Entretien de M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué, chargé de l'Europe, en duplex avec BFM TV le 24 mars 2024, sur l'attaque terroriste à Moscou revendiquée par l'Etat islamique et le conflit en Ukraine.

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Média : BFM TV

Texte intégral

Q - Nous sommes avec Jean-Noël Barrot. Bonjour, merci, Monsieur le Ministre, d'avoir accepté notre invitation.

R - Bonjour.

Q - Vous êtes ministre délégué chargé de l'Europe. L'Europe face à la fois à cette tragédie à Moscou, face au narratif de Vladimir Poutine... Quelle va être la position de l'Europe sur ce qui s'est passé, et sur la réaction à venir potentielle de Vladimir Poutine, qui pourrait intensifier encore ses frappes sur l'Ukraine ?

R - D'abord, permettez-moi de redire, comme le Président de la République l'a fait, que nous condamnons avec la plus grande fermeté cette attaque terroriste revendiquée par l'Etat islamique, à Moscou, que nous nous associons à la peine et à la douleur des victimes et de leurs familles bien sûr. J'entendais, sur votre antenne, des reportages. Nous sommes profondément émus par la situation de ces familles qui ont perdu une mère, un frère, un enfant. Nous avons connu la barbarie aveugle de l'islamisme radical dans notre pays, et nous sommes solidaires du peuple russe.

Ensuite, il faudra que la lumière soit faite sur cet acte odieux et barbare, et il faut évidemment qu'il ne soit pas instrumentalisé. Quant au durcissement de la posture de Vladimir Poutine...

Q - Est-ce que c'est le cas aujourd'hui ?

R - ... en Ukraine, en Russie, et même d'une certaine manière en direction de l'Occident, elle n'est pas nouvelle. C'est la raison pour laquelle, il y a un mois, le Président de la République a appelé les Européens au sursaut. Et c'est la raison pour laquelle, jeudi et vendredi de cette semaine, les Européens ont parlé d'une seule voix, lors du Conseil européen, en disant qu'ils soutiendraient l'Ukraine aussi longtemps que nécessaire, mais également aussi intensément que nécessaire, pour garantir que la Russie de Vladimir Poutine ne puisse pas gagner en Ukraine.

Q - Jean-Noël Barrot, vous disiez à l'instant, il ne faut pas instrumentaliser ce qui s'est passé vendredi. Vous avez entendu les déclarations de Vladimir Poutine, sa première réaction, de ne même pas évoquer l'Etat islamique et de ne donner que des indices qui pointent l'Ukraine. Est-ce que cette instrumentalisation, elle est déjà là ?

R - Ecoutez, ce que je constate, c'est que depuis quelques mois, la posture de Vladimir Poutine s'est durcie en Ukraine sur le front ; en Russie avec des assassinats politiques et une farce électorale qu'on a vécue, la semaine dernière ; en Occident, en Europe, avec des campagnes de désinformation, avec des campagnes cyber, avec une politique agricole qui consiste à utiliser la production comme une arme et à inonder les marchés agricoles mondiaux de céréales à prix cassés. Bref, Vladimir Poutine durcit sa posture. L'Europe doit faire acte d'unité et de détermination. C'est ce que j'ai entendu, jeudi et vendredi, au Conseil européen, avec le Président de la République.

Q - Est-ce que je peux juste interpeller le Ministre un instant ? Jean-Noël Barrot, est-ce que le fait de lancer une polémique sur l'envoi de troupes en Ukraine à un moment où on nous demande des armes et à un moment où la France est, comme vous le savez, avant-avant-dernière en termes de livraison d'armes, était la façon de montrer l'unité ? D'ailleurs, Vladimir Poutine a été le premier à s'en saisir.

R - Ce qu'a fait le Président de la République, c'est de rassembler 26 chefs d'Etat et de gouvernement à l'Elysée pour envisager toutes les façons dont on peut continuer à aider l'Ukraine, y compris de manière différente à ce que nous avons fait par le passé. Ensuite, il a posé un principe simple : nous n'allons plus dire ce que nous voulons ou ce que nous envisageons, ou n'envisageons pas de faire dans l'effort qui est le nôtre pour aider la résistance ukrainienne. Nous n'allons plus dévoiler nos lignes rouges. Nous disons simplement que nous n'excluons rien. Et cette idée-là est désormais partagée par la quasi intégralité des Etats membres de l'Union européenne. Et au cours du Conseil européen qui s'est tenu cette semaine, on a vu une avancée historique : c'est-à-dire une Europe unie, qui affirme qu'elle souhaite disposer de capacités de défense, de capacités industrielles, pour pouvoir se réarmer, à la fois pour soutenir l'Ukraine dans la durée, mais aussi pour, tout simplement, pouvoir être autonome dans ce domaine-là.

Q - Jean-Noël Barrot, cette nuit, un missile russe a violé l'espace aérien polonais. Est-ce qu'on est au bord d'une escalade ?

R - Je vous le dis, ce que nous constatons, depuis des semaines, depuis quelques mois, c'est ce durcissement de la posture de Vladimir Poutine. C'est ce qui explique le sursaut des Européens, le sursaut auquel le Président de la République les a appelés. Il y a un certain nombre de mesures qui ont été prises : 50 milliards d'euros pour le soutien économique et civil à l'Ukraine ; l'accord sur la Facilité européenne de paix, 5 milliards d'euros qui vont permettre d'apporter toutes les munitions à très court terme pour que l'Ukraine puisse se défendre ; et puis l'accord sur le principe que dans les années à venir, nous allons nous doter d'une vraie capacité industrielle de défense, de manière à pouvoir nous protéger et protéger l'Ukraine, en l'espèce. Mais ce durcissement n'est pas nouveau. Nous l'avons dit, nous l'avons annoncé, nous avons appelé les Européens à se réveiller. Je crois qu'ils sont au rendez-vous.

Q - Merci beaucoup d'avoir été avec nous en direct, ce matin, dans le Live BFM.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2024