Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l'enseignement supérieur. »
Je vous rappelle que le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky disposera d'un temps de présentation de huit minutes.
Le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque intervention, pour une durée de deux minutes ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répliquer pendant une minute.
Le temps de réponse du Gouvernement à l'issue du débat est limité à cinq minutes.
Le groupe auteur de la demande de débat disposera de cinq minutes pour le conclure.
Dans le débat, la parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Jacques Grosperrin applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 7 février 2018, on débattait, dans cet hémicycle, d'un projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants.
L'ambition affichée à travers ce texte était de réformer fondamentalement l'enseignement supérieur en modifiant notamment les conditions pour y accéder. À cette tribune, la ministre de l'enseignement supérieur de l'époque avait déclaré que le gouvernement auquel elle appartenait souhaitait, par cette réforme, accélérer l'élévation générale du niveau de qualification de notre jeunesse, en augmentant le nombre d'étudiants accueillis dans l'enseignement supérieur et en garantissant à tout bachelier le droit d'y poursuivre ses études.
Le dessein du Gouvernement était de refonder la « méritocratie républicaine » en donnant à chaque « lycéen où qu'il réside dans notre pays – en métropole ou en outre-mer, en milieu urbain ou dans un territoire rural –, les mêmes chances d'aller jusqu'au bout de ses capacités ». Vaste programme !
Dans la pratique, cet accès garanti à l'enseignement supérieur devait résulter de l'offre faite aux lycéens de personnaliser leur parcours d'entrée. La ministre déclarait alors que le principe de personnalisation constituerait un nouvel instrument permettant de rétablir l'égalité des chances au sein de notre enseignement supérieur.
Une plateforme informatique, dénommée Parcoursup, devait faire coïncider les choix libres des lycéens et les offres de l'enseignement supérieur. Elle devait garantir l'équité et la transparence des affectations, tout en autorisant chaque filière à gérer, par un numerus clausus, les candidatures excédant sa capacité d'accueil.
Six ans après la promulgation de la loi, il convient de nous demander si ces objectifs très ambitieux ont été satisfaits. Plus qu'un débat technique sur le fonctionnement de Parcoursup, notre groupe a considéré qu'il serait intéressant d'évaluer collectivement les conséquences globales pour les élèves des réformes conjuguées du lycée et de l'accès à l'enseignement supérieur.
Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, nombreux étaient les sénateurs qui avaient dénoncé l'erreur de méthode consistant à réformer l'accès à l'enseignement supérieur avant de modifier substantiellement les modalités de l'examen en classe de terminale. Depuis lors, les deux ministères n'ont cessé d'ajuster leurs dispositifs pour tenter de leur donner une cohérence qui n'avait pas été pensée à l'origine.
La réforme du baccalauréat et la création de Parcoursup avaient en commun de viser une diminution de l'importance des déterminants sociaux dans les facteurs de réussite des élèves.
Avant d'évaluer la mise en oeuvre de cette plateforme, il faut rappeler que la France est l'un des pays de l'OCDE dans lequel la réussite des élèves dépend le plus de leur condition sociale. Ainsi, les jeunes Français ayant des parents diplômés de l'enseignement supérieur ont quatorze fois plus de chances d'atteindre ce même niveau de diplôme que ceux dont les parents ont un niveau d'éducation moins élevé, contre trois à quatre fois plus en moyenne en Estonie, en Finlande et en Suède.
C'est aussi en France que l'écart entre le taux d'emploi des diplômés de l'enseignement secondaire et celui des diplômés de l'université est le plus important. La situation économique et sociale des individus est fortement déterminée par leur niveau de diplôme, qui est lui-même fortement corrélé à l'origine sociale des parents.
Cette emprise du diplôme sur les parcours économiques est d'autant plus cruciale en France que l'accès des salariés à la formation professionnelle est restreint.
La sélection réalisée au lycée et à l'entrée de l'enseignement supérieur est souvent définitive. Comme le soulignait justement le comité stratégique dirigé par Martin Hirsch, dans son rapport intitulé Diversité sociale et territoriale dans l'enseignement supérieur, remis à la ministre de l'enseignement supérieur le 8 décembre 2020, « le système français, avec ses modalités de sélection-orientation, ne pardonne guère le faux pas […]. Il amplifie, à chaque étape, les écarts et les faiblesses. Il fonctionne sur l'orientation-sélection, peu sur la réorientation. Il est organisé essentiellement par tamis, pas par passerelles. »
Reconnaissons objectivement que Parcoursup n'a pas modifié cette situation.
Les données collectées après six ans d'application de la réforme montrent que la ségrégation globale à l'entrée de l'enseignement supérieur est demeurée la même. Ainsi, la proportion de boursiers accueillis dans l'enseignement supérieur n'a pas augmenté. Concernant l'accès aux formations sélectives, les inégalités sociales restent élevées et se sont même accrues pour les filières universitaires les plus demandées. Dans ces dernières, le numerus clausus a davantage écarté les élèves des familles socialement défavorisées.
Cet accroissement de la ségrégation sociale résulte sans doute des critères retenus par les commissions d'examen des voeux.
La Cour des comptes a établi que 20 % des commissions des filières non sélectives, dites « en tension », utilisent le critère du lycée d'origine des candidats. Elles justifient cette pratique par l'importance du contrôle continu dans l'évaluation des résultats des lycéens après la réforme du baccalauréat. On peut se demander si la sélection à l'entrée de l'enseignement supérieur ne repose pas davantage sur la notoriété des établissements que sur les compétences intrinsèques des candidats.
De la même façon, il convient de s'interroger sur l'incidence du choix des enseignements de spécialité fait par les lycéens. Non seulement les critères des commissions d'examen des voeux ont eu pour conséquence de reconstituer les anciennes séries du lycée, mais les lycéennes sont moins nombreuses qu'avant à accéder aux filières scientifiques de l'enseignement supérieur.
La commission de la culture du Sénat, par la voix de notre collègue Jacques Grosperrin, vous a demandé à plusieurs reprises, madame la ministre, et récemment encore, dans le rapport d'information publié le 28 juin 2023, de prendre en compte un certain nombre de recommandations, comme la suppression du critère du lycée d'origine, un meilleur accès des boursiers à l'enseignement supérieur, une adaptation de la pratique des commissions de sélection à la nouvelle organisation du lycée et la garantie d'une meilleure lisibilité de leurs critères de sélection.
Avec votre collègue ministre de l'éducation nationale, il est grand temps que vous entendiez nos propositions pour remédier à ces problèmes dirimants, contraires aux principes d'équité et d'intelligibilité imposés à Parcoursup par la loi.
Je conclurai cette trop rapide introduction en évoquant la situation des bacheliers professionnels. En 2008, dans cet hémicycle, notre collègue Jacques Grosperrin avait très justement considéré qu'ils seraient les victimes de la réforme si les capacités d'accueil des instituts universitaires de technologie (IUT) et des sections de technicien supérieur (STS) n'étaient pas considérablement augmentées.
La situation actuelle lui a donné raison (M. Jacques Grosperrin approuve.), mais notre collègue ne pouvait pas prévoir que ces bacheliers se détourneraient de Parcoursup pour rejoindre des officines privées dont l'essor est maintenant hors de contrôle.
Nous partageons toujours l'objectif de la réforme d'accélérer l'élévation générale du niveau de qualification de notre jeunesse. À l'occasion de ce débat, il convient de nous demander si cette ambition a été satisfaite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER. – MM. Max Brisson et Jacques Grosperrin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, entre les mois de décembre et de juillet, un élève de terminale compose avec un agenda très chargé. En plus des devoirs de fin de semestre, des épreuves anticipées du baccalauréat et du grand oral, nos lycéens sont confrontés aux échéances de Parcoursup : il y a tout d'abord l'inscription, la création du dossier et la formulation des voeux, puis l'arrivée des réponses, les choix et, enfin, la phase d'admission.
Pour les lycéens, ce parcours du combattant est crucial, mais combien d'entre eux sont capables de mesurer ce qui se joue pendant cette période ?
En décembre dernier, plus de 700 000 familles se sont pressées sur la plateforme pour choisir parmi les 23 000 formations proposées. Selon les chiffres publiés par Parcoursup, 93,5 % des bacheliers ayant émis des voeux ont été destinataires d'au moins une offre d'admission, soit un taux supérieur à celui de l'année passée.
Autre évolution positive, les étudiants cherchant à se réorienter disposent désormais de davantage de propositions.
Pour ce qui est de la phase complémentaire, seuls 148 bacheliers sont restés sans proposition. C'est mieux que l'année précédente, mais toujours beaucoup trop pour les familles concernées, et ce malgré l'accompagnement déterminant des élèves sans solution par des commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES), dont je salue le travail.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, nous considérons que Parcoursup tient son rôle en évitant certains écueils de l'ancien système d'admission post-bac (APB), jugé à l'époque trop déshumanisé et trop complexe.
Cependant, les difficultés que rencontrent certaines familles pour accéder à l'information font que la plateforme reste insatisfaisante.
Le principe républicain d'égalité des chances, un principe fondamental auquel le groupe RDSE est très attaché, n'est-il pas remis en question lorsque 28 % des élèves se déclarent mécontents de leur sort au moment de leur admission dans l'enseignement supérieur ?
N'est-il pas également remis en question par une trop faible représentation de la diversité des territoires au sein des grandes écoles ?
Enfin, ne l'est-il pas lorsque plus des deux tiers des élèves de ces établissements sont issus de familles dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles favorisées (CSP+) ?
Nous savons bien que, si les jeunes issus des milieux défavorisés n'accèdent pas aux grandes écoles, cela s'explique davantage par leur choix d'orientation que par leur niveau scolaire. En outre, plus de la moitié d'entre eux se retrouvent livrés à eux-mêmes lorsqu'ils doivent saisir leurs données dans Parcoursup, contrairement aux élèves des milieux favorisés dont les deux tiers sont épaulés par leurs parents.
Les choix des élèves sur Parcoursup sont façonnés par des phénomènes d'autocensure et limités par le manque d'information sur les formations. Cette situation n'est pas acceptable.
Face à ce constat, je souhaite rappeler les chiffres du sixième rapport annuel du comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) sur l'offre de formation privée.
En 2023, 22 % des cursus de formation présents sur Parcoursup étaient proposés par des établissements privés. Par ailleurs, le développement de l'apprentissage public est allé de pair avec la multiplication des organismes privés, ce qui a profondément redessiné le paysage et la répartition des offres entre le public et le privé.
Il ne s'agit pas, pour le groupe RDSE, d'opposer l'enseignement public à l'enseignement privé, mais de se demander si les informations dont disposent les jeunes au sujet des différentes formations proposées sur Parcoursup leur permettent de faire un choix vraiment éclairé.
Les labels, bien trop nombreux, ne constituent pas une information suffisamment lisible pour les candidats.
La charte de Parcoursup prévoit que, en cas d'illégalité, une formation peut voir son référencement sur la plateforme suspendu. Nous appelons à une véritable effectivité des sanctions.
Madame la ministre, l'inquiétude dans les foyers, l'angoisse et le stress que peut susciter l'orientation, doivent conduire le Gouvernement à mettre en oeuvre des solutions accessibles à tous et compréhensibles par tous, tout en réprimant les fraudeurs et les marchands de rêves.
Par conséquent, l'ensemble du groupe RDSE attend vos réponses sur les questions d'accessibilité, de lisibilité et de régulation de la plateforme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Maryse Carrère, tout d'abord, je vous remercie d'avoir souligné que Parcoursup progressait d'année en année. Cette amélioration continue est confirmée par les usagers.
Bien évidemment, les points d'attention que vous avez évoqués sont d'importance : nous les avons identifiés et nous travaillons dessus.
Pour accompagner les candidats sans solution, nous mobilisons un certain nombre de dispositifs au sein des académies, dans les territoires, et ce depuis 2018. Je rappelle qu'en juillet comme en août, tout lycéen sans solution est contacté personnellement par mail ou par téléphone, afin de se voir proposer un accompagnement. C'est ce qui nous a permis de réduire à 148 le nombre de lycéens sans solution, candidats que nous continuons d'accompagner parce que, comme vous l'avez dit, ils sont encore trop nombreux.
Agir pour l'égalité des chances, c'est aussi être attentif à la diversité sociale et territoriale. Depuis la création de Parcoursup, le taux des lycéens boursiers admis en première année a ainsi progressé de cinq points, passant de 20 % à 25 % – et nous continuons d'agir en ce sens.
La diversité des 23 000 offres de formation proposées sur la plateforme contribue à ce que les candidats les moins mobiles puissent tout de même trouver des solutions. Tel est le sens de la création des campus connectés dans les territoires ruraux, que nous valorisons sur Parcoursup pour développer une offre de proximité. Cela vaut aussi pour les territoires urbains peu favorisés.
Nous valorisons également le parcours des lycéens en cordées de la réussite. Ainsi, 96 % des 325 000 candidats concernés et présents sur Parcoursup ont reçu une proposition ; 88 % d'entre eux l'ont acceptée, soit un pourcentage en forte progression.
Enfin, madame la sénatrice, je ne peux que souscrire à votre demande d'une régulation plus forte de l'offre de formation privée. C'est essentiel pour les familles, car celles-ci se laissent parfois tromper par des offres très alléchantes en apparence, qu'elles soient proposées en dehors de Parcoursup ou sur la plateforme – nous multiplierons les contrôles pour les faire disparaître.
C'est la raison pour laquelle nous proposons un label reposant sur des critères bien définis ; nous nous donnons également les moyens de suspendre le référencement d'une formation sur Parcoursup lorsque les contrôles attestent un comportement non conforme à la charte de la plateforme. Vous pouvez compter sur nous pour poursuivre ce travail.
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ressentir de l'appréhension au moment de choisir son orientation est un sentiment courant qu'ont en commun non seulement les lycéens, mais aussi leurs parents.
Dans cette période, les lycéens doivent prendre des décisions importantes concernant leur avenir académique et professionnel. Les parents, quant à eux, ne sont pas épargnés : ils peuvent ressentir de l'inquiétude et se demander si leur enfant choisira la bonne voie et sera en mesure de réussir ses études et sa carrière.
Avant 2018, le dispositif APB était le système principal pour l'admission dans les universités et les écoles post-bac. Dans le but de rendre le processus d'inscription plus transparent, plus humain et plus équitable, il a été remplacé par Parcoursup. Est-il nécessaire de rappeler qu'en 2017 les candidats ayant choisi comme premier voeu une licence en tension étaient départagés par tirage au sort ?
Avec ce nouveau dispositif, les démarches permettant à chacune et chacun de formuler et de suivre ses voeux sont devenues beaucoup plus claires. Car il ne faut pas l'oublier, Parcoursup est avant toute chose un outil qui a permis de donner de la visibilité à un ensemble de formations sur un seul et même site.
La plateforme est également apparue comme une petite révolution pour les élèves : elle leur a donné une liberté totale dans la formulation de leurs voeux sans avoir à les hiérarchiser – nous savons combien cela leur est cher. Cette évolution a permis de lutter contre l'autocensure dont on mesure à quel point elle peut être forte lorsque l'entourage familial n'est pas sensibilisé au monde de l'enseignement supérieur.
Et parce que j'imagine que les sujets de l'accompagnement à l'orientation et de l'égalité des chances reviendront souvent dans notre débat, je tiens d'ores et déjà à rappeler que la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE, instaure une priorité pour les lycéens boursiers. On l'oublie souvent, mais cette mesure, tout comme la valorisation des parcours en cordées de la réussite, est un vrai levier pour lutter contre les inégalités. Cela ne règle pas tout, bien évidemment, mais c'est un progrès que Parcoursup concrétise chaque année.
Force est de constater que, dans l'ensemble, malgré les nombreux articles de presse qui portent chaque année sur les soi-disant dysfonctionnements du dispositif, les résultats sont au rendez-vous.
En témoignent les chiffres pour l'année 2023 : quelque 917 000 candidats étaient inscrits sur la plateforme, et la procédure a permis à 93,5 % des bacheliers d'obtenir une proposition d'admission dans l'enseignement supérieur. Bilan des enquêtes et des retours d'expérience, 76 % des candidats s'estiment satisfaits des réponses reçues de la part des responsables de formation et soulignent l'accessibilité de l'information, qu'il s'agisse des fiches métiers ou des procédures de sélection.
Seul bémol, la plateforme reste, en raison de la période charnière que représente pour les lycéens le moment du choix de leur orientation, une source importante de stress : ils sont en effet 83 % à considérer que la période est source d'anxiété du fait de l'approche des épreuves du baccalauréat.
La difficulté du choix fait partie intégrante de l'apprentissage. La limiter est une évidence, la supprimer serait un non-sens.
Depuis l'avènement de Parcoursup, le Gouvernement n'a eu de cesse d'améliorer le dispositif, tant en termes d'ergonomie que sur le fond, notamment en intégrant de nouvelles fonctionnalités visant à faciliter la prise de décision.
La multitude des options d'orientation disponibles peut se traduire par un syndrome d'anxiété décisionnelle, qui rend de ce fait Parcoursup indispensable, tout comme les plateformes de streaming sont incontournables si l'on souhaite regarder un film répondant à une grande variété de critères.
Cette réforme continue témoigne, madame la ministre, de votre engagement à améliorer constamment le processus d'orientation et d'admission dans l'enseignement supérieur.
Tout d'abord, une attention particulière a été portée à l'accompagnement des lycéens tout au long de leurs démarches sur Parcoursup. Des outils interactifs ont été développés pour aider les élèves à mieux comprendre les différentes filières et leurs débouchés professionnels. Des ressources pédagogiques supplémentaires ont également été mises à disposition pour soutenir les lycéens dans leur choix d'orientation.
Ensuite, une amélioration significative a été apportée à la transparence des critères d'évaluation des dossiers. Les élèves et leurs familles ont désormais un accès plus simple et plus détaillé aux éléments pris en compte lors de l'examen des candidatures, ce qui leur permet de mieux anticiper les attentes des établissements d'enseignement supérieur.
Enfin, des ajustements ont été effectués pour améliorer la fluidité et l'efficacité du processus d'admission. Des améliorations techniques ont été apportées à la plateforme pour garantir une navigation plus fluide et une meilleure gestion des candidatures. Les délais de réponse ont également été réduits pour permettre aux élèves de recevoir rapidement des réponses.
En 2023, un nouveau test d'autopositionnement pour postuler à un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) a été intégré à la plateforme. De nouveaux chiffres sur les admissions passées et des données sur l'insertion des jeunes, notamment après un brevet de technicien supérieur (BTS), ont été publiés sur le site. Et bien que le nombre de ceux qui s'inscrivent dans ce cursus pour y poursuivre leurs études ne bondisse pas, la plateforme recense désormais toutes les écoles préparant au diplôme national d'art.
La mise à jour de décembre dernier a par ailleurs rendu plus aisée la comparaison entre les offres, en permettant notamment aux lycéens de mieux s'informer sur le contenu des formations, leur statut, le taux de pression, ainsi que sur les frais de scolarité, ce qui constitue une avancée significative pour rendre le processus d'inscription plus transparent et plus équitable.
Je crois comprendre qu'il ne s'agit pas là de l'unique amélioration. Je souhaiterais connaître, madame la ministre, les nouveautés apportées à Parcoursup pour la session 2024. Ces dernières visent-elles à répondre aux préoccupations des lycéens et de leurs familles, et à garantir une meilleure orientation des candidats dans l'enseignement supérieur ? Je vous remercie par avance pour vos éclaircissements sur ce sujet crucial pour l'avenir de notre jeunesse. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, vous avez raison de souligner que, si les principes fondamentaux du dispositif sont restés stables, Parcoursup a évolué chaque année en prenant en compte les retours d'expérience de ses usagers.
Je veux également vous remercier d'avoir mis en lumière le travail collectif de tous ceux qui oeuvrent depuis des années sur la plateforme.
En 2023, nous avons effectivement renforcé la transparence et accru la variété des informations disponibles sur Parcoursup ; nous avons aussi réduit la durée de la phase de réponse aux voeux, de sorte qu'elle soit désormais de 37 jours contre 108 en 2018.
En 2024, nous agissons avec le souci de donner plus de temps aux jeunes pour construire leur projet d'orientation – ce mot d'« orientation » résonnera particulièrement ici, je suppose – et faire leur choix.
Depuis cette année, la plateforme est ouverte aux lycéens à partir de la classe de seconde, afin qu'ils puissent découvrir le dispositif, les formations et les débouchés professionnels, et qu'ils puissent échanger en amont dans le cadre de leur stage de découverte, ainsi que par le biais d'autres outils. Il s'agit là d'une première étape qui nous permettra, à ma collègue Nicole Belloubet et à moi-même, d'aller plus loin, l'an prochain, sur la question de l'accompagnement dans l'orientation au lycée.
Donner toute sa place à l'accompagnement humain, telle est la voie que nous avons privilégiée. Nous avons également souhaité mieux valoriser les journées portes ouvertes de l'enseignement supérieur qui sont plébiscitées par les lycéens.
Les jeunes doivent choisir : nous leur permettons, cette année, de comparer plus facilement les offres de formation entre elles, notamment grâce à la possibilité de créer des favoris pour suivre leur parcours d'orientation sur une nouvelle plateforme parcoursup.gouv.fr entièrement accessible.
La priorité restera bien évidemment l'accompagnement humain des élèves par les enseignants. Comme vous l'avez noté, cette année, nous avons pris soin de séparer le temps des premiers choix sur Parcoursup du temps des révisions des épreuves du bac, précisément pour que les lycéens puissent être accompagnés tout au long du mois de juin.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qu'il s'agisse des étudiants actuels ou futurs, notre jeunesse est en proie à une forte anxiété. La période du covid-19 l'a profondément affectée et la santé mentale des jeunes de notre pays est devenue une urgence sanitaire.
Notre jeunesse souffre aussi d'une précarité grandissante que les files d'attente devant les banques alimentaires nous rappellent quasi quotidiennement.
On ne peut pas dire que les annonces de ces dernières semaines soient de nature à rassurer les jeunes : ni l'annonce de près d'un milliard d'euros de coupes dans le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui affectera nécessairement les conditions de la réussite de leurs études, ni la hausse annoncée de 3,5 % des loyers dans les résidences gérées par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), qui viendra frapper les boursiers au portefeuille, alors qu'ils logent déjà parfois dans des résidences vétustes et insalubres.
Les jeunes sont en proie à cette anxiété avant même que débutent leurs études, notamment lorsqu'ils sont confrontés au choix de leur orientation et qu'ils doivent apprivoiser la bête Parcoursup. « On est lâchés dans la fosse », m'ont dit les étudiants que j'ai pu rencontrer.
Cette anxiété découle d'un mensonge initial : Parcoursup a été présenté comme une réponse méritocratique à l'injustice du système précédent, et la sélection comme un remède à l'échec dans les études supérieures. En réalité, la fonction première de la plateforme a été de gérer la pénurie dans un système universitaire sous-financé : alors qu'entre 2008 et 2021 le nombre d'étudiants a augmenté de 25 %, le budget de l'enseignement supérieur a quant à lui chuté de 12 %. Parce que l'objectif réel de Parcoursup n'est pas pleinement assumé, la procédure s'apparente pour les candidats à un parcours semé d'embûches, source d'injustices et de défiance.
Le dernier rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup, publié lundi dernier, pointe de nouveau les failles du système, en particulier le manque de transparence de la sélection. Les auteurs du rapport regrettent l'opacité des critères quantitatifs utilisés pour le préclassement des candidats par les commissions d'examen des voeux. Alors que les responsables de certaines formations expliquent tenir compte des spécialités pour classer les candidats, les informations sur la pondération de ces notes sont absentes des grilles d'analyse présentes sur la plateforme.
Les candidats ont besoin d'informations claires pour orienter leur choix. Cette transparence est nécessaire pour que les lycéens aient confiance dans la procédure. Or, pour beaucoup d'entre eux, ce n'est pas le cas. Cette situation contribue à la fuite vers les établissements privés qui captent un nombre toujours plus important d'étudiants, alors que les formations laissent souvent à désirer, quand elles ne relèvent pas de l'arnaque.
Il faut désormais que les responsables de chaque formation rendent publique la formule permettant d'établir leur classement pédagogique. Cette approche faciliterait l'acceptation des décisions d'affectation et limiterait les soupçons comme les risques d'arbitraire. Vous engagez-vous, madame la ministre, à répondre enfin à la critique que vous fait chaque année le comité éthique et scientifique de Parcoursup ?
La seconde source d'injustice, c'est l'inégal accompagnement dont bénéficient les lycéens face à la masse d'informations présentes sur la plateforme pour détailler les plus de 20 000 formations qui y sont proposées.
En effet, parmi les lycées, il existe des divergences importantes selon les filières. Ainsi, les lycées professionnels mobilisent moins de ressources que les lycées d'enseignement général et technologique pour l'orientation de leurs élèves.
Malgré leur engagement, les enseignants sont eux-mêmes mis en difficulté par l'institution, du fait de leur manque de formation en matière d'orientation. En 2020, la Cour des comptes indiquait, dans l'un de ses rapports, que 85 % des professeurs principaux déclaraient n'avoir reçu aucune formation spécifique pour remplir cette mission.
Parallèlement, les anciens conseillers d'orientation, qui ne sont désormais plus que des psychologues de l'éducation nationale, sont en nombre trop restreint, puisqu'en moyenne il n'y en a qu'un pour 1 500 élèves. Leur rôle n'a pas été renforcé, alors que l'orientation est devenue un processus plus complexe depuis la création de Parcoursup.
L'attente, le stress, les éventuels refus essuyés par les lycéens mettent à mal leur estime de soi. C'est dans cette brèche que s'est engouffré le marché privé de l'accompagnement à l'orientation, dont le recours est socialement et économiquement inégalitaire.
Madame la ministre, comment comptez-vous renforcer le service public de l'orientation et mieux accompagner les lycéens les moins bien préparés pour faire face au flot d'informations présent sur la plateforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Yan Chantrel, comme je l'ai dit et redit, nous avons bien conscience qu'il y a encore trop d'angoisse chez les lycéens lorsqu'il est question de leur entrée dans l'enseignement supérieur. Toutefois, soyons honnêtes : si cette angoisse tient en partie à l'utilisation de la plateforme, elle résulte aussi des enjeux liés au changement de vie qu'induit nécessairement le fait d'aller vers son avenir et de quitter son lycée.
Ce stress a toujours existé, même s'il nous appartient – c'est vrai – de le minimiser et de mieux accompagner ces lycéens.
Monsieur le sénateur, je vous invite à m'accompagner dans les lycées pour rencontrer des jeunes et mesurer l'impact des évolutions intervenues sur cette plateforme. Vous citez les recommandations du rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup, mais ledit rapport montre également qu'il s'agit d'un outil d'orientation utile, qui a évolué positivement.
Cela étant dit, je conviens qu'un important travail reste à faire en la matière – je m'engage ici à le mener en lien avec ma collègue Nicole Belloubet – pour aider les enseignants à mobiliser la mine de données que contient Parcoursup bien en amont de la terminale – dès la seconde, voire avant –, afin de mieux orienter les élèves, de leur faire connaître plus précisément les différents parcours et les renseigner sur leurs chances de réussite et les options à privilégier pour mener à bien leur projet de poursuite d'études et, par la suite, de carrière.
Depuis plusieurs années, nombreux sont ceux qui travaillent à améliorer la transparence des critères. Chaque formation est désormais assortie d'une fiche détaillant les critères d'acceptation des voeux. Mais, derrière cette fiche, comme cela s'est toujours fait, des enseignants-chercheurs étudient les dossiers, en général avec bienveillance, pour permettre à nos élèves – nos futurs étudiants – de réussir dans l'enseignement supérieur.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Madame la ministre, j'entends votre réponse, mais les améliorations auxquelles vous faites référence sont insuffisantes. Les moyens supplémentaires pour l'orientation que j'appelle de mes voeux sont des moyens humains pour accompagner concrètement les élèves.
Il est du reste évident que les élèves du lycée Stanislas sont beaucoup mieux accompagnés que les élèves des établissements de Seine-Saint-Denis, département où je suis né.
Mme Catherine Belrhiti. Bien sûr !
M. Yan Chantrel. Une distinction existe de fait.
Vous vous engagez, devant la représentation nationale, à améliorer l'accompagnement des élèves : très bien ! Mais, dans ce cas, engagez-vous également sur les accompagnants. Comme je l'ai évoqué, ceux que l'on appelait les conseillers d'orientation-psychologues ne remplissent plus leur mission d'orientation, se cantonnant à leur mission d'accompagnement psychologique, qui est, par ailleurs, essentielle – nous manquons de psychologues, faute de parvenir à pourvoir certains postes.
Il convient aujourd'hui de renforcer ces missions d'orientation ; j'espère que vous prendrez le sujet à bras-le-corps, car il existe, dans notre pays, une inégalité flagrante selon les établissements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Parcoursup compte déjà six ans d'existence. Pourtant, nous en sommes encore à discuter de l'équité et de la transparence du dispositif. Voilà, je crois, un court, mais parfait résumé de ses défaillances, encore trop nombreuses et criantes.
Certes, de nombreux progrès ont été réalisés, à l'instar de l'élargissement de l'offre de formation, de l'enrichissement de l'information ou de l'ajustement du calendrier.
Toutefois, comme le soulignait déjà Jacques Grosperrin, dans son excellent rapport d'information de 2023, « l'appréciation des usagers de la plateforme suit une tendance inverse » à ces améliorations.
Nous devons donc nous demander pourquoi, malgré les efforts consentis, prédominent dans le débat public une anxiété croissante et le sentiment d'un manque de clarté, d'équité et de transparence.
Nous devons également nous demander pourquoi cet outil, présenté comme « une procédure simple, juste et transparente » par Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer, s'assimile désormais de plus en plus à la matérialisation d'un cauchemar annuel pour les élèves et leurs familles.
Complexité technique de la plateforme, absence d'examen des lettres de motivation, opacité totale des critères de sélection… Les maux sont connus de tous et leurs conséquences sont de plus en plus préoccupantes.
Voilà en effet six ans que les étudiants cherchent des stratégies pour déjouer le plus habilement possible le dispositif, source d'angoisses et d'inquiétudes.
Voilà six ans que certains lycées réfléchissent à la meilleure manière d'accompagner leurs élèves, en poussant parfois le vice jusqu'à délivrer un double bulletin de notes – l'un constituant une vitrine pour Parcoursup, l'autre comportant les véritables notes de l'élève.
Madame la ministre, comment en sommes-nous arrivés là ? Comment en sommes-nous arrivés à ce que l'on pourrait considérer comme un paroxysme de bureaucratie, qui fait l'objet d'un autosatisfecit dans les bureaux parisiens de la rue de Grenelle et de la rue Descartes, alors qu'un consensus défavorable émane de l'ensemble des acteurs concernés ?
Ne nous y trompons pas : à travers Parcoursup s'esquisse un débat bien plus large. Au-delà d'une simple remise en cause de la plateforme, c'est au système d'orientation dans son ensemble qu'il convient de s'intéresser, tant ses faiblesses sont de plus en plus apparentes.
Or, pour de nombreux élèves, l'institution scolaire est le principal – voire le seul – vecteur d'accompagnement et de conseil en matière d'orientation. Il est donc indispensable de fournir une orientation de qualité au collège et au lycée. L'avenir de milliers de jeunes en dépend. Sinon, nous prenons le risque de renforcer les inégalités sociales, comme en atteste d'ores et déjà l'apparition de coachs privés en orientation.
Nous devons donc nous poser la question fondamentale de la formation des proviseurs et professeurs, qui sont en première ligne pour aiguiller les élèves dans leurs choix. En effet, selon un rapport de la Cour des comptes, 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs déclarent n'avoir reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d'orientation.
En outre, les récentes formations organisées par les rectorats portent principalement sur des points pratiques. Les professeurs principaux ne sont par conséquent pas réellement formés à l'accompagnement et au conseil des élèves.
Parallèlement à ce manque criant se pose la question de l'utilisation des heures allouées à l'orientation. Non inscrites dans l'emploi du temps, ces heures sont trop souvent employées par les professeurs comme des heures d'ajustement, leur permettant de venir à bout des programmes.
Par ailleurs, les établissements financent traditionnellement ces heures d'orientation de manière autonome, en recourant aux marges de manoeuvre qu'on leur a attribuées. Or la réforme du lycée, fortement consommatrice de dotation horaire globale pour les enseignements de spécialité et les options, a fortement réduit ces marges – et, donc, le budget consacré à l'accompagnement.
En résultent des inégalités territoriales entre des lycées où la culture de l'orientation existe et d'autres, moins mobilisés sur le sujet, où l'équipe pédagogique préfère consacrer son temps à d'autres projets.
M. Pierre Ouzoulias. Très juste !
M. Max Brisson. Inscrire les heures d'orientation dans la grille horaire des enseignements et les sanctuariser ; renforcer la formation des professeurs principaux et des référents en matière d'orientation : voilà deux mesures – entre autres – qu'Annick Billon, Marie-Pierre Monier et moi-même recommandions en 2022 dans un rapport d'information sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat.
Voilà, madame la ministre, la manière dont je conçois le débat qui nous réunit aujourd'hui : posons les premières pierres du chantier de l'orientation que j'appelle de mes voeux et que nous nous devons de lancer au plus vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
MM. Pierre Ouzoulias et Stéphane Piednoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Max Brisson, je connais votre attachement aux questions éducatives, et à l'orientation en particulier, qui a coloré votre propos sur Parcoursup.
Au cours de votre intervention, vous nous avez rappelé que s'intéresser à Parcoursup sans élargir la réflexion aux enjeux d'orientation revient à se tromper de cible – je suis d'accord. Du reste, l'orientation constituait l'un des piliers de la loi du 8 mars 2018.
Permettez-moi de vous rappeler ce qui a été fait depuis 2018 : la désignation d'un second professeur principal en classe de terminale ; la mise en place de semaines de l'orientation dans les lycées ; l'augmentation des ressources… En 2023, 84 % des lycéens interrogés disent avoir bénéficié d'une aide pour préparer la phase de formulation des voeux.
Toutefois, comme vous l'avez souligné, il convient de faire mieux en formant davantage les professeurs principaux pour les aider à accompagner les élèves et à les informer sur l'ensemble des formations de l'enseignement supérieur, qui évoluent très vite.
Vous l'avez également noté, cette année, les lycéens en classe de seconde ou de première ont pu se créer un compte sur Parcoursup, profitant de nouveaux outils tels qu'un comparateur de formations.
J'assumerai toute ma part dans ce travail, notamment en me rapprochant des établissements pour favoriser les rencontres entre lycéens et enseignants du supérieur lors des journées portes ouvertes. Par ailleurs, une meilleure exploitation des données de Parcoursup doit permettre aux enseignants du second degré de mieux accompagner humainement les élèves.
Nicole Belloubet et moi-même continuerons à agir en ce sens, par exemple en utilisant au mieux les créneaux d'orientation. Le secteur de l'enseignement supérieur se joindra à cet effort en donnant les outils, les informations et les données nécessaires, afin de mener à bien ce grand chantier de l'orientation.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, votre bonne volonté n'est pas en cause. Vous avez vous-même parlé de la loi ORE. C'est peut-être là – je le dis devant mon collègue Jacques Grosperrin, qui était le rapporteur du projet de loi au Sénat – que tout a très mal commencé, parce que l'on a mis la charrue avant les boeufs. (M. Jacques Grosperrin fait mine de s'en indigner.)
Peut-être aurait-il fallu penser la réforme du lycée et du baccalauréat et organiser l'orientation avant de voter cette loi ORE. Nous avions d'ailleurs dénoncé ce hiatus au sein de notre Haute Assemblée. Il fallait certes aller très vite au sortir de l'échec du système APB, mais ce mauvais choix de calendrier fut le péché originel à cause duquel vous avez hérité d'un système qui, malheureusement, ne fonctionne pas.
Au-delà du nécessaire chantier que vous annoncez, madame la ministre – ce dont je vous remercie –, il convient certainement d'aller plus loin et de repenser la place de l'orientation au lycée : elle est mineure, elle doit devenir majeure.
M. Jacques Grosperrin. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à huit jours de la clôture des inscriptions sur la plateforme Parcoursup, débattre de l'équité et de la transparence de cette procédure d'admission dans l'enseignement supérieur prend tout son sens.
Force est de constater que, depuis sa création en 2018, Parcoursup n'a jamais suscité la pleine et entière confiance des élèves et de leurs parents : ce dispositif fait l'objet de critiques récurrentes portant notamment sur l'opacité des modalités de classement et sur un certain manque d'équité. Or, sans confiance, il ne peut y avoir d'adhésion.
Toutefois, cette défiance repose en partie sur des appréciations infondées. Contrairement à ce que renvoie l'imaginaire collectif, Parcoursup n'examine pas les candidatures des futurs étudiants et ne procède à aucun classement. Ce rôle incombe aux établissements d'enseignement supérieur et aux commissions d'examen des voeux, dont les jurys sont souverains et les délibérations sont confidentielles, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel.
L'indépendance des jurys et l'autorité de leurs décisions sont sans conséquence sur la qualité du processus de sélection. Bien entendu, la procédure est perfectible et doit encore gagner en lisibilité et en transparence – les membres des jurys le reconnaissent volontiers.
J'ajoute qu'elle doit aussi gagner en rapidité, car la longueur de la procédure et l'incertitude que cela emporte accroissent la défiance vis-à-vis de ceux qui prennent la décision d'admettre ou non un élève dans la filière de formation qu'il a choisie.
Les établissements d'enseignement supérieur sont d'autant plus incités à parfaire leur processus décisionnel que ce manque de transparence a été souligné à plusieurs reprises par le Défenseur des droits et la Cour des comptes, mais également par l'inspection générale de l'éducation nationale et le comité éthique et scientifique de Parcoursup.
Aujourd'hui encore, les élèves ne savent pas toujours selon quels critères leur dossier sera examiné et, le cas échéant, comment ces critères seront pondérés. Aucune information n'est donnée sur les éléments de notation utilisés par les commissions d'examen des voeux.
Dans ce contexte, il me semble extrêmement important que la fiche Avenir renseignée par les lycées soit la plus précise possible – plusieurs présidents d'université m'ont invitée à plaider en ce sens.
Celle-ci est particulièrement importante, car elle comporte des appréciations pour chaque voeu formulé par le lycéen pour la phase principale. Or le chef d'établissement doit émettre un avis portant aussi bien sur la cohérence du projet d'orientation de l'élève que sur sa capacité à réussir. Ainsi, le contenu de cette fiche lui permet de mieux cerner l'élève, ce qui peut faire une réelle différence en faveur de ce dernier au moment du classement des candidats.
Par ailleurs, nous pouvons légitimement nous interroger sur l'impact des algorithmes dans l'étude des demandes d'admission. Nous le savons, les universités recourent de manière systématique à un algorithme de préclassement.
Dès lors que le traitement informatique est prédominant, comment Parcoursup procède-t-il pour mesurer le mérite ? Quelle est la place des personnes chargées de la sélection au sein des établissements supérieurs ? Les algorithmes ne doivent pas remplacer l'humain, et l'opacité doit absolument être levée.
Il semble également pertinent de s'interroger sur l'équité du processus : dans quelle mesure est-elle garantie ?
À cet égard, les failles du dispositif foisonnent. Par exemple, certains élèves dont les résultats scolaires relèvent de l'excellence ne parviennent pas à obtenir les formations souhaitées.
En outre, la capacité des parents à s'impliquer dans la procédure Parcoursup semble constituer un élément prépondérant dans le succès de l'élève.
Ainsi, les parents issus de catégories socioprofessionnelles supérieures tendent à peser favorablement sur les perspectives d'études de leurs enfants et sur la construction de leur projet d'orientation en les poussant à multiplier leurs centres d'intérêt et en les inscrivant à des activités extrascolaires.
A contrario, les parents disposant de faibles ressources ou faisant preuve d'une implication moindre dans l'orientation de leurs enfants sont moins en mesure d'aider ces derniers à se construire des profils aussi complets.
Ainsi, des inégalités se creusent entre les élèves qui peuvent être accompagnés par leurs parents et ceux qui ne le peuvent pas.
Quant aux enseignants, ils en arrivent à ajuster les dossiers scolaires, afin de maximiser les chances de réussite de leurs élèves…
Un autre point mérite d'être relevé : les distorsions d'évaluation, que la plateforme ne semble pas être en mesure de pondérer, créent de véritables iniquités. Cela conduit certains parents à inscrire leurs enfants dans des lycées publics pour leur année de terminale, après une scolarité dans le privé.
Il convient évidemment d'adopter une procédure plus équitable, fondée sur les qualités réelles de l'élève, ses compétences académiques et son mérite, plutôt que sur ses engagements extrascolaires, qui sont souvent largement exagérés.
Le Sénat s'est saisi de ce sujet en juin dernier, en dressant un état des lieux du fonctionnement de la plateforme numérique. Notre collègue Jacques Grosperrin, dans son rapport d'information, a formulé huit recommandations qui pourraient remédier aux failles de Parcoursup.
Madame la ministre, si des améliorations ont été apportées à la procédure Parcoursup depuis sa création, de nombreux dysfonctionnements perdurent. Quelle traduction réservez-vous aux recommandations émises par Jacques Grosperrin ? Comment entendez-vous, in fine, redonner confiance aux élèves et aux parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Merci !
M. Cédric Chevalier. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Laure Darcos, croyez-le bien, je partage avec vous cette ardente obligation de la transparence – j'y reviendrai –, de l'orientation – je me suis déjà exprimée sur ce point en répondant à M. Brisson – et de l'harmonisation des notes.
Comme vous, je considère que la transparence est un levier pour réduire le stress de nos lycéens et de leurs familles et leur donner confiance – ce mot est important – dans ce système d'information et d'affectation dans l'enseignement supérieur.
Je rappelle que Parcoursup existe depuis sept ans. La présentation de la plateforme, ainsi que la compréhension des critères d'analyse des candidatures se sont améliorées : là où il n'y avait rien, nous avons créé des attendus, puis mis en place une obligation de publication des critères d'examen des commissions des voeux.
Malgré ce que l'on en dit ici ou là, cette réalité est bien perçue par les lycéens : selon un sondage BVA de 2023, 64 % des lycéens interrogés ont déclaré avoir bien compris les critères ; 77 % d'entre eux ont par ailleurs affirmé que les informations trouvées sur Parcoursup leur avaient permis d'avoir une idée des chances de succès de leurs candidatures.
Toutefois, je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faut faire encore mieux en mobilisant les filières de formation pour harmoniser les informations disponibles sur la plateforme. C'est ce que nous faisons avec les enseignants qui traitent les dossiers et établissent les critères de sélection – je vous remercie de l'avoir évoqué.
Mais la transparence ne suffit pas : les parents s'inquiètent également de l'hétérogénéité des notations selon les lycées.
Là aussi, nous agissons. Pour preuve, dès l'automne 2023, chaque proviseur a été destinataire d'une note d'information sur les écarts de notes dans son lycée et a été invité à reprendre le travail sur le projet d'évaluation de son établissement, l'objectif étant de favoriser une harmonisation des pratiques d'évaluation et, donc, de notation.
Cela étant, comme vous l'avez noté, tout ne se résume pas à la question des notes. Nous devons aussi améliorer la qualité des appréciations consignées dans la fiche Avenir. Nous avons fait passer ce message aux établissements cette année, et nous recommencerons l'an prochain pour les encourager à poursuivre leur effort.
Tous ces chantiers sont en cours, et nous continuerons de les suivre de près.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (MM. Michel Laugier et Cédric Chevalier applaudissent.)
Mme Sonia de La Provôté. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en juillet dernier, cinq ans après le lancement de Parcoursup, la commission de la culture du Sénat a souhaité dresser un état des lieux du fonctionnement de la plateforme en lançant une mission d'information.
Des ajustements avaient été apportés à la procédure pour la session 2023, durant laquelle un nombre record de voeux – 11,8 millions – avaient été formulés.
Il convient de souligner plusieurs points positifs depuis la création de Parcoursup : la plateforme numérique a gagné en ergonomie ; ses contenus ont été améliorés tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif ; enfin, le calendrier du processus a été révisé pour inclure la réforme du baccalauréat et réduire les délais d'attente.
L'offre de formation s'est élargie : Parcoursup regroupe à l'heure actuelle 21 000 formations, dont 7 500 pour le seul apprentissage.
Pour autant, selon une récente enquête, 83 % des élèves continueraient de trouver le passage sur Parcoursup extrêmement stressant. Il est reproché au dispositif, entre autres, de manquer de transparence et d'équité.
J'aborderai la question de l'équité à travers trois sujets.
Le premier concerne les élèves boursiers. Pour faciliter l'accès à l'enseignement supérieur des élèves des catégories sociales les moins favorisées, la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants a instauré, dans le cadre de Parcoursup, des quotas de boursiers dans les formations non sélectives en tension.
Pour autant, la Cour des comptes a démontré que ces quotas ont une faible incidence sur l'accès aux filières en tension : ils ne modifieraient que très modestement la proportion des boursiers admis dans ces filières et, plus globalement, celle de ceux qui sont admis dans l'enseignement supérieur.
Madame la ministre, quelles pistes envisagez-vous pour mieux intégrer les élèves boursiers ?
Le deuxième sujet a trait aux candidats dits « en reprise d'études ». Notre excellent collègue Jacques Grosperrin, rapporteur de la mission d'information précitée, a été sensibilisé par le comité éthique et scientifique de Parcoursup à ce cas particulier.
En effet, Parcoursup a d'abord été conçu pour les candidats néo-bacheliers. Or cette population d'étudiants en reprise d'études, mal identifiée, est en augmentation et atteint désormais près de 10 % des inscrits.
Comme l'a souligné le comité dans l'un de ses rapports annuels, ces candidats, contrairement aux néo-bacheliers, voire aux candidats en réorientation, ne disposent pas du même « environnement de conseil et d'orientation organisé » ni de « toutes les informations collectées classiquement par la plateforme et attendus des formations ». Cela démontre la difficulté de notre système à s'adapter à la diversité des parcours – un phénomène contemporain, qui s'amplifie.
Madame la ministre, que proposez-vous pour mieux accompagner ces étudiants ?
Le troisième et dernier sujet sur lequel je souhaite insister est l'accès aux écoles et classes préparatoires privées, réputé discriminant d'un point de vue social.
On le sait, l'accompagnement prodigué aux élèves compense différemment les inégalités sociales. Dans la mesure où la construction du projet de l'élève reste l'apanage de l'établissement, celui-ci est plus individualisé et plus précoce dans les lycées les plus favorisés, alors qu'il repose souvent, faute de moyens, sur des pratiques collectives dans les lycées les plus en difficulté.
Nous assistons au développement du coaching scolaire et du secteur privé de l'orientation. Ces pratiques payantes – et souvent onéreuses – facilitent l'intégration de grandes écoles et de classes préparatoires, parfois grâce à des stratégies auxquelles de nombreux élèves n'ont pas accès.
En parallèle, les formations privées qui ne sont pas obligées de passer par Parcoursup – argument commercial pour attirer étudiants et parents – se multiplient.
M. Pierre Ouzoulias. C'est vrai !
Mme Sonia de La Provôté. Sans en faire le procès, il convient de réfléchir à ces formations – dont certaines sont très coûteuses –, à leur contenu et aux diplômes qu'elles dispensent.
Il y a urgence, madame la ministre, à ce que les ministères du travail et de l'enseignement supérieur mènent cette réflexion et définissent des critères de labellisation, de régulation et de contrôle. Quelles mesures avez-vous prises pour mieux compenser les inégalités sociales en matière d'orientation et pour favoriser l'accès à toutes les formations, sans exception, dans un cadre de qualité et sécurisé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Cédric Chevalier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Sonia de La Provôté, vous m'interrogez plus particulièrement sur les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur. Il s'agit de l'un des sujets à l'égard duquel la loi ORE devait changer la donne.
Agir pour l'égalité, c'est d'abord donner accès à toute l'offre de formation, et ce pour chaque étudiant, où qu'il se trouve sur le territoire. À mon sens, la plateforme Parcoursup a changé les choses pour de nombreux lycéens.
Toutefois, il convient de simplifier l'accès à toutes ces formations. Cela passe par une plus grande transparence – je n'y reviendrai pas –, mais également par des mécanismes d'aide aux élèves les moins favorisés, tels que les cordées de la réussite, un dispositif dans le cadre duquel le taux d'accès des boursiers est en hausse de cinq points.
Nous incitons les établissements du supérieur à élargir l'accès à leurs formations aux lycéens boursiers, qu'ils soient issus des filières générale, professionnelle ou technologique.
Lutter contre les inégalités, c'est aussi se montrer attentif à l'admission de tous les lycéens boursiers aux formations qui leur sont accessibles dans l'enseignement supérieur.
Permettez-moi de citer un cas très concret : depuis que Sciences Po a intégré Parcoursup, le pourcentage d'étudiants boursiers y est passé de 5 % à 12 %. De la même façon, l'intégration des écoles vétérinaires a permis de diversifier le recrutement d'un point de vue social et territorial.
Nous continuerons d'oeuvrer en faveur de cette diversification.
Pour lutter contre l'autocensure, nous avons aussi promu le parcours des élèves en cordées de la réussite : le taux des propositions faites aux bacheliers professionnels inscrits dans ce dispositif est ainsi de cinq points plus élevé en moyenne que celui des propositions faites aux lycéens qui n'y prennent pas part.
Il faut sans doute en faire plus, vous avez raison. C'est le sens du travail que nous menons au travers de la procédure de « oui si », qui contribue à un meilleur accès des élèves à l'enseignement supérieur et à une plus grande réussite.
Enfin, nous travaillons, comme je l'ai dit tout à l'heure, à améliorer l'orientation des lycéens : nous avons ainsi créé des labels pour les formations privées, afin d'aider les familles à s'y retrouver dans l'ensemble de l'offre de formation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Je vous remercie, madame la ministre. Les déterminismes sociaux et familiaux constituent le principal frein pour se réaliser dans son parcours éducatif. Il est de notre responsabilité d'y faire face.
Cela passe par l'information et l'orientation de tous les jeunes : chacun doit être en mesure de faire un choix le plus éclairé possible, quels que soient sa condition sociale et le lieu où il habite. Parcoursup doit y contribuer et ne pas creuser les écarts.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le groupe communiste d'avoir pris l'initiative de ce débat sur l'équité et la transparence de Parcoursup.
L'école égalitaire devrait constituer une priorité. Malheureusement, ce n'est pas le cas aujourd'hui. L'actualité récente nous a montré, une nouvelle fois, que Parcoursup était le catalyseur d'un véritable entre-soi social et scolaire.
Le débat de ce jour fait sens tant la plateforme est connue pour ses dysfonctionnements. En effet, les promesses des débuts ne sont pas tenues.
Le manque de transparence est problématique : nous ne savons quasiment rien de cette plateforme. Nous demandons en quelque sorte à la jeunesse de confier son avenir à un site plus opaque que jamais. La compréhension et la transparence des algorithmes sont essentielles pour comprendre et faire confiance à un tel instrument, par lequel des décisions déterminantes pour la vie des jeunes sont prises.
La modification du calendrier et la centralisation des demandes n'ont absolument pas diminué le stress et l'angoisse des élèves. À l'heure actuelle, 83 % des usagers de la plateforme la trouvent stressante.
Par ailleurs, Mme Belloubet, nouvelle ministre de l'éducation nationale, dit tout faire pour mettre en place un système contribuant à réduire les inégalités sociales. Cette lucidité doit se traduire en actes.
Parcoursup est à l'image d'une politique et d'un système toujours plus sélectifs et méritocratiques, qui perpétue les inégalités sociales et contredit l'essence émancipatrice de l'institution éducative.
Les jeunes issus d'un milieu aisé sont trois fois plus nombreux à accéder aux études supérieures que ceux dont les parents sont les plus modestes. L'accès au master et aux filières sélectives – classes préparatoires, études de médecine, grandes écoles, doctorats… – est encore plus inégalitaire.
Votre politique, à travers Parcoursup, est rattrapée par ses échecs, car une plateforme ne saurait cacher le manque d'investissement dans l'orientation et l'avenir des jeunes étudiants.
Le nombre de conseillers d'orientation a fortement diminué entre 1980 et 2022, alors même que le nombre de lycéens, sur cette période, est passé de 1,4 million à 2,2 millions. De plus, le manque de places dans l'enseignement supérieur est très important.
Ce qui se joue derrière le budget et les moyens alloués à cette fameuse frontière entre lycée et enseignement supérieur, c'est l'accès de tous les jeunes étudiants à un enseignement supérieur de qualité, qui réponde à leurs aspirations.
Les élèves qui n'ont pas les clés, qui ne disposent pas des codes pour s'orienter dans un système d'enseignement supérieur toujours plus complexe, doivent être véritablement accompagnés. Comment, lorsque l'on a 16 ans, 17 ans ou 18 ans, et que son entourage familial n'est pas sensibilisé aux spécificités des filières de l'enseignement supérieur, s'y retrouver sans aide – ou une aide infime ?
Mme Belloubet a déclaré avoir, pour l'école, « l'ambition à la fois de l'existence de règles et du respect de ces règles ». Dès lors, que répondez-vous à la grande majorité des lycéennes et des lycéens qui subissent les voeux de Parcoursup alors que, au même moment, des établissements élitistes comme Stanislas, à Paris, contournent sans vergogne la plateforme pour leurs élèves privilégiés ?
De quelles informations disposez-vous au sujet des suites données à cette affaire et des possibles contournements de Parcoursup par d'autres établissements privés ?
Aujourd'hui, le taux d'accès à l'enseignement supérieur stagne pour les catégories populaires, alors qu'il a augmenté pour les catégories les plus favorisées. Que comptez-vous faire concrètement pour agir contre ces inégalités ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour rendre Parcoursup enfin plus transparent et, surtout, plus égalitaire – peu importe que l'on vienne d'un grand lycée parisien, d'un lycée de campagne ou d'une école française à l'étranger –, et pour que les jeunes puissent faire des choix véritablement éclairés pour leur avenir ?
Puisqu'il me reste un peu de temps de parole, permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle.
La semaine dernière, en déplacement au Cameroun, je me suis entretenue avec l'équipe de direction d'un établissement, qui m'a fait part des difficultés – qui doivent également survenir dans bien d'autres pays – auxquelles elle était confrontée lorsque la connexion internet, de piètre qualité, l'oblige à traiter manuellement l'ensemble des dossiers des élèves dans Parcoursup.
Apparemment, la situation s'est améliorée cette année, rendant la procédure un peu moins laborieuse. Il n'en demeure pas moins que cette fracture numérique dans l'accès à Parcoursup est prégnante, notamment dans les zones rurales, pour les Français de l'étranger et les personnes les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je veux au préalable souligner qu'il ne faut pas faire porter sur Parcoursup la responsabilité de tous les problèmes.
Vous l'avez dit, cette plateforme est d'abord un outil à la disposition de l'ensemble des élèves et des futurs étudiants, à un moment charnière de leur vie où le stress est effectivement inhérent. Notre responsabilité est d'atténuer les inquiétudes, d'accompagner et d'informer les utilisateurs de la plateforme.
Vous avez parlé de l'absence d'aide ou de l'aide infime accordée aux élèves. Or Parcoursup, qui propose pour l'ensemble des étudiants, partout en France, 23 000 offres de formation, a évolué, s'est amélioré pour tenir compte des revendications bien légitimes de nos élèves et de nos familles.
Cet outil est, pour ainsi dire, unique en Europe, et même au-delà. « Malheureusement », pourriez-vous ajouter ; pour ma part, je pense que c'est heureux, parce qu'il s'agit d'une véritable plateforme d'information, qui permet aux jeunes de déposer des dossiers de candidature aux formations de leur choix, ce qui aide à les rendre accessibles.
Alors, oui, il faut continuer de l'améliorer, mais c'est ce que nous faisons. Personne ne peut nier le travail collectif réalisé par toutes les équipes de Parcoursup et l'ensemble des équipes d'enseignants du secondaire et du supérieur.
Il faut faire de cette plateforme non plus un totem, mais, au contraire, un outil destiné à aider l'ensemble des élèves et des étudiants.
Oui, et je vous rejoins sur ce point, nous devons continuer à y travailler. Mais, pour mesurer et quantifier les progrès faits par Parcoursup chaque année, pour me guider pour la suite, afin de rendre le processus plus transparent et d'améliorer l'information et l'orientation, je me fonde non pas sur un sentiment, une opinion ou un avis, mais sur des sondages de l'institut BVA et les travaux de son comité éthique et scientifique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour la réplique.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la ministre, vous me répondez que vous vous appuyez sur des chiffres et non sur des opinions. Or 83 % des jeunes considèrent aujourd'hui que la plateforme est une source de stress : si cette période de leur vie est certes angoissante, compte tenu des choix qu'ils doivent opérer, c'est encore trop ! (M. Jacques Grosperrin approuve.) C'est pourquoi il est important de continuer à travailler sur cette problématique. (Mme la ministre le confirme.)
Vous avez par ailleurs parlé de transparence. À cet égard, j'aurais voulu avoir des réponses plus précises sur les algorithmes et leur éventuelle mise à disposition des étudiants, des jeunes, des parlementaires.
Enfin, en réponse à Mme de La Provôté, vous avez insisté sur le fait que la mixité sociale s'était améliorée dans certaines filières, par exemple à Sciences Po. Or, ce que l'on observe, c'est que, globalement, cette mixité sociale régresse au détriment des classes les plus populaires, y compris dans les grandes écoles. C'est un point sur lequel il convient également de travailler.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, convenons-en, Parcoursup est un système en évolution, ce qui signifie qu'il peut sûrement s'améliorer ! (Mme la ministre acquiesce.) D'où l'exercice auquel nous nous livrons en ce moment même.
Je souhaite tout d'abord, madame la ministre, attirer votre attention sur le fait que, si un grand nombre de bacheliers généraux trouvent effectivement une formation sur la plateforme, ce chiffre est sensiblement moins élevé pour les bacheliers des filières technologique et professionnelle, qui ont tendance, selon le comité éthique et scientifique de Parcoursup – dont j'ai parcouru le rapport –, à faire le choix de l'insertion directe dans l'emploi et qui n'accèdent donc pas à l'enseignement supérieur.
En second lieu, beaucoup de bacheliers sont également tentés de s'orienter vers des formations en apprentissage, ce qui peut d'ailleurs être une bonne chose.
Cependant, en 2021, un nouveau type de formation privée est apparu sur Parcoursup, celles que dispensent des établissements d'enseignement privé à but lucratif hors contrat, qui bénéficient des subventions publiques allouées à l'apprentissage. La qualité de leurs formations fait, hélas, l'objet d'un faible suivi – je n'aime guère le terme de « contrôle ». Ce point a d'ailleurs été relevé voilà quelques instants par nos collègues Sonia de La Provôté et Mathilde Ollivier.
Bien souvent, ces établissements délivrent non pas des diplômes labellisés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais seulement des titres validés par le ministère du travail, ce qui prête nécessairement à confusion.
Ainsi, de nombreux jeunes paient cher ces formations privées pour se retrouver in fine très peu formés.
Je sais qu'un groupe de travail ministériel se penche actuellement sur la question de l'enseignement supérieur privé à but lucratif. Aussi, madame la ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre ou de recommander, afin de surmonter ce problème et d'éviter que cette dérive perdure, avec tous les risques en termes d'inégalités que cela implique ? (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Lahellec, je ne peux que vous rejoindre quand vous dites que le système peut s'améliorer : comme je le dis depuis tout à l'heure, Parcoursup s'inscrit depuis maintenant sept ans dans une dynamique d'amélioration, ainsi que le reconnaît le rapport de son comité éthique et scientifique, et nous devons poursuivre dans cette voie.
C'est du reste à cette fin que la plateforme a été entièrement repensée, qu'ont été prévus des moteurs de recherche supplémentaires, ainsi que des comparateurs de formations, et qu'est désormais offerte aux utilisateurs la possibilité de créer des favoris, afin de leur permettre de suivre leur parcours.
En ce qui concerne les bacheliers des filières professionnelle et technologique, nous continuons à les accompagner. Permettez-moi de citer deux chiffres.
Entre 2013 et 2021, la proportion de bacheliers technologiques inscrits en IUT est passée de 28,8 % à 40,2 %. À l'évidence, la réforme des bachelors universitaires de technologie (BUT) permettra de poursuivre ce mouvement.
Au cours de la même période 2013-2021, la part des bacheliers professionnels inscrits en BTS (brevet de technicien supérieur) est passée de 27,4 % à 34,1 %.
Enfin, comme vous le mentionnez, nous réfléchissons actuellement à la question des établissements d'enseignement privé à but lucratif, afin de pouvoir donner aux familles et aux élèves des indications sur la qualité de la formation dispensée et d'établir une transparence totale sur les frais de scolarité.
À cette fin, nous définirons très prochainement des critères afin d'attribuer, en lien avec le ministère du travail, une sorte de label à destination des élèves et de leurs parents. Il ne s'agit pas d'ajouter des labels aux labels ; l'objectif est simplement d'adresser une alerte sur l'utilisation, pas toujours à bon escient, que font de l'apprentissage certains de ces établissements de formation. Les élèves et leurs familles doivent pouvoir disposer d'informations pertinentes.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je tiens à remercier notre collègue Pierre Ouzoulias d'avoir pris l'initiative d'organiser ce débat, qui tombe à point nommé. En effet, depuis plusieurs semaines, près d'un million de lycéens et de deux millions de parents sont sur le pont de la plateforme Parcoursup.
Cela engendre, comme l'a indiqué mon collègue Yan Chantrel, un stress familial qui s'inscrira dans le quotidien de certains jusqu'au mois de septembre.
La plupart des enquêtes concernant le ressenti de celles et de ceux qui ont utilisé Parcoursup soulignent par ailleurs une certaine opacité quant aux algorithmes de tri et au classement des candidats, accentuant de fait le stress de nos enfants et des parents.
Alors, si nous voulons avoir un débat juste, serein et, surtout, utile sur l'avenir des jeunes et la suite de leur parcours dans l'enseignement supérieur, universitaire ou non, nous devons nous poser les bonnes questions. S'agit-il d'une orientation ou d'une sélection ? Ce système contribue-t-il à l'équité et à la transparence ?
Surtout, nous devons distinguer l'outil, à savoir la plateforme, du contexte plus général, à savoir la réforme du lycée et des filières universitaires et techniques.
La plateforme Parcoursup est en fait un instrument qui combine orientation et sélection. Elle vise à informer le lycéen des différentes possibilités qui lui sont offertes et, donc, à l'orienter dans ses choix. Elle sert aussi, au regard des candidatures, à sélectionner les jeunes retenus dans chaque filière. Instrument d'orientation et de sélection, c'est donc en quelque sorte l'iOS – le système d'exploitation – des études supérieures. (Sourires.)
Par comparaison avec ce qui existait avec APB, Parcoursup, dans cette septième année – nous en sommes donc à l'iOS 7 –, présente un certain nombre de points positifs : nul besoin de classifier les voeux, comme cela était le cas auparavant ; il est désormais possible d'évaluer le niveau de sélectivité desdits voeux.
Cependant, madame la ministre, l'outil reste bien sûr perfectible. Comme cela a été dit, il nécessite notamment un accompagnement parental et professoral. Bien qu'il soit essentiel, celui-ci est malheureusement parfois impossible, ce qui conduit à des manquements au principe d'équité qui devrait pourtant s'appliquer à tous les candidats sur l'ensemble du territoire.
Votre mission est donc de la plus haute importance, car il est indispensable de continuer à améliorer cette plateforme l'an prochain. Permettez-moi, à ce titre, de vous faire part de quelques orientations possibles.
Tout d'abord, le créneau dans lequel le numéro vert est joignable pourrait ne pas se limiter à la plage horaire dix heures-seize heures, du lundi au vendredi.
Ensuite, vous pourriez envisager, avec votre collègue ministre de l'éducation nationale, de renforcer en amont l'accompagnement des élèves par les enseignants du lycée et de l'enseignement supérieur, mais aussi de réintroduire l'indicateur visuel vert-orange-rouge – présent dans APB –, qui offre une idée du caractère sélectif de la formation objet du voeu formulé.
Enfin, pourquoi ne pas utiliser en amont de la phase officielle un simulateur reposant sur l'intelligence artificielle ? Il permettrait, à partir des données statistiques des années précédentes et des souhaits génériques du lycéen – appétence pour une matière, une filière, une activité, un métier – et de son niveau scolaire, de simuler, à titre d'exemple, une fiche non contractuelle de trois à cinq voeux, indicative et concrète.
Mais l'essentiel réside dans l'impact de la réforme du lycée et la programmation des épreuves de spécialité du bac au mois de juillet.
Si cette dernière décision a incontestablement des vertus pédagogiques, elle rend les notes du contrôle continu du premier semestre, voire du premier trimestre, plus importantes que celles des épreuves écrites de spécialité du baccalauréat. Cela pose donc la question essentielle de l'homogénéisation des notes entre les différents lycées et, subséquemment, de nouveau la question de l'équité.
Je vous invite également à veiller à ce que la réforme du bac ne pousse pas les lycéens à choisir à terme des spécialités leur assurant une meilleure orientation au détriment de celles qui sont pourtant nécessaires à l'exercice des métiers essentiels pour l'avenir de notre pays.
Vous l'avez compris, madame la ministre, les pistes d'amélioration sont nombreuses, et je serais vraiment ravi que vous mentionniez celles que vous privilégierez l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur David Ros, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos propositions, dont j'ai pris bonne note.
Premier point, je peux vous annoncer que le numéro vert sera ouvert ce samedi, ainsi que les 13 et 14 mars, jusqu'à vingt heures, pour répondre aux familles.
Deuxième point, en matière d'accompagnement et d'orientation, comme je l'ai indiqué, nous expérimentons depuis le printemps dernier, en particulier en région Nouvelle-Aquitaine, et en lien avec l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep), qui travaille sur le programme Avenir(s), de nouveaux services aux lycéens utilisant les données de Parcoursup pour leur permettre justement, dès la classe de seconde, encadrés par les enseignants du lycée, à partir de simulations, de mieux comprendre et connaître les filières de l'enseignement supérieur, de mieux cerner leurs objectifs, de mieux évaluer leurs chances d'insertion professionnelle et de succès et, éventuellement, de connaître les passerelles qui existent pour accomplir leur projet professionnel.
Cette plateforme, certes quelque peu spécifique, est un outil supplémentaire, qui se veut humain, en ce sens que son utilisateur bénéficie de l'accompagnement des enseignants du secondaire. Ce que nous demandent aujourd'hui les familles et les élèves pour recréer cette confiance, c'est de mettre beaucoup plus d'humain dans les procédures d'orientation.
Mon rôle est de fournir et d'exploiter les données, riches et nombreuses, issues de Parcoursup et de mettre à disposition des enseignants du secondaire les outils pour les exploiter, quitte à ce que ceux-ci soient formés à cette fin.
Dans un second temps, l'intelligence artificielle permettra probablement de faire évoluer puissamment et favorablement ces outils au bénéfice des élèves.
Troisième et dernier point, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous travaillons à harmoniser les notes du baccalauréat.
Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Madame la ministre, le groupe socialiste prend acte de vos engagements en faveur du numérique et de l'humain, qui sont essentiels. Nous avons donc hâte de découvrir l'iOS 8 l'an prochain ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le rapport que nous avons produit collectivement l'an dernier sur la procédure Parcoursup,…
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jacques Grosperrin. … mais je voudrais remercier au préalable Pierre Ouzoulias d'avoir fait inscrire ce débat à notre ordre du jour, parce qu'il nous donne l'occasion d'échanger sur cette plateforme, au terme de plusieurs années de fonctionnement, en précisant bien qu'il ne s'agit pas d'en faire le procès.
Rappelons-nous ce qu'était APB et le caractère inique du tirage au sort (M. Michel Savin le confirme.), autant d'éléments qui nous ont conduits, en 2018, peut-être dans l'urgence – Max Brisson a raison de le dire –, à voter la loi ORE, dont l'actuel Premier ministre, Gabriel Attal, était le rapporteur pour l'Assemblée nationale, tandis que je l'étais moi-même, ici, au Sénat.
Si la commission mixte paritaire a été conclusive à l'époque, c'est bien qu'il y avait urgence : celle de faire en sorte que les étudiants disposent d'un outil leur permettant d'exprimer leurs voeux pour entrer à l'université.
Dans la discussion générale sur ce texte, j'avais évoqué le projet d'Alain Devaquet, en 1986, d'introduire de la sélection à l'université. De fait, dès que l'on parle de sélection, cela provoque des crispations très fortes. J'ajoutais que nous avions trois défis à relever : des candidats toujours plus nombreux ; des échecs massifs ; les difficultés d'APB.
Les candidats sont toujours aussi nombreux, même si leur nombre tend aujourd'hui à se tasser en raison de la baisse du nombre de bacheliers. Nous sommes donc parvenus à un étiage plus faible que les années précédentes.
Le taux d'échec est, en revanche, toujours aussi élevé en licence. À l'époque, on parlait du continuum bac–3/bac+3 ; on en parle encore aujourd'hui, et c'est pourquoi l'examen de ce texte a constitué un moment important.
Je me souviens aussi des propos de notre collègue Sylvie Robert, qui disait alors qu'il était important que le Sénat prenne du temps pour en débattre. Pierre Ouzoulias, quant à lui, nous parlait de constitutionnalisation, tandis que Max Brisson évoquait les pratiques d'évaluation dans les lycées, cependant que Marie-Pierre Monnier et Sonia de La Provôté insistaient sur l'orientation.
Six ans plus tard, le 6 mars 2024, je ne dirai pas, comme Karl Marx, même pour faire plaisir à Pierre Ouzoulias (Rires.), que l'histoire se répète toujours, la première fois comme une tragédie, la deuxième comme une farce, car, justement, je trouve que Parcoursup est un bon instrument.
En revanche, madame la ministre, Parcoursup sera ce que vous en ferez, vous et vos successeurs. Vous êtes en fonction depuis mai 2022 : depuis lors, la plateforme n'est pas parvenue à inspirer confiance à tous ses utilisateurs, ce que je regrette.
Même si le processus est moins long, même si l'outil est plus ergonomique et plus transparent, même si, je le redis, comme j'en ai l'impression, Parcoursup est un bon outil, le rapport sur Stanislas – patatras ! – a créé un émoi certain chez de nombreux Franciliens et, au-delà, chez de nombreux Français.
M. Michel Savin. C'est vrai !
M. Jacques Grosperrin. Je pense aux lycéens et aux étudiants, comme ceux que j'aperçois à cet instant dans les tribunes du Sénat : je me dis que le rapport de l'inspection générale a peut-être érodé leur confiance, fait naître en eux des doutes sur la fiabilité, la transparence et l'équité de Parcoursup, accentuant ainsi leur angoisse.
Je regrette véritablement que cet outil n'ait pas réussi à inspirer confiance à tous ses utilisateurs. La transparence est la matrice de la confiance que l'on a dans ce dispositif et, donc, dans son succès.
Vous devez apporter une réponse, madame la ministre. En d'autres temps, j'avais formulé huit propositions, sur lesquelles je ne reviendrai pas, faute de temps, à l'exception de la huitième, celle d'« assurer un service public d'accompagnement à l'orientation adapté à la nouvelle organisation du lycée et à la maîtrise de Parcoursup ».
Peut-être conviendrait-il également de demander au comité éthique et scientifique de Parcoursup de prendre des actions plus résolues en matière d'évaluation et de contrôle.
Même si cela ne se fait pas, je remercie Jérôme Teillard pour l'ensemble de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre rapport et des recommandations que vous y avez formulées, étant entendu que certaines d'entre elles ont déjà été mises en oeuvre ou bien sont en passe de l'être. Ce travail dure maintenant depuis sept ans.
Je vous sais gré également des remerciements – auxquels je m'associe – que vous avez adressés à ceux qui se sont impliqués dans la mise en oeuvre et le suivi de cet outil ces dernières années, en particulier Jérôme Teillard et toute son équipe.
J'en profite, afin de finir de répondre à M. Brisson, pour rappeler que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), en 2017, avait interdit l'utilisation d'APB à compter de 2018, ce qui explique l'urgence dans laquelle Parcoursup a dû être déployé, soumis que nous étions à cette obligation d'assurer la rentrée étudiante de 2018. (M. Jacques Grosperrin acquiesce.)
Je tiens également à revenir sur le rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale relatif au fonctionnement de l'établissement privé Stanislas. Ce dernier a été pris la main dans le sac, si je puis dire. Nous lui avons donc adressé un courrier et nous poursuivrons nos contrôles.
Cependant, il s'agit d'un cas isolé, et je ne voudrais pas – j'y insiste – que celui-ci salisse l'ensemble des lycées, qu'ils soient publics ou privés sous contrat, qui jouent le jeu. Si je dis cela, c'est parce que, parmi les plus de 600 000 lycéens qui ont saisi des voeux pour s'inscrire en classe préparatoire, seuls 41, sur toute la France, ont formulé un voeu unique, dont 38 sont scolarisés à Stanislas.
Vous le voyez, c'est un cas isolé, qui a fait l'objet d'un signalement. Nous avons demandé à l'établissement de mettre fin à ses pratiques répréhensibles et de se conformer à la charte de Parcoursup, laquelle garantit notamment l'égalité de traitement et l'équité.
Aussi, en particulier cette année, nous allons contrôler et surveiller ce lycée pour nous assurer qu'il se conformera à ces exigences.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre. Pour conclure, monsieur Grosperrin, je m'engage de nouveau devant vous à ce que l'ensemble des recommandations figurant dans votre rapport soient mises en oeuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, nous ne doutons pas de votre engagement, qui est indéniable. Cela étant, tous ces dispositifs sont révélateurs du ministre qui est en fonction.
Vous avez raison de le souligner, et les auditions que nous avons menées aux côtés de nos collègues présents ici même cet après-midi l'attestent : la plupart des établissements scolaires agissent en toute transparence.
Ainsi, le proviseur du lycée Louis-Le-Grand, accompagné de ses deux proviseures adjointes, a pris le temps de nous expliquer le déroulé des opérations, qui fait honneur au système éducatif français.
Comme je le disais tout à l'heure, s'il ne s'agit pas de faire le procès de Parcoursup, qui est un bon outil – 21 000 formations proposées, 7 500 en préapprentissage et en apprentissage –, il est important de dire qu'il faut l'améliorer et rassurer à la fois les parents et les élèves.
Auparavant, c'était le bac qui était une source d'angoisse. Puis est survenue la crise de la covid-19, et c'est désormais Parcoursup et le schéma d'entrée à l'université qui inquiètent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)
M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 83 %, c'est la proportion des étudiants qui continuent à trouver la procédure de Parcoursup « stressante », selon le résultat d'une enquête d'Ipsos.
Il est notamment reproché au dispositif un manque de transparence, d'équité, de clarté et de rapidité.
Malgré les améliorations apportées à la plateforme, par exemple une offre de formation élargie et une information enrichie, Parcoursup créerait une égalité de façade, et les élèves seraient choisis uniquement en fonction de leurs résultats scolaires.
En réalité, les élèves favorisés ont plus de chances d'avoir de meilleures notes et de bénéficier d'un meilleur accompagnement sur la plateforme.
Le processus conduit à une sélection permanente, même dans les études a priori non sélectives comme les études à l'université.
Depuis janvier 2018 et l'ouverture de la plateforme, le Sénat a mené de nombreux travaux sur le sujet. La dernière mission d'information, dont Jacques Grosperrin vient d'assurer le service après-vente (Sourires.), a rendu ses conclusions en juillet dernier.
Les premières actions à mener pour garantir une meilleure équité consisteraient à mettre à la disposition des établissements d'enseignement supérieur une base lexicale commune. Il faudrait également encourager l'élaboration d'une méthodologie commune de présentation et d'évaluation par type de formation.
Il est par ailleurs préconisé d'avancer la période de hiérarchisation des voeux en attente à la mi-juin, afin de réduire le délai d'attente des propositions pour les candidats qui n'en ont pas et d'accélérer la procédure.
Cela étant, une telle réforme permettrait d'accélérer la procédure de sélection, mais elle accentuerait les inégalités entre candidats, certains d'entre eux n'ayant pas tous les outils en main pour procéder à une classification stratégique.
Se pose ainsi la question de l'accompagnement à l'orientation au lycée. Un tel accompagnement existe, mais il aurait besoin d'être uniformisé et renforcé au niveau national.
L'État doit s'affirmer face à l'essor d'un marché privé qui ne fait qu'accroître les inégalités entre les lycéens, seuls les plus favorisés d'entre eux pouvant y recourir.
Lutter contre le manque de transparence est une autre priorité : il est nécessaire d'inciter les responsables des formations à préciser quantitativement les critères définis et utilisés par les commissions d'examen des voeux.
Ce défaut de transparence conduit à des effets pervers. En effet, certains professeurs ont tendance à surnoter leurs élèves, afin de maximiser leurs chances d'être pris dans la formation de leur choix.
Or, précisément, ces disparités dans la notation renforcent les inégalités entre lycéens.
Le rapport d'information sénatorial recommande de recourir à un critère plus objectif que celui de la prise en compte du lycée d'origine pour garantir une forme d'égalité entre lycéens, critère qui serait fondé sur l'écart de notation entre la moyenne du contrôle continu en classe de terminale et les résultats au baccalauréat.
Enfin, il est nécessaire de faire évoluer Parcoursup, afin de mieux intégrer les candidats en reprise d'études. À ce jour, la plateforme est mal conçue pour cette population d'étudiants, qui ne cesse pourtant de croître.
Madame la ministre, serait-il possible de fixer la date limite pour hiérarchiser les voeux des candidats vers le 10 juin, dans la mesure où les élèves ont accès aux premières réponses dans Parcoursup le 30 mai ? Cela permettrait aux candidats d'être accompagnés dans leurs futurs établissements.
Serait-il également possible d'accroître de quelques jours le délai dont disposent les candidats pour hiérarchiser leurs voeux, afin d'atténuer leur stress ?
Madame la ministre, vous annonciez en septembre dernier vouloir créer un label de qualité pour les formations privées. Qu'en est-il ? Au-delà de ce label, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour que les étudiants fassent plus facilement la différence entre les formations qualitatives et reconnues et des formations aux apparences trompeuses ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Hingray, lorsque j'ai été nommé ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la hiérarchisation des voeux avait lieu à la mi-juillet. Elle a désormais lieu à la fin du mois de juin. Nous voulions la faire intervenir à la mi-juin dès cette année, mais les épreuves des enseignements de spécialité du baccalauréat se tiendront de nouveau à cette période.
Il est important de respecter une coupure pour que nos élèves puissent passer le bac tranquillement, sans être perturbés pendant leurs épreuves écrites par leurs démarches sur Parcoursup. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas modifié la date limite de hiérarchisation des voeux.
Le processus à proprement parler dure trois jours. Selon les retours dont nous disposons – je suis disposée à entendre les vôtres – et les enquêtes que nous avons menées, il semble que ce délai suffise. Parfois, laisser davantage de temps aux élèves accroît leur stress. C'est d'ailleurs pourquoi nous avions réduit le temps dont disposaient les établissements pour répondre aux voeux des candidats, le faisant passer de 108 à 37 jours.
Par ailleurs, je reste à votre disposition pour que nous regardions ensemble les progrès réalisés en matière de transparence des formations. Les responsables des formations de l'enseignement supérieur ont fait des efforts pour préciser leurs critères dans les fiches de présentation. Nous continuerons de renforcer la transparence de Parcoursup, d'harmoniser les données accessibles, car de gros écarts demeurent – le travail n'est pas achevé.
En outre, je vous rejoins, monsieur le sénateur, lorsque vous dites qu'il faut veiller à l'harmonisation des notes au lycée. Nicole Belloubet et moi-même travaillons à cette coordination, que le report de la date des épreuves du baccalauréat devait favoriser. L'objectif que nous nous sommes fixé pour l'année prochaine est de parvenir à effacer l'effet lié au lycée d'origine.
Dernier point : nous parachevons un label de qualité, afin d'aider les familles et les élèves à s'y retrouver au niveau des formations proposées par les établissements de l'enseignement privé à but lucratif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. Madame la ministre, selon le retour que m'ont fait les lycéens et étudiants des Vosges, présents en ce moment même dans les tribunes de notre assemblée, le délai de trois jours semble trop court pour faire sereinement son choix. Une période de cinq jours serait peut-être préférable…
Continuons d'échanger à ce sujet. Je vous sais attentive aux propositions faites lors des débats dans cet hémicycle. L'ensemble des engagements que vous prenez envers nous est respecté, ce qui n'est pas toujours le cas de vos collègues. (Sourires.) Je vous remercie notamment d'avoir tenu les promesses que vous aviez faites lors de l'examen de la proposition de loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, que Pierre-Antoine Levi, son auteur, et moi-même, son rapporteur, promouvions.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les lycéens et leurs familles font face à des formations foisonnantes dans l'enseignement supérieur. À l'heure du choix, il leur est souvent difficile de faire coïncider l'avenir professionnel qu'ils envisagent et le meilleur moyen de se former pour y accéder.
L'enseignement supérieur est libre dans notre pays. Par conséquent, la diversité des formations proposées par des structures privées offre aux étudiants une réelle complémentarité vis-à-vis de l'enseignement public. Toutefois, de toute évidence, certains instituts n'offrent pas les garanties nécessaires quant à l'encadrement, la qualité des enseignements ou la valeur des diplômes délivrés.
L'une des dérives observées depuis quelque temps est celle de formations dispensées entièrement à distance, sans que cela soit clairement énoncé aux futurs étudiants au cours des forums de présentation.
Il est donc important d'éclairer les lycéens et leurs familles à l'aide de critères objectifs, leur permettant de faire les choix d'orientation les plus pertinents et les plus adaptés. Parcoursup répond partiellement à cet objectif, puisque le catalogue de la plateforme recense 23 000 formations dans l'enseignement supérieur.
Cependant, toutes les formations n'y figurent toujours pas. On constate même la création de plateformes parallèles, où une partie seulement des formations privées sont recensées. Cela ne va pas dans le sens d'une meilleure lisibilité ou d'une information juste et complète des familles et des jeunes. Comment remédier à cette fragmentation ?
Par ailleurs, plusieurs labels de qualité existent pour les établissements privés : je pense notamment aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig), qui résultent de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso. Ce label vise à reconnaître la mission de service public remplie par ces établissements. À mon sens, il s'agit d'un gage de confiance que personne ne conteste véritablement.
Depuis plusieurs mois, votre ministère travaille à l'élaboration d'un autre label de qualité. Vos travaux ont-ils avancé sur ce point, ainsi que sur un éventuel label « Éduscore » qu'appelle de ses voeux le comité éthique et scientifique de Parcoursup ?
Nous sommes tous attachés à la réussite des étudiants ; un système éducatif dans lequel les différents secteurs cohabitent harmonieusement est possible. Encore faut-il que les étudiants disposent d'informations précises sur les diplômes délivrés, l'encadrement dispensé, le montant et l'utilisation des frais d'inscription ou les débouchés professionnels des formations. Sur ce point, l'État a un rôle essentiel à jouer, afin de caractériser en toute transparence les formations du privé, à côté de celles du public, qui sont mieux identifiées.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, je suis pleinement d'accord avec vous au sujet des critères devant permettre de caractériser la transparence et la pédagogie des formations des établissements d'enseignement privé à but lucratif.
Beaucoup de ces formations, parmi lesquelles celles que dispensent les Eespig – je précise qu'il s'agit d'établissements privés sous contrat – figurent déjà sur nos plateformes. Nous travaillons à élargir ce référencement, afin d'aider familles et élèves. Nous devrons également faire le ménage dans les nombreux labels existants et préciser ce que chacun d'entre eux tend à valoriser.
Il nous faut également réfléchir, avec les parents et les élèves, à la meilleure façon de caractériser ces critères pédagogiques pour les élèves en formation initiale. Ces critères seront précisés dans les semaines à venir, mais, comme ils comportent une dimension d'évaluation, leur mise en oeuvre prendra un peu de temps.
La liberté d'accès et l'équité de la procédure d'inscription figurent déjà dans la charte de la plateforme Parcoursup. Les étudiants pourront à terme retrouver ces formations privées de qualité sur Parcoursup ou la plateforme MonMaster.gouv.fr.
Nous travaillons aussi à l'élaboration d'outils juridiques permettant de déréférencer des formations sur Parcoursup si des contrôles attestent que celles-ci ne sont pas conformes à ces critères – qu'il nous reste à définir – ou à la charte de Parcoursup. Cela étant, comme je l'ai indiqué, cela prendra un peu de temps pour que la totalité de l'offre présente sur nos plateformes réponde à ces exigences de qualité et pour que l'information relative aux offres qui ne figurent pas dans ces plateformes soit également disponible.
- Conclusion du débat -
Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de vos interventions au cours de ce débat. Croyez bien que nous avons été attentifs à vos remarques, qui nous seront utiles pour continuer à améliorer cette plateforme.
Parcoursup a aujourd'hui sept ans. Je reconnais que des marges de progrès demeurent, ainsi que nous l'avons tous indiqué. Toutefois, le baromètre Parcoursup réalisé par l'institut de sondage CSA en septembre 2023 rend compte d'une amélioration globale de l'image et de l'appropriation de la plateforme par ses usagers.
Cette amélioration n'est pas le fruit du hasard.
C'est le résultat d'une méthode, qui repose sur l'écoute des usagers et la quantification des évolutions. Ont ainsi été entendus les lycéens et leurs familles, les équipes éducatives des lycées, les responsables de formations post-bac, ainsi que des observateurs, notamment les membres du comité éthique et scientifique de Parcoursup, dont le président m'a d'ailleurs remis la semaine dernière un sixième rapport annuel d'excellente qualité, que j'ai évidemment transmis aux présidents des assemblées, afin de nourrir la réflexion.
Cette méthode privilégie l'amélioration continue du service rendu aux usagers, non seulement grâce à des améliorations techniques, mais aussi, et surtout, grâce à un travail de terrain.
Les évolutions que je défends visent trois objectifs : la transparence, l'équité et l'accompagnement à l'orientation, autant d'objectifs essentiels pour donner confiance dans ce système d'accès à l'enseignement supérieur, réduire le stress des lycéens et assurer tant l'efficacité de l'orientation que la réussite des étudiants.
En matière de transparence, nous avons accompagné les établissements pour qu'ils réalisent de réels efforts, en leur demandant notamment d'enrichir les informations contenues dans les fiches de présentation des formations. Depuis 2023, les progrès sont visibles, et les usagers les perçoivent. Des données très précises, publiées en open data, sont de mieux en mieux exploitées par les acteurs de la société civile, ce dont je me réjouis.
Cette année, nous avons renforcé l'information sur les taux d'insertion professionnelle, et nous avons permis aux lycéens de comparer plus facilement les formations entre elles. Nous travaillons d'ores et déjà à rendre Parcoursup plus prévisible, afin que les lycéens puissent mieux appréhender le fonctionnement de la plateforme.
La transparence exige également – je ne l'oublie pas – de travailler sur le maquis de l'offre privée dans l'enseignement supérieur. Nous devons mieux réguler ce secteur, pour garantir la qualité des formations et la transparence des informations transmises aux familles. C'est le sens de la labellisation à laquelle mon ministère travaille, après avoir engagé une concertation avec l'ensemble des acteurs.
Le deuxième objectif, c'est l'équité. L'attente est forte, car les écarts de notation entre les lycées et leur impact sur Parcoursup provoquent une réelle angoisse. En décidant de reporter les épreuves des enseignements de spécialité (EDS) en juin, le Premier ministre Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, et moi-même avions pour objectif de réduire ce que l'on nomme « l'effet lycée ».
L'inspection générale de l'éducation nationale, du sport et de la recherche doit nous faire des propositions sur ce point, en agissant sur plusieurs leviers. Nicole Belloubet et moi-même sommes déterminées à agir au lycée, afin de proposer davantage de transparence sur les écarts de notation. Nous sommes également décidées à agir sur l'harmonisation des notes, au sujet de laquelle les recteurs joueront un rôle d'impulsion et assureront un suivi renforcé.
L'équité suppose également d'agir concrètement et positivement pour faciliter l'accès à l'enseignement supérieur de tous les lycéens, parmi lesquels figurent les boursiers ou les élèves en cordées de la réussite.
Parcoursup a également pour fonction de mieux accompagner les lycéens professionnels et technologiques dans leur poursuite d'études, aussi bien pour accéder aux STS qu'aux IUT. Les résultats produits par cet accompagnement sont publics.
Troisième et dernier objectif : l'orientation. Nous savons que les familles attendent un accompagnement de proximité, assuré par des enseignants mieux outillés pour informer leurs élèves. Pour cette raison, nous avons permis aux élèves de seconde et de première de créer leur compte Parcoursup, ce qui devrait leur donner le temps d'élaborer progressivement leurs choix.
Nous travaillons aussi sur le terrain avec des équipes éducatives, l'Onisep, chercheurs et lycéens, afin que les données de Parcoursup aboutissent à des conseils d'orientation personnalisés.
Je crois en un accompagnement humain, de proximité, assuré par les enseignants, tout simplement parce que cette réponse rassure, qu'elle peut donner confiance aux jeunes et constitue un vecteur efficace pour lutter contre l'autocensure et les déterminismes qui, trop souvent, entravent notre jeunesse. Nous continuerons d'avancer dans cette voie. (Mme Anne Ventalon, MM. Martin Lévrier et David Ros applaudissent.)
source https://www.senat.fr, le 18 mars 2024