Interview de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, à RTL le 7 mars 2024, sur le thème "la France est-elle un pays de sport ? " à l'occasion des Jeux Olympiques 2024.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Table ronde ce matin sur cette question : la France est-elle un pays de sport ? Question qui se pose à cinq mois des Jeux olympiques, alors que certains de nos plus grands athlètes émettent des doutes sur le sujet. Alors j'attends vos questions au 01.45.24.7000, et sur l'application de France Inter. Nos invités ici en studio, pour en parler sont : Amélie OUDEA-CASTERA, ministre des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques de France. Bonjour Madame la Ministre.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue à ce micro. Guillaume DIETSCH, professeur de STAPS, agrégé d'EPS, auteur de « Une histoire politique de l'EPS du XIXe siècle à nos jours » et de « Des jeunes et le sport, penser la société de demain », tous les deux chez de Boeck Supérieur. Et enfin Natalie IANNETTA, la directrice des sports de Radio France, productrice de l'émission « L'Esprit Sport », le dimanche sur France Inter.
Soyez les bienvenus, merci d'être au micro d'Inter. Alors que les JO, l'événement sportif le plus attendu et le plus suivis dans le monde, 3 milliards de téléspectateurs, arrive à grand pas, est-ce que vous l'entendez, cette petite musique, ce JO bashing, comme on dirait en français, ce fond de l'air râleur, moqueur, qui dit que les Français ne sont pas débordants d'enthousiasme à l'approche des Jeux.
Madame la Ministre, vous répondez quoi à cette musique ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Moi je pense qu'on a un intérêt qui est énorme pour ces jeux, à la fois de la part des médias mais aussi du grand public. On sent qu'il y a beaucoup d'attentes, et ça, j'ai envie de dire, c'est à nous, collectivement, d'y répondre et de faire en sorte que cette exigence qu'on a tous, parce qu'on veut que ce soit des grands jeux, qu'on soit au rendez-vous. Donc pour ça, on bosse, on bosse dur. Moi, ce qui me gêne, c'est quand il y a des inexactitudes, quand il y a des fausses polémiques. Je pense qu'on a suffisamment de travail pour justement se concentrer sur l'important qui est à délivrer. Et puis, à mesure que les choses vont devenir plus concrètes, l'intérêt que j'évoquais, il va se transformer en engouement, c'est certain. Et je pense que quand la flamme va arriver sur notre territoire, le 8 mai à Marseille, il y aura une passion qui va s'exprimer. Pour l'instant, on n'a pas encore les billets en main. On ne sait pas encore tous les athlètes qui seront là, les délégations tricolores, et on est plutôt sur un moment un peu exigeant où on explique à la population les impacts sur le quotidien. Donc moi je peux comprendre qu'il y ait un peu ce climat, mais en même temps il faut le combattre, en apportant des réponses concrètes et en se réjouissant de cette perspective.

LEA SALAME
Alors, c'est Yannick NOAH, le capitaine de l'équipe de France de tennis fauteuil, qui a poussé un cri du cœur : « Il faut qu'on arrête de râler. On va recevoir le monde entier chez nous. On devrait tous être en train de hurler de joie, même si des fois, il y a un embouteillage qui va nous faire arriver cinq minutes plus tard à la maison. Ça va être beau et beaucoup de gens ne le réalisent pas ». Nathalie IANNETTA, vous êtes d'accord avec Yannick NOAH ? Vous avez aussi l'impression qu'on devrait hurler notre joie ?

(…)

LEA SALAME
Il y a quand même une question, Amélie OUDEA-CASTERA, c'est la cérémonie d'ouverture. Il y a 2 ans, on parlait d'une grande cérémonie populaire, où il y aurait 2 millions de personnes qui viennent gratuitement regarder cette cérémonie d'ouverture, qui je le rappelle, va être regardée par 2 milliards de personnes dans le monde. Ça va être immense. C'est clairement l'événement le plus regardé, plus que la Coupe du monde, les chiffres sont vertigineux. Et finalement, qu'est-ce qu'on apprend cette semaine ? Que la cérémonie d'ouverture est réservée à 300 000 personnes, et pas 2 millions, dont 220 000 auront accès à des billets gratuits, les autres paieront, et ce sera sur invitation de l'Etat des villes hôtes de la région Ile-de-France, de Paris 2024, etc. etc. Ces invitations, ce n'est pas un peu contraire à l'idée de fête populaire ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, je pense qu'au contraire, ce qui est très positif dans le moment qu'on connaît là, c'est qu'on ne renonce à rien de l'ambition. On va avoir une cérémonie exceptionnelle, qui va mettre en valeur notre culture, qui est inédite. Qui va, dans cette ville lumière, créer des émotions hors du commun, sans…

LEA SALAME
Mais pourquoi réduire à 300 000 ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
... en plus, enfin, je veux dire, sans rien céder sur notre volonté en même temps de répondre aux attentes des Français qui sont parfaitement légitimes, en sécurisant le mieux possible cette cérémonie. Donc vous l'avez dit, on aura 104 000 personnes sur les quais bas, on aura un peu plus de 220 000 personnes sur les quais hauts, et avec un système d'invitation qui ne remet en rien en cause la dimension populaire de l'évènement. Parce que les invitations qui vont être adressées par les collectivités, par l'Etat, par le mouvement sportif, par le Comité d'organisation, vont justement viser des publics…

LEA SALAME
Mais comment on fait si on veut y aller ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
... populaires et des publics aussi impactés par les Jeux.

LEA SALAME
Les auditeurs qui nous écoutent ce matin, s'ils veulent aller assister à la cérémonie d'ouverture, qu'est-ce qu'ils doivent faire ? Ils doivent se faire inviter par la mairie de leur... comment on obtient une invitation ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, tout le mode opératoire, il sera donné fin mars. Mais oui, on peut se signaler, et en tout cas, ce qui est important de garder en tête, c'est que ce système là nous permet d'avoir une ambition intacte et d'avoir une sécurisation renforcée. C'est ce que les Français attendaient de nous. On avait dit qu'on avait un certain nombre de variables sur lesquelles on pourrait jouer. C'en est une. Et encore une fois, le but est d'aller chercher toute une série de publics, en Seine-Saint-Denis, en province, en Ile-de-France…

LEA SALAME
Mais sans invitation, on ne peut pas y aller. Que ce soit bien clair.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, il y aura un processus, bien sûr, de validation. Mais encore une fois, quelqu'un qui est passionné, qui a hyper envie d'y aller, il n'y a aucune raison de dire qu'il ne peut pas se signaler à la collectivité locale à laquelle il appartient.

NICOLAS DEMORAND
Alors, au-delà des jeux, et même si c'est lié, on voulait ce matin vous poser la question suivante, relayée par plusieurs athlètes, dont le nageur Florent MANAUDOU, qui disait à l'automne dernier, je vais prendre le temps de le citer précisément : « Je vais me faire des ennemis, mais on n'est pas du tout un pays de sport. Ils ont réduit de 4 à 2 heures les cours d'EPS. On ne peut pas dire qu'on veut être la meilleure Nation, en mettant ces moyens-là. Ce n'est pas possible. On a de très bons talents. Mais si on va dans les pays anglophones, il y a beaucoup plus d'infrastructures. Mon ancien colocataire est parti en Australie pour le même boulot. Il gagne cinq fois plus, alors qu'il entraîne des gens moins talentueux ». Fin de citation. Comment réagissez-vous à ce constat précis de Florent MANAUDOU ? On va commencer avec vous, Guillaume DIETSCH.

(…)

NICOLAS DEMORAND
Amélie OUDEA-CASTERA ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Moi je pense que la situation, elle évolue, et je suis parfaitement d'accord sur le fait qu'on est une Nation de grands sportifs. Je pense qu'on a des champions que le monde entier nous envie, des équipes y compris féminines, qui se sont illustrées absolument magnifiquement, qui font la joie de la Nation. Pas de doute là-dessus. De la même manière qu'on est un pays capable d'organiser des grands événements, on a chaque week-end 700 000 personnes qui vont dans les stades sur les différents sports collectifs, et on est cette Nation de sport co exceptionnelle. Et je pense que l'on est en train de devenir…

LEA SALAME
Ce n'est pas ce que disent les athlètes.

AMELIE OUDEA-CASTERA
... une Nation sportive. Pour la première fois cette année, c'est la grande cause. En 46 ans, le président de la République a décidé de dédier cette année cette grande cause à la promotion de l'activité physique et sportive. Et on a pris surtout toute une série de mesures depuis 2017 pour y arriver. Et un élément de ça, aujourd'hui, on a réussi à avoir 3,5 millions de pratiquants supplémentaires, de sport, pratiquants réguliers, ce qui est un résultat totalement inédit et dont on doit collectivement se réjouir, même si on veut aller plus loin. Et ça, c'est le fruit d'une politique, avec notamment un effort qui est inédit sur les équipements sportifs. Au total, sur l'ensemble des deux quinquennats, on aura investi près de 1 milliard d'euros sur les équipements sportifs. On est en train de faire sortir de terre 5 000 équipements de proximité et on réinvestit dans un plan d'équipement, y compris sur le volet structurant et sur les cours d'école actives. Sport à l'école, la mise en place des 30 minutes d'activités physiques quotidiennes…

LEA SALAME
Pourquoi vous avez baissé…

AMELIE OUDEA-CASTERA
Le développement des 2 heures de sport en plus pour nos collégiens.

LEA SALAME
Non…

AMELIE OUDEA-CASTERA
Le Pass Sport, 100 millions d'euros investis pour démocratiser l'accès au sport.

LEA SALAME
Madame la Ministre, il l'a dit Guillaume DIETSCH...

AMELIE OUDEA-CASTERA
...le développement des maisons sport/santé…

LEA SALAME
Madame la Ministre, juste, pourquoi est-ce que vous avez abaissé, ce que dit Florent MANAUDOU, de 4 à 2 heures le nombre d'heures d'EPS ?

GUILLAUME DIETSCH
Non, ça n'a pas été abaissé.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, ça n'a pas été abaissé…

LEA SALAME
Alors, ce que dit…

AMELIE OUDEA-CASTERA
Et la France est le pays au monde qui investit le plus dans son EPS. On investit 5,9 milliards d'euros pour des professeurs qui sont très bien formés, et qui sont la base, et on le voit, la réussite de très grands sports, c'est aussi parce que c'était des sports de préaux, qui deviennent ensuite des sports de podiums. Le handball étant un formidable exemple, et on a en plus un système très positif, avec des associations sportives où nos professeurs d'EPS s'investissent, ce qui est formidable, et qui crée ce continuum qu'on a maintenant besoin de renforcer avec les clubs.

LEA SALAME
Guillaume DIETSCH, vous pouvez préciser sur Florent MANAUDOU, qui dit qu'il y a une baisse du nombre d'heures ?

(…)

NICOLAS DEMORAND
On passe au standard où nous attend Philippe, j'aimerais lui donner la parole, il nous attend depuis longtemps, Philippe qui est prof d'EPS.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2024