Entretien de M. Franck Riester, ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger, avec France Info le 29 février 2024, sur l'attractivité économique de la France et les accords de libre-échange.

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Intervenant(s) : 
  • Franck Riester - Ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger

Média : France Info

Texte intégral

Q - Bonsoir à vous, Franck Riester...

R - Bonsoir.

Q - ... en direct du salon de l'agriculture. Vous nous direz ce que les agriculteurs que vous avez rencontrés vous ont dit. Mais tout d'abord, il y a ce tweet, Franck Riester, du Président Emmanuel Macron, qui nous dit : "grâce aux réformes et à notre stratégie d'attractivité, la France attire toujours plus d'investissements internationaux". Est-ce à dire que, malgré la période d'inquiétude des Français - on les entend tous les jours -, malgré l'incertitude sur la scène internationale, notre France reste attractive ?

R - Oui, tout à fait. Malgré les difficultés, malgré l'instabilité économique, géopolitique, la France, une nouvelle fois, consolide son attractivité, une nouvelle fois est en tête, sur la première place du podium du nombre d'investissements étrangers sur son sol en Europe. Et ça, ce n'est pas le fruit du hasard. C'est le fruit d'une politique volontariste en matière de compétitivité et d'attractivité de notre économie. Et cette attractivité, ces investissements étrangers en France, ils sont évidemment au coeur de notre stratégie de ré-industrialisation, partout sur le territoire. On est évidemment très satisfaits de ces résultats, mais on ne se repose pas sur nos lauriers. Vous avez vu qu'ont été annoncés deux projets de loi : un sur la simplification des normes, des démarches administratives, pour plus d'attractivité ; et puis aussi la deuxième partie de la loi "industrie verte", pour accélérer notamment un certain nombre de démarches, pour faciliter l'implantation de nouvelles entreprises et pour accélérer la décarbonation de notre économie.

Q - Mais comment est-ce que vous expliquez, Franck Riester, que la marque France séduise encore malgré notre niveau qui, quand même, reste très élevé en matière de prélèvements ?

R - Oui, mais il y a eu des efforts de faits. Il y a eu la baisse, par exemple, de l'impôt sur les sociétés, qui est passé de 33% en 2017 à 25% en 2022 ; il y a eu la baisse des impôts de production. Et vous savez, les investisseurs regardent les choses d'une façon rationnelle. Ils ne sont pas dans la "mousse" politique ou politicienne. Ils regardent les chiffres, ils regardent les conditions de développement de leurs entreprises. Et aujourd'hui, la France, en Europe, est le pays qui réunit le plus de conditions positives de développement des entreprises. La fiscalité est plus adaptée à ce qu'elle est dans d'autres pays, nous avons toujours cette politique ambitieuse en matière de recherche, en matière d'innovation, avec le crédit d'impôt recherche notamment, et avec tout ce qui est fait pour favoriser l'accès aux talents dans notre pays. Il y a aussi la stratégie France 2030, portée par le Président de la République, qui vise à accompagner les secteurs économiques d'avenir - en matière d'intelligence artificielle, en matière de décarbonation, en matière d'énergies renouvelables, en matière de nouveaux modes de transport, en matière bien évidemment aussi de puces électroniques -, qui vient inciter les investisseurs internationaux à choisir la France plutôt que d'autres pays européens, parce qu'ils n'ont pas les mêmes conditions de développement de leurs affaires.

Q - Vous parlez de France 2030. Il y a eu cette annonce du Qatar, qui veut - ou qui va - investir 10 milliards d'ici 2030. Vous avez parlé vous-même d'ailleurs de "secteurs d'avenir", concernant le Qatar. De quoi s'agit-il, pour qu'on comprenne bien, sur le principe ? Est-ce que ce sont des implants d'usines de production ? Ou alors ce sont des injections de fonds dans le capital de nos entreprises, dans les tours de table ?

R - Exactement. Ça va se traduire de différentes façons : ça va se traduire par des investissements directs dans des entreprises ; ça va s'intégrer dans des prises de participation - notamment de start-ups - ; et ça va aussi s'intégrer dans des moyens mis dans des fonds, par exemple qui sont gérés par BPI, ou par d'autres fonds français - je pense par exemple à Ardian -, pour investir ensuite dans des PME, des start-ups, ou dans des fleurons français, pour venir les accompagner dans leur développement.

Q - Sans que cela porte atteinte à notre souveraineté, Franck Riester ?

R - Non, au contraire. C'est parce qu'il y aura plus d'investisseurs étrangers en France, bien sûr en contrôlant, en filtrant un certain nombre d'investissements, pour ne pas que cela vienne au détriment d'un certain nombre de brevets ou d'un certain nombre d'innovations, pour ne pas qu'on puisse être spoliés de ces innovations ; mais au contraire, s'il y a des investissements étrangers, c'est autant d'argent en plus pour accompagner nos entreprises dans les investissements qu'elles ont à faire pour l'avenir.

Q - Nous entendons le brouhaha autour de vous, vous êtes au coeur du salon de l'agriculture. Qu'est-ce qu'ils vous ont dit, les agriculteurs que vous avez rencontrés dans les travées du salon ? Ils sont inquiets, quand même...

R - Oui, bien sûr, mais ils m'ont dit, contrairement à ce que certains responsables politiques essayent de véhiculer, qui poussent à ce que nous nous refermions sur nos frontières, que nous ne nous déployions pas à l'international, ils ont dit : "l'agriculture française, pour être souveraine, pour assurer la souveraineté alimentaire aujourd'hui et demain, a besoin d'exporter." Deux tiers des calories produites dans le secteur agricole sont exportées. Et nous avons besoin de garder cette dimension exportatrice, et même de l'amplifier. Pour autant, nous devons en parallèle veiller à ce que la concurrence, sur les marchés européens et dans le monde, soit une concurrence loyale. Et c'est tout ce sur quoi nous travaillons avec les représentants agricoles, sur les mesures miroirs, c'est-à-dire de demander aux producteurs agricoles ou agroalimentaires dans d'autres pays, à l'extérieur de l'Union européenne, de respecter les mêmes normes et les mêmes normes de production que ce que nous imposons à nos agriculteurs en France.

Q - C'est le problème qui est posé avec notamment les importations de Nouvelle-Zélande. La France ne signera pas - enfin, je ne sais pas, c'est une question en fait, au passage - le Mercosur, ce marché de libre-échange avec l'Amérique du Sud ? Cela reste toujours une annonce qui est fiable, aujourd'hui, Franck Riester ?

R - Oui tout à fait, parce que les accords de libre-échange, les accords commerciaux, ne sont pas à rejeter ou à soutenir par idéologie. Il faut regarder au cas par cas, est-ce que c'est un bon accord ou un mauvais accord.

Q - Ce qui vaut pour le CETA avec le Canada, cela ne vaut pas pour le Mercosur, c'est ce que vous nous dites ?

R - Exactement. Le Mercosur tel qu'il est aujourd'hui est un mauvais accord, donc on ne va pas le soutenir, on ne va pas le signer. En revanche, le CETA, on voit, puisqu'il est mis en oeuvre d'une façon provisoire depuis maintenant six ans, que c'est un bon accord pour notre économie, et bon accord spécifiquement pour l'agriculture et l'agroalimentaire. Sachez que l'accord CETA entre l'Union européenne et le Canada a permis en six ans d'augmenter de 33% les exportations vers le Canada, des exportations françaises vers le Canada. Et si on prend l'agriculture, par exemple, l'excédent de la balance commerciale, c'est-à-dire la différence entre les exportations et les importations, est très largement en augmentation : on a augmenté notre excédent d'exportation vers le Canada de presque 400 millions d'euros en six ans, avec des secteurs un peu traditionnels comme les vins et spiritueux, mais aussi des nouveaux secteurs, comme par exemple les produits laitiers et notamment le fromage. Les exportations de fromage français ont augmenté de 60% en six ans, grâce à l'accord de libre-échange. Donc de grâce, ne faisons pas d'idéologie sur les accords commerciaux. Regardons au cas par cas, est-ce qu'ils sont bénéfiques ou pas pour nos filières, et notamment bien sûr pour nos filières les plus sensibles, je pense aux bovins, à l'élevage ; et là sur le Canada, on a augmenté nos exportations quand le Canada a quasiment maintenu ses exportations à un très faible niveau. C'est aussi bénéfique pour la filière bovine, cet accord CETA, et donc j'espère que les sénateurs, qui seront appelés à voter sur la ratification de cet accord CETA, le 21 mars prochain au Sénat, feront le choix de la responsabilité et de choisir les agriculteurs plutôt que l'idéologie, en soutenant cet accord de libre-échange avec le Canada, qui est un bon accord.

Q - Le message est lancé. Merci à vous, Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger, d'avoir répondu à nos questions en direct du salon de l'agriculture.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 mars 2024