Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour. Bonjour à toutes et à tous, merci d'être avec nous. Nous sommes ici sur le stand de la Coopération agricole au Salon de l'agriculture avec notre invité ce matin. Parlons vrai avec Agnès PANNIER-RUNACHER, qui est ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous parler de l'Ukraine, tout à l'heure et des dernières déclarations de Vladimir POUTINE qui menacent. Mais tout de suite, l'actualité agricole, la Coordination rurale, qui manifeste au pied de l'Arc de Triomphe avec des arrestations, est-il temps d'en finir avec ces manifestations ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que tout le monde doit respecter la loi et une manifestation qui n'est pas déclarée est donc une manifestation illégale. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas écouter la colère des agriculteurs, c'est ce que nous faisons depuis deux mois, c'est ce que nous faisons en prenant des mesures très concrètes, des mesures d'urgence. Aujourd'hui, l'argent descend dans les cours de ferme, des mesures pour simplifier la vie des agriculteurs. Nous avons pris plus d'une soixantaine de textes, arrêtés, décrets. Nous sommes encore en train de travailler et de mesures pour bâtir l'agriculture de 2030 et 2050 dans un contexte, il faut le dire, de dérèglement climatique qui frappe massivement les agriculteurs et de désorganisation géopolitique. N'oublions pas que POUTINE, c'est aussi le monsieur qui désorganise les marchés de l'agriculture.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Agnès PANNIER-RUNACHER, je vais revenir sur les mesures prises, sur celles qui ne sont pas encore appliquées, mais je voudrais revenir sur l'actualité. L'actualité en ce moment : " Comparer la Coordination rurale au Rassemblement national, c'est à vomir ", disent les responsables de la Coordination rurale. C'est vous, c'est votre Gouvernement qui a fait cette comparaison.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je vais vous dire, que je discute avec tout le monde. Tous les syndicats sont à notre table et nous parlons avec eux. En revanche, on ne va quand même pas se mentir, le Rassemblement national instrumentalise les colères des agriculteurs, il pose avec un certain nombre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, instrumentalise la Coordination rurale ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils instrumentalisent la colère des agriculteurs et ils instrumentalisent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la Coordination rurale ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, ils posent plus avec les représentants de la Coordination rurale qu'ils ne posent avec d'autres syndicats. Mais à la limite, le problème n'est pas là. Le problème, c'est comment certains agissent comme nous pour trouver des solutions pour les agriculteurs dans un contexte difficile et d'autres surfent sur les difficultés et instrumentalisent la colère des agriculteurs sans faire aucune proposition.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous leur demandez aujourd'hui… ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ou en enchaînant des propositions contradictoires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous leur demandez aujourd'hui de cesser ces manifestations ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, ce que je demande aujourd'hui, c'est que l'on puisse travailler, travailler avec les syndicats, travailler avec les interprofessions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, arrêter de manifester, maintenant, le temps de la manifestation est terminé ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
La manifestation, c'est un droit constitutionnel. Je ne demanderai à jamais, jamais à personne d'arrêter de manifester s'ils pensent légitime de manifester. Manifester dans un cadre violent ou manifester dans un cadre illégal, c'est illégal. La loi s'applique à tout le monde, c'est assez simple. Mais surtout, ce qui est important, c'est ce qu'on fait pour les agriculteurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, tu casses, tu répare, tu casses, tu paies ? Pour les agriculteurs aussi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tu respectes la loi et c'est valable pour tout le monde, pour moi comme pour tout le monde. En revanche, manifester est un droit constitutionnel et ça, je pense que personne n'en disconvient. Il faut rester à portée d'engueulade des agriculteurs parce que c'est comme ça qu'on avance et c'est comme ça que nous avançons aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et s'il y a manifestation interdite, donc non déclarée, il y a arrestation, s'il y trouble à l'ordre public ? Que les choses se soient claires.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dirais plutôt que s'il y a trouble à l'ordre public, effectivement, les forces de l'ordre font leur travail. Et moi, je veux remercier les forces de l'ordre qui font très bien leur travail, qui ne s'amusent pas à mettre de l'huile sur le feu qu'ils font dignement et en essayant de faire en sorte que tout se passe bien. Ils ont beaucoup de respect pour les agriculteurs et on essaie de faire les choses le mieux possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Agnès PANNIER-RUNACHER, regardons tout ce que vous avez proposé aux agriculteurs, tout ce que vous avez avancé pour essayer de répondre à leurs revendications. Les prix plancher, moi, j'aimerais comprendre les prix plancher parce que personne n'y comprend rien. Ils sont fondés sur quoi ? Sur des indicateurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les prix plancher, ce n'est jamais que là, l'étape ultime de la mise en oeuvre des lois qui sont issues des états généraux de l'alimentation. Je me permets ce retour en arrière parce que les états généraux de l'alimentation, c'était toute la profession agricole autour de la table pour faire en sorte de trouver une correcte rémunération pour les agriculteurs. Deux lois ont été passées. Ces lois ont permis des avancées importantes. Il faut le dire, des contrats tripartites qui aujourd'hui fonctionnent, des volumes contractualisés notamment dans la filière lait. Ça, c'est très bien, ça a permis de sauver des milliers d'exploitations, ça ne va pas… Je vais aller jusqu'au bout, ça ne va pas assez loin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Après, je vous prendrai un exemple sur la filière lait.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Cela ne va pas assez loin, c'est-à-dire que les agriculteurs sont dans un rapport de force avec les transformateurs et la grande distribution qui restent défavorables. Et c'est pour ça que nous allons un cran plus loin pour faire en sorte d'avoir une marche en avant de la construction des prix effectivement fondée sur les indicateurs de référence de la profession. Ce n'est pas l'Etat qui va déterminer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, prix plancher, c'est la profession qui va fixer un prix plancher ? Si j'ai bien compris.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est la profession, qui définit des indicateurs de référence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, un kilo de viande bovine, mille litres de lait, on aura un prix plancher ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce qui existe aujourd'hui. Vous avez des indicateurs de référence dans chaque profession et qui tiennent compte des spécificités géographiques. Les rendements ne sont pas les mêmes dans la Beauce et dans le sud de la France. Et sur cette base-là, on construit le prix, ça aussi, c'est prévu dans la loi, mais ce n'est pas suffisamment ferme. Nous devons affermir cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, en vingt ans, je voulais prendre un exemple sur une brique de lait, en vingt ans sur une brique de lait, les éleveurs ont perdu 4%, l'industrie agroalimentaire a gagné plus de 60% et la grande distribution plus de 180%. Ça ne marche pas. Le système ne marche pas. C'est pour ça que vous voulez le changer, ce système ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce système, le système que nous voulons, c'est de rééquilibrer le rapport de force en faveur des agriculteurs. Nous sommes dans un monde où la grande distribution est animée par des grands groupes. Ils sont puissants, ils ont un rapport de force dans la négociation très puissant. Les industriels sont plus éclatés. Il y a des PME qui souffrent en ce moment dans leurs négociations avec la grande distribution. Il y a des entreprises de taille intermédiaire. Elles doivent investir si on veut pouvoir avoir un outil de transformation des produits agricoles qui fonctionne et on a des agriculteurs qui doivent aussi se coordonner. C'est grâce à nous qu'il y a des organisations professionnelles aujourd'hui qui sont plus fortes pour négocier mais encore une fois, c'est une question d'équilibre du rapport de force.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris. Mais les lois EGALIM n'encadrent pas les ventes aux grossistes, aux supermarchés, les ventes aux restaurateurs par exemple, les ventes aux cantines.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les lois EGALIM, elles parlent des cantines et elles en parlent avec une ambition d'ailleurs sur les cantines qui est très importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais revenir d'ailleurs sur les cantines, j'ai une proposition à vous faire …
AGNES PANNIER-RUNACHER
La restauration collective aujourd'hui, qu'elle soit d'ailleurs publique ou privée parce que ça s'applique désormais depuis le 1er janvier au privé, doit pouvoir offrir 20% de produits bio et 50% de produits durables et en circuit court.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la règle et ce n'est pas toujours appliqué, vous le savez bien.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait mais justement, tout le monde ne le fait pas, mais tout le monde a progressé et moi j'ai demandé, j'ai signé avec Marc FESNEAU un courrier à l'ensemble des présidents de régions, des présidents de départements, des associations d'élus, pour leur demander d'abord de communiquer leurs chiffres parce que vous savez que c'est obligatoire de communiquer sur ces chiffres sur une plateforme, on partage toutes les bonnes pratiques qui s'appellent " macantine.gouv.fr ". Aujourd'hui, il y a encore trop peu de collectivités locales qui partagent ces chiffres, mais surtout pour partager les bonnes pratiques. Comment se fait-il que certaines communes, parfois dans le monde rural, qui n'ont pas beaucoup de moyens, y arrivent et que d'autres n'y arrivent pas? Eh bien, c'est un travail d'arriver assez à ces objectifs. Il faut des chefs, il faut des recettes, il faut des compétences, il faut savoir bien utiliser le code des marchés publics et c'est sur cela que nous allons travailler dans une conférence des solutions qui aura lieu début avril avec l'ensemble des parties prenantes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais revenir sur la loi EGALIM, mais puisque nous sommes sur les cantines, je voudrais vous suggérer une idée. C'est Carole DELGA qui l'a lancée sur l'antenne de Sud Radio avec moi, c'était mercredi matin. Elle posait la question et c'est une bonne question, me semble-t-il. Pourquoi les départements et les régions ne sont-ils pas responsables et gestionnaires des cantines, des collèges et des lycées?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je vais vous répondre. Les départements et les régions travaillent de manière très étroite et souvent en autorité fonctionnelle sur ces gestionnaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'Education nationale qui gère les stocks et pilote les achats ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas vrai partout. Ce n'est pas comme ça que ça se passe …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas vrai partout ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est juridiquement vrai …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi confier … ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, c'est juridiquement vrai. Ce n'est comme ça que ça se passe sur le terrain. Je vais vous dire, le Gouvernement …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous êtes prêts à aller jusque-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le Gouvernement est très ouvert à regarder ce point mais ne nous cachons pas …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ne savez ce qu'a dit le Premier ministre à Carole DELGA? Il a dit : Oui, c'est une très bonne idée et je vais y travailler.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ça que je vous dis, que le Gouvernement est ouvert à regarder ce point mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, ce n'est pas ça l'alpha et l'oméga du sujet. Moi, on me parle Code des marchés publics, je peux vous répondre : on a un guide qui dit comment, avec un code des marchés publics, on sait acheter en proximité. Pourquoi l'économat des armées arrive à offrir 100% de viande française aux armées ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi pas …
AGNES PANNIER-RUNACHER
…ils ont le code des marchés publics.
JEAN-JACQUES BOURDIN
…dans des collèges et des lycées, pourquoi est-ce on n'y arrive pas parce que c'est géré par l'Education nationale ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas géré par l'Education nationale. Je rappelle que ce sont les régions et les départements qui font les achats. Donc ne racontons pas n'importe quoi. Nous pouvons progresser certainement sur ce sujet-là, mais c'est certainement …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas ce que dit la loi …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah si, si …
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Education nationale gère les stocks et pilote les achats …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, vous allez, je vous prends l'exemple de l'Essonne ; l'Essonne a organisé les achats de manière centralisée et aujourd'hui affiche des résultats en EGALIM qui sont très positifs. Donc attention à ne pas trouver un point anecdotique pour avancer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas anecdotique, 220 millions de repas, 220 millions de repas dans les lycées !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas parce que vous changez la responsabilité ou le rattachement juridique du gars qui s'occupe des stocks, que vous changez la nature des achats. Pourquoi certains réussissent aujourd'hui et d'autres pas? Moi, c'est la question que je pose et ce que je veux faire, c'est aller plus loin en allant vraiment sur les sujets, j'ai réuni l'ensemble de la restauration collective pas plus tard que lundi, j'avais les représentants d'une association. Il y a 44 régions et départements. Eux, ils y arrivent. D'autres n'y arrivent pas. Cela veut bien dire que ce sujet est sans doute utile, mais certainement pas transformateur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre question : pourquoi êtes-vous impuissante face à l'administration? Vous savez pourquoi je vous pose cette question ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Dites-moi !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous rappelez les fossés qu'il fallait curer, vous vous rappelez dans le Pas de Calais par exemple, il y a eu des inondations. En cause souvent des fossés qui n'étaient pas curés ; c'est ce qu'a dit le président de la République lui-même.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il a dit : cela va être fait dans les huit ou dix jours qui viennent et on en est nulle part parce que l'administration …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah non, Monsieur BOURDIN, on ne peut pas dire ça !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors où on en est ? Dites-moi !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, 1) on a passé le texte qui permet effectivement d'accélérer les …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez passé le texte qui permet d'accélérer, donc ce serait efficace quand ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est efficace maintenant !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Efficient, ça y est ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais dans le Pas de Calais la semaine prochaine, je vais faire le point très précisément sur le curage des fossés parce qu'on dit beaucoup de choses et on mélange beaucoup de choses. Un fossé, vous n'avez pas besoin d'autorisation pour le curer ; un cours d'eau, vous avez besoin d'une autorisation et on mélange un peu tout. Et moi je regrette parfois qu'il y ait des amalgames mais ce qui est sûr, c'est que le Gouvernement est au travail. Il a pris les textes, les préfets sont en train de faire tout le travail de recensement des projets et il y a des sujets qui sont efficaces pour vider l'eau et je connais bien, vous savez, moi j'habite Lens …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, je sais !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis sur le terrain très régulièrement. Les watringues, c'est un sujet qui dépend des établissements publics intercommunaux, autrement dit des collectivités locales. Elles ont la responsabilité depuis 2018 et c'est aussi un sujet de budget et de financement. Donc nous devons avancer collectivement plutôt que de nous renvoyer la responsabilité. Ce qu'attendent les agriculteurs, c'est qu'on puisse évacuer l'eau et nous allons le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, je regarde les mesures que vous avez annoncées depuis le début de cette crise : pas de hausse de la taxe sur le GNR, indemnité pour les éleveurs …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Plus que ça. Sur la taxe du GNR, non seulement il n'y a pas de hausse, mais il y a une restitution d'un avantage supplémentaire et il y a la possibilité d'obtenir de la trésorerie en avance. Et moi je dis aux agriculteurs qui nous écoutent qu'il suffit qu'ils demandent l'avance de trésorerie. Il n'y a pas de critères, c'est automatique, c'est de l'argent qui descend immédiat dans les …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout de suite
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout de suite. C'est en ce moment qu'on paye.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, en ce moment, le versement des aides de la PAC avant mi-mars, même chose ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
15 mars pour les aides principales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien mise en pause du plan Ecophyto, le fameux plan Ecophyto.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors non, ce n'est pas une mise en pause, il faut être précis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avons déplacé d'une semaine la réunion qui permet de faire le point sur le plan Ecophyto. Ce que nous allons faire, c'est répondre à la question des agriculteurs qui disent pourquoi la France a un indicateur que personne d'autre n'utilise en Europe et qui, du coup, donne le sentiment qu'on n'avance pas alors qu'il y a un indicateur européen obligatoire qui tient compte de la nocivité des produits, ce que ne fait pas l'indicateur français. Donc nous allons prendre l'indicateur européen qui tient compte de la nocivité des produits mais nous allons continuer à travailler, à baisser les émissions, baisser l'utilisation des phytos. Pourquoi? Parce que c'est une question de santé pour les agriculteurs. Je rappelle que ces produits peuvent être cancérigènes, peuvent créer des maladies de Parkinson, on le sait, et c'est pour cela que nous les diminuons et nous les classons par classe de nocivité. Et ils peuvent être dangereux pour les Français lorsqu'ils s'infiltrent dans les nappes phréatiques et pour la biodiversité évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'avais envie de vous poser une question : est-ce que la grande distribution manque de patriotisme ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors je vais vous répondre que ça dépend…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça dépend … Oui, c'est comme le fût du canon.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord …
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais très précisément …
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire " ça dépend " ? C'est-à-dire que certains manquent de patriotisme et pas d'autres ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dirais qu'il y a cinq ans, moi j'étais en charge de la consommation. Il y a cinq ans, l'achat français, la production française était beaucoup moins mise en avant dans les enseignes de grande distribution. Il y a eu un réel progrès par rapport à ça. Maintenant, il y a des tricheurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des tricheurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr il y a des tricheurs et il faut les sanctionner.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous les connaissez ces tricheurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On les connaît, on les sanctionne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous les avez recensés les tricheurs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais, Jean-Jacques BOURDIN, on les sanctionne, systématiquement, ils payent des amendes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de sanctions ? où est-ce qu'on en est de ces sanctions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Plus de 330, aujourd'hui, PV, qui sanctionnent des distributeurs. Il y a des avertissements, il y a des…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels distributeurs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tous les distributeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tous ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tous les distributeurs, après il y a des degrés, je dirais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont tous des tricheurs donc !
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, vous avez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisqu'ils sont tous sanctionnés, ce sont tous des tricheurs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Laissez-moi peut-être développer mon propos.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, allez-y, allez-y.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous en avez qui sont négligents dans l'étiquetage, je vous donne un exemple, l'étiquetage n'a pas été mis à jour. Deuxième exemple, vous avez un panneau " viande française " sur l'étal de la viande, 80% de l'étal c'est de la viande française, et vous avez un endroit où il y a des barquettes belges et un endroit où vous avez des barquettes néozélandaises, ça ce n'est pas correct, mais l'étiquetage est correctement fait sur la barquette. Et vous avez des tricheurs, les tricheurs c'est quand vous avez " viande bovine " sur le devant de la barquette, vous retournez, c'est de la viande néozélandaise, ou c'est de la viande belge, ça c'est inacceptable, il y a des sanctions, elles sont financières, et systématiquement nous taperons au portefeuille. Et puis il y a quelque chose qui est plus grave, plus impactant, c'est lorsque la distribution monte des centrales européennes pour échapper au droit français et à la loi Egalim.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qu'allez-vous faire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien moi, vous savez, j'ai déjà prononcé une amende de 117 millions à l'encontre de LECLERC, EURELEC, pour ne pas citer la centrale européenne. Pendant trois ans et demi cette enseigne a fait feu de tout bois pour empêcher le juge français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça ne va pas les empêcher de continuer.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien je pense que si, je pense que nous allons durcir le ton et je pense que nous allons continuer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment, durcir le ton, c'est-à-dire, doubler les amendes, tripler les amendes, je ne sais pas moi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, nous renforçons les amendes, et surtout, et c'est un des enjeux de la loi Egalim, c'est de faire en sorte que nous n'ayons pas à devoir juger pendant trois ans et demi pour savoir si c'est le juge français qui est compétent, ou un autre juge.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous demandez à la grande distribution, ce matin, de fermer ces centrales d'achat qui sont à l'étranger ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je demande à la grande distribution de considérer que dès lors que la production est en France, la transformation est en France, et l'achat est en France, ce soit la loi française qui s'applique, et donc pas les centrales d'achat européennes, mais les centrales d'achat françaises, ou alors, que la centrale d'achat européenne applique le droit français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La loi Egalim, il y a aura un nouveau texte, quand, avant l'été ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
La loi Egalim nous avons confié…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un nouveau projet de loi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Effectivement, confié une mission à deux parlementaires pour nous faire des propositions, sur cette base nous présenterons un texte en Conseil des ministres dans le courant de l'été, ça c'est notre objectif, avec l'objectif derrière de le présenter au Parlement pour le faire voter. Et nous travaillons à un Egalim européen, puisque nous étions, avec Marc FESNEAU, la semaine dernière avec Thierry BRETON et avec le commissaire à l'Agriculture européen, nous voulons un Egalim européen, avec deux objectifs, un, une force de contrôle qui soit européenne, parce que ça a plus d'impact et plus de force, deuxièmement, une loi qui sécurise le fait que la loi française puisse s'appliquer en France sur le périmètre des marchandises françaises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord. Je vais terminer, Agnès PANNIER-RUNACHER, sur la situation internationale. Vladimir POUTINE, discours à la nation hier, menace une fois de plus. Que dit-il ? " les forces de l'OTAN se préparent à frapper notre territoire. L'Occident est dépravé, les liens familiaux et les valeurs morales y sont détruits. Nous aussi avons des armes capables d'atteindre des cibles en Occident ", et, et, par exemple, il demande l'arrestation de la Première ministre estonienne. Vladimir POUTINE menace, l'envoi de militaires occidentaux en Ukraine est-elle une nécessité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi je vais vous dire, la Russie c'est une puissance violente, qui tue ses opposants, qui muselle sa population, qui mène une guerre aux portes de l'Europe, il ne faut pas trop se tromper d'enjeu, c'est bien la Russie qui est agresseur et l'Ukraine qui est agressée, qui multiplie les attaques informationnelles et les attaques cyber en Europe, qui se fait menaçante dans l'air et en mer, qui pousse les intérêts et qui combat systématiquement les intérêts européens en Afrique, qui déstabilise les marchés de l'énergie, nous avons réussi à résister, mais ça nous a pris deux ans, et qui déstabilise les marchés agricoles, et on voit aujourd'hui les conséquences sur l'agriculture française, mais sur l'agriculture européenne dans son ensemble parce qu'il n'y a pas que les tracteurs français qui sont de sortie, les Polonais, les Espagnols, les Grecs, les Hollandais, les Allemands, sont également de sortie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont aussi sortis parce qu'on importe des produits ukrainiens, notamment les agriculteurs polonais…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, qu'est-ce qui est l'élément déclencheur de tout ça ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
On importe surtout des poulets, pas des céréales, on n'en importe pas plus qu'avant la guerre, mais on importe plus de poulets, on importe plus d'oeufs.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Qu'est-ce qui est l'élément déclencheur de tout ça ? C'est la guerre en Ukraine et c'est la façon dont Vladimir POUTINE déstabilise les marchés, et aller dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est aussi parce qu'on a ouvert nos frontières.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, allez dire aux céréaliers que ça n'a pas d'impact sur le cours du blé et des céréales aujourd'hui, je pense que vous serez reçu. Donc, il faut nommer l'ennemi, il faut être extrêmement intransigeant par rapport à ces ennemis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous souhaitez la défaite de la Russie, c'est clair.
AGNES PANNIER-RUNACHER
A la différence d'un certain nombre de nos opposants, oui nous souhaitons la défaite de la Russie, parce que c'est une question de protection des Européens, de protection des Français. La guerre qui se mène en Ukraine, nous soutenons les Ukrainiens parce que nous voulons protéger les Français et les Européens, et il faut le dire de manière très claire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce que vous dites de manière très claire. Est-ce que le Président de la République a eu raison, ça a été très commenté, vous l'avez vu, les propos lundi soir, est-ce qu'il a eu raison…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'il a raison d'être lucide.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il a prononcé ces phrases, lundi soir, parce qu'il est le président d'une nation qui possède l'arme nucléaire, est-ce que c'était un discours de dissuasion, autrement dit ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, je ne vais pas parler de dissuasion nucléaire, je suis ministre en charge de l'agriculture, et seuls quelques-uns d'entre nous parlerons de dissuasion nucléaire en son temps. Par contre, je vais vous dire une chose, le Président de la République a raison d'être lucide, le Président de la République a raison de nommer l'ennemi, je rappelle qu'il y a plus de deux ans, deux ans et deux mois, au moment où le Président de la République alertait sur le fait que l'Ukraine risquait d'être envahie par les Russes, Monsieur Jean-Luc MELENCHON, Madame Marine LE PEN, Monsieur Eric ZEMMOUR, raillaient sur les plateaux de télévision en expliquant que c'était proprement impossible. Gouverner, c'est prévoir, c'est anticiper les agressions des autres pays et c'est se préparer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais Emmanuel MACRON disait aussi au début de la guerre en Ukraine, " il faut ménager Vladimir POUTINE ", il l'a dit aussi, pardon.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le président de la République…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il a changé de position, bien sûr.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, il n'a absolument pas changé de position, il a toujours ménagé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a bien dit à ça, il a bien dit ça.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si je peux aller jusqu'au bout ; il a toujours ménagé l'axe diplomatique parce qu'il n'a jamais cherché à mettre de l'huile sur le feu, il a toujours ménagé l'axe diplomatique, contrairement à ce que certains disent. Mais effectivement, moi je veux la défaite de la Russie, pour une bonne et simple raison, c'est que je veux la protection de l'Europe, et ceux, comme le Rassemblement national…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes en danger ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ceux comme le Rassemblement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes en danger ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais jusqu'au bout ; ceux comme le Rassemblement national, qui appellent à une conférence de paix, veulent la victoire de la Russie, je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure chose pour les Européens et pour les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes en danger ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous sommes vigilants et nous avons les yeux grands ouverts, à la différence de certains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER d'être venue nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2024