Extraits d'un entretien de M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué, chargé de l'Europe, avec France Inter le 24 mars 2024, sur l'attaque terroriste à Moscou revendiquée par l'Etat islamique, le conflit en Ukraine et l'Europe de la défense.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q - Bonjour, Jean Noël Barrot.

R - Bonjour.

Q - On va bien sûr parler notamment du grand événement européen de la semaine, le Conseil européen, qui s'est penché entre autres sur la question d'une défense européenne. Mais d'abord, un attentat a frappé vendredi soir la population russe dans une salle de concert près de Moscou. Il a tué 133 personnes. La France condamne cette attaque, elle se dit solidaire avec les victimes. Vous êtes solidaire de la Russie, aujourd'hui ?

R - Oui, le Président de la République l'a rappelé, la France condamné avec la plus grand fermeté cet attentat revendiqué par l'Etat islamique à Moscou. Elle s'associe à la peine des victimes et des proches des victimes, comme à celle du peuple russe, parce que nous ne confondons pas le régime de Vladimir Poutine avec le peuple russe. Nous ne l'avons jamais fait.

Q - L'organisation Etat islamique, je le rappelle, a revendiqué l'attentat. Le président Poutine, lui, désigne l'Ukraine, et il affirme que les quatre auteurs de l'attentat ont été arrêtés alors qu'ils se dirigeaient vers l'Ukraine. Comment vous recevez, vous, cette déclaration ?

R - Il faut évidemment que la lumière soit faite sur cet acte odieux, qui ne doit faire, en revanche, l'objet d'aucune instrumentalisation. On le doit aux familles, aux proches et au deuil du peuple russe.

Q - Et est-ce que Paris et Bruxelles peuvent garder cette position très critique que nous avons vis-à-vis de Vladimir Poutine, alors que la nation russe vient d'être endeuillée ?

R - Je vous l'ai dit, il ne faut pas confondre le régime de Vladimir Poutine, qui a lancé cette guerre d'agression contre l'Ukraine, avec le peuple russe lui-même, qui subit d'ailleurs au quotidien cette guerre que Vladimir Poutine a lancée et au travers de laquelle il épuise son propre pays.

Q - Donc vous dites toujours, vous, que la réélection de Vladimir Poutine est une farce, par exemple ?

R - C'est une farce, et les dirigeants de l'Union européenne réunis à Bruxelles, jeudi et vendredi, ont condamné les élections qui se sont tenues en territoires occupés, en affirmant qu'ils ne les reconnaissent pas et qu'ils ne les reconnaîtront jamais.

Q - Jean-Noël Barrot, vous parliez justement de ce Conseil européen qui s'est tenu à Bruxelles cette semaine, très largement consacré à l'Ukraine et au passage de l'Union européenne en économie de guerre. Il y a eu des avancées cette semaine sur l'Europe de la défense, parce que les Vingt-Sept ont accepté qu'une partie des bénéfices liés aux avoirs russes gelés servent à financer l'armement de l'Ukraine. Moscou menace de poursuites judiciaires. Ça ne vous inquiète pas, ça ?

R - Ce Conseil européen, jeudi et vendredi, c'était un moment très fort d'unité et de détermination des Européens sur le soutien à l'Ukraine, aussi intensément que nécessaire, sur le renforcement, vous l'avez dit, des capacités de défense européenne, mais aussi sur l'appel au cessez-le-feu à Gaza, où c'est les mesures à prendre pour l'agriculture. Il y a encore trois mois, de telles déclarations étaient totalement inimaginables. Maintenant, sur les actifs russes gelés et les revenus que nous entendons saisir pour financer le soutien militaire à l'Ukraine, tout cela a fait l'objet d'analyses juridiques approfondies, et nous sommes parfaitement confiants sur le fait que nous sommes légitimes à le faire.

(...)

Q - Vous êtes confiant dans la perspective d'un emprunt européen pour financer l'Union européenne de la défense, qui est voulu par Emmanuel Macron et par vous ?

R - Ce que je constate, c'est que jeudi et vendredi, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé d'accélérer sur la réflexion sur toutes les pistes possibles pour financer le renforcement de capacité européenne de défense, et notamment cette idée d'emprunt commun. Ils ont demandé à la Commission européenne d'y travailler, de leur remettre au mois de juin un rapport pour pouvoir, sur ce fondement-là, décider d'avancer.

Q - Et il faut encore convaincre l'Allemagne et les Pays-Bas quand même...

R - Nous y travaillons activement.

Q - Vous vous sentez d'abord français ou d'abord européen, profondément européen, attaché à une dimension fédérale de l'Union, Jean-Noël Barrot ?

R - Vous savez, les pères fondateurs, et je le dis alors que nous sommes réunis en congrès à Blois dans une famille politique dont sont issus ces pères fondateurs, ils ont considéré que le destin de la France continuait au travers de l'Europe. Et donc nous sommes français, nous sommes européens. L'Europe protège la souveraineté de la France, et c'est la raison pour laquelle nous voulons protéger l'Europe.

Q - Je vous repose la question, vous sentez d'abord français ou d'abord européen ?

R - Vous savez, la conviction profonde qui est celle de notre famille politique, c'est qu'on n'est pas exclusivement français. Vous savez, moi j'ai grandi en Haute-Loire, je suis aujourd'hui élu des Yvelines. Il n'y a pas de contradiction entre mes différentes appartenances et mes différentes identités, et je ne crois pas qu'il faille les faire se confronter entre elles, au contraire, elles s'enrichissent mutuellement.

(...)

Q - Merci, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe, en direct de Blois. Merci de nous avoir répondu sur Inter.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2024