Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Jean-Noël,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver ici à Buc, sur ce site de GE HealthCare qui symbolise parfaitement cette écologie des résultats dont nous avons tant besoin.
Je voudrais d'abord féliciter la direction de GE HealthCare et l'ensemble des salariés, qui me font l'amitié en plus d'être très présents, pour les résultats industriels et climatiques que vous avez réussi à obtenir.
Vous êtes la preuve vivante que climat et croissance peuvent avancer ensemble et qu'on peut à la fois lutter avec efficacité contre le réchauffement climatique et obtenir davantage de contrats, développer sa production et relocaliser sa production industrielle en France. Vous venez d'obtenir la relocalisation de la ligne de production de scanner de Chine en France.
Je veux dire que comme ministre de l'Économie, je ne pensais pas un jour prendre la parole et vous dire que nous relocalisons une activité industrielle de Chine en France ; dans un pays qui, depuis 3 ou 4 décennies, n'a cessé de délocaliser ses activités industrielles, a divisé par deux la part de sa production industrielle dans la richesse nationale.
Réussir à inverser la tendance, à rouvrir des usines, à relocaliser et maintenant faire revenir de la production de Chine en France, c'est un exploit, c'est un exploit que vous devez à votre travail et je voudrais qu'on applaudisse les salariés de GE HealthCare pour ce travail et cette efficacité économique.
Vous avez pris ici nombre de décisions très concrètes. Ce n'est pas des choses lunaires. C'est repeindre son toit en blanc pour qu'au lieu d'avoir 56 degrés l'été, on puisse diminuer de 20 à 25 degrés la chaleur récupérée sur le toit qui ensuite se diffuse dans tout le bâtiment. C'est bâtir des ombrières sur les parkings. C'est travailler sur de la géothermie. C'est travailler sur la gestion technique des bâtiments, les fameux GTB dont simplement 6 % des bâtiments industriels aujourd'hui disposent. Mais c'est tout ce travail là qu'il faut engager pour gagner en efficacité énergétique et, par la même occasion, gagner en efficacité économique.
Nous parviendrons à relever le défi climatique à deux conditions : produire plus et économiser davantage. Produire plus parce qu'en produisant plus près, plus propre, nous gagnons la bataille du climat. Et économiser davantage, c'est ce dont je suis venu vous parler aujourd'hui, parce que la sobriété énergétique, je le rappelle, et l'efficacité énergétique sont le premier pilier de notre stratégie énergétique telle qu'elle a été définie par le président de la République à Belfort il y a deux ans.
Quel est notre objectif en matière de sobriété ? Je pense qu'il est toujours bon, quand on fixe une politique, de dire voilà l'objectif qu'on veut atteindre. Notre objectif, c'est de diminuer de près de moitié d'ici 2050 notre consommation totale d'énergie en France par rapport à 2021. Je dis bien " diminuer de près de moitié ".
Nous consommons aujourd'hui environ 1 600 térawattheures d'énergie en France, tous usages confondus. Je parle de l'industrie, des bâtiments, transport, du logement. Nous devons ramener ce chiffre d'ici 2050 à environ 900 térawattheures. Autant vous dire que c'est un sacré défi. Donc, c'est un défi à la hauteur de la France qui aime bien les défis impossibles, les seuls qui nous intéressent vraiment.
Ce combat est fondamental. Car c'est celui qui garantit la conciliation entre croissance et climat, c'est celui qui nous apporte la preuve que l'on peut à la fois augmenter notre croissance et réduire les émissions de CO2. Produire plus, produire mieux, créer des emplois, garantir la prospérité du peuple français et consommer moins d'énergie et émettre moins de CO2. C'est ça l'objectif formidable qui est devant nous.
Un objectif enthousiasmant qui peut nous rassembler dans une nation qui a tellement tendance à se diviser sur des querelles subalternes et inutiles. Nous avons ici un combat politique essentiel qui peut nous rassembler et je dirais même qui peut nous enthousiasmer. Alors, comment est-ce qu'on peut atteindre cet objectif de division par deux de la consommation d'énergie en France ? Eh bien, tout simplement, en se rassemblant et en apportant des solutions à tout le monde.
Le climat ne doit pas être un problème, il doit être une solution. Le climat ne doit pas être une source d'anxiété, comme il l'est trop souvent, pour les plus jeunes d'entre nous. Il doit être un facteur de mobilisation générale pour qu'on trouve les moyens de réduire les émissions de CO2 et de ne pas subir le changement climatique, mais au contraire d'adapter nos activités aux exigences du climat.
Pour les particuliers, cela passe d'abord par de l'information en bonne et due forme. La campagne qui a été lancée par Agnès Pannier-Runacher " Je baisse, j'éteins, je décale et je lève le pied " avait suscité des sarcasmes invraisemblables, comme toujours en France, quand on arrive avec des idées, avec des solutions. Mais moi, je constate que passer la vague des sarcasmes, du doute, du scepticisme généralisé, les Français et je leur rends hommage, ont réduit leur consommation.
Le peuple français en matière climatique est un peuple responsable. Et nous en avons apporté la preuve en réduisant d'environ 12% la consommation d'électricité et de gaz dans notre pays
Nous étions confrontés à une crise énergétique sans précédent, nous avons su faire face en faisant preuve de sens des responsabilités. Tous, citoyens, ménages, familles, entreprises, industries, nous avons réduit notre consommation d'énergie.
Cette campagne a marché, cette campagne a été efficace. Je rends hommage au travail d'Agnès Pannier-Runacher et de ses équipes et je vous annonce qu'elle sera reconduite, avec Christophe Béchu et Roland Lescure, à l'automne et insistera sur la nécessité, par exemple, de passer à des thermostats pilotables qui coupent le chauffage lorsque vous êtes absents et qui nous apportent une solution en termes de consommation d'énergie.
La sobriété, ce n'est pas une solution d'un hiver, c'est une habitude pour passer le siècle. Et c'est pour cela qu'elle doit être impérativement poursuivie. Pour les ménages, ça passe évidemment aussi par la rénovation des bâtiments. Vous la connaissez toutes et tous, c'est ce qui permet d'éviter la déperdition d'énergie.
Alors on a dit, à la faveur des annonces que j'ai faites comme ministre des Finances de réduction des dépenses publiques de 10 milliards d'euros, regardez, ils ont abandonné la bataille pour le climat, ils ont taillé dans la dépense climatique. C'est totalement faux. Enfin, tout de même, reprenons les chiffres. Nous avons maintenu 3,5 milliards d'euros de crédits sur MaPrimeRénov' et la rénovation thermique et en 2024 le budget de l'ANAH est en augmentation de 800 millions d'euros par rapport à 2023.
Un budget qui augmente, c'est une politique qui est maintenue. Nous maintenons la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous maintenons la politique de rénovation énergétique des bâtiments et nous l'augmentons de 800 millions d'euros d'une année sur l'autre.
Croyez-moi, il y a beaucoup de politiques publiques qui aimeraient qu'on en dise de même. Qu'on va augmenter de 800 millions d'euros d'une année sur l'autre le budget. Alors, tous les oiseaux de mauvais augure, tous les critiques faciles qui nous expliquent que nous aurions renoncé à notre ambition climatique, ont faux sur toute la ligne. Notre ambition est la même.
Les crédits continuent d'augmenter, mais je ne mettrai jamais la France dans le mur financier. Il n'y a aucune austérité sur la politique climatique du Gouvernement. Il y a une ambition, elle est maintenue et elle sera maintenue.
Je rappelle également que, toujours pour les ménages, pour inciter la sobriété énergétique, émettre moins de CO2, nous avons maintenu des bonus sur les véhicules électriques. Un grand pays voisin, dont les comptes publics sont en meilleur état que les nôtres, a supprimé ces bonus sur les véhicules électriques. Nous, nous les avons adaptés et maintenus.
Après les ménages, il faut aider des entreprises. Là encore, nous devons apporter des solutions. Je pense aux contrats de performance énergétique pour réaliser des travaux dont les entreprises ont besoin et en garantir l'efficacité.
Concrètement, comment est-ce que cela passe ? Le prestataire se rémunère directement sur les économies d'énergie réalisées par l'entreprise, ce qui permet d'assurer l'impact et la qualité des travaux.
Je souhaite, sur la proposition qui m'a été faite dans la table ronde, et qui m'a paru particulièrement bonne, qu'on puisse traduire davantage les gains d'efficacité énergétique liés aux contrats de performance énergétique directement en certificats d'économies d'énergie (CEE) de façon à alléger l'investissement nécessaire des entreprises et réduire leur besoin de trésorerie.
Dans un moment où la trésorerie des entreprises souffre parfois, cette idée de traduction des gains d'efficacité énergétique en CEE me paraîtrait bonne. Nous allons donc l'étudier et la mettre en oeuvre.
Autres solutions pour les entreprises : la récupération de chaleur fatale. Il est essentiel d'accélérer sur ce sujet.
La chaleur fatale, c'est quoi ? Ce n'est pas l'histoire du destin des Grecs, la chaleur fatale, j'ai eu du mal à comprendre ce que c'était. C'est la chaleur qui est générée par les procédés industriels et qui très souvent est dilapidée, dispersée, perdue. Donc, il y a quelque chose d'un peu surréaliste à se dire qu'on se donne tant de mal à produire de l'énergie et si peu de mal à récupérer celles que nous produisons déjà. Donc le bon sens qui est souvent de bon conseil, c'est de récupérer cette chaleur émise par les procédés industriels.
Comme ministre des Finances, je n'aime pas jeter l'argent par les fenêtres, comme ministre de l'Économie en charge de l'Énergie, je n'aime pas jeter non plus l'énergie par les fenêtres.
Nous devons donc accélérer les processus de récupération de chaleur fatale qui représente, ce sont les dernières données dont nous disposons, 100 TWh provenant des industries et des datacenters qui sont produits chaque année. 100 TWh de perdus chaque année de chaleur fatale, c'est l'équivalent d'un quart de la consommation électrique de tous nos compatriotes. Il faut impérativement accélérer là-dessus.
Je reprends une autre proposition qui a été faite et qui sera traduite en décision. C'est donner de la visibilité sur 20 ans aux investissements qui sont nécessaires pour la récupération et réutilisation de chaleur fatale, parce qu'évidemment c'est très cher pour l'industrie d'aller récupérer cette électricité ou cette énergie et ensuite de la rediffuser, par exemple, dans un réseau de chaleur d'une ville. Il faut simplement avoir l'assurance que l'investissement ne se fait pas pour 2 ans ou pour 3 ans, mais sur 20 ans ou sur 25 ans.
Je propose donc de travailler sur un mécanisme de garantie, sur la récupération de chaleur fatale pour l'ensemble des industries françaises.
Troisième acteur : les ménages, les entreprises et évidemment l'Etat, qui doit être exemplaire en matière de sobriété énergétique. La sobriété, ça passe, là aussi, pour l'État par la rénovation des bâtiments publics.
Depuis 2019, nous avons mis plus de 3,8 milliards d'euros sur la table pour rénover les bâtiments de l'État.
Cet investissement devrait permettre d'économiser 800 GWh par an, soit la consommation domestique d'une ville de 200 000 habitants. Il m'a été proposé tout à l'heure d'utiliser le tiers financement sur un bâtiment public. Nous utiliserons le tiers financement sur un bâtiment public.
Les services de l'État auront également l'obligation d'acheter des voitures électriques exemplaires du point de vue environnemental. Et quand il n'y aura pas d'autre possibilité que d'acheter des voitures thermiques, les services de l'État ne pourront plus acheter de voitures thermiques dont le poids dépasse 1,4 tonne. Pour une raison qui est simple : moins de poids, cela signifie moins d'énergie, plus de poids, cela signifie plus d'énergie. Réduire le poids des véhicules utilisés par l'État, c'est garantir une économie d'énergie significative.
Alors tous ces dispositifs dont je vous ai parlé, MaPrimeRénov', les rénovations des bâtiments publics, le soutien aux véhicules électriques, mais aussi le taux réduit de TVA, tous ces dispositifs ont un coût considérable. Je le rappelle pour tous ceux qui critiquent les investissements de l'État et disent que ce n'est jamais suffisant en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Nous dépensons, Etat et collectivités, pour la seule rénovation énergétique chaque année plus de 10 milliards d'euros. C'est des sommes considérables. C'est très exactement l'équivalent de ce que j'ai demandé comme économie à l'État il y a quelques semaines.
Nous sommes donc en droit et vous êtes en droit, puisque vous êtes tous contribuables ici, de nous dire : mais ces 10 milliards d'euros, Ça a donné quoi ? C'est quelle efficacité ?
Je mesure à quel point nos compatriotes estiment que l'argent public n'est pas suffisamment bien dépensé. Ils nous demandent des comptes et ils ont raison.
Nous devons rendre des comptes sur l'utilisation de l'argent public et rendre des comptes sur l'efficacité énergétique de l'argent public qui a été dépensé. Ces 10 milliards d'euros doivent se traduire par une baisse réelle et significative des émissions de CO2 et de la consommation d'énergie. Nous devons en avoir, vous devez en avoir pour votre argent.
L'efficacité énergétique et efficacité budgétaire ne sont pas contradictoires. Ils doivent au contraire aller de pair et marcher main dans la main. Mon ministère va donc s'assurer que chaque euro dépensé pour le climat a bien un impact climatique maximal.
Mon ministère va mesurer le rapport entre chaque dépense et la réduction des émissions de CO2 en matière de rénovation, de bonus automobile ou de décarbonation de l'industrie. Le ministère de l'Economie et des Finances, dès l'été prochain, publiera de manière totalement transparente les résultats de cette évaluation pour que les euros des contribuables permettent réellement la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le service statistique du ministère de la Transition écologique de Christophe Béchu est également en train d'évaluer les économies d'énergie liées à la rénovation. Le résultat sera là encore publié cet été.
Vous voyez que nous nous lançons enfin, je dirais, dans la mesure de l'efficacité de nos dispositifs climatiques. Sur la base des résultats, nous évaluerons les dépenses qui sont efficaces et celles qui ne le sont pas pour augmenter les unes et réduire les autres. Je le ferai en particulier pour les certificats d'économie d'énergie qui sont sous mon autorité et représentent 4 à 6 milliards d'euros de dépenses chaque année.
Des aides publiques efficaces dont l'impact est mesuré, dont les résultats sont publiés de manière transparente pour vous toutes et pour vous tous, pour tous nos compatriotes. C'est la garantie d'une transition réussie dans le temps pour les Français, et c'est la garantie aussi d'une transition climatique acceptable par nos compatriotes.
Acceptable, cela veut dire aussi qu'il faut traiter avec encore plus de sévérité un dernier sujet qui a légitimement beaucoup occupé les médias depuis plusieurs mois : la fraude. Nous avons connu une arnaque aux quotas carbone. Une arnaque massive qui a enrichi massivement un certain nombre de personnes qui ont été justement poursuivies et condamnées. Je ne laisserai passer aucune arnaque à la rénovation énergétique.
Il y a déjà des fraudes, et elles concernent, on le sait, au moins plusieurs centaines d'entreprises qui déclarent des travaux pour toucher les aides, donc pour toucher votre argent que vous avez gagné à la sueur de votre front et qui est l'argent des contribuables, mais ces entreprises n'ont jamais fait les travaux. Cela me révolte, cela sera poursuivi avec encore plus de sévérité, cela sera condamné.
Pas un euro de rénovation énergétique ne peut aller à des activités frauduleuses. J'ai donc pris la décision d'augmenter les taux de contrôle de 20% en 2024 et de 30% en 2025.
J'ai également pris la décision de lancer immédiatement 100 000 contrôles de la Direction générale de l'énergie et du climat au titre des CEE. La DGEC enverra des courriers aux ménages pour s'assurer que les déclarations de professionnels correspondent à des travaux réellement effectués dont les particuliers ont réellement bénéficié, et qu'il ne s'agit pas de fausses déclarations avec des travaux qui n'ont jamais été réalisés et qui ont pénalisé financièrement un certain nombre de contribuables et un certain nombre de ménages.
Je ne laisserai passer aucune activité frauduleuse. J'ai également pris la décision de travailler à l'unification et la coordination des contrôles entre la Direction générale de l'énergie et du climat, la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes et Tracfin.
Tous ces services doivent travailler ensemble pour poursuivre sans répit toutes les activités frauduleuses en matière de rénovation des bâtiments. Mes services doivent partager toutes les données dont ils disposent. Ils doivent pouvoir accéder aux comptes bancaires frauduleux, ils doivent pouvoir s'appuyer sur les renseignements dont dispose Tracfin. Je veux que cet accès soit libre entre les différentes directions concernées pour lever tous les freins qui subsistent au repérage des activités frauduleuses, à leur poursuite et à leur condamnation.
Je souhaite également qu'on intervienne très en amont pour stopper le versement de toute aide qui n'a pas été justifiée le temps que le doute soit levé. Parce qu'une fois que l'argent est parti, il est beaucoup plus difficile de le récupérer. Je préfère que le contrôle soit fait le plus en amont possible.
Enfin, je rappelle que dans le projet de loi pour la lutte contre la fraude proposée par le ministre chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, permettra de donner un cadre légal à l'ensemble des dispositions dont je viens de vous parler.
Voilà les messages que je voulais vous transmettre aujourd'hui. Nous avons tout pour réussir. Et nous avons cette qualité particulière, qualité très française, qui est une capacité d'imagination sans limite. La sobriété énergétique, l'efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie d'énergie, c'est propre à la France.
Je me souviens, parce que je suis un très ancien responsable, d'une grande campagne en pleine crise pétrolière, ici vous êtes beaucoup trop jeunes pour vous en souvenir : “en France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées”. Eh bien en France, demain, on aura de l'énergie décarbonée, mais on aura aussi toujours plus d'idées pour réduire la consommation d'énergie et faire preuve de sobriété et d'efficacité.
Ici, chez GE HealthCare, j'ai eu la preuve vivante avec vous toutes et avec vous tous que non seulement c'est possible, mais c'est déjà fait. Il faut juste que votre exemple se diffuse partout sur le territoire français.
Merci à toutes et merci à tous.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 mars 2024