Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'économie du sport et la pratique sportive, à Paris le 13 mars 2024.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Ouverture de la première édition des Rencontres de l'économie du sport

Texte intégral

Madame la ministre, chère Amélie Oudéa-Castéra,
Madame la présidente, chère Sarah Ourahmoune,
Chers amis,


Je suis particulièrement heureux de démarrer ma journée par le sujet du sport. Le sport français, qui est, tu viens de le rappeler, chère Amélie, un fleuron économique national.

Je vais vous parler des enjeux économiques du sport, bien entendu, mais je vous dirai aussi un petit mot un peu plus personnel sur ce que représente le sport pour moi et ce qu'il peut représenter pour la société française.

D'abord l'économie, puisque vous êtes ici au ministère de l'Économie et des Finances. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Je les rappelle juste pour qu'ils soient connus en dehors de cette salle : 128 000 entreprises avec des grands groupes dans l'événementiel, dans l'industrie, dans la distribution, dans les médias, mais aussi beaucoup de très petites entreprises réparties partout sur le territoire. 360 000 associations sportives. 450 000 emplois, avec, j'y suis très attaché, des emplois industriels dans de grandes entreprises comme Millet, Rossignol ou Cycleurope. Au total, 71 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour la seule économie du sport. Et ça, ce sont les chiffres.

Il y a aussi toute la répercussion médiatique du sport à travers la planète. Quand vous circulez à travers la planète, vous retrouvez une envie de France très forte. En France, on aime bien se déprécier. Mais quand je sors de France, on me parle des succès économiques nationaux, on me parle de l'attractivité retrouvée du territoire français, on me parle évidemment de LVMH, de Kering ou de L'Oréal. Mais on me parle aussi et beaucoup de Kylian MBAPPÉ, de Cyprien SARRAZIN ou de Ciryl GANE qui est devenu une star du MMA et que je remercie de sa présence. Vous portez la France à l'étranger, vous représentez le succès de la France à l'étranger. Et ne négligez pas l'importance de ce soft-power, pour parler en bon français, que peut représenter le sport pour notre nation française.

Alors comme on a une bonne base, il faut évidemment la développer, il faut croître et il faut aller plus loin sur la base du premier contrat de filière qui a été signé en 2016 avec l'actuel président de la République et qui a permis de rassembler près de 600 acteurs économiques, publics et privés.

Si je reprends les chiffres que j'ai donnés tout à l'heure je vois qu'il y a 600 entreprises dans le contrat de filière sur 128 000 au total. On doit pouvoir faire beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux. Mais comme on a tous ici l'esprit de compétition, je vous fixerai de nouveaux objectifs en matière d'économie du sport. Vous devez être 10 fois plus nombreux dans cette filière sport.

Je compte pour ça sur Cédric Roussel, délégué ministériel à l'Économie et du Sport, il est à Bercy. Il est auprès de la Direction générale des entreprises. Je compte sur le vice-président exécutif de cette filière sport, Olivier Ginon, qui vient de s'exprimer. Je compte évidemment sur toi, chère Sarah, qui a à la fois la casquette de sportive et la casquette d'entrepreneuse à succès pour booster l'économie du sport en France. Il y a ce nouveau contrat de filière avec une feuille de route pour 2024-2026.

J'aimerais maintenant vous fixer au moins 4 nouveaux objectifs pour 2030.

Vous êtes à 450 000 emplois. Nous devons pouvoir dépasser d'ici 2030 le demi-million.

Vous êtes à 71 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Je vous fixe comme objectif d'atteindre les 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour la filière sport en 2030.

Vous avez des start-up exceptionnelles, Sorare en est un bon exemple. Je veux que vous multipliiez par 3 les levées de fonds de 600 millions d'euros à 1,8 milliard d'euros d'ici 2030, et que nous fassions émerger deux licornes supplémentaires dans le secteur du sport.

Enfin, vous avez fait des efforts exceptionnels en matière d'excellence environnementale. Nous devons viser la neutralité carbone de la filière sport d'ici 2030.

Voilà les quatre objectifs que je propose, chère Amélie, que nous nous fixions collectivement pour la filière sport.

Quand on aime le sport, on aime se dépasser. Eh bien dépassons les résultats économiques qui ont déjà été atteints.

Je vous le disais, je voudrais terminer par des mots un peu plus personnels liés à ma pratique du sport, tu l'as rappelé Amélie, aux rencontres que j'ai faites ce matin, à d'autres rencontres que j'ai faites avant, pour vous dire à quel point il me semble essentiel que la France devienne une vraie grande nation sportive, la plus grande nation sportive au monde.

C'est une nation qui a des sportifs, où il y a beaucoup de Françaises et de Français qui pratiquent le sport. Mais nous devons porter le sport partout, à l'école, au collège, au lycée et plus tard encore la culture du sport, la volonté de pratiquer le sport, en mettant le sport à sa juste place. Le sport, ce n'est pas la dernière ligne dans le bulletin de notes de nos élèves, ce n'est pas une activité accessoire, c'est une activité fondamentale. On ne devrait plus entendre des parents dire : " Bon, c'est super, t'es bon en sport, mais t'es nul en math. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est que tu sois bon en math. Le sport, je m'en fous. " Non, le sport, ça compte.

Le sport, c'est essentiel et nous devons développer la culture du sport en France. Pourquoi ? Parce que le sport, c'est la confiance en soi. Un sportif développe la confiance en soi. Et dans un pays qui doute, le sport est une des réponses qui peut être apportée. Parce que c'est toujours bien de faire des grandes théories sur une nation fière d'elle-même, grande. Très bien. Mais une nation, c'est son peuple. Et son peuple, c'est chaque citoyenne et chaque citoyen. Si chaque citoyenne, chaque citoyen est bien dans ses baskets et a confiance en soi, c'est la nation tout entière qui a confiance en soi. Le sport, c'est le mental. C'est un mental en acier. Je le dis devant Paul-Henri Mathieu, je suis un fan de tennis. J'ai le souvenir de matchs, étant très ancien, je ne vais pas citer des matchs avec Paul-Henri. Mais souvenez-vous d'un match comme Lendl – McEnroe, 1984, Roland Garros. McEnroe, qui est un génie du tennis, qui a un toucher une balle absolument fabuleux. On a l'impression que la balle ne rentre pas dans la raquette et qu'il ne fait que l'effleurer et qu'il la place où il veut. Un volleyeur, comme je n'en ai jamais vu, une espèce de guêpe au filet. Il mène 6 - 3 ; 6 - 2 ; 4 - 2, au troisième set. Il n'a jamais gagné Roland Garros. Ce n'est pas un terrien, c'est un homme des surfaces rapides et il a en face de lui un homme mal aimé, Ivan Lendl, surnommé Ivan le Terrible, avec une physique d'homme de l'Est, particulièrement taillé dans le vif.

On se dit : Ça y'est, McEnroe, enfin, tient son Graal. Il va gagner Roland Garros. Lui, le volleyeur, lui, l'homme des surfaces rapides, il tient enfin sa revanche. Et lui qui est tout fluet, face à Lendl qui est si impressionnant, il va gagner. Et Lendl s'accroche. Et Lendl arrive à placer un passing incroyable de revers à McEnroe. Et McEnroe perd ses nerfs, et McEnroe commence à aller engueuler un photographe qui a pris une photo et le déclic l'a dérangé dans sa concentration. Et Lendl perd pied, puis revient. Et à la fin, Lendl gagne : 7 - 5 au cinquième set contre McEnroe. Il a gagné au mental. Il a gagné parce qu'il avait confiance en lui et c'est un modèle, non seulement pour nous tous, mais pour une nation tout entière.

Le sport, c'est la fierté, la fierté d'avoir gagné, la fierté d'être allé au-delà de ses limites, la fierté de s'être dépassé, la fierté d'avoir compris qu'on portait plus en soi que ce qu'on n'imaginait jamais avoir porté. C'est pour ça que le sport est essentiel. Ça vous fait découvrir que vous portez plus en vous que ce que vous pensiez porter. Et c'est pour ça que c'est essentiel pour une nation. Dans le sport, il n'y a pas de jugement. Il n'y a pas de jugement moral. On gagne ou on perd. Dans le sport, on gagne et parfois on perd. On apprend l'échec. Et dans la Nation française qui ne connaît pas l'échec, qui ne veut pas connaître l'échec, le sport va vous apprendre l'échec et à surmonter l'échec.

Parce que, oui, on peut gagner, mais on peut aussi perdre. On apprend la déception, car il y a dans la vie des déceptions. Il y a une déception quand, à la Coupe du Monde de rugby, on se dit : " On va gagner ! " et non, il y a un accident, ça ne se passe pas exactement comme on voulait. On pensait gagner, on pouvait gagner, on devait gagner et on perd. Il y a une déception quand, à la Coupe du monde de football, on pouvait gagner, on devait gagner, on avait tout pour gagner, mais on perd. Apprendre la déception, apprendre que dans la vie, on gagne et parfois, on perd, c'est justement la vie. Le sport, c'est un engagement de tous les instants. Le sport, c'est apprendre l'effort et la durée de l'effort.

C'est Laure Manaudou, qui disait très justement, immense sportive : " 4 ans d'entraînement pour nager 1 minute et 52 secondes dans un bassin. " Et ne pas savoir si, le jour de cette minute et 52 secondes, après 4 années d'efforts, 4 années à nager des kilomètres chaque jour, le matin dans le froid, dans la piscine, seule avec son entraîneur, ne même pas savoir si le jour de la compétition, on sera au top pour faire 1 minute et 51 secondes, au lieu d'1 minute 52, et savoir que cette seconde peut vous séparer, après une vie d'efforts, du succès ou de l'échec. C'est la vie et c'est le sport. Le sport, c'est des règles. Le sport, c'est de la rigueur. Le sport, c'est un code. Le sport, Ciryl Gane me le disait tout à l'heure, c'est montrer le bon exemple, c'est devenir une bonne personne. Et une nation a besoin de bonnes personnes, de personnes qui donnent l'exemple et qui se disent « on peut être les meilleurs, on peut encore travailler, il y a des règles qui s'imposent à toutes et à tous ».

Le sport est bon pour une nation, parce que le sport repose sur des règles et que le sport construit, cher Ciryl, des bonnes personnes.

Alors comment est-ce qu'on peut faire de la France une grande nation de sport ? Comment est-ce qu'on peut développer cette culture du sport ? Déjà, j'en parlais tout à l'heure, à l'école, en remettant le sport au bon niveau. Le sport n'est pas accessoire, le sport est essentiel. Le sport n'est pas une discipline secondaire, c'est une discipline majeure. Il faut ouvrir des possibilités dans le sport, offrir plusieurs options, ne pas dire : ça va être la même chose pour tout le monde. On doit pouvoir choisir comme on choisit une option de mathématiques, de français ou d'histoire ou de sciences ou de dominante. On doit pouvoir choisir sa dominante aussi dans le sport.

Comment est-ce qu'on peut encore y arriver ? En utilisant les J.O. Il doit y avoir en France un avant et un après les J.O. Il faut que les J.O donnent un coup de “booster” au sport dans la société française. Vous savez, les Jeux Olympiques sont le reflet de la psyché française. Avant, on critique. Pendant, c'est la fête. Et après, nous serons tous fiers. J'en suis certain. C'est toujours comme ça en France. C'est notre psyché. Nous aimons dévaloriser d'abord, faire le meilleur pendant et faire le coq après. Et bien tant mieux, si nous faisons les coqs et si nous sommes fiers de ce que nous avons réalisé pendant les J.O.

Enfin, un tout dernier mot : pourquoi le sport est aussi essentiel pour la nation française ? Parce qu'il fait avancer la société. Regardez la question des discriminations, qui reste si importante dans notre nation. Le sport efface les discriminations. Regardez la question de l'égalité femmes-hommes. Voir le sport féminin progresser de cette manière-là, prendre toute sa place, c'est une façon de faire avancer la grande cause du quinquennat porté par le président de la République, de l'égalité entre les femmes et les hommes. Et regardez le handicap. S'il y a bien une chose qui force l'admiration, c'est l'handisport. Et c'est le fait de voir des personnes qui ont été abîmées par la vie, qui ont connu des accidents, parfois des accidents dramatiques, se redresser par et pour le sport.

Alors, faisons du sport une grande cause nationale, faisons du sport un élément de notre culture, un élément fondamental et pas accessoire. Et que la France soit, au XXI? siècle, la plus grande nation sportive. C'est mon voeu le plus cher.


Merci à toutes et à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 mars 2024