Interview de Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée, chargée du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à RMC Info le 28 mars 2024, sur une nouvelle réforme de l'assurance chômage.

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Média : RMC Info

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Prisca THEVENOT.

PRISCA THEVENOT
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes la porte-parole du Gouvernement. Hier, Gabriel ATTAL a donc annoncé une nouvelle réforme de l'Assurance chômage, après celle de 2019, après celle de 2023, et il a expliqué ça comme une réponse immédiate et directe au fait qu'il y a un trou dans les caisses. Donc on se dit : il n'y a plus d'argent dans les caisses, il y a un gros déficit, donc on va réduire les allocations chômage. Ça vous parait vraiment logique ?

PRISCA THEVENOT
Il y a une logique qui est imparable, c'est celle qui veut que l'on continue à lutter inlassablement contre le chômage. Parce que refuser de lutter contre le chômage, c'est nier deux réalités. La première, c'est que si on veut continuer à maintenir, à renforcer notre système de solidarité sociale, investir pour nos services publics, que ce soit la santé, l'école, les forces de l'ordre, la justice. Et puis l'autre réalité, c'est qu'on doit aussi pouvoir accepter de dire que quand on est au chômage, c'est une situation d'instabilité, de fragilité. Ce sont des projets familiaux, personnels, arrêtés, empêchés. Eh bien oui, nous devons pouvoir lutter contre le chômage et donc créer de la richesse pour le pays.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce que nous disait tout à l'heure Christelle, qui nous a appelés au 32 16, auditrice RMC qui travaille à France Travail. Elle disait : oui, mais le problème, c'est que nous, d'abord, on a eu des changements tout le temps. C'est-à-dire qu'elle dit, on a quasiment tous les six mois, elle nous en faisait la liste de ces dernières années, des changements dans les procédures, des changements dans les allocations, des changements dans les directives qu'on leur donne à eux, agents de Pôle emploi, enfin, d'ailleurs, elle disait Pôle emploi, alors que ça s'appelle depuis France Travail. Donc même le nom a encore changé. Ça fait beaucoup, beaucoup de changements. Et puis elle disait : moi, quand j'ai face à moi des chômeurs qui parfois sont au chômage depuis longtemps, ce n'est pas parce que je vais leur dire que les allocs s'arrêtent dans un mois, qu'ils vont plus activement chercher du boulot. Elle dit : ceux qui cherchent activement du boulot, ce n'est pas une question de timing, s'ils ne trouvent pas.

PRISCA THEVENOT
Eh bien effectivement, j'ai entendu le témoignage de cette jeune femme que je salue, Christelle, je crois que c'est ça.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, tout à fait.

PRISCA THEVENOT
Elle a raison sur deux points. Effectivement, nous devons continuer à réformer pour pouvoir avancer, je vous le disais, créer de la richesse pour notre modèle social, mais aussi et surtout pour les chômeurs eux-mêmes. Et pour cela, eh bien oui, nous avons accéléré les choses, et je dois le dire, nous devons continuer à le faire. Donc le premier enjeu, c'est d'accompagner les agents, les agents de France Travail pour qu'ils puissent accompagner comme il se doit, au quotidien, ces femmes et ces hommes qui d'un seul coup, se retrouvent dans la difficulté, qui se retrouvent sans travail. Maintenant, l'autre point, et je la rejoins aussi, c'est que le principe de France Travail, qui était avant Pôle emploi, au-delà du changement de nom, c'est aussi un changement de méthode. C'est avoir cette capacité à regarder la situation économique d'un territoire et être en mesure de pouvoir adapter la formation d'une personne qui se retrouve sans emploi, pour qu'elle soit, qu'elle colle plus facilement aux réalités de besoins du territoire. Et donc c'est tout l'enjeu, tout l'enjeu du travail des agents de France Travail, comme Christelle notamment, que je salue.

APOLLINE DE MALHERBE
Même si pour elle, ce qui était difficile aussi, c'est ce changement de méthodes, pratiquement tous les tous les six mois. Mais j'entends, Prisca THEVENOT, votre ambition de relancer encore le travail. Avec quelle méthode, donc ? On a bien compris qu'on allait réduire la durée maximale d'indemnisation. Aujourd'hui, c'est 18 mois, Gabriel ATTAL a dit que ça devait baisser. Est-ce qu'il y a un palier ? Est-ce que vous vous dites : voilà, on va passer de 18 mois à je ne sais pas, à 16 mois, à 15 mois, à 10 mois ?

PRISCA THEVENOT
La première des réalités qui a été rappelée par le Premier ministre hier, Gabriel ATTAL, c'est qu'il y a des négociations syndicales en cours. Elles ont jusqu'au 8 avril, elles ont demandé un délai supplémentaire pour pouvoir donner leurs conclusions. Ses conclusions, elles vont s'inscrire dans un cadre qui a été rappelé par le Premier ministre hier, autour de trois grands indicateurs. La première, c'est sur la durée d'indemnisation. La deuxième, c'est sur la durée de cotisation. Et la troisième, c'est sur effectivement le taux, le montant de l'indemnité sur lequel il s'est prononcé hier en disant qu'il n'était pas forcément favorable. Sur cela, les organisations syndicales vont se prononcer, donc bientôt, dans une semaine, et nous allons pouvoir mettre en œuvre une réforme qui sera ensuite proposée pour pouvoir être mise en œuvre d'ici la fin de l'année.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que les seniors seront concernés ?

PRISCA THEVENOT
Nous devons regarder tous les pans de la vie d'une personne.

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, ils ne seront pas préservés, si je vous entends.

PRISCA THEVENOT
Vous savez, on a beaucoup parlé de la réforme des retraites l'année dernière et je suis venue sur votre plateau l'année dernière en tant que députée, pour vous parler de cette réforme des retraites.

PRISCA THEVENOT
Tout à fait.

PRISCA THEVENOT
Il y avait justement des mesures à l'endroit des seniors, pour les protéger, notamment les carrières longues, pénibles, où nous expliquions que nous allons mettre en place des critères pour pouvoir mieux former, reformer et accompagner sur les fins de carrière, notamment les seniors qui ont eu des carrières complètement différentes et difficiles tout au long de leur vie. Tout cela, nous devons continuer à le regarder. Attention, il ne s'agit pas comme ça de venir lancer des mesures et des indicateurs. Il s'agit de coller à la réalité des Français. Et aujourd'hui, il faut pouvoir le dire. Oui, être au chômage, c'est être dans une instabilité que nous ne devons pas accepter. Nous devons continuer à lutter contre le chômage, comme nous le faisons depuis 2017 d'ailleurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a quand même une chose qui paraît, et je reviens à ma première question, c'est la logique qui est la vôtre. C'est-à-dire que depuis plusieurs semaines maintenant, c'est le SOS sur les finances publiques, d'abord lancé par Bruno LE MAIRE, puis repris par Gabriel ATTAL, par Emmanuel MACRON. On sent bien d'ailleurs que les agences de notation n'ont pas grande confiance dans la trajectoire budgétaire de la France. En gros, il y a plus de sous. Et l'une des premières mesures…

PRISCA THEVENOT
Non, il n'y a pas plus de sous.

APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien il n'y a plus de sous, il y a un déficit considérable. Il faudrait savoir s'il faut s'inquiéter, parce que j'ai du mal à comprendre.

PRISCA THEVENOT
Eh bien, merci de poser cette question. Effectivement, en arrivant à Matignon, le ministre, le Premier ministre a regardé la situation économique, a tout de suite anticipé en disant que parce que nous avions, pas décroché, sur les dépenses que nous avions faites, au contraire, nous n'avons pas du tout décroché, mais sur les recettes, on a eu moins de recettes, et donc par rapport à ça, il a anticipé les choses et il a demandé une annulation de 10 milliards de dépenses. Mais 10 milliards de dépenses sur combien ? Sur 1 600 milliards. Donc on ne peut pas dire qu'on ne continue pas à se donner les moyens de nos ambitions, pour la santé…

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf qu'entre temps, ces 10 milliards sont devenus 20 milliards pour l'an prochain et 50 milliards pour l'année suivante.

PRISCA THEVENOT
Ecoutez, écoutons ce qu'on dit, remettons les choses dans leur contexte. Nous continuons à investir massivement pour la santé, pour nos écoles, pour nos forces de l'ordre, pour notre justice. 1 600 milliards d'euros. Il faut aussi pouvoir ... et rassurer…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est bien l'argument qui a été donné, Prisca THEVENOT, je voudrais quand même comprendre, c'est bien l'argument qui a été donné pour cette nouvelle réforme de l'Assurance chômage. On est bien d'accord. L'argument qui a été donné, c'est : il faut trouver des sous.

PRISCA THEVENOT
Mais, est ce que, encore une fois, je vous le redis, c'est nier la réalité que de ne pas regarder les choses en face. Est-ce que nous voulons préserver notre modèle social en France ? Est-ce que nous voulons continuer à investir dans notre service public ? Est-ce que nous voulons empêcher des gens de tomber dans la précarité de longue durée ? Oui, et encore oui. Et donc pour cela, eh bien oui, nous devons accepter de créer de la richesse collectivement et donc d'inciter à la reprise vers le travail. Mais ce n'est pas simplement inciter la reprise vers le travail, inciter à la reprise, vers le bon emploi. Et donc il y a aussi un certain nombre de mesures qui ont été dites hier par le Premier ministre, c'est cette capacité aussi à faire en sorte qu'on puisse s'émanciper par son travail et donc avoir un salaire à la hauteur. Donc, c'est ce principe aussi d'empêcher ces trappes à bas salaires pour pouvoir évoluer tout au long de sa carrière.

APOLLINE DE MALHERBE
Desmicardiser, comme l'a dit le Premier ministre.

PRISCA THEVENOT
Exactement.

APOLLINE DE MALHERBE
Prisca THEVENOT, il y a un autre point sur lequel Gabriel ATTAL s'est exprimé hier, c'est le fait que le proviseur du lycée Maurice Ravel ait quitté sa fonction parce qu'il craint pour sa sécurité. Gabriel ATTAL, qui a d'ailleurs annoncé que l'État allait porter plainte contre la jeune fille qui est à l'origine de ces menaces de mort, et qui dit avoir été violentée par ce proviseur qui lui demandait de retirer son voile dans l'enceinte de l'établissement. Est-ce que cette plainte est symbolique ou est ce qu'elle aura une réalité matérielle ? Comment est-ce que... Est-ce que c'est pour dire : voilà, l'État fait quelque chose ?

PRISCA THEVENOT
Mais l'État fait quelque chose. La République se tient derrière celles et ceux qui participent à l'émancipation de nos enfants. Derrière celles et ceux qui sont en permanence là pour permettre d'éduquer nos enfants à l'école, leur apprendre les maths, le français. Et donc nous devons toujours les soutenir, et c'est important. Et donc ce que Gabriel ATTAL…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez entendu ce que dit l'académie. L'académie dit : il a quitté son emploi pour convenance personnelle. C'est quoi cette pudeur ?

PRISCA THEVENOT
Vous avez raison, il ne faut pas avoir de pudeur. Et c'est justement ce qu'a fait Gabriel ATTAL hier. Il a pris ses responsabilités. Jamais il ne se dérobera, jamais. Il l'a fait en tant que le ministre du Budget. Il l'a fait en tant que ministre de l'Education nationale, et il le fait encore aujourd'hui en tant que Premier ministre.

APOLLINE DE MALHERBE
Le proviseur a peur.

PRISCA THEVENOT
C'est la raison pour laquelle…

APOLLINE DE MALHERBE
Il a peur, et il a démissionné et l'académie dit : "Il est parti pour convenance personnelle"…

PRISCA THEVENOT
Mais je vous le dis encore une fois, et c'est la raison pour laquelle l'État porte plainte. L'État porte plainte. Donc maintenant, ce que nous devons accepter, c'est de collectivement continuer à nous mobiliser et de ne pas avoir de pudeur, vous avez raison, pour nommer les choses.

APOLLINE DE MALHERBE 
Mickaëlle PATY sera mon invitée tout à l'heure à 08h30, la sœur de Samuel PATY. Elle estime que l'État a failli dans sa responsabilité à ne pas empêcher la mort de son frère. Il y a eu 11 jours d'emballement ? pendant lesquels il a porté plainte, il a dit sa détresse et il n'a pas été protégé. Il est parti seul, ce vendredi soir d'octobre 2020. Il est parti seul du lycée, avec un marteau dans le sac à dos pour seule protection. Est-ce que vous estimez que oui, l'État doit dire à un moment qu'ils ont failli ?

PRISCA THEVENOT
Je pense que déjà, le premier moment c'est effectivement de comprendre la peine et la douleur de la famille, mais également d'une Nation tout entière. Parce qu'au-delà de l'homme qui a été abattu, tué par un terroriste islamiste, il y a toute une nation qui est heurtée. Et je pense que collectivement, ensemble, nous devons regarder comment nous améliorer pour nous protéger. Et c'est ce que nous faisons, non pas depuis quelques semaines, depuis quelques années, mais depuis 2017, avec le renforcement de nos renseignements territoriaux, avec des moyens supplémentaires auprès de nos forces de l'ordre, mais également avec des outils législatifs. Et donc tout cela, nous devons le faire avec une idée en tête : ne nous trompons pas de cible. Les coupables et les uniques coupables sont les terroristes islamistes.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Prisca THEVENOT d'être venue dans ce studio ce matin. Je rappelle que vous êtes la porte-parole du Gouvernement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2024