, ont également été pris : simplification des autorisations de l'éolien en mer ou encore raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). Certains, dont l'élaboration est plus délicate, se font un peu attendre. Reconnaissez avec moi, surtout en cette période de Salon de l'agriculture, que l'agrivoltaïsme en particulier nécessite des discussions approfondies, qu'il faut trouver un juste équilibre. Nous continuons d'avancer et j'espère publier le décret sur le sujet dès que possible, au début du printemps.

M. Maxime Laisney

Pas dans cinq ans !

M. Roland Lescure, ministre délégué

En matière d'énergies renouvelables, l'hydraulique a été évoquée – Mme Battistel l'a fait avec brio, comme elle le fait toujours.

M. Raphaël Schellenberger

Bingo !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous souhaitons accélérer pour trouver une solution. Ce n'est pas simple, d'autant que cela fait quinze ans que cela dure.
L'éolien terrestre fonctionne. Son implantation suscite quelques défis locaux, je le reconnais bien volontiers, en particulier dans les régions dans lesquelles l'éolien terrestre est déjà très présent – certains disent même trop présent : dans les Hauts-de-France et dans le Grand Est. D'autres régions ont un peu de retard et se sont emparées du sujet : je pense notamment à l'Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, qui ont présenté un programme accéléré de développement de l'éolien terrestre. Cette énergie est compétitive : elle a, soit dit en passant, rapporté 6 milliards d'euros au budget de l'État pour les années 2022 et 2023 – elle rapporte donc même des deniers publics !
En ce qui concerne l'éolien en mer, il faut reconnaître que nous sommes un peu en retard. Je lancerai, avec mon collègue et ami Hervé Berville…

M. Raphaël Schellenberger

En plus, c'est un ami !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…une grande concertation – elle est déjà en cours, mais nous voulons l'accélérer – sur les usages de la mer, afin de changer de braquet et de planifier l'implantation des 45 gigawatts à horizon 2050.
L'année 2023 a été record pour le photovoltaïque,…

M. Raphaël Schellenberger

Grâce aux stocks chinois !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…avec 3,2 gigawatts installés – nous continuerons d'accélérer dès 2024 puisque nous visons 4 à 5 gigawatts. Le défi majeur du photovoltaïque, qui a été mentionné notamment par la députée Laernoes – que j'invite à échanger avec ses collègues écologistes des autres pays, car ils ne partagent peut-être pas tous ses préoccupations –, c'est non seulement de produire une énergie décarbonée en France, mais de le faire avec des panneaux fabriqués en France.

M. Antoine Armand

Absolument !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous avons fait beaucoup de choses, vous le savez : le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte a été voté par cette majorité, dans le cadre du projet de loi de finances, ce qui nous permet d'accompagner des projets d'installation d'usines photovoltaïques en France.
Nous avons fait adopter au niveau européen – une fois encore, l'Europe nous protège – un règlement « industrie zéro émission nette », dit NZIA, qui permet d'accélérer le développement de productions fabriquées en France et de lancer des appels d'offres publics dans lesquels le critère de souveraineté et de localisation peut intervenir – n'hésitez pas à en parler à vos collègues européens de manière à ce qu'ils nous soutiennent.
Le député Frédéric Petit l'a évoqué, les discussions franco-allemandes sont parfois, dirais-je, intéressantes…

M. Frédéric Petit

Riches !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…et j'imagine qu'elles le sont tout autant au sein de l'Assemblée franco-allemande. Mais nous avançons.
Pour conclure, nous devons nous donner les moyens de devenir la première nation industrielle verte d'Europe. C'est le chemin vers notre souveraineté énergétique, sur laquelle vous avez travaillé avec efficacité pendant six mois.
C'est un enjeu de souveraineté, c'est aussi un enjeu de prospérité. C'est un enjeu social. C'est un enjeu qui doit nous permettre de redonner espoir dans des territoires dans lesquels l'espoir industriel a depuis trop longtemps été effacé. C'est un enjeu majeur qui nous permettra de réconcilier économie et écologie, de replacer la France et l'Europe sur la carte mondiale. Nous soutenons ce projet au niveau national : France 2030, le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte – j'en passe et des meilleures.
Nous le soutenons aussi au niveau européen : NZIA, le règlement sur les matières premières critiques, les projets importants d'intérêt européen commun, la réglementation énergétique, tout cela concourt à ce que ce projet soit une réalité. Il a vocation à s'implanter, à s'inscrire dans vos territoires, à être incarné sur le terrain. Travaillons-y ensemble, loin des croyances, loin des postures, et faisons avancer ce beau sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme la présidente

Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et celle des réponses est limitée à deux minutes et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à M. Aurélien Pradié.

M. Aurélien Pradié (LR)

Dans vos remerciements, vous auriez pu, monsieur le ministre, insister sur ceux à qui vous devez d'avoir désormais une définition claire de la nouvelle stratégie énergétique, à savoir les membres de la commission d'enquête et, singulièrement, son président Raphaël Schellenberger.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Je l'ai remercié !

M. Aurélien Pradié (LR)

Nous pouvons affirmer que le travail effectué par l'Assemblée nationale sur ce sujet est bien plus important que celui accompli par tous les ministres réunis de ce gouvernement en matière de stratégie énergétique.
Puisque le sujet qui nous intéresse aujourd'hui est celui de la perte de souveraineté, il faut, à mon sens, se poser deux questions. La première est de savoir si vous croyez véritablement en la souveraineté.
Durant des années, ce mot fut d'ailleurs dans votre bouche comme dans celle de nombreux membres de l'entourage d'Emmanuel Macron un gros mot, en matière énergétique, démocratique mais aussi alimentaire – il n'est pas nécessaire de le rappeler, vous avez suffisamment de crises à gérer depuis quelques jours. La question fondamentale est la suivante : croyez-vous réellement en la souveraineté dans un domaine aussi essentiel que l'énergie ?
Dès l'après-guerre, celles et ceux qui nous ont précédés, après avoir connu le plus grand conflit de toutes les nations, étaient certains que la souveraineté était fondamentale en matière démocratique – avec la question de la souveraineté populaire –, alimentaire et énergétique. Or, depuis des décennies, et depuis quelques années dans l'entourage d'Emmanuel Macron, tout ce qui a trait à la souveraineté, y compris industrielle, a été bradé. (Approbations sur les bancs du groupe LR.)
Si vous croyez en la souveraineté, demandez-vous sur quoi la souveraineté énergétique de la France a été fondée après-guerre. C'était d'abord sur le nucléaire. Il n'est pas nécessaire de rappeler les atermoiements d'Emmanuel Macron et de ses gouvernements durant des années sur le nucléaire ni ce qu'il a fait à Fessenheim.

Mme Danielle Brulebois

Et les vôtres donc !

M. Aurélien Pradié

La souveraineté énergétique se fondait aussi sur l'hydroélectricité.

Mme la présidente

Merci de respecter votre temps de parole, monsieur le député !

M. Aurélien Pradié

Je conclus, madame la présidente.
C'est tout le sujet : n'abandonnez pas la souveraineté énergétique liée à l'hydroélectricité. (M. Raphaël Schellenberger applaudit.)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Pour que la souveraineté soit une réalité, il ne suffit pas de sauter sur sa chaise en criant : « Souveraineté ! Souveraineté ! »

M. Raphaël Schellenberger

Oh !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Vous parlez à un ministre de l'industrie qui a contribué, dans le cadre de la majorité au pouvoir depuis sept ans, à inverser la tendance séculaire de la France à la désindustrialisation.

Mme Danielle Brulebois

Eh oui !

M. Romain Daubié

Il est bon de le rappeler !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Depuis six ans, et pour la première fois depuis trente-cinq ans, nous créons de l'emploi industriel : nous avons créé plus d'usines que nous en avons fermées. Nous avons repris le chemin de la souveraineté industrielle qui consiste à produire en France des biens dont la production a été délocalisée durant des dizaines d'années : des véhicules, des médicaments, des trains…

M. Aurélien Pradié

Qui a vendu Alstom ?

M. Roland Lescure, ministre délégué

Vous évoquez Alstom : la France dispose d'un champion mondial, Alstom, qui a acquis un producteur canadien pour en faire un des producteurs mondiaux.

Mme Julie Laernoes

Nous ne vivons pas dans le même pays !

M. Aurélien Pradié

Quelle blague ! Vous n'avez pas racheté Arabelle !

M. Roland Lescure, ministre délégué

S'il vous plaît monsieur Pradié, évitons les caricatures, sortons des guerres de religion, et ayons un débat de qualité – il l'a été jusqu'à présent. Interrogeons-nous sur les solutions : comment faire avancer ensemble – comme nous l'avons fait dans le domaine de l'industrie – notre capacité à être véritablement souverains dans le domaine de l'énergie ?
Ne me dites pas que la France a un jour été souveraine dans le domaine énergétique. Depuis des décennies, la part des hydrocarbures, importés du monde entier, dans la consommation énergétique de la France s'élève à 60 %. La vraie souveraineté, ce n'est pas une souveraineté à 40%, c'est une souveraineté à 100%. C'est celle que je souhaite développer avec toutes celles et ceux qui sont prêts à le faire. Faites-le avec nous, travaillons ensemble et nous y parviendrons.

M. Nicolas Sansu

Qui détient les moyens de production ?

M. Pierre Dharréville

Qui est propriétaire ?

Mme la présidente

La parole est à M. Romain Daubié.

M. Romain Daubié (Dem)

Le rapport de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France met en lumière les choix passés responsables de cette perte de souveraineté. Elle résulte notamment d'un combat idéologique contre l'énergie nucléaire qui relève d'une hypocrisie de certains alors qu'en tant qu'élus, nous devons être responsables. L'énergie nucléaire doit occuper une place prépondérante dans le mix énergétique de la France. Elle est garante de la souveraineté énergétique, et je me réjouis de voir réapparaître de tels enjeux au cœur des politiques publiques du fait d'une relance sans précédent des projets nucléaires dans le prolongement du discours dit de Belfort.
Monsieur le ministre, vous avez visité la semaine dernière, dans ma circonscription, la centrale du Bugey, qui est à l'origine de milliers d'emplois directs et indirects chez des prestataires locaux. Cette centrale est sûre et accueillera bientôt deux EPR. Cet écosystème assure non seulement 40% de la production électrique locale, mais il offre aussi un accès à une énergie décarbonée et à un prix raisonnable. Enfin, il garantit une meilleure qualité de l'air.
L'énergie nucléaire répond à trois objectifs indispensables à la souveraineté énergétique : il s'agit d'une énergie peu chère, créatrice d'emplois et décarbonée.
Un accord a été trouvé entre l'État et EDF sur les prix de l'électricité, ce qui est bienvenu dans une période de forte tension sur la quantité et sur les prix. Que proposez-vous pour garantir l'équilibre entre le prix de l'électricité pour nos concitoyens et le développement d'EDF, qui est essentiel au financement de la politique énergétique de la France ?

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

J'ai grandi dans les années 1970.

M. Raphaël Schellenberger

Cela ne nous rajeunit pas.

M. Roland Lescure, ministre délégué

En plein choc pétrolier, la France a fait le choix très courageux, très ambitieux et assez coûteux, d'investir dans l'énergie nucléaire. Ce parc électronucléaire comprend le réacteur du Bugey, fermé depuis trente ans, et quatre autres qui sont en bon état. La durée de vie de trois d'entre eux a été prolongée – j'espère que ce sera également le cas du quatrième. C'est grâce à ces investissements passés que nous disposons d'une électricité décarbonée parmi les moins chères d'Europe.

Mme Danielle Brulebois

Eh oui !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Je souhaite qu'ensemble nous trouvions les moyens pour que, à leur tour, dans trente ou quarante ans, nos enfants et nos petits enfants soient fiers de nos décisions. Les enjeux de régulation du tarif de l'électricité sont au cœur de nos préoccupations. Nous devons à la fois permettre aux consommateurs français, industriels et ménages, de bénéficier d'une énergie décarbonée bon marché, et donner à EDF les moyens d'investir pour que nos enfants puissent également en bénéficier. Tel est le sens de l'accord trouvé à l'automne : offrir un équilibre entre une couverture à la hausse des prix exceptionnels, avec un plafonnement quasi total pour 90 % de la facture, et des accords entre EDF et ses principaux consommateurs pour garantir, en particulier aux industriels, des prix raisonnables, mais aussi les investissements futurs.
Cet accord existe et je profite de votre question pour encourager EDF et les industriels à signer des contrats. Profitez du faible niveau des prix ! Bloquons-les et profitons-en pour investir dans les réacteurs de demain et dans les industries décarbonées. Mesdames et messieurs les industriels, monsieur EDF, c'est le moment de signer des contrats.

M. Romain Daubié

Merci !

Mme la présidente

La parole est à Mme Félicie Gérard.

Mme Félicie Gérard (HOR)

Quelles seront les suites données à la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France ? Depuis 2011, l'Arenh, sans doute en raison de tarifs trop faibles et de l'absence de prise en compte de l'inflation, mais aussi le bouclier tarifaire – instauré pour des raisons conjoncturelles – ont affaibli financièrement EDF. Malgré une bonne année 2023, sa situation financière se dégrade alors que des investissements gigantesques sont nécessaires pour construire les EPR dont la France a besoin. Pourriez-vous nous indiquer comment l'État compte organiser le financement des nouveaux EPR ? Sera-t-il intégré à la future loi de programmation ?

M. Raphaël Schellenberger

C'est drôle ce genre de question. Ce serait intéressant de savoir si Édouard Philippe a vraiment une ambition pour la France. Il en dit quoi ?

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Vous l'avez souligné : le défi majeur est de disposer d'électricité décarbonée pas trop chère – j'encourage encore une fois les industriels et EDF à signer des contrats dès à présent –, tout en investissant pour le futur y compris dans les EPR 2. Nous sommes en train de finaliser les projets des EPR 2 et, à terme, nous serons capables d'en évaluer les coûts. Il est trop tôt pour vous répondre, mais nous devrons relever ensemble un défi majeur de financement.
L'équation est simple : les consommateurs d'aujourd'hui en financeront une partie, par leurs factures et leurs impôts. Les consommateurs de demain en financeront une autre partie par l'endettement public, et les entreprises assurent également ce financement en investissant dans l'électricité pour améliorer leur productivité et leur efficacité. Pour financer ces programmes ambitieux, nous pourrons jouer sur trois leviers – les consommateurs d'aujourd'hui, les consommateurs de demain et l'efficacité des entreprises.

Mme la présidente

La parole est à Mme Julie Laernoes.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES)

Ma première question concerne la filière photovoltaïque française, qui connaît d'énormes difficultés et pourrait disparaître d'ici à quelques mois. Laisser crever cette filière qui a besoin d'aides directes donnerait un terrible signal alors que nous avons besoin des énergies renouvelables. Ne déportez pas le débat au niveau européen en Européen convaincu que vous êtes ; prenez des mesures comme lorsque vous avez sauvé une filière industrielle d'avenir française et européenne !
Ma deuxième question porte sur la sûreté : il est impossible de ne pas l'évoquer lorsque l'on parle de la relance du nucléaire. Sans sûreté, il n'y aura pas de relance fiable. Le modèle français de sûreté, reconnu partout dans le monde, a contribué à rétablir une forme de confiance dans la France.

M. Raphaël Schellenberger

Ce n'est pas un modèle, c'est un parti pris !

Mme Julie Laernoes

Cette confiance est une composante essentielle du développement du nucléaire. Que l'on soit pour ou contre le nucléaire, la sûreté constitue une préoccupation majeure.
De l'avis majoritaire des experts et des personnels de la filière, le projet de démantèlement de l'IRSN déstabiliserait tout ce que nous avons construit. Cette réforme est inefficace car elle complexifierait le processus de sûreté au moment même où EDF fait face à un double défi : maintenir le parc actuel au-delà des délais imaginés et construire de nouveaux réacteurs.
Cette réforme est dangereuse parce qu'elle renonce à donner un statut favorable aux activités de recherche, parce qu'elle affaiblit notre expertise technique et réduit la transparence et le dialogue avec la société civile.
Enfin, monsieur le ministre, cette réforme est injustifiée : personne n'a été capable de nous expliquer pourquoi l'on veut déstabiliser à ce point un modèle reconnu et qui fonctionne. Nous avons entendu dire à maintes reprises que cette réforme a été imaginée sur le fondement d'un rapport secret, remis en 2022, le rapport Verwaerde. Pour que nous puissions comprendre le sens de la réforme et avoir un vrai débat démocratique, je vous demande de nous donner accès à ce document. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Maxime Laisney applaudit également.)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

J'espère que vous le reconnaîtrez, même si vous ne l'avez pas voté : le projet de loi de finances pour 2024 a créé un crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte. Autorisé par l'Union européenne grâce à l'action de la France, il permet de financer des usines de panneaux photovoltaïques en France. Nous sommes les seuls à le faire, en réponse notamment à l'IRA, l'Inflation Reduction Act des Américains en 2022.
Ensuite, nous avons négocié au niveau européen une capacité à inclure dans les appels d'offres publics des critères dits non-prix, tels que la souveraineté et le bilan écologique, ce qui permet d'exercer une véritable préférence européenne, réclamée par les parlementaires sur tous les bancs depuis des années et que nous n'avions jamais réussi à obtenir.
Est-ce que cela suffit ? Peut-être faut-il aller plus loin. Le coût des panneaux solaires qui arrivent du bout du monde est vraiment très faible. S'il est vraiment trop faible et s'apparente à un dumping qui ne dit pas son nom, les instances européennes doivent se saisir de cette question. Nous échangeons régulièrement avec elles pour les sensibiliser à ce risque. Madame la députée, vos confrères allemands des partis verts sont contre la souveraineté industrielle de l'industrie verte européenne qui combine le développement de l'écologie et celui de l'économie.

Mme Julie Laernoes

Je parle de la question française.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous aurons le temps de discuter du modèle de sûreté du 11 au 13 mars puisque ces dates ont été retenues pour évoquer ici même le projet de rapprochement entre l'ASN et l'IRSN.

M. Raphaël Schellenberger

Nous nous réjouissons !

M. Roland Lescure, ministre délégué

J'espère que nous éviterons la caricature : personne ne souhaite démanteler qui que ce soit.

M. Raphaël Schellenberger

Quelle pudeur !

Mme Julie Laernoes

Dites-nous juste pourquoi !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous souhaitons trouver une organisation qui assure la sûreté de l'industrie nucléaire française ; nous en débattrons.

Mme la présidente

Merci de conclure, monsieur le ministre !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Personne dans cette assemblée n'est pour ou contre la sûreté. Nous allons travailler à définir des modèles différents qui nous permettront je l'espère de débattre de manière productive, mais sans caricature. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

M. Raphaël Schellenberger

L'exigence reste le sujet !

Mme la présidente

La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES)

J'aborderai deux questions différentes. La première concerne les difficultés de recrutement et l'enjeu des compétences, sujets mis en exergue par l'ultime proposition du rapport dont nous débattons.
La filière nucléaire, qui emploie 220 000 personnes, se heurte en effet à un manque chronique de professionnels dans les métiers manuels qui nécessitent un haut niveau de savoir-faire. Les besoins de recrutement dans les dix prochaines années sont estimés à 100 000 professionnels. Alors que les moyens déployés jusqu'à présent restent faibles, quels moyens budgétaires pérennes et quelles initiatives nouvelles le Gouvernement entend-il proposer pour renforcer l'attractivité de ces métiers, pour développer les dispositifs de formation dans la durée, et pour enfin instaurer un statut de l'énergéticien, garantissant à tous les salariés des droits de haut niveau comme le demande l'université des métiers du nucléaire ? Ce dernier point est essentiel pour l'attractivité de ces métiers.
Le second sujet que je veux aborder concerne l'accord européen sur l'électricité et la logique qui préside à la fixation du prix. Pour résumer rapidement, le prix de l'électricité restera corrélé à celui du gaz et il n'y aura toujours pas de prix plafond, contrairement à ce qui a été annoncé par le Président de la République. Pourquoi la régulation adoptée à l'échelle européenne n'est-elle pas revenue sur cette logique, monsieur le ministre ? Demain, des millions de nos concitoyens seront toujours exposés à la volatilité des prix de l'énergie, en particulier à ceux de l'électricité, au détriment de leur pouvoir de vie.

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Ce n'est pas devant l'ancien maire d'une ville que je connais bien, dans laquelle se tient tous les deux ans le championnat de France de soudure,…

M. Raphaël Schellenberger

On avait dit pas d'attaques personnelles ! (Sourires.)

M. Roland Lescure, ministre délégué

…que je vais nier le fait que les talents, dans le nucléaire, ont une importance majeure.

M. Nicolas Sansu

Bien sûr.

M. Philippe Gosselin

Il aurait surtout fallu éviter d'en perdre, des talents !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Et si je ne m'abuse, le dernier championnat, auquel nous avons tous les deux assisté, a été remporté par une équipe de Framatome ; cela montre bien que l'industrie nucléaire s'appuie sur des talents exceptionnels, dont nous allons avoir de plus en plus besoin.
La filière nous a remis en avril 2023, à Agnès Pannier-Runacher et à moi-même, un rapport dit Match qui, vous l'avez dit, chiffre à 100 000 environ les recrutements nécessaires dans le nucléaire, à tous les niveaux – ingénieurs, soudeurs, métalliers. Nous devons donc nous organiser pour répondre à ce défi majeur. Et nous le faisons !
Vous m'avez demandé si les moyens étaient au rendez-vous, et je vous réponds que oui : dans le cadre du plan France 2030, le dispositif " Compétences et métiers d'avenir " est soutenu par une enveloppe globale de 2 milliards d'euros visant à améliorer les compétences et les formations relatives aux métiers d'avenir, notamment pour favoriser la relance de l'industrie nucléaire, qui est primordiale.
Je donne un exemple très concret : 800 millions sont déjà mobilisés par un premier appel à projets, et une partie de cette somme bénéficie au projet Normandie nucléaire, nouvelles compétences – 3NC –, projet très concret de formation dans le nucléaire.
Pour ce qui est de la formation du prix, je pense avoir déjà répondu. L'accord passé entre EDF et le Gouvernement – qui représente l'intérêt général – est gagnant-gagnant : il permet à la fois des factures limitées pour nos consommateurs…

M. Philippe Gosselin

Les factures, elles ont beaucoup augmenté pour le consommateur !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…et une compétitivité maintenue pour l'industrie. Je le répète – merci de m'en donner l'occasion : signez des contrats, messieurs les industriels et monsieur EDF ! Travaillez ensemble ; les prix sont bas, c'est le moment. Profitons-en pour financer le développement du nucléaire mais aussi une industrie compétitive pour les quinze, vingt ou trente ans qui viennent.

M. Philippe Gosselin

Sacré défi !

Mme la présidente

La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT)

Nombreuses sont les annonces faites sur la nécessité de retrouver notre souveraineté énergétique, mais rares sont les actions concrètes.

M. Raphaël Schellenberger

C'est drôle d'entendre un Corse parler de souveraineté !

M. Michel Castellani

On peut s'interroger sur la première version de votre projet de loi relatif à la souveraineté énergétique : son volet programmatique, qui fixait notamment des objectifs de déploiement du nucléaire, a tout bonnement été supprimé, et vous avez en outre indiqué vouloir vous donner du temps pour trouver un nouveau consensus avec la filière des énergies renouvelables.
Monsieur le ministre, les objectifs environnementaux et de décarbonation ne doivent pas nous faire oublier la nécessité de retrouver une souveraineté énergétique. À titre d'exemple, même si la production nucléaire a augmenté de 41 térawattheures entre 2022 et 2023 selon RTE, elle reste en dessous des valeurs historiques. Ce constat révèle une perte évidente de souveraineté énergétique, ce qui a des conséquences directes, on le sait, sur le prix de l'électricité vendue aux entreprises.
En effet, de nombreuses filières vous alertent depuis des mois sur les hausses répétées du prix de l'électricité, sur la difficulté qu'éprouvent les entreprises à maintenir leur trésorerie et sur leur crainte de subir des faillites. De nombreuses entreprises, tous secteurs confondus, restent tenues par des contrats d'approvisionnement en énergie à des prix élevés, c'est-à-dire supérieurs à 180 euros le mégawattheure, alors que le prix spot de l'électricité s'est élevé à 97 euros le mégawattheure en moyenne en 2023.
Par conséquent, monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer la raison d'une telle différence et ce qui la justifie ? Et comptez-vous vous engager sur un programme nucléaire fort qui permette de redonner à la France une souveraineté énergétique, afin d'offrir un prix de l'électricité décent aux entreprises ?

(À seize heures trente, Mme Élodie Jacquier-Laforge remplace Mme Naïma Moutchou au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Vous l'avez dit : il ne faut en aucun cas sacrifier un objectif aux autres. Nous avons trois objectifs et je suis convaincu que grâce à l'industrie, ils sont réconciliables et donc conciliables : d'abord, décarboner notre économie – nous devons devenir la première économie verte en Europe et dans le monde ; ensuite, garantir la sécurité de nos concitoyens – c'est non négociable ; et enfin, assurer à la fois la protection du pouvoir d'achat, la protection des consommateurs et la compétitivité de notre économie.
Les programmes énergétiques dans lesquels nous nous engageons – le renouvelable et, vous l'avez dit, le nucléaire – vont nous permettre d'y parvenir : ils nous permettront d'assurer à la fois notre souveraineté énergétique, notre compétitivité industrielle et la protection du pouvoir d'achat des consommateurs de demain. C'est un projet très ambitieux sur lequel nous allons essayer de trouver sinon un consensus, pour reprendre le terme que vous avez employé, du moins une certaine forme d'accord quant aux objectifs et aux moyens d'y arriver, de manière très opérationnelle et très concrète, loin des croyances et des guerres de religion.
Je l'ai dit, Bruno Le Maire et moi-même avons décidé de lever le crayon l'espace d'un instant, de manière à nous assurer que le débat en question se tiendra dans les meilleures conditions possibles. Nous reviendrons très vite vers vous, évidemment, pour vous dire dans quelles conditions il aura lieu, mais en attendant, profitez du débat que nous avons aujourd'hui grâce au président et au rapporteur de la commission d'enquête, car il est intéressant et de bonne tenue.

Mme la présidente

La parole est à Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois (RE)

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, l'énergie nucléaire a une importance stratégique dans le mix énergétique français, que ce soit pour notre indépendance énergétique ou pour la décarbonation de notre industrie.
Vous l'avez dit aussi, nous allons réaliser des investissements importants pour permettre le renouveau de notre parc nucléaire – vous avez par exemple évoqué les EPR 2. Il est donc crucial d'amplifier la formation de nos jeunes, non seulement au niveau supérieur de la recherche, de l'ingénierie et de la haute technologie, mais aussi dans les métiers de base qui sont des métiers phares, très recherchés par notre industrie depuis que vous avez engagé la réindustrialisation de la France.
Or ces métiers peinent à attirer nos jeunes. On l'a vu, nous avons été confrontés à des difficultés de recrutement dans la filière nucléaire, et elles ont été identifiées comme l'une des causes principales du retard de l'EPR de Flamanville et des surcoûts occasionnés. Comme je le disais, il est difficile d'attirer nos jeunes vers ces métiers, qui sont pourtant les métiers de base de la maintenance industrielle – soudeurs, électriciens, automaticiens, chaudronniers. Comment leur faire comprendre qu'à l'issue d'une formation de chaudronnier, on ne fabrique pas des chaudrons et qu'au contraire, on travaille pour une industrie de pointe ?
Vous avez mentionné les moyens importants qui sont consacrés par exemple à France Compétences. Nous avons développé l'apprentissage et engagé la réforme des lycées professionnels, mais comment redonner à nos jeunes l'amour de ces métiers industriels, qui sont tellement essentiels à notre filière nucléaire ? Par exemple, dans le Jura, le lycée des métiers des arts du métal, Ferdinand-Fillod, à Saint-Amour, peine à recruter dans les formations de technicien en chaudronnerie industrielle, en tuyauterie et en soudure. Mettre les moyens, c'est bien, mais nous devons réfléchir à des manières de motiver et d'intéresser les jeunes, en redonnant une belle image à ces métiers industriels. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Il se trouve que j'ai eu un peu de temps au mois de janvier – j'étais entre deux jobs ; j'en ai profité pour aller au cinéma. (Sourires.)

M. Raphaël Schellenberger

Ça ne nous intéresse pas beaucoup !

M. Roland Lescure, ministre délégué

J'y ai vu une publicité pour les métiers de l'armée de l'air et de l'espace. Cela fait vingt ans que l'armée fait très bien ce que vous demandez, c'est-à-dire donner envie aux jeunes de rejoindre des métiers dont la nature et le quotidien diffèrent fortement des images d'Épinal très anciennes que vous avez évoquées, en donnant l'exemple de la chaudronnerie.

M. Raphaël Schellenberger

Il faut laisser plus longtemps les ministres sans affectation ; ça leur donne des idées !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous devons faire en sorte que l'industrie attire autant que l'armée et que les jeunes soient informés du fait que les métiers de demain ne seront pas ceux d'aujourd'hui ; c'est ce qui permettra de les attirer. À la fin du mois de mars se tiendra à Villepinte le salon Global Industrie 2024. Je vous engage vraiment à vous y rendre, car il met en lumière les métiers de l'industrie, ce qu'elle est aujourd'hui et ce qu'elle sera demain. Venez-y, et amenez des jeunes de vos circonscriptions ! Faites venir des classes, organisez des déplacements ! Nous l'avions fait l'année dernière à Lyon, lors du salon précédent, et le succès avait été exceptionnel.
Nous devons montrer ce qu'est la réalité de l'industrie d'aujourd'hui, en insistant sur le fait qu'il y aura des dizaines voire des centaines de milliers de nouveaux jobs dans les années qui viennent. Et nous devons aussi montrer que l'industrie, ça paie et ça permet de faire carrière, y compris à l'international ! Diffusons ensemble cette envie, donnons envie aux jeunes – et aussi à leurs parents ; je suis persuadé que nous sommes capables de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente

La parole est à M. Emmanuel Lacresse.

M. Emmanuel Lacresse (RE)

Pour maintenir la souveraineté et l'indépendance énergétiques de la France, nous devons gagner des batailles de financement. M. le ministre l'a dit tout à l'heure : nous sommes loin du retour au monopole et au tout-nucléaire. Deux grandes cathédrales de l'investissement dans le nucléaire sont en voie d'achèvement : Hinkley Point, en Angleterre, qui est un projet d'EDF, et le tokamak de la Durance, qui est le plus grand au monde.
Mais cette année, le budget de la France a ouvert d'autres crédits en matière d'énergie, par exemple pour l'hydrogène – plus de 800 millions d'euros – mais aussi pour l'injection de biogaz et pour l'électrification des territoires d'outre-mer, hors Pacifique, dans une perspective productrice. Le bois énergie, couplé au bois d'œuvre, est également encouragé : dans le budget de la forêt, plusieurs centaines de millions d'euros qui n'avaient jusqu'alors pas été affectés lui sont dédiés, en faveur notamment des territoires du Grand Est, de Saint-Avold à l'usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe, qui en bénéficieront.
Par ailleurs, M. le ministre y a déjà fait allusion mais il me semble qu'il y a trois conditions à la résilience des tarifs : nous devons évoluer dans un cadre qui soit européen – EDF a retrouvé la voie de l'exportation –, concurrentiel – ce sont les fournisseurs de gaz, pendant l'indisponibilité du parc nucléaire, qui nous ont permis de passer l'hiver, si vous me pardonnez l'expression – et favorable aux entreprises électro-intensives – M. le ministre en a parlé.
Globalement, la doctrine obsolète du monopole et du tout-nucléaire est une passion anti-européenne, comme l'ont bien expliqué certains orateurs tout à l'heure. Il faut une autonomie énergétique des territoires pour assurer une résilience européenne.
Dans ce contexte, plusieurs sujets sont matière à débat, à commencer par le statut contractuel de la terre de culture : à l'heure où nous parlons, au Salon de l'agriculture, les intervenants du monde agricole discutent de la manière dont ils s'associeront avec les producteurs d'énergie. La résilience des grands sites industriels pose aussi question et doit être promue : c'est en faisant en sorte qu'ils puissent produire et stocker eux-mêmes, notamment en recourant à l'énergie, que l'avenir énergétique de la nation se dessinera, face à une vision de la décroissance que je qualifierais de théologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Raphaël Schellenberger

On n'a pas tout compris !

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Merci, monsieur Lacresse, d'avoir résumé brillamment l'ensemble des défis auxquels nous faisons face en évitant d'opposer les uns et les autres – les différentes sources d'énergie entre elles, l'Europe et les territoires, les industriels et les consommateurs. Ces défis sont considérables et parmi eux, vous avez mentionné les conflits d'usage sur le foncier. Nous devons donc organiser la consultation et la concertation de manière à ce que ces conflits soient traités le mieux possible.
J'ai été interrogé à plusieurs reprises sur l'agrivoltaïsme. Nous travaillons sur le décret qui permettra, nous l'espérons, de réconcilier souveraineté agricole et souveraineté énergétique, mais aussi de rassurer les agriculteurs : ce sont bien eux, et non des énergéticiens, qui produiront de l'énergie sur leurs terres, complétant ainsi leur revenu tout en continuant à faire de l'agriculture.

M. Emmanuel Lacresse

Tout à fait !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Il a aussi été question de la biomasse : c'est un enjeu essentiel et elle va, elle aussi, donner lieu à des conflits d'usage considérables. La planification écologique, dont on a peu parlé – si je dois avoir un regret aujourd'hui, c'est celui-là –, a mis en exergue ce défi majeur, qui doit être traité en priorité de manière à ce que l'avion propre et la chaleur fatale, pour simplifier, puissent largement en bénéficier.
Merci, donc, d'avoir exposé si clairement tous ces débats ; ce sont autant de défis que nous devons résoudre par le haut, en investissant dans l'avenir et pour longtemps.

M. Raphaël Schellenberger

Il n'y avait pas de question, il n'y a donc pas de réponse !

Mme la présidente

La parole est à Mme Brigitte Klinkert.

Mme Brigitte Klinkert (RE)

Je tiens tout d'abord à saluer le travail de qualité qui a été mené au sein de la commission d'enquête. Les leçons des erreurs commises depuis trente ans, mises en évidence par le rapport qui en est issu, ont été à mon sens tirées par notre majorité. L'ambitieux programme France 2030, lancé par le Président de la République, ainsi que le rachat à 100 % d'EDF par l'État vont donner une impulsion nouvelle permettant de relancer la filière nucléaire. C'est un enjeu de souveraineté énergétique mais aussi industrielle.
Le contexte dans lequel nous nous trouvons est simple mais difficile : nous devons assurer notre souveraineté énergétique tout en conduisant la transition écologique, notamment en électrifiant nos usages. En réalité, ces deux défis sont menés de front dans la politique que nous mettons en œuvre : nous accélérons à la fois le nucléaire et le renouvelable, par deux lois qui ont été votées l'année dernière et qui permettent d'électrifier notre production tout en assurant une production intérieure suffisante. La sortie des énergies fossiles est une urgence pour le climat mais aussi pour notre souveraineté énergétique, pour notre balance commerciale et pour la souveraineté de notre production industrielle.
Ma question est double : comment affronter le mur des investissements en faveur du nucléaire et du renouvelable dans un contexte budgétaire restreint, et quelles solutions pouvons-nous esquisser pour rassurer nos concitoyens à propos du nucléaire, en innovant en matière de sûreté nucléaire tout en réduisant la consommation de combustibles, donc les déchets nucléaires ?

M. Raphaël Schellenberger

On note que Brigitte Klinkert demande un SMR après Fessenheim !

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Merci de m'avoir posé ces deux questions et d'avoir mis en évidence, dans votre introduction, les défis que nous devrons relever pour assurer notre souveraineté énergétique mais aussi notre capacité à y parvenir, collectivement. En effet, aucun des objectifs que nous nous sommes fixés n'est inatteignable et nous réussirons, à condition de financer correctement les futurs investissements et, surtout, d'innover car nous ne pourrons pas garantir la souveraineté énergétique de notre pays, dans les trente, quarante, cinquante, cent prochaines années en appliquant les mêmes recettes qu'il y a cinquante ans !
Nous disposons de plusieurs solutions pour assurer le financement, à commencer, bien entendu, par celle de la dépense publique qui provient soit de l'endettement, que financera le consommateur de demain, soit des taxes. Ce n'est pas pour rien que le contribuable paie des taxes sur l'énergie : elles servent à financer l'investissement nécessaire pour le réseau et les usines.
D'autre part, les entreprises du secteur doivent faire des efforts pour améliorer leur productivité et leur efficacité afin de contribuer, elles aussi, au financement des futurs investissements. Il faut reconnaître que, ces dernières années, nous n'avons pas connu que de grands succès, ne serait-ce que pour réussir à livrer de grands chantiers en temps et en heure ! Or si on demande à une filière d'être efficace et de livrer un chantier dans les délais, c'est précisément pour financer à moindre coût les prochains investissements.
Quant à l'innovation, elle est la clé de la souveraineté énergétique de demain. France 2030 consacre ainsi 1 milliard d'euros à l'innovation dans la technologie nucléaire,…

M. Raphaël Schellenberger

Sans rien produire !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…qu'il s'agisse de développer le projet de petit réacteur modulaire, d'améliorer la gestion des déchets, de réussir à fermer le cycle, de rendre les futurs EPR 2 encore plus performants, de perfectionner le parc existant afin d'en augmenter la puissance, de l'adapter aux changements climatiques et d'en allonger la durée de vie. Vous conviendrez que ce vaste programme est enthousiasmant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente

La parole est à M. Nicolas Dragon.

M. Nicolas Dragon (RN)

En dépit de ses discours répétés sur la sobriété énergétique, l'efficacité énergétique et le tout-renouvelable, ce gouvernement s'est enfin rendu compte que la solution pour atteindre nos objectifs climatiques à court et moyen terme réside en réalité dans le développement massif de l'énergie nucléaire. Depuis deux ans, ce même gouvernement s'est appliqué à minimiser ses revirements et les conséquences néfastes de ses actions passées. Dois-je rappeler sa décision de fermer la centrale de Fessenheim ?
Malgré la meilleure volonté du monde, il sera difficile d'épargner aux Français et aux entreprises, comme c'est déjà le cas dans mon département de l'Aisne, l'une des conséquences majeures de son égarement : l'augmentation inévitable des prix de l'électricité d'origine nucléaire.
À ce sujet, le groupe Rassemblement national aimerait obtenir des éclaircissements sur les agissements futurs de l'exécutif concernant deux accords récemment négociés. Le ministre de l'économie annonçait en octobre dernier la conclusion avec EDF d'un accord fixant autour de 70 euros le prix du mégawattheure de l'électricité d'origine nucléaire. Or certaines déclarations de ce gouvernement laissent à penser qu'il envisagerait déjà de dénoncer l'accord en raison de la chute des prix de l'électricité dans le marché de gros.
D'autre part, un accord entre le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen a débouché sur une nouvelle solution : les contrats pour différence, les CFD, qui ne couvriront que les nouveaux investissements énergétiques.
Dites-nous la vérité : le dispositif de compensation des contrats pour différence ne risque-t-il pas de pénaliser EDF ? Pourquoi les PME françaises et les ménages ne bénéficieraient-ils pas des mêmes tarifs que les grands groupes industriels ou les grandes entreprises ?

M. Raphaël Schellenberger

Le RN plaide pour l'Arenh !

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Je vais essayer de répondre à votre question même si, sauf le respect que je dois à votre fonction, votre propos partait un peu dans tous les sens. Beaucoup de questions m'ont été posées, depuis deux ans, sur le dispositif tant décrié de l'Arenh qui permettait de financer des factures énergétiques dont le montant était bien moins élevé que partout ailleurs en Europe. Les industriels étaient les derniers à s'en plaindre, mais il faut bien reconnaître que le dispositif n'était pas très efficace car il consistait, en gros, à ponctionner EDF pour arroser tout le monde.
Si les prix de l'électricité augmentent à présent, ce dont vous vous plaignez, c'est parce que nous mettons fin à l'Arenh. Pour limiter la hausse, nous avons précisément négocié un accord avec EDF l'automne dernier, lequel permettra en outre de désendetter EDF et de financer une partie des futurs investissements ! Nous pourrons ainsi continuer à bénéficier, dans trente, quarante ou cinquante ans, d'une électricité moins chère qu'ailleurs en Europe. Vous devriez applaudir des deux mains plutôt que de parler d'« agissements » du Gouvernement ! Alors oui, nous agissons, et de manière très efficace, pour accroître notre souveraineté énergétique d'ici à trente ou quarante ans, pour continuer, ne vous en déplaise, à exporter dans un marché européen intégré, et pour préserver la compétitivité de l'industrie française ! Je m'en félicite et je vous laisse à vos propres « agissements ».

Mme la présidente

La parole est à Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN)

Remplacer ce qui faisait la puissance et la souveraineté énergétique de la France par des intermittents de l'énergie restera dans la mémoire des Français comme l'un des plus grands scandales industriels et économiques de ces dernières années. L'objectif idéologique de réduire à 50% la part du nucléaire, lancé par François Hollande et poursuivi par Emmanuel Macron, qui a fermé la centrale de Fessenheim, a été irresponsable. Une prise de conscience, bien trop tardive, n'évitera pas à la France un effet falaise qui conduira à des difficultés de fonctionnement dès 2030 – je vous renvoie aux pages 155 et suivantes du rapport de la commission d'enquête –, alors même que la finalisation des plans de conception du futur réacteur EPR 2 prend encore du retard.
La France est tout bonnement devenue incapable de construire une centrale nucléaire : c'est dramatique. Les investissements devront être colossaux alors que le parc nucléaire n'est porté que par EDF dont la dette, du fait du choix catastrophique de l'Arenh, a dépassé les 54 milliards d'euros. Pourtant, les engagements pris par l'État pour soutenir les énergies renouvelables coûteraient déjà plus de 100 milliards d'euros.
Compte tenu de l'urgence à rétablir notre souveraineté énergétique, les efforts financiers consacrés aux énergies renouvelables, dont on connaît désormais les résultats plus que médiocres, ne devraient-ils pas être redéployés en priorité vers le nucléaire, tant qu'il en est encore temps ?

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

M. Alexandre Loubet se souvient des longues discussions que nous avions eues autour des amendements « Don Quichotte » lors de l'examen du projet de loi relatif à l'industrie verte. Vous avez vos convictions et je les respecte même si je les regrette car je pense que nous pourrions dépasser les traditionnels conflits qui émaillent le débat sur l'éolien, terrestre ou marin, le solaire, le nucléaire etc. Nous avons besoin de tout !
Cela étant, permettez-moi de corriger certains de vos propos. Vous dites que les énergies renouvelables sont coûteuses. Rappelons que, depuis deux ans, elles ont rapporté au budget de l'État 14 milliards d'euros ! Vous dites encore que l'éolien est un échec. Pourtant, plus de 10% de l'électricité produite en France en 2023 provient du parc éolien.

M. Raphaël Schellenberger

Parce que les prix de l'électricité étaient très élevés !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Bien évidemment ! Que les prix varient sur un marché, cela arrive !

M. Emmanuel Lacresse

Heureusement, les énergies renouvelables étaient là !

M. Roland Lescure, ministre délégué

L'enjeu est de parvenir à constituer et à financer, par des deniers publics et privés, un mix énergétique qui nous permette de surmonter les aléas des prix et du volume et d'assurer notre souveraineté énergétique pour les quarante à soixante prochaines années. Ne vous en déplaise, l'éolien terrestre et maritime, qui génère un peu de plus de 50 térawattheures est une partie de la solution, tout comme l'hydraulique, qui est la deuxième source d'énergie renouvelable, le solaire et le nucléaire !
J'espère que nous pourrons poursuivre le débat pour progresser encore et atteindre cette souveraineté énergétique à laquelle nous aspirons tous.

Mme la présidente

La parole est à M. Laurent Alexandre.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES)

L'intervention de Maxime Laisney vous aura rappelé qu'une politique énergétique cohérente se pense et se prépare en amont, avant que l'on consacre les moyens nécessaires à sa bonne application. Vous faites hélas tout le contraire, en votant des lois qui n'ont d'accélération que le nom puisqu'elles délaissent une partie des solutions – je pense en particulier aux énergies renouvelables.
Je suis élu d'une circonscription rurale qui compte beaucoup de grands logements très anciens. Les chauffer coûte cher et il est bien souvent nécessaire d'engager des travaux d'isolation. Nous avons besoin d'une politique de rénovation énergétique adaptée à cette réalité. Ne serait-ce pas cela, précisément, la souveraineté : trouver des solutions qui correspondent à ce que vivent les territoires ?
Or que faites-vous ? Vous retirez 1 milliard d'euros au dispositif MaPrimeRénov'. Pire, vous laissez se développer des projets aberrants d'agrivoltaïsme car vous pensez sans doute qu'en posant des panneaux solaires sur des surfaces agricoles nourricières, vous aurez trouvé la solution à la crise paysanne et le moyen de rattraper le retard coupable de notre pays dans le développement des énergies renouvelables.
Pourtant, tous les syndicats agricoles représentatifs de mon département y sont opposés, de même que la chambre d'agriculture. Il n'est pas nécessaire, en effet, selon l'Ademe – Agence de la transition écologique – d'installer des panneaux solaires sur des terres arables car il existe suffisamment de surfaces sur les toitures.
Vous bradez notre souveraineté alimentaire pour compenser votre incapacité à construire une politique énergétique cohérente et à résoudre la crise du revenu des paysans. Ce n'est pas faute, pourtant, de vous avoir proposé des mesures concrètes : prix planchers des produits agricoles, encadrement des marges de la grande distribution, sortie des traités de libre-échange. Nos paysans veulent vivre de leur travail.
Quant à la souveraineté énergétique, vous balayez d'un revers de la main une partie des solutions. C'est à n'y rien comprendre. Quand allez-vous écouter nos propositions pour que notre pays se dote d'une politique énergétique cohérente, associée à un grand plan d'isolation des logements, y compris en zone rurale ? Quand, enfin, prendrez-vous la mesure des conclusions de la commission d'enquête et consentirez-vous à tenir compte de l'ensemble des solutions qu'elle propose ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Guerre des religions un jour, guerre des religions toujours ! On n'en sortira jamais ! Arrêtons d'opposer les sources d'énergie les unes aux autres ! Un certain nombre d'agriculteurs, j'en ai rencontré, sont d'ores et déjà heureux de pouvoir compléter leurs revenus – et je ne parle pas de substitution – en développant des sources d'énergie alternatives qui permettent de décarboner notre pays. Êtes-vous prêts à étudier toutes les solutions qui permettent de revaloriser la profession d'agriculteur ou tenez-vous absolument à ce que les agriculteurs restent pauvres, en France ?
Je n'ai pas dit que ce n'était pas un défi. Je vous ai d'ailleurs expliqué, il y a quelques instants, que nous finalisions la rédaction d'un décret pour nous assurer qu'il s'agirait bien de permettre à des agriculteurs de compléter leurs revenus en installant des panneaux photovoltaïques et non l'inverse. C'est un risque dont nous sommes conscients. Les agriculteurs doivent rester des agriculteurs, mais comment être contre l'augmentation de leurs revenus ?
J'en viens à MaPrimeRénov'. La rénovation thermique des logements est un défi majeur extrêmement onéreux auquel tous les pays du monde sont confrontés ! Alors que la décarbonation de l'industrie coûte entre 50 et 100 euros la tonne de carbone évitée, le tarif passe à 300, 400 voire 500 euros dès qu'il s'agit des logements ! La France a fait plus que beaucoup d'autres pays en ce domaine et elle continuera sur cette lancée en 2024 : si 2,7 milliards d'euros ont été engagés en 2023, ce sera 3,5 milliards en 2024, malgré la réduction que vous nous reprochez ! Dépensons déjà ces 3,5 milliards, assurons-nous qu'ils permettent bel et bien de rénover des logements. Nous verrons ensuite si nous avons eu raison ou non de réduire ces engagements de 1 milliard d'euros.

Mme la présidente

La parole est à M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES)

Monsieur le ministre, vous regrettiez, à juste titre d'ailleurs, que l'on ne parle pas de planification écologique et énergétique. C'est le moment de nous y mettre ! Le sujet est d'autant plus grave que, dans notre pays, notre taux d'indépendance énergétique, c'est-à-dire notre capacité à satisfaire de manière autonome nos besoins énergétiques, est de 25% – et encore, je suis optimiste car, si l'on en croit M. Pascal Colombani, ancien administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), il ne dépasserait pas 12% ! Ne pinaillons pas : nous sommes tous d'accord pour reconnaître que les énergies renouvelables sont la source la plus autonome énergétiquement et la meilleure garante de la souveraineté nationale. Personne ne serait en effet capable de la couper, une fois qu'elle est branchée !
Et pourtant, la France prend un retard considérable. On installe 2 gigawattheures d'énergie renouvelable par an alors que l'Allemagne, dont le mix énergétique ne fait pas rêver pour autant, en installe 6 ou 7. Pourquoi un tel retard et quels moyens nous donnons-nous pour le rattraper ?
Par ailleurs, et cela est peut-être plus grave encore, en application des nouvelles règles budgétaires européennes évoquées par mon collègue Laurent Alexandre, le Gouvernement a effectué une série de coupes sauvages dans les budgets de la nation ; elles auront notamment des répercussions sur la production énergétique française dans son ensemble.
Sur les 10 milliards d'euros supprimés, vous avez réduit de 1,3 milliard les crédits du programme Énergie, climat et après-mines, ce qui affecte à la fois MaPrimeRénov' – les Français n'auront qu'à habiter dans des passoires thermiques et énergétiques –, la prime à la conversion des véhicules – nous n'aurons qu'à consommer plus d'essence –, les études sur l'installation de l'éolien en mer, et j'en passe. S'y ajoutent 200 millions d'euros sabrés dans le programme Service public de l'énergie – cogénération au gaz naturel, efficacité énergétique : hop, on coupe ! (M. Emmanuel Lacresse s'exclame.) Il y a aussi les 109 millions d'euros pris à la recherche en matière d'énergie ! Une paille puisque cela ne concerne que l'éolien, l'énergie marine, les biocarburants, les carburants de synthèse, la transformation des produits en biosourcé, les capacités de stockage… Et tout cela n'aurait pas de conséquences sur la souveraineté et l'indépendance énergétique de la France, objet de notre débat ? C'est pourtant bien le cas.
Nous n'acceptons pas de vous voir rogner la souveraineté nationale et sacrifier, pour faire des économies de bouts de chandelle, des pans entiers de notre capacité à produire et la possibilité pour tous et toutes de se chauffer, c'est-à-dire de mener une vie digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

À la guerre des religions, vous ajoutez la guerre des chiffres ! Où avez-vous trouvé le chiffre de 2 gigawattheures ? En 2023, nous avons installé une capacité de production d'énergie solaire de 3 gigawattheures, nous n'avions jamais fait mieux ! En 2024, nous devrions atteindre 4 à 5 gigawattheures. Dans les faits, nous accélérons. Nous installons des panneaux photovoltaïques en France – le seul défi étant qu'ils sont bien trop chinois à mon goût, Mme Laernoes l'avait déjà noté…

M. Hadrien Clouet

Sur ce point, nous sommes d'accord !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous en installons, certes moins que les Allemands, mais nos émissions de carbone par habitant sont plus de deux fois inférieures aux leurs. Nous jouons dans une autre ligue qu'eux…

M. Hadrien Clouet

Nous l'avons déjà dit ! C'est un autre mix !

M. Roland Lescure, ministre délégué

…en partie grâce au nucléaire, vous en conviendrez.
Notre pays a de gros progrès à faire, et c'est le défi de ce débat sur la planification, mais reconnaissons que nous faisons plutôt partie des bons élèves de la classe, y compris pour ce qui concerne le développement des renouvelables. Nous sommes en ligne avec les objectifs que nous nous sommes donnés dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) en matière de panneaux photovoltaïques et d'éolien terrestre.

M. Hadrien Clouet

Non !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous ne sommes en retard qu'en matière d'éolien marin. Le défi majeur est d'accélérer.

M. Maxime Laisney

Accélérez la publication des décrets !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous le ferons en poussant tous les feux.
La plupart des décrets importants ont été pris. Il en reste un à signer, sur l'agrivoltaïsme ; je reconnais que c'est compliqué. Je me penche sur le sujet depuis quinze jours avec une main tremblante, si je puis dire. La difficulté consiste en effet à trouver l'équilibre entre d'une part, la préservation et le renforcement des fonctions agricoles et, d'autre part, la création d'une source de revenus complémentaire pour les agriculteurs.

Mme Marie-Noëlle Battistel

On n'y est pas !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Ce texte est actuellement soumis au Conseil d'État. J'espère que nous pourrons aboutir d'ici au début du printemps. Vous serez évidemment destinataire de sa version définitive, comme l'ensemble des Français, dès qu'elle sera disponible.

Mme la présidente

La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse (NI)

Je souhaite vous interroger sur les suites données par le Gouvernement à la proposition 14 du rapport de la commission d'enquête qui appelle à " lancer un nouvel inventaire minier sur le sol français, accélérer l'identification des importations critiques et la création de filières de transformation et de recyclage de terres rares ".
La commission d'enquête pointe du doigt notre dépendance à certains matériaux indispensables aujourd'hui. Le sujet de l'extraction minière fait partie intégrante de la souveraineté industrielle et énergétique que nous devons retrouver. De l'extraction des matériaux à l'exploitation de l'énergie en passant par la production, la France doit maîtriser de bout en bout la chaîne énergétique. La question de l'extraction doit donc être prise en compte de manière sérieuse.
En septembre dernier, le Président de la République lui-même annonçait le lancement d'un grand inventaire des ressources minières. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), notre sol national contiendrait des ressources en nickel, cobalt, magnésium, cuivre et en terres rares. Le dernier inventaire en date a été réalisé dans les années soixante-dix et quatre-vingt avec des moyens différents de ceux d'aujourd'hui. Nos connaissances des sols en grande profondeur restent donc limitées.
L'enjeu est de taille : connaître ses capacités et savoir les exploiter constituent des paramètres essentiels à l'établissement d'une réelle souveraineté industrielle et énergétique. Cependant, l'inventaire semble demander du temps : de la prospective à l'exploitation d'une mine, le BRGM évoque un délai nécessaire de quinze ans.
En conséquence, je m'interroge sur la stratégie du Gouvernement concernant cette proposition. Quelles sont les prochaines étapes en vue de la réalisation de ce nécessaire inventaire de nos ressources minières ? Compte tenu des délais requis avant l'ouverture de mines et de l'absence de certains matériaux dans notre sous-sol, comment le Gouvernement assure-t-il, dans un monde en ébullition, la sécurisation de notre approvisionnement et l'identification des importations critiques ?

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

L'inventaire minier figurait au sommet de la pile des recommandations du rapport dit Varin de janvier 2022, relatif à la sécurisation de l'approvisionnement en matières premières minérales. Le rapport préconisait également la création d'un poste de délégué interministériel aux matériaux rares. Il a été pourvu il y a un peu plus d'un an ce qui permet de coordonner la stratégie française pour l'accès, le traitement et la capacité à bénéficier de matériaux rares dans les années à venir, étant observé qu'ils vont constituer la première source de dépendance de la nouvelle économie.
Nous avançons ! Nous avons lancé un fonds d'investissement doté de 500 millions d'euros de fonds publics et de 500 millions de fonds privés en 2023 avec l'objectif de passer de 1 à 2 milliards en 2024 afin de sécuriser les approvisionnements et de financer du traitement. Il s'agit de progresser sur la voie de la souveraineté minière telle qu'elle est envisagée par le rapport Varin.
Nous avançons aussi sur l'inventaire minier, en France et à l'étranger. J'ai participé hier à une visioconférence avec mon homologue norvégien ; le BRGM collabore avec son équivalent norvégien sur l'inventaire minier de manière à ce que, demain, nous dépendions moins des matériaux critiques que nous n'avons dépendu des hydrocarbures depuis cinquante ans.
Un troisième défi – tout aussi important – réside dans notre capacité à consommer moins de ressources rares dans le futur et donc à les recycler. L'Europe nous y aide. Un règlement européen, que nous avons adopté ensemble, prévoit un plancher de recyclage des matériaux de nos batteries dans l'intérêt de la planète – les matériaux les mieux utilisés restent ceux que nous n'extrayons pas – et de l'industrie européenne qui est en avance en matière de recyclage.
Comme vous le constatez, nos actions correspondent à ce qui a été proposé et nous continuons d'avancer.

Mme la présidente

La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)

Je me permets de rappeler les quatre questions que je vous ai posées lors de la première phase de notre débat.
Sur la première d'entre elles, relative au calendrier de la future loi de programmation sur l'énergie et le climat, vous m'avez indiqué que vous réfléchissiez et que vous travailliez encore de manière à faire converger les positions.
Vous n'avez en revanche pas apporté de réponse claire à ma deuxième question, relative à la réforme du post-Arenh. Je vous la repose donc : qu'en est-il de l'alternative entre les CFD et les contrats de long terme ?  
En ce qui concerne les concessions hydroélectriques, vous avez affirmé votre volonté de sortir du contentieux européen – ce dont je me réjouis –, mais vous ne m'avez pas répondu sur l'augmentation de la puissance des barrages hydroélectriques. Il s'agit d'un sujet très important. Le Parlement a délibéré sur cette question en 2019. Cinq ans après, aucun dossier n'a abouti, à l'exception de celui de Saut-Mortier, étant observé qu'il concerne en réalité un pompage-turbinage. Le déblocage des autres dossiers apporterait un potentiel hydroélectrique supplémentaire, et je n'ai pas besoin d'expliquer le rôle que joue cette production pour l'équilibre du système et pour la gestion des pointes de consommation.
Nous ne comprenons pas pourquoi six ou sept dossiers restent sur votre bureau depuis cinq ans sans que l'on ait trouvé d'issue. Je compte sur vous, qui avez manifesté votre volonté d'agir en faveur de l'hydraulique, pour signer les autorisations nécessaires au plus vite. Le dernier obstacle a été levé avec le vote de la loi de finances de 2022. Il ne faut pas avoir peur de son ombre et il convient d'avancer.

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué

Nous finissons en beauté avec une question de Mme Battistel sur l'hydroélectrique.
Contrat de long terme versus CFD : l'accord de l'automne dernier est clair. Le nucléaire existant doit permettre de signer des contrats de long terme avec les industriels électro-intensifs. Je réitère mon appel aux industriels et à EDF : signez, signez, signez ! C'est votre avantage commun ! Profitons des prix de marché aujourd'hui pour nous engager dans l'avenir et nous assurer que l'industrie française sera compétitive.
Sur l'hydroélectricité, si vous êtes personnellement convaincue des avantages de la puissance des barrages, je souhaite rappeler à la représentation nationale qu'il s'agit d'une électricité pilotable, renouvelable, compétitive, flexible. Elle représente déjà 12% de notre mix électrique : c'est la deuxième source de production électrique derrière le nucléaire.
Développer la production fait partie de nos priorités, en investissant principalement sur les barrages existants dans les vallées déjà équipées et peut-être, ici ou là, avec de nouveaux plans d'investissements. Reconnaissons que la France est déjà pas mal équipée !
Nous avançons sur les projets qui peuvent être lancés car ils ne font pas l'objet du contentieux européen en cours : j'entends par exemple que le préfet de l'Aveyron va bientôt signer une autorisation concernant un projet à Cambeyrac.
Pour le reste, il nous faut aller plus loin et, pour cela, il convient de résoudre le contentieux européen qui remonte à une dizaine d'années. Plusieurs solutions sont à l'étude, vous les connaissez. Je souhaite consulter l'ensemble des députés de la représentation nationale impliqués depuis longtemps sur ce dossier – dont vous faites partie avec d'autres –, de manière à envisager les solutions les plus efficaces pour tous et les investissements nécessaires, dans le respect du cadre réglementaire européen.

M. Raphaël Schellenberger

Il ne faut pas décaler les rendez-vous à tout bout de champ !

M. Roland Lescure, ministre délégué

Bruno Le Maire s'y est engagé, je le fais à mon tour : nous allons travailler très vite sur ce dossier épineux sur l'issue duquel je suis optimiste.

Mme la présidente

Le débat est clos.
La séance reprendra en salle Lamartine dans une quinzaine de minutes.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 6 mars 2024