Texte intégral
JEAN-REMI BAUDOT
Bonjour Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Bonjour.
JEAN-REMI BAUDOT
Hier soir, à la télévision, le président MACRON a parlé de l'Ukraine comme - je cite - une guerre existentielle pour la France et pour l'Europe, puisque le président martèle que notre sécurité dépend de ce qui se passe dans ce conflit. Faudrait-il que cette question soit abordée dans les établissements scolaires ?
NICOLE BELLOUBET
Elle le sera sûrement. Je ne sais pas s'il faut qu'elle soit abordée de manière immédiate, mais elle le sera sûrement, parce qu'au fond, tous nos enseignants, à diverses reprises, disent ce qu'est l'Union européenne, une construction pour la paix, ce qu'est la position de la France dans cette Union européenne et la nécessité aussi de se protéger. Et le président l'a clairement dit, il ne s'agit pas d'être à l'initiative, mais d'être en capacité de réponse. Et donc je crois que tout cela méritera évidemment, le moment venu, d'être abordé dans nos établissements scolaires.
JEAN-REMI BAUDOT
On sait que les élèves posent beaucoup de questions. Néanmoins, pour les plus jeunes, on n'en parle pas de la même manière qu'évidemment au lycée. Il nous faudra peut-être adapter. Il y a peut-être des choses quand même à mettre en place pour sensibiliser ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, on n'en est pas, me semble-t-il, au moment précis où l'on doive sensibiliser les plus jeunes. Mais si des questions se posent, nos enseignants savent y répondre, ils ont tous les outils pour cela.
AGATHE LAMBRET
Nicole BELLOUBET, avez-vous été mise sous tutelle ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, pardonnez-moi madame, mais je trouve ces questions absurdes, non pas celle que vous dites, parce qu'elle retranscrit une certaine Presse où certains journalistes tentent de faire valoir. Mais je crois qu'on ne raisonne pas comme ça quand on est dans la vie politique, et il me semble que ce type de questions, d'une certaine manière, déstabilise les Français. On n'est pas dans un rapport de mise sous tutelle quand on est au gouvernement ; on fait partie d'un collectif avec un premier ministre et on travaille sous l'autorité du président de la République. Je ne suis pas sous tutelle…
AGATHE LAMBRET
Mais c'est le Premier ministre qui était partout cette semaine sur le sujet de l'école.
NICOLE BELLOUBET
Je ne suis pas sous tutelle, j'ai une expérience, j'ai un certain âge qui fait que je ne me sens pas du tout sous tutelle. Que le Premier ministre ait pris des positions sur l'éducation, cela s'entend. Il a été ministre de l'Education et il a impulsé un certain nombre de réformes. Il en suit la mise en place. Je trouve ça tout à fait naturel.
AGATHE LAMBRET
Ce n'est pas anormal, mais pourquoi se positionne-t-il à ce point en première ligne ? Est-ce que c'est pour vous punir d'une certaine façon d'avoir fait entendre votre petite musique sur les groupes de niveau, une mesure qui lui tient à coeur ?
NICOLE BELLOUBET
Moi, je suis certaine que le Premier ministre n'est pas dans cette relation-là de punition. Au contraire, je crois qu'il est en soutien. Ce qu'il veut, ce que nous voulons, c'est que nos élèves, tous nos élèves progressent. C'est ça que nous voulons. Ce n'est pas les petites guerres entre tel et tel qui nous intéresse, c'est que les élèves progressent et que l'école permette à ces élèves de progresser.
AGATHE LAMBRET
Mais justement, sur ce sujet des groupes de niveau, vous avez exprimé vos désaccords avec le Premier ministre…
NICOLE BELLOUBET
Non, je n'ai pas exprimé de désaccord, je mets en place…
AGATHE LAMBRET
Mais la semaine dernière, vous prôniez la souplesse, Nicole BELLOUBET…
NICOLE BELLOUBET
Oui, absolument.
AGATHE LAMBRET
Je termine, pardon, et vous évoquiez la possibilité de rassembler les élèves en classes entières à certains moments, mais Gabriel ATTAL vous a contredit, notamment dans une interview à l'AFP…
NICOLE BELLOUBET
Non.
AGATHE LAMBRET
Eh bien il dit que sur les trois quarts de l'année au moins, il faut que le groupe de niveau soit la règle et la classe l'exception. Pardon, mais on est quand même loin de votre conception de la souplesse.
NICOLE BELLOUBET
Mais pas du tout, mais absolument pas. Absolument pas. Nous voulons, un, que nos élèves progressent. Deux, pour cela, mettre en place une pédagogie adaptée aux besoins de nos élèves. Donc nous allons mettre en place des groupes pour prendre en charge les élèves qui soit sont à l'aise, soit sont en difficulté. Trois, nous refusons le tri social, je refuse le tri social, et donc cela veut dire que ces groupes…
AGATHE LAMBRET
Donc il n'y aura pas les bons d'un côté et les mauvais élèves de l'autre ?
NICOLE BELLOUBET
Ça veut dire que ces groupes doivent pouvoir évoluer au cours de l'année. Pour évoluer, il faut que par moment ils se retrouvent en classe entière. C'est ça que je dis. Et cela, ça donne de la souplesse à chaque établissement sur le terrain. C'est cela qui va se mettre en place, et c'est, me semble-t-il, conforme à ce qu'a voulu le Premier ministre.
AGATHE LAMBRET
Mais non, parce que vous, pardon, mais vous disiez que « ce n'est pas à moi, depuis le ministère, de dicter l'emploi du temps, il appartiendra aux chefs d'établissement de décider ». Donc vous nous confirmez que ce sont les chefs d'établissement et pas le Premier ministre depuis Matignon qui décideront quand est-ce qu'on réunira les élèves en classe entière.
NICOLE BELLOUBET
Evidemment que je vous le confirme, ce n'est pas le Premier ministre depuis Matignon et ce n'est pas moi non plus. Mais nous donnons un cadre. Ce cadre, il est clair et il sera dans les textes qui paraîtront dès demain. Le cadre, je le redis, ce sont des groupes qui répondent aux besoins des élèves, en français et en math, en sixième et en cinquième. Ces groupes-là, comme nous souhaitons qu'ils puissent être brassés, parce que nous ne souhaitons pas qu'un élève, qui par exemple, figure dans le groupe de plus le plus faible, il reste nécessairement jusqu'à la fin de l'année. Nous voulons que les groupes soient brassés. Pour que les groupes soient brassés, nous disons qu'en cours d'année, les groupes peuvent revenir en classe entière et c'est cela qui favorisera ce brassage. Mais chaque chef d'établissement le mettra en oeuvre, en fonction de la réalité de son établissement. Vous comprenez bien, madame LAMBRET, que quand vous avez un collège qui a quatre classes, une sixième, une cinquième, une quatrième, une troisième, ce n'est pas la même chose qu'un collège qui a six classes de sixième. On ne peut pas réagir de la même manière. Donc le principe, c'est les groupes. La classe entière, c'est la dérogation au cours d'année. L'objectif c'est…
AGATHE LAMBRET
Exception très encadrée, a dit Gabriel ATTAL.
NICOLE BELLOUBET
Pardon ?
AGATHE LAMBRET
La classe entière, c'est très encadré.
NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous le dire. Je viens de vous le dire, c'est la classe entière, à certains moments de l'année, on a fixé 10 semaines sur 36, ça veut dire à peu près un tiers, un peu plus d'un quart et un peu moins d'un tiers. C'est beaucoup pour travailler en classe entière et opérer ce brassage des groupes.
JEAN-REMI BAUDOT
Une des raisons, en fait, qui a peut-être mis en oeuvre ce questionnement sur les différences des visions contradictoires, c'est par exemple, le fait que vous n'ayez pas toujours employé le même type de groupes, groupes de besoins, groupes de niveau. On n'est pas obligé de faire de la rhétorique ici, mais il y a aussi la question des moyens, notamment les syndicats, qui vous demandent plus de moyens. Le problème, c'est qu'il faut évidemment plus de professeurs pour dédoubler ces classes…
NICOLE BELLOUBET
Bien sûr.
JEAN-REMI BAUDOT
Alors comment, très concrètement, de quels moyens ? On a parlé de 2 300 postes supplémentaires, est ce que c'est un seuil ? Est-ce que ce sera suffisant ?
NICOLE BELLOUBET
Nous avons déployé 2 300 postes supplémentaires pour permettre la mise en place de ces groupes de niveau, ce qui est un effort tout à fait considérable. S'il y a quelques difficultés ici et là, nous essaierons de voir comment nous pouvons les résoudre.
JEAN-REMI BAUDOT
Parce que les syndicats disent entre 5 et 9 000 professeurs supplémentaires.
NICOLE BELLOUBET
Non, mais ça n'est pas, enfin, nous contestons cette forme de calcul. En tout cas, nous, nous considérons qu'avec ces 2 300 postes et éventuellement quelques aménagements ici ou là, nous répondrons aux nécessités des établissements scolaires.
JEAN-REMI BAUDOT
Avec quels types de recrutement ? On sait qu'aujourd'hui c'est déjà compliqué de recruter, et vous le savez bien, de recruter des professeurs.
NICOLE BELLOUBET
Absolument.
JEAN-REMI BAUDOT
On le voit chaque année et à chaque rentrée scolaire. Comment est-ce qu'il va être possible d'aller chercher 2 300 nouveaux professeurs sur en plus le français…
NICOLE BELLOUBET
Alors, ce ne seront pas forcément des nouveaux professeurs, n'est-ce pas, puisque nous avons des professeurs qui sont en poste et qui trouveront là aussi le lieu d'exercice de leurs fonctions. Nous allons recruter des personnels contractuels, comme chaque année, qui passent devant une commission d'inspection qui mesure leur capacité à transmettre ces enseignements. Et puis surtout, et fondamentalement, nous allons rénover le recrutement de nos futurs professeurs des écoles et de professeurs de lycée et de collèges. Nous aurons bientôt des annonces à sens pour plus d'attractivité de ces professeurs.
AGATHE LAMBRET
On va parler de la réforme de la formation des enseignants, mais juste d'un mot, pourquoi vous refusez d'employer l'expression du Premier ministre « groupes de niveau » ? Pourquoi, vous, vous dites « groupes de besoins » ? Expliquez-nous.
NICOLE BELLOUBET
Alors, d'abord, je dois vous dire que nous en avons parlé avec le Premier ministre, donc c'est en plein accord, qu'effectivement, moi je préfère utiliser le mot « groupes de besoins », parce qu'au fond, ce que nous voulons faire, c'est répondre aux besoins des élèves. Et qu'un élève peut avoir des besoins différents en français et en maths. Mais même en maths, vous pouvez avoir un élève qui est très bon en numération, qui est moins bon en géométrie. Donc c'est me semble-t-il davantage ces besoins dans telle ou telle compétence que son niveau général qui est pris en compte. Mais au fond, le Premier ministre veut dire la même chose. Moi, je préfère parler de groupes de besoins pour les raisons que je vous ai expliquées.
AGATHE LAMBRET
Et comment ils s'appelleront ces groupes dans les circulaires, dans les consignes ?
NICOLE BELLOUBET
Ils s'appelleront groupes, groupes de besoins.
AGATHE LAMBRET
Mais pas groupes de niveau, donc.
NICOLE BELLOUBET
Encore une fois, le Premier ministre utilise cette expression pour parler aux Français. Il a toujours utilisé cette expression et il faut bien sûr qu'il continue. Mais moi je préfère parler de groupes de besoins.
JEAN-REMI BAUDOT
Nicole BELLOUBET, ministre de l'Education et de la jeunesse. On se retrouve dans un instant après le Fil Info de Mathilde ROMAGNAN, à 08h40.
Fil Info
AGATHE LAMBRET
Toujours avec Nicole BELLOUBET, ministre de l'Éducation et de la Jeunesse. Nicole BELLOUBET, est-ce que sur l'école il n'y a qu'une seule ligne, celle du Premier ministre ?
NICOLE BELLOUBET
Il n'y a qu'une seule ligne, c'est celle du gouvernement et le Premier ministre incarne ce gouvernement, bien sûr. Ensuite, moi je mets en place, si vous voulez, un certain nombre de réformes dont certaines ont été décidées du temps de Gabriel ATTAL, d'autres du temps de Jean-Michel BLNQUER, d'autres, etc, et puis j'imprimerai ma propre marque.
AGATHE LAMBRET
Et on va préciser ce que vous voulez entreprendre pour l'école. Mais aujourd'hui, c'est l'anniversaire des 20 ans de la loi de 2004 contre les signes religieux. Vous pouvez nous donner les derniers chiffres des atteintes à la laïcité ?
NICOLE BELLOUBET
Alors les chiffres, évidemment, varient d'un moment à l'autre. Il y a eu un pic d'atteinte à la laïcité au premier trimestre de cette année scolaire, parce que nous sommes tombés au moment où il y avait la question des abayas, ou il y a eu également quelques actes refusant les temps de recueillement autour de Dominique BERNARD et Samuel PATY, et il y a également des contestations du contenu des enseignements. Tout ça a donné un chiffre un peu élevé, autour de 3 000 atteintes à la laïcité. Mais depuis ce mois de janvier, le nombre d'atteintes à la laïcité résultant du port de signes manifestant ostensiblement l'appartenance à une religion a baissé. Je crois que la mesure qui a été prise par Gabriel ATTAL autour de la question des abayas a marqué la ferme volonté du gouvernement et du ministre de refuser cela, et du coup le nombre des atteintes a fortement baissé de ce point de vue-là.
AGATHE LAMBRET
Mais d'autres chiffres ont augmenté, notamment les contestations de l'enseignement ou le prosélytisme.
NICOLE BELLOUBET
Ce que nous constatons, ce qui est d'ailleurs inquiétant et qui n'est pas acceptable, je le dis ici, c'est la contestation du contenu de certains enseignements, qu'il s'agisse d'enseignements liés à des questions des origines du monde, qu'il y ait des questions sur l'enseignement du fait religieux. Bref, il y a des contestations de cette nature-là. Nous serons en soutien des professeurs. Il n'est pas pensable - il n'est pas pensable - que la science ne soit pas respectée dans ce qu'elle nous dit sur des points précis. Il n'est pas pensable que nos enseignants soient contestés, nous serons à leurs côtés.
JEAN-REMI BAUDOT
Gabriel ATTAL a promis la mise en place de cellules d'appui pédagogiques pour les enseignants qui le souhaitent. Qu'est-ce que ça va changer, par exemple, par rapport aux équipes Valeurs de la République qui existent déjà ?
NICOLE BELLOUBET
Oui. Les équipes Valeurs de la République sont sollicitées de manière très fréquente. Il y a actuellement plus de 600 personnes qui travaillent dans ces équipes, il y en a dans chaque académie. Elles sont déployées dès qu'un établissement fait appel à elles. Et ces équipes Valeurs de la République assurent des séances de soutien, de formation, de présence. Et ce que veut dire Gabriel ATTAL, c'est que s'il en est besoin, si un professeur le demande, nous pourrons déployer à ses côtés pendant un temps un enseignant ou un inspecteur qui pourra venir dans la classe pour épauler l'enseignant, s'il le demande.
AGATHE LAMBRET
Mais concrètement, pardon, qu'est-ce que vous faites, Nicole BELLOUBET ? Parce que vous ne cessez de marteler qu'il ne peut plus y avoir de ‘pas de vagues', mais un enseignant sur deux dit s'être déjà autocensuré dans ses enseignements. Il y a aussi ceux qui ne parlent pas. Donc qu'est-ce que vous faites concrètement ?
NICOLE BELLOUBET
Enfin, nous faisons beaucoup de choses. D'abord, quand il y a des situations très critiques qui nous sont signalées, nous sommes aux côtés des établissements – je me suis rendue, vous l'avez peut-être vu, au lycée Maurice Ravel où il y a eu une difficulté puisqu'une étudiante avait refusé d'ôter son voile en l'occurrence – donc il y a eu un déploiement, je dirais, un bouclier de soutien ou un bouclier de protection auprès de l'établissement et du chef d'établissement. Bouclier qui comprend 1/ les forces de l'ordre à l'entrée de l'établissement ; 2/ tout le déploiement académique avec des cellules psychologiques, les équipes académiques Valeurs de la République auprès des enseignants, du chef d'établissement ; et 3/ également des dispositifs juridiques puisque, vous le savez, il y a beaucoup de choses qui se passent sur les réseaux et grâce à la plateforme Pharos, nous pouvons ôter très rapidement les messages de haine de la plateforme Pharos. Donc il y a différentes mesures que nous activons, je ne parle pas ici de la protection fonctionnelle accordée à nos personnels. Il y a différentes mesures que nous activons pour montrer que nous déployons ce bouclier de soutien auprès des équipes. Voilà ce que nous faisons très concrètement. Très concrètement.
JEAN-REMI BAUDOT
Très concrètement, où en est le travail sur le regroupement des élèves radicalisés ? C'était une annonce qui avait été faite par Gabriel ATTAL une semaine après l'attentat d'Arras. Il disait, je cite, qu'il prendrait toutes les mesures conservatoires qui sont nécessaires si cela protège l'Education nationale et ses élèves. Où en est-on ?
NICOLE BELLOUBET
Nous travaillons à mettre en place un dispositif très précis qui n'est pas encore complètement abouti, et donc j'aurai l'occasion de revenir vous en parler si vous le souhaitez, mais qui va évidemment de la sanction, qui est la première étape lorsque cela est nécessaire et qu'il y a un fait qui mérite sanction à une prise en charge particulière.
JEAN-REMI BAUDOT
Enfin, on est cinq mois après cette annonce de votre prédécesseur désormais Premier ministre, mais…
NICOLE BELLOUBET
Les annonces seront faites très rapidement et le Premier ministre s'y est engagé lui-même d'ailleurs, je crois, hier.
JEAN-REMI BAUDOT
Et on sait ces élèves aujourd'hui ? On arrive à les cartographier ?
NICOLE BELLOUBET
On sait parfaitement où ils sont évidemment.
AGATHE LAMBRET
Donc ils sont encore dans les établissements. Pardon, il y a cinq mois Gabriel ATTAL disait que c'était une question presque de vie ou de mort de les écarter des établissements, et aujourd'hui ils sont toujours dans ces établissements.
NICOLE BELLOUBET
Nous ne parlons pas des mêmes élèves. Il y a des élèves qui sont suspectés mais sur lesquels les faits ne sont pas avérés. Il y a des élèves… Si vous voulez, il y a des gradations dans ces élèves qui sont suspectés de radicalisation.
AGATHE LAMBRET
Bien sûr. Juridiquement on ne peut pas changer un élève d'établissement. On ne peut pas lui imposer de changer d'établissement s'il n'a rien fait, nous sommes d'accord.
NICOLE BELLOUBET
Ce que je vous dis, c'est que nous sommes en train d'effectuer une gradation pour que des mesures très précises soient prises et dont je parlerai très rapidement.
AGATHE LAMBRET
Et vous avez parlé justement de regrouper ces profils dans des classes spécifiques.
NICOLE BELLOUBET
Oui, dans les établissements. Il ne s'agit pas de les sortir des établissements, mais on peut avoir des temps ou des lieux de regroupement qui seront spécifiques.
AGATHE LAMBRET
Et donc ça veut dire qu'ils seront regroupés tous ensemble, donc ça peut être contre-productif et en plus qu'ils seront toujours au contact des enseignants.
NICOLE BELLOUBET
Pas forcément tous ensemble. Ils peuvent être regroupés dans des dispositifs spécifiques sans être nécessairement tous ensemble.
JEAN-REMI BAUDOT
À Sciences-Po Paris cette semaine, un groupe d'étudiants a occupé un amphithéâtre, c'était mardi, pour y organiser une conférence de soutien à Gaza. L'accès aurait été interdit à une étudiante de confession juive, ce qui a poussé Gabriel ATTAL à se rendre personnellement sur place. Il a ensuite annoncé saisir la justice. Il parlait du poisson qui pourrissait toujours par la tête. Est-ce que vous êtes d'accord ? Qu'est-ce que vous entendez et qu'est-ce qu'à votre avis il voulait dire avec ces mots ?
NICOLE BELLOUBET
Alors cette affaire-là relève plutôt du champ de ma collègue Sylvie RETAILLEAU qui est ministre de l'Enseignement supérieur, absolument. Moi si vous voulez, ce que je peux dire, c'est que nous ne pouvons pas accepter dans un établissement scolaire, dans une université, dans un établissement d'enseignement supérieur, nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des discriminations, des actes de discrimination ou des actes antisémites. C'est inacceptable, quel que soit le niveau d'établissement dont nous parlons. Et c'est la raison pour laquelle, dans les établissements scolaires, nous avons un travail très soutenu sur ce sujet avec la LICRA et avec d'autres. Sur ce qui s'est passé à Sciences-Po, des enquêtes sont lancées puisque ma collègue RETAILLEAU a déclenché un article 40, je crois, et puis Sciences-Po également, donc nous verrons ce que disent les enquêtes. Moi ce que je dis ici, c'est qu'on ne peut pas interdire à un étudiant ou une étudiante d'entrer dans un amphithéâtre. L'Université, Sciences-Po permettait que pour cette situation, je l'assimile à une université, l'université c'est universus, tous en un an. Donc c'est vraiment le lieu où l'on doit organiser des débats, mais que ces débats doivent respecter les différences des uns et des autres, et qu'il n'est pas possible d'interdire l'entrée à l'un ou à l'autre.
JEAN-REMI BAUDOT
Est-ce que comme certains, vous y voyez le signe d'un changement d'idéologie au sein des études supérieures, notamment des grandes écoles ?
NICOLE BELLOUBET
Je dis clairement qu'il faut que dans les grandes écoles soit respecté le principe du débat démocratique. C'est même, au contraire, là qu'on doit prioritairement permettre le déploiement des idées, des contestations, des ferments vraiment forts de notre vie démocratique.
JEAN-REMI BAUDOT
Et juste un tout dernier mot puisqu'on parle de Sciences-Po. Le patron de Sciences-Po, Mathias VICHERAT, a démissionné après une affaire qui est liée à son couple, dans une affaire de violences conjugales. Est-ce que l'Etat a son mot à dire sur qui serait à la meilleure place pour le remplacer ?
NICOLE BELLOUBET
Non, le directeur de l'établissement est choisi par le conseil d'administration.
JEAN-REMI BAUDOT
Je sais bien, mais c'est un poste très sensible, très politique au fond.
NICOLE BELLOUBET
L'Etat peut très bien, me semble-t-il, dire quelle doit être la mission de ce directeur. Et lorsque Gabriel ATTAL a évoqué notamment le respect de l'ensemble des valeurs républicaines, c'est un point que l'on peut fortement porter mais appartient au conseil d'administration de choisir le directeur de l'établissement. Je le sais d'autant mieux que, en son temps, j'ai été membre de ce conseil d'administration.
JEAN-REMI BAUDOT
Nicole BELLOUBET, ministre de l'Éducation, on se retrouve dans un instant, juste après le fil info de Mathilde ROMAGNAN.
Le fil info
AGATHE LAMBRET
Nicole BELLOUBET, ministre de l'Education national et de la Jeunesse. Quatre enseignants dans un lycée de Sevran, en Seine-Saint-Denis, qui avaient participé à une vidéo pour dénoncer la vétusté de leur lycée, une vidéo qui est devenue virale, sont convoqués par leur hiérarchie aujourd'hui. C'est la double peine, non seulement les enseignants sont mal lotis, mais en plus ils ne peuvent pas le dire et ils sont convoqués.. Donc je ne sais pas pour quelles raisons le proviseur les a convoqués ?
NICOLE BELLOUBET
Alors écoutez, je ne sais pas pour quelle raison le proviseur les a convoqués, moi ce que je peux dire c'est que sur la situation des établissements, le bâti, vous savez que ça relève de la région Île-de-France, j'ai rencontré Valérie PECRESSE il y a quelques jours et nous avons évoqué cela avec elle, je crois qu'elle porte toute son attention aux établissements scolaires, nous sommes également nous-mêmes très attentifs à ce qui s'y passe. Sur la convocation dont vous parlez, le proviseur saura sûrement expliquer aux enseignants les raisons pour lesquelles il les convoque, je ne sais pas vous le dire ici.
JEAN-REMI BAUDOT
Effectivement vous ne gérez pas le bâti…
NICOLE BELLOUBET
Non, je ne gère pas le bâti.
JEAN-REMI BAUDOT
Non, non, mais on le rappelle à nos auditeurs, en fonction de l'école, du collège…
NICOLE BELLOUBET
Oui, mais nous en parlons.
JEAN-REMI BAUDOT
Voilà, mais en même temps vous avez une forme de responsabilité pour les enseignants…
NICOLE BELLOUBET
Absolument.
JEAN-REMI BAUDOT
Qui travaillent parfois dans d'extrêmement mauvaises conditions, sans parler des élèves.
NICOLE BELLOUBET
Alors, ce n'est pas le cas partout, la région Île-de-France a construit je ne sais combien, je crois six ou sept, me rappelait la présidente, lycées neufs, donc je crois… nous travaillons en lien étroit avec la région Île-de-France, pour signaler là où nous considérons qu'il y a des difficultés…
JEAN-REMI BAUDOT
Est-ce qu'on sait combien de lycées par exemple, puisqu'on parlait des lycées, est-ce qu'on sait combien de lycées sont dans un état de vétusté qui honnêtement gêne l'apprentissage ?
NICOLE BELLOUBET
La présidente de la Région a un plan de rénovation de ces lycées, tout dépend de ce qu'on appelle l'état de vétusté, c'est-à-dire que je crois qu'il y a des lycées, je n'ai pas encore une très grande expérience, je suis l'autre jour allé dans un lycée de Seine-et-Marne qui était en excellent état, enfin qui était un lycée ancien en excellente état, donc, si vous voulez, il y a des plans de rénovation et je crois qu'elle ne rénove pas forcément un lycée dans son ensemble, des bâtiments sont rénovés pendant que d'autres ne le sont pas, ça il faut poser la question à Madame PECRESSE.
AGATHE LAMBRET
Nicole BELLOUBET, les élèves de seconde devront désormais faire deux semaines de stage en juin, à partir de ce mois de juin…
NICOLE BELLOUBET
Oui.
AGATHE LAMBRET
C'est demain et ça ne s'improvise pas…
NICOLE BELLOUBET
Non.
AGATHE LAMBRET
Comment les 550 000 élèves de seconde trouveront des stages ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, il me semble qu'il y a deux manières de trouver ces stages, soit par des réseaux personnels, je veux dire au sens où l'élève va dans une entreprise de son village, de sa commune, etc., et il peut…
AGATHE LAMBRET
Que ses parents connaissent.
NICOLE BELLOUBET
Ses parents ou…
AGATHE LAMBRET
Ce sera plus simple pour certains élèves que pour d'autres.
NICOLE BELLOUBET
Ce qui n'est pas normal, ce qui n'est pas équitable, et donc pour rétablir l'équité nous allons ouvrir une plateforme « 1 Jeune, 1 Solution », au sein de laquelle les entreprises entrent leurs offres de stages et à laquelle tous nos jeunes pourront se connecter dès la fin du mois de mars, et donc ceux qui n'ont pas trouvé de stage par eux-mêmes pourront, là, avoir un stage qui leur sera proposé.
AGATHE LAMBRET
Ça ne rassure pas en tout cas les professeurs et les parents.
NICOLE BELLOUBET
Pourquoi ça ne les rassure pas ?
AGATHE LAMBRET
Parce qu'il y a des témoignages, ils disent qu'ils ont peur d'être livrés à eux-mêmes, de ne pas trouver…
NICOLE BELLOUBET
Mais non, je vous dis précisément, nous mettons en place cette plateforme…
AGATHE LAMBRET
Mais vous vous dites que ce site ça va…
NICOLE BELLOUBET
Voilà, cette plateforme qui offrira un nombre très important de stages, et je vais tout à l'heure au Conseil économique, social et environnemental, avec la FEP, pour mobiliser les entreprises et leur demander de mettre encore plus d'offres de stages sur cette plateforme.
AGATHE LAMBRET
Le nombre d'inscrits au CAPES ne cesse de baisser, l'attractivité du métier d'enseignant est en chute libre, elle en est où donc cette réforme de la formation promise dont vous nous parliez tout à l'heure, est-ce que maintenant on pourra passer les concours à bac+3 au lieu de bac+5 ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, c'est une réforme à laquelle le président de la République est extrêmement attaché, donc il fera sûrement des annonces très prochainement à ce sujet. Notre idée c'est effectivement de travailler autour de cette notion-là, c'est-à-dire avec plutôt un concours non plus au niveau bac+5, mais plutôt à bac+3, pour que les étudiants voient se dessiner une carrière très claire, et le président fera très prochainement des annonces sur ce sujet.
AGATHE LAMBRET
Mais des syndicats d'enseignants redoutent une déqualification du métier.
NICOLE BELLOUBET
Mais non, parce que…
AGATHE LAMBRET
Trois ans ce n'est pas grand-chose pour passer un concours, bac+3 aujourd'hui.
NICOLE BELLOUBET
Non mais, trois ans ça permet de passer un concours, mais ça ne veut pas dire que votre seuil d'apprentissage initial est terminé, vous pouvez très bien le prolonger deux ans encore pour avoir un master.
AGATHE LAMBRET
Et vous ne croyez pas que la question c'est plutôt la revalorisation du métier sans la conditionner à des pactes, à des missions supplémentaires ?
NICOLE BELLOUBET
Nous avons revalorisé considérablement les premières années du métier d'enseignant…
AGATHE LAMBRET
Et pour le reste, vous leur demandez des missions supplémentaires.
NICOLE BELLOUBET
Non, mais c'est très important, c'est-à-dire que chaque enseignant, aujourd'hui, commence à plus de 2200 euros, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années, donc il y a…
JEAN-REMI BAUDOT
On est quand même très loin des standards européens de nombreux pays.
NICOLE BELLOUBET
Non, pas au début de carrière, au début de carrière nous avons, grâce à ces efforts financiers…
JEAN-REMI BAUDOT
Mais sur le reste ?
NICOLE BELLOUBET
Remontés, et nous sommes, en début de carrière, tout à fait à la moyenne des pays européens, c'est également le cas en fin de carrière, c'est sur les milieux de carrière que nous devons continuer à réfléchir.
AGATHE LAMBRET
Vous trouvez qu'ils ne travaillent pas assez et qu'ils doivent travailler plus pour être payés plus ?
NICOLE BELLOUBET
Non, je considère… vous savez… alors, vous vous adressez à un professeur, mon vrai métier c'est d'être professeur, donc je sais ce qu'est le travail d'un professeur, je considère que nos enseignants travaillent, on dit qu'ils travaillent en moyenne 43 heures par semaine, ça doit dépendre des niveaux, des situations, etc., mais c'est en tout cas l'évaluation qui a été faite, nos enseignants travaillent, j'ai toute confiance en eux.
JEAN-REMI BAUDOT
Et, puisque vous le disiez, la question se pose sur les milieux de carrière, est-ce que des revalorisations sur les milieux de carrière sont prévues, des avancées, sur le point, sur différents types de revalorisation ?
NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas quelque chose que je peux décider seule, évidemment, puisque tout ça se travaille avec mon collègue GUERINI qui est en charge de la fonction publique.
JEAN-REMI BAUDOT
Qui était à votre place la dernière fois et qui ne nous en n'a pas parlé particulièrement, effectivement.
AGATHE LAMBRET
Et tout ça, pardon, juste une précision, dans des conditions où les classes sont surchargées en France, c'est ce que dénoncent aussi les syndicats…
NICOLE BELLOUBET
Tout dépend où madame.
AGATHE LAMBRET
C'est un des pays où les classes sont les plus chargées en Europe.
NICOLE BELLOUBET
Non, non, non…
AGATHE LAMBRET
Non vous dites ?
NICOLE BELLOUBET
Non, ça dépend des endroits. C'est vrai que dans des départements très peuplés nous avons des classes dont le nombre d'élèves est élevé, ce n'est pas le cas dans la majeure partie de nos classes, par exemple du premier degré en zone rurale, évidemment, c'est même, au contraire, une de nos difficultés, et donc non, on ne peut pas généraliser. Et par ailleurs, je rappelle ici que mes prédécesseurs ont acté le dédoublement des classes, dans les Zones d'Education Prioritaire, en CP, en CE1, maintenant, cette année prochaine, en grande section de maternelle, non, nous faisons un effort considérable pour alléger les effectifs.
JEAN-REMI BAUDOT
Au collège c'est 26, en moyenne c'est 3 plus que dans la moyenne européenne.
NICOLE BELLOUBET
Tout dépend des lieux. Tout dépend des lieux.
AGATHE LAMBRET
Juste un mot, les européennes c'est dans trois mois, vous êtes une femme de gauche, vous étiez élue à Toulouse, pourquoi on électeur de centre gauche aujourd'hui voterait pour la liste macroniste plutôt que pour la liste socialiste portée par Raphaël GLUCKSMANN ?
NICOLE BELLOUBET
Parce que l'Europe, telle que le président de la République la porte et la conçoit, est une Europe du progrès. Nous avons, grâce à l'Europe, pu construire énormément de projets concrets dans chaque territoire, mon collègue DARMANIN évoquait le Grand canal du Nord de la France, ici ce sont tout simplement des pistes cyclables qui ont été construites dans telle ville grâce aux subventions européennes, ailleurs c'est un projet universitaire qui a pu être construit et mis en oeuvre grâce à l'Europe, et donc l'Europe c'est une Europe des solutions, c'est une Europe de la souveraineté, seuls nous ne pouvons pas faire, à plusieurs nous sommes extrêmement forts et c'est cela que je porterai dans cette campagne.
JEAN-REMI BAUDOT
Merci beaucoup Nicole BELLOUBET, ministre de l'Education…
NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.
JEAN-REMI BAUDOT
Et de la Jeunesse, merci d'avoir été l'invitée du 8.30 France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mars 2024