Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Roland LESCURE.
ROLAND LESCURE
Bonjour. Bonjour à tous les deux.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Le mot est lâché : rigueur. " Nous allons poursuivre sur cette voie de la rigueur ", a assuré Gabriel ATTAL hier devant les députés. Traduction : on va se serrer la ceinture.
ROLAND LESCURE
Il a dit : " On va poursuivre sur la voie de la rigueur et de la responsabilité ". Vous reconnaitrez que ça vaut quand même mieux que le relâchement et l'irresponsabilité.
JEROME CHAPUIS
Vous y étiez, sur la voie de la rigueur, compte tenu de la préparation de ce budget, qui a été aussitôt corrigé pour 2024 ?
ROLAND LESCURE
En tout cas, depuis 2017, évidemment mis à part pendant la parenthèse du " quoi qu'il en coûte ", qui, on va se le dire, a quand même été plutôt une bonne manière de soutenir l'économie française, on a été extrêmement rigoureux. On est sorti de la procédure dite des déficits publics excessifs. Ça faisait des années que l'on était dedans, gauche et droite confondues, on en est sorti, avec une gestion rigoureuse…
SALHIA BRAKHLIA
900 milliards de dette de plus depuis l'arrivée d'Emmanuel MACRON, c'est de la bonne gestion ?
ROLAND LESCURE
Eh bien, ça fait beaucoup. Il y en a une bonne partie qui est liée aux crises exceptionnelles qu'on a vécues pendant le quoi qu'il en coûte, pendant la crise énergétique qui est le résultat de la guerre en Ukraine. On a, je le répète, les autorités internationales qui nous ont sorti d'une procédure dans laquelle la gauche et la droite confondues nous avaient mis depuis des années. Maintenant, il faut qu'on retrouve cette voie. C'est vrai qu'on sort d'une période exceptionnelle dans le cadre de laquelle on a soutenu l'économie française. Il faut qu'on en sorte. On a commencé à le faire. Vous le savez, Bruno LE MAIRE a annoncé 10 milliards de baisses de dépenses publiques pour cette année, avant même que ces chiffres soient sortis. C'est un premier signe qui montre qu'on retrouve effectivement la voie de la rigueur et de la responsabilité.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que la droite vous accuse, je cite, de " maquillage des comptes du pays d'une grande gravité ". Dès le mois d'octobre, vous aviez une alerte qu'il manquait 30 milliards dans les caisses de l'Etat. Qu'est-ce que vous répondez à la droite ?
ROLAND LESCURE
Je réponds que l'irresponsabilité, elle est plutôt dans des oppositions, et notamment la droite dite républicaine, qui a proposé à l'Assemblée, en plein débat budgétaire, des dizaines et des dizaines d'amendements pour des dizaines, des dizaines, des centaines de milliards d'euros de dépenses supplémentaires. Donc, les leçons de responsabilité budgétaire, je pense qu'on n'en a pas à recevoir. Est-ce que ça veut dire qu'on a été surpris de la baisse des recettes en fin d'année ? Oui, il y a eu effectivement des recettes de TVA, des recettes d'impôts sur les sociétés et de recettes de cotisations sociales en fin d'année, qui n'étaient pas en ligne avec ce qu'on attendait, et c'est pour ça que dès que ces chiffres ont été connus, Bruno LE MAIRE a annoncé un certain nombre de baisses de dépenses. Et c'est pour ça, évidemment, que dans le cadre de la préparation du budget 2025, on va être rigoureux et responsable.
JEROME CHAPUIS
La rigueur, c'est rarement sans conséquences sur l'activité économique. Est-ce que la politique de l'offre, celle qui consiste à baisser les coûts des entreprises de l'industrie, notamment, Roland LESCURE, c'est fini ?
ROLAND LESCURE
Moi, j'en vois tous les jours les effets bénéfiques de cette politique de l'offre. Aujourd'hui, on est dans une France qui se réindustrialise…
JEROME CHAPUIS
Mais ça, ce n'est pas ma question. Est ce qu'on a encore les moyens de déployer cette politique de l'offre ?
ROLAND LESCURE
Oui. On va le faire avec rigueur et responsabilité. Mais évidemment, s'il y a une priorité des priorités, c'est de continuer à préparer la France de demain et d'après-demain. Vous savez que la meilleure manière de régler le problème du déficit public, c'est de réindustrialiser. Si on avait aujourd'hui 2 à 3 points de plus d'industrie dans l'économie française, on serait au plein- emploi et on n'aurait pas de problème de déficit public. Donc, évidemment, il ne faut pas lâcher l'avenir pour le présent, il faut être très rigoureux aujourd'hui, mais continuer à préparer demain et après-demain.
JEROME CHAPUIS
Je vous pose la question, parce que les montants chez nos concurrents, je pense notamment aux Américains, sont absolument faramineux. Les Etats-Unis par exemple, ils ont annoncé cette semaine une subvention massive du fabricant de puces Intel de 40 milliards. Est ce qu'on a encore les moyens, en temps de rigueur, de subventionner ainsi des industries ?
ROLAND LESCURE
Pour moi, le choix il est simple : il faut réduire les dépenses et préserver l'investissement d'avenir. Vous parlez de la microélectronique. On a un champion franco-italien, STMicroélectronics, qui est en train de construire une méga-usine à Crolles en Isère, qui va produire des microprocesseurs de demain. Et oui, évidemment, on les subventionne, on les accompagne, parce que les microprocesseurs, c'est un des nerfs de la guerre économique de demain. On a besoin d'être plus autonomes. Les Etats-Unis le font, les Allemands le font, la France le fait.
SALHIA BRAKHLIA
Vous parlez de demain, mais l'Etat, qui est aux côtés des industries pour la transition écologique, ces entreprises, ces industries disent : avec cette rigueur que vous prônez ce matin, cette responsabilité, cet accompagnement pourrait baisser au fil des années ?
ROLAND LESCURE
Vous savez que, donc, c'est Global Industrie cette semaine, c'est un peu mon Salon de l'agriculture à moi. Il y en a qui vont tâter le cul des vaches, moi je vais tâter le cul des machines à Villepinte. On a profité de ce salon pour annoncer, et je vous l'annonce aujourd'hui, la sortie d'un nouveau baromètre industriel de l'Etat. Moi, quand j'ai été nommé ministre de l'Industrie il y a un an et demi, je n'avais pas de mesure objective, exhaustive, de cette réindustrialisation. Ce baromètre, il est disponible depuis aujourd'hui, Ce matin. Qu'est-ce qu'il nous dit ? 201 usines en plus ou agrandissements d'usines en plus. On mesure tous les ans…
JEROME CHAPUIS
Depuis quand ?
ROLAND LESCURE
En 2023. En 2022, c'était 176. Donc moi je suis arrivé en 2022, j'ai dit : je veux qu'on mesure de manière exhaustive les ouvertures d'usines et les augmentations de lignes de production, et évidemment aussi les fermetures d'usines et les fermetures de lignes de production, et on fait le bilan entre les deux. Le bilan en 2023, c'est 201 augmentations, avec 57 nouvelles usines et 144 augmentations de lignes de production. On a dans le textile, vous vous rendez compte…
SALHIA BRAKHLIA
Et au niveau des fermetures ?
ROLAND LESCURE
Eh bien on a, en net, 200 ouvertures de plus qu'on a de fermetures. Le secteur du textile, ça fait des décennies qu'on désindustrialise la France du textile, Roubaix, le Nord. On a créé 20 usines de plus dans le textile. On a Petit Bateau qui augmente sa ligne de production. On a le Coq Sportif qui va être présent aux JO, qui habille nos sportifs. On a le Slip français qui est une entreprise française exceptionnelle. On installe des usines en France. Ce sont des bonnes nouvelles.
SALHIA BRAKHLIA
Donc on ouvre des usines, mais ma question portait sur la transition écologique. On a le Plan France 2030, des milliers d'euros…
ROLAND LESCURE
54 milliards.
SALHIA BRAKHLIA
54 milliards sur la table.
ROLAND LESCURE
...qui sont préservés. Pourquoi ?
SALHIA BRAKHLIA
Il ne faut pas y toucher.
ROLAND LESCURE
Mais non, parce que ça préserve l'avenir. Vous l'avez dit, ça accélère la transition écologique. Est-ce que vous pensez qu'on peut remettre des lignes de production de Petit Bateau en France, sans faire ce qu'ils font d'ailleurs, moins de consommation d'énergie, du recyclage de vêtements ? L'industrie d'aujourd'hui, ce n'est pas l'industrie d'hier. On a une industrie qui est plus économe en énergie. On a une industrie qui accélère la transition écologique. On a des nouvelles usines de batteries électroniques, de batteries de voitures, pardon, de micro-électronique, de pompes à chaleur, d'hydrogène. Tout ça, ce sont les nouveaux secteurs industriels. La France, elle est championne là-dedans. Aujourd'hui…
JEROME CHAPUIS
Donc ça, ça coûte de l'argent. On a dit 54 milliards, c'est maintenu. La baisse de fiscalité pour la transition écologique, c'est maintenu ?
ROLAND LESCURE
Alors, on a aujourd'hui des crédits d'impôt industrie verte. Ils ont été votés dans le cadre de la loi Industrie verte l'année dernière. Ce n'est pas de l'argent gratuit, c'est de l'argent qui est prêté via des crédits d'impôt en échange, là encore, d'installations concrètes d'usines. La philosophie sur l'accompagnement de l'investissement de l'industrie, qui, je le répète, est la seule manière de régler nos problèmes d'emploi et de finances publiques à long terme, c'est donnant donnant. Nous, on va vous accompagner. En échange de quoi vous investissez, vous créez des usines, 201 de plus l'année dernière, et vous créez de l'emploi…
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire ?
ROLAND LESCURE
... dans des territoires où on en a beaucoup trop détruit depuis 30 ans.
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire qu'on ne va pas toucher au crédit impôt recherche qui est dans le viseur, on le sait, du gouvernement, pour faire des économies. On ne va pas toucher à la fiscalité, la CVAE, cet impôt de production qui devrait baisser dans les années à venir. Tout ça est maintenu ?
ROLAND LESCURE
Alors, moi, je ne fais pas le budget avant qu'il soit fait. Donc, vous savez qu'il y a une procédure budgétaire, il y a un parlement qui doit quand même se prononcer. Donc on va voir dans les semaines et dans les mois qui viennent comment on prépare ce budget. Je le répète, avec rigueur et responsabilité. Le crédit impôt recherche, qu'est-ce que c'est ? C'est un crédit d'impôt qui, en échange d'investissements dans la recherche et l'innovation, permet de baisser les impôts des sociétés. Moi, je suis très attaché à ce principe. Est-ce qu'on peut l'adapter ici ou là pour le rendre plus efficace…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, il y a l'exemple de SANOFI, beaucoup de crédit impôt recherche et pas de trouvailles.
ROLAND LESCURE
Oui, eh bien vous parlez de SANOFI aujourd'hui, on a des usines de médicaments qui rouvrent en France. Moi je m'en félicite.
JEROME CHAPUIS
Roland LESCURE, ministre délégué en charge de l'Industrie et de l'Energie, d'ailleurs, on aura l'occasion d'en parler. Il est 08h41 et on vous retrouve juste après le Fil Info, Mathilde ROMAGNAN.
Fil Info
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Roland LESCURE, le ministre délégué chargé de l'Industrie et de l'Energie. Vous nous le disiez en première partie, la réindustrialisation c'est la seule manière de sauver notre économie, il y en a d'autres, dans la majorité, qui pensent qu'il y a d'autres solutions, comme par exemple le président du MoDem, François BAYROU, ou encore la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël BRAUN-PIVET, qui appellent à revoir la politique fiscale en taxant notamment les superprofits, les super dividendes, vous êtes d'accord avec eux ?
ROLAND LESCURE
Ecoutez, en France, aujourd'hui, moi j'en vois tous les jours, il y a des super entreprises, qui sont super créatives, super innovantes, qui ont des super résultats, et qui payent déjà des super taxes, donc pour l'ensemble de l'économie moi je serai extrêmement prudent avant de dire taxons, taxons, taxons, encore et davantage. Il y a un secteur qui est à part, un secteur, c'est le secteur de l'énergie. Vous le savez, pendant la crise énergétique les prix de l'énergie ont monté et les entreprises du secteur énergétique ont fait beaucoup, beaucoup d'argent, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, qu'elles soient créatrices ou pas, innovantes ou pas, elles ont eu ce qu'on appelle une rente…
SALHIA BRAKHLIA
Elles ont profité de l'inflation, oui.
ROLAND LESCURE
Qui est tombée du ciel, et donc quand une rente tombe du ciel il est normal, on l'a fait, il va sans doute falloir continuer à le faire, que l'Etat prélève cette rente tombée du ciel pour la partager avec les Françaises et les Français.
JEROME CHAPUIS
Ça, attendez, ça veut dire que vous allez continuer à surtaxer les entreprises énergétiques ?
ROLAND LESCURE
En tout cas on est ouvert à le faire, je pense qu'il y a des parlementaires aujourd'hui qui travaillent là-dessus, notamment Jean-René CAZENEUVE qui est le rapporteur général du Budget, qui a dit qu'il souhaitait faire des propositions en ce sens, quand une rente tombe du ciel il est normal qu'on la partage avec les Françaises et les Français.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous entendez quand même, Roland LESCURE, 146 milliards de bénéfice net pour le CAC 40 en 2023, 97 milliards de dividendes, ces chiffres ne vous convaincs pas à demander plus à ceux qui ont gagné beaucoup plus ?
ROLAND LESCURE
Non mais, ces résultats ils sont déjà, et heureusement d'ailleurs, soumis à l'impôt. Que des entreprises françaises aillent bien, non pas sur le dos des salariés, mais parce qu'elles sont créatives, innovantes…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, il ne faut pas les taxer davantage.
ROLAND LESCURE
Qu'elles créent de l'emploi, non mais, attention, je dirais à ne pas casser un des piliers de l'économie française aujourd'hui qui est qu'on a des entreprises, notamment industrielles, qui sont en train de reprendre le dessus dans la compétition internationale.
JEROME CHAPUIS
Roland LESCURE, on a beaucoup parlé de la rigueur, il y a un autre mot qui a fait son apparition hier chez votre collègue aux Armées, Sébastien LECORNU parle de réquisition, réquisition d'industrie de l'armement pour accélérer la production, pour aider notamment l'Ukraine. Ça veut dire quoi concrètement, est-ce que des usines qui assemblent de l'électroménager, par exemple, se mettraient à produire des obus ?
ROLAND LESCURE
Alors, on ne va pas transformer des machines à laver en chars d'assaut, ça, je pense qu'on n'ira pas jusque-là, mais ce qui est vrai c'est que dans la loi de programmation militaire on a voté une disposition qui fait que si on a besoin, notamment pour des fournisseurs, de prioriser la production qui va dans des appareils militaires à de la production qui va dans…on peut le faire, et on peut même aller…
JEROME CHAPUIS
Et on en a besoin aujourd'hui, on en a besoin ?
ROLAND LESCURE
Et on peut même aller jusqu'à procéder à des… Pour donner quelques chiffres. Avant 2017, on commandait à peu près 9 milliards d'euros à l'industrie militaire par an, depuis 2017 on est passé à 15 milliards, et en 2022, pour 2023, on a commandé 20 milliards d'euros, donc on a beaucoup, beaucoup augmenté les commandes…
JEROME CHAPUIS
Doublé la commande…
ROLAND LESCURE
Et donc il faut qu'on augmente beaucoup, beaucoup les cadences. Donc aujourd'hui, je dirais c'est une conversation qu'on a avec les industriels de la défense…
JEROME CHAPUIS
C'est une menace ?
SALHIA BRAKHLIA
Ça ressemble à une menace, oui.
ROLAND LESCURE
En tout cas tout ce qu'on a voté peut être mis en oeuvre. Si, c'est le cas de le dire, ils livrent la marchandise, tel qu'on a commandé, tel qu'on les a évidemment prévenus, on se retrouve face à une guerre qui est aux portes de l'Europe, il faut adapter notre appareil de production pour que, face à cette guerre qui frappe, on puisse répondre et qu'on soit à la hauteur.
JEROME CHAPUIS
On a l'impression que c'est un problème de mauvaise volonté, ce n'est pas juste un problème de chaînes d'approvisionnement, de matières premières qui ne sont pas disponibles.
ROLAND LESCURE
Non, c'est un sujet de montée en puissance d'une économie, l'économie des armes et des dispositifs militaires, qui n'était plus dans le même rythme, donc il faut qu'on les accompagne, il faut aussi peut-être qu'on mette un peu de pression parce que, je le répète, il y a aujourd'hui des sous-traitants qui font à la fois du civil et du militaire, quand on met la priorité sur les dépenses militaires il faut que la priorité elle soit dans toute la chaîne de valeur.
JEROME CHAPUIS
Mais si on prend par exemple le cas d'AIRBUS, il faudrait produire, peut-être ralentir un peu la cadence sur les AIRBUS civils pour produire davantage d'avions militaires ?
ROLAND LESCURE
Non, dans AIRBUS on est dans des lignes de production qui sont quand même très largement différentes, mais il y a aujourd'hui des petites et moyennes entreprises qui fournissent des pièces détachées pour des missiles, par exemple, des missiles dont on a besoin notamment pour aider l'Ukraine, eh bien oui, aider l'Ukraine aujourd'hui c'est la priorité des priorités, il faut qu'on aide l'Ukraine à se défendre, et pour ça il faut qu'on puisse augmenter la cadence sur la production de missiles, et donc sur les productions des sous-traitants qui fournissent nos missiles.
JEROME CHAPUIS
D'un mot, le Sénat a voté le financement des entreprises de la défense par le Livret A et le livret de développement durable, l'épargne des Français, le texte doit être étudié par l'Assemblée, c'est une bonne chose pour vous ?
ROLAND LESCURE
Aujourd'hui, je pense qu'on vient de le dire, c'est moins un sujet de financement, la défense, qu'un sujet de capacité de production. On va regarder ce qui a été voté au Sénat et voir si on peut éventuellement en tirer quelques leçons, quelques idées, dans le cadre du vote à l'Assemblée, mais…
JEROME CHAPUIS
Mais vous n'y êtes pas favorable.
ROLAND LESCURE
Aujourd'hui la loi de programmation militaire elle est financée, elle est prévue, je pense que le sujet majeur c'est la cadence de production et c'est là-dessus qu'il faut qu'on se focalise.
SALHIA BRAKHLIA
En parlant des armes, de l'industrie de l'armement, malgré le vote de la résolution de l'ONU exigeant un cessez-le-feu les autorités israéliennes persistent à continuer la guerre et à bombarder Gaza, la France envoie des armes à Israël. C'est une information du média Disclose, au moins 100 000 pièces de cartouches pour des fusils mitrailleurs qui ont pu servir, selon Disclose, à la fusillade qui a tué des centaines de Palestiniens autour d'un convoi alimentaire il y a quelques semaines, ont été livrées, Sébastien LECORNU, votre collègue aux Armées, a réfuté ces informations, il indique que les livraisons à Israël ne concerneraient que des composants sous licence de réexportation, c'est-à-dire envoyés à d'autres pays qu'Israël, et qu'ils ont vocation, ces armes envoyées à Israël, à intégrer des systèmes purement défensifs. Est-ce que dans le doute il ne faut pas juste arrêter d'envoyer des armes à Israël ?
ROLAND LESCURE
Non, je pense que Sébastien LECORNU a été très clair, la France n'exporte pas d'armes en Israël, la France exporte des pièces détachées qui sont intégrées dans des systèmes qui eux-mêmes sont exportés…
SALHIA BRAKHLIA
Ou utilisées sur le sol israélien ?
ROLAND LESCURE
Non, Sébastien LECORNU a dit que ce n'était pas le cas, mais j'allais dire l'essentiel est ailleurs aujourd'hui, l'essentiel est sur le terrain où, vous l'avez dit effectivement, grâce à la France, et grâce à un certain nombre d'Etats, on a enfin, ça a pris du temps, réussi à faire voter une résolution…
JEROME CHAPUIS
Sans résultat, donc la question qui se pose c'est quels sont les autres leviers…
ROLAND LESCURE
Des Nations-Unies, demandant un cessez-le-feu, et il faut qu'on continue à mettre la pression sur le gouvernement israélien pour que… d'ailleurs sur toutes les parties, parce que cette résolution elle appelle à la fois la libération inconditionnelle des otages et à un cessez-le-feu à Gaza, il faut qu'on mette en oeuvre cette résolution, elle a été votée il y a 36 heures. Je pense qu'il faut continuer à mettre tout en oeuvre pour que cette résolution elle soit suivie d'effet.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous voyez bien, Roland LESCURE, si vous vous mettez à la place des pays du Sud global qui se disent " attendez, que ce soit la France ou l'Union européenne se placent pour un cessez-le-feu à Gaza et de l'autre côté ils envoient des armes aux Israéliens ", vous voyez bien une position qui est un peu contradictoire…
ROLAND LESCURE
Non, mais j'entends ça, mais vous pensez vraiment que si on arrêtait d'envoyer des pièces détachées de fusils mitrailleurs qui sont réexportés en provenance de la France, qui représentent… mais rien dans ce qui est aujourd'hui effectivement exporté en Israël par d'autres pays, et vous le savez, ce sont essentiellement les Etats-Unis aujourd'hui qui fournissent l'Etat d'Israël, je dirais on se ferait plaisir pour pas grand-chose. Les symboles, c'est important. La réalité aujourd'hui, la réalité, c'est qu'on a besoin d'un cessez-le-feu sur le terrain, on a aussi besoin d'ailleurs de la libération inconditionnelle des otages, et que la France fait partie des Etats qui contribuent à la pression, parce que, oui, ce n'est pas facile, mais depuis quelques mois la France, qui a souvent été critiquée d'ailleurs, pour être insuffisamment ceci, ou insuffisamment cela, fait partie des quelques Etats qui arrivent à pousser les feux, des deux côtés, pour littéralement apaiser la situation, ce qui se passe est horrible, il faut que ça s'arrête, et la France, aujourd'hui, elle contribue à ça.
JEROME CHAPUIS
Roland LESCURE, on vous retrouve juste après le Fil info.
Fil Info
JEROME CHAPUIS
Et Roland LESCURE, ministre délégué en charge de l'Industrie et de l'Energie. Lundi dernier, avant-hier, Bruno LE MAIRE a demandé à EDF de baisser ses tarifs pour les PME, en renégociant certains contrats, il a même théâtralisé tout ça en s'invitant au comité exécutif. Vous entendez la critique, en février, les tarifs étaient censés baisser, mais les taxes ont augmenté, c'était la fin progressive du bouclier tarifaire. Résultat, la facture a augmenté de 10%, EDF a bon dos ?
ROLAND LESCURE
Non, alors, d'abord, il faut quand même rappeler que grâce à des investissements qui ont été faits il y a 50 ans d'ailleurs, l'énergie, l'électricité en France, elle est décarbonée et moins chère qu'ailleurs. Ce qui est vrai, c'est qu'ayant protégé de manière très forte les consommateurs, l'énergie, pendant la crise énergétique, on retrouve aujourd'hui une fiscalité normale, on n'augmente pas les impôts, on retrouve les niveaux qu'on avait avant la crise. Et par ailleurs, il y a des entreprises, et notamment des TPE et des PME, la plupart des contrats d'électricité pour les entreprises sont plutôt aujourd'hui en train de baisser, mais celles qui ont signé au pire moment, la faute à pas de chance, à l'automne 2022, se trouvent avec des contrats qui pour beaucoup, en 23, en 24, voire même 25, se traduisent par des factures très lourdes.
JEROME CHAPUIS
Combien de contrats ça représente ?
ROLAND LESCURE
C'est quelques milliers. L'essentiel des contrats aujourd'hui sont plutôt en train de voir, pour les entreprises, l'électricité baisser. Mais c'est vrai que ces quelques milliers, ce sont des entreprises qui souffrent. Et donc, ce qu'a demandé Bruno LE MAIRE, et c'est normal qu'il puisse s'inviter au comité exécutif, je vous rappelle qu'on est actionnaire à 100%...
JEROME CHAPUIS
C'est le patron ou… il y a un patron chez EDF…
ROLAND LESCURE
Eh bien, c'est l'actionnaire principal et unique quand même, je vous le rappelle. Donc, qu'on puisse aller de temps en temps discuter avec les dirigeants d'EDF…
JEROME CHAPUIS
C'est bien de prévenir avant, il paraît qu'il s'était invité…
ROLAND LESCURE
Ah, il avait prévenu, ah, non, non, il avait prévenu, il l'avait dit, j'étais là, il y a plus d'un mois quand on était en déplacement ensemble sur les enjeux électriques. Donc il avait prévenu, il est arrivé en prévenant. Il a demandé deux choses, 1°) : que dans les investissements futurs, je parlais des investissements qu'on a faits il y a 50 ans, on en fait aujourd'hui, qui vont permettre à nos enfants, à nos petits-enfants, d'avoir encore plus d'électricité décarbonée, et pas chère, dans 50 ans, de le faire de manière rigoureuse et responsable là aussi, et puis, que pour les PME qui souffrent de contrats qui sont encore trop contraignants, qu'on puisse renégocier, pour que les années suivantes voient les prix baisser.
SALHIA BRAKHLIA
Alors, justement…
JEROME CHAPUIS
On a appris hier, oui, que l'Autorité de Sûreté Nucléaire avait annoncé que l'autorisation de mise en service de l'EPR de Flamanville allait être ouverte à la consultation publique, mais avec du retard ; encore un retard pour l'EPR. Est-ce que vous êtes inquiet ?
ROLAND LESCURE
Ça fait 12 ans qu'on l'attend. J'allais dire, on n'est pas à deux semaines près. Ce qui est ce qui a été annoncé hier, c'est que, d'abord…
SALHIA BRAKHLIA
Ah oui, carrément, vous lâchez, quoi…
ROLAND LESCURE
Non, non, non. Deux semaines, attendez ! L'Autorité de Sûreté Nucléaire, ce qu'elle a dit hier, c'est : j'ai terminé mes travaux, et la procédure normale veut que je lance une consultation publique qui va durer trois semaines, qui va nous amener au 17 avril, et ensuite, je prendrai ma décision. Donc, on verra d'ici la fin avril quelle est la décision de l'ASN. Mais voilà, il restait deux semaines de travail. Ça fait 12 ans qu'on attend.
JEROME CHAPUIS
On n'ose pas vous demander un pronostic. Est-ce que ce nouveau réacteur sera branché avant l'été sur le réseau ?
ROLAND LESCURE
Oui, alors, bon, démarrer une centrale nucléaire, ce n'est pas comme démarrer…
JEROME CHAPUIS
Une voiture…
ROLAND LESCURE
Une Clio ou une 208, ça prend un peu plus de temps. Donc ce qui normalement va se passer, c'est qu'on va charger le combustible. Donc si tout se passe bien, après la consultation publique, donc d'ici la fin du mois d'avril. Ensuite, il y a quelques mois de montée en puissance, et ensuite, la centrale tourne.
JEROME CHAPUIS
Donc elle sera branchée avant la fin de l'année ?
ROLAND LESCURE
Eh bien, j'espère bien en tout cas, après 12 ans, je l'espère bien. Mais surtout, je voudrais, là encore, peut-être voir le verre à moitié plein. On l'a attendu pendant longtemps, cet EPR, il va tourner, il va permettre…
JEROME CHAPUIS
Il a coûté quatre fois plus cher que prévu, 13 milliards…
ROLAND LESCURE
Et il a coûté, exactement, quatre fois plus cher, quatre fois plus longtemps. Mais, je dirais, on va apprendre de ces leçons, et on va pouvoir construire des EPR de nouvelle génération, des EPR dits 2. On va en construire six, trois fois deux, avec les leçons du passé, une capacité, là encore, à investir pour que nos enfants et nos petits-enfants bénéficient d'une électricité décarbonée et pas chère. Voilà, on a un champion…
SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce que vous les retenez bien…
JEROME CHAPUIS
Dont il faut reconnaître…
SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que vous les retenez bien les leçons de l'EPR de Flamanville, parce que pour les prochains EPR, justement, les EPR 2, que vous venez de citer, parce que, selon Les Echos, la facture des six futurs réacteurs nucléaires, EPR 2, eh bien, la facture aurait déjà grimpé de 30 % pour s'établir à 67,4 milliards d'euros, contre les 51 milliards prévus annoncés initialement par EDF. Ça commence mal.
ROLAND LESCURE
Non, mais ces chiffres qui circulent n'ont aucun sens, en fait. Aujourd'hui, on est au stade, je dirais, pour simplifier, des croquis. On n'a même pas de devis détaillés, donc ce sont des estimations préliminaires qui sortent, d'ailleurs, je ne sais pas trop d'où…
SALHIA BRAKHLIA
Vous avez fait un budget vous-même, donc…
ROLAND LESCURE
Non, non, non, non, non, non. Le gouvernement, l'Etat, le président de la République…
SALHIA BRAKHLIA
EDF…
ROLAND LESCURE
Le Président de la République a demandé un budget détaillé pour les EPR d'ici la fin de l'année, et on aura un conseil de politique nucléaire qui arrêtera à la fois les budgets et les calendriers. Et les deux vont vraiment ensemble. On l'a vu sur l'EPR 1. Et donc d'ici là, EDF travaille avec ses fournisseurs pour, je dirais, serrer les devis, et s'assurer qu'on n'ait pas les mauvaises surprises dont il faut reconnaître qu'on les a eues sur l'EPR 1. Mais aujourd'hui, on est au stade des croquis, on attend les devis détaillés, et on ne prendra, d'ailleurs, comme tout le monde, une décision que sur la base de devis extrêmement détaillés.
JEROME CHAPUIS
Roland LESCURE vous allez vous rendre au séminaire gouvernemental sur le travail.
ROLAND LESCURE
J'y vais là…
JEROME CHAPUIS
A Matignon…
ROLAND LESCURE
Cet après-midi.
JEROME CHAPUIS
Vous qui vous dites de centre gauche, est-ce que vous soutiendrez la diminution de la durée d'indemnisation des chômeurs qui semble être une piste du gouvernement ?
ROLAND LESCURE
Ecoutez, aujourd'hui, la balle, elle est dans le camp des organisations syndicales et patronales qui sont en négociation.
JEROME CHAPUIS
Ce n'est pas tout à fait ce que dit Bruno LE MAIRE, qui dit : il faut que le gouvernement reprenne la main.
ROLAND LESCURE
Eh bien, moi, j'espère, en tout cas pour l'instant, c'est leur responsabilité qu'ils vont nous faire des propositions concrètes. Moi, je l'attends. Vous savez, j'ai 57 ans, moi, le travail des seniors est le fléau français qui fait qu'aujourd'hui les seniors travaillent beaucoup moins qu'ailleurs. Je le vois tous les jours dans mon environnement personnel. Il faut qu'on change ça. Le fait que des gens qui ont mon âge soient aujourd'hui considérés par des entreprises comme inutiles, et, au fond, considérés par la société comme inutiles. Il faut que ça change.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que là, la pression est mise sur les chômeurs, sur ces fameux seniors qui sont au chômage. Est-ce qu'il ne faut pas en fait, mettre la pression plutôt de l'autre côté, c'est-à-ire du côté des entreprises, pour les inciter à les garder en emploi ?
ROLAND LESCURE
Les deux, mon Général, j'allais dire, on a aujourd'hui un équilibre qui fait que les entreprises ont tendance à ne plus investir dans les seniors, et les seniors, eh bien, quand on leur propose effectivement un package, comme on dit, qui dit : vous allez pouvoir partir, toucher le chômage jusqu'à la retraite, et vous arrêtez là. Ils ont tendance évidemment à le prendre et je le comprends. Donc, il y a un vrai travail de fond à faire là-dessus, et je le répète…
SALHIA BRAKHLIA
C'est ce qu'on appelle la mesure pour les entreprises.
ROLAND LESCURE
Non, mais c'est la responsabilité des partenaires sociaux de nous faire des propositions. Moi, je suis prêt à entendre les propositions à la fois pour les chômeurs et pour les entreprises. Ils sont là pour ça. Le dialogue social, moi, j'y crois. En revanche, il faut que ces responsabilités, elles donnent lieu à des propositions concrètes.
JEROME CHAPUIS
On vous laisse filer à Matignon, Roland LESCURE…
ROLAND LESCURE
J'y vais, merci beaucoup…
JEROME CHAPUIS
Pour ce séminaire sur le travail. Ministre délégué chargé de l'Industrie. Vous étiez invité de France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 avril 2024