Texte intégral
SONIA DEVILLERS
Bonjour Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Bonjour.
SONIA DEVILLERS
Des milliers d'élèves, de profs et de parents, qui sont témoins de messages terrifiants, de menaces d'attentat, par l'entremise de ce qu'on appelle les espaces numériques de travail qu'ils se partagent. Encore des dizaines de lycées évacués hier matin dans l'Est, juste après les Hauts-de-France, manifestement ça ne s'arrête pas. Qu'avez-vous mis en place pour endiguer ce phénomène ?
NICOLE BELLOUBET
Tout d'abord, évidemment, c'est extrêmement choquant, je comprends que certains élèves ou leurs parents soient très bouleversés par ce qu'ils peuvent voir sur certaines vidéos, qui sont liées à ces évènements. Nous avons mis en place d'abord la mise en sécurité des personnes et des élèves, des personnels et des élèves, alors il y a des levées de doutes, c'est pour cela que certains établissements ont commencé leurs cours un peu plus tard que prévu, ensuite nous avons suspendu les messageries de l'espace numérique de travail, puisque vos auditeurs, en fait ce qui pose problème ce sont ces espaces numériques de travail, dont certains comptes, ceux que les élèves et leurs parents peuvent consulter, sur lequel il y a leurs notes, sur lequel il y a les échanges avec les professeurs, certains comptes ont été piratés, et c'est à partir…
SONIA DEVILLERS
Donc c'est du piratage de certains comptes, c'est du piratage individuel…
NICOLE BELLOUBET
C'est du piratage de certains comptes…
SONIA DEVILLERS
Ce n'est pas tout le système qui a été pénétré ?
NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas le système entier qui est pénétré, c'est la raison pour laquelle nous avons suspendu la messagerie, qui est l'un des éléments de ces espaces numériques de travail, lorsqu'ils sont attaqués nous recherchons, nous identifions les comptes qui ont été piratés et nous allons procéder ensuite à leur réinitialisation.
SONIA DEVILLERS
Vous avez un début d'idée d'où ça peut provenir ?
NICOLE BELLOUBET
Non, c'est trop tôt pour que nous soyons sûrs de ce qui se passe, évidemment les établissements…
SONIA DEVILLERS
Ce sont des attaques françaises ?
NICOLE BELLOUBET
Je ne peux pas vous répondre, nous n'avons pas d'indications selon lesquelles ce seraient des attaques autres que françaises. Le Parquet, évidemment, a été saisi, une enquête est en cours sur chacun de ces phénomènes, et je voudrais ici dire d'ailleurs que lorsque les auteurs seront connus, les sanctions sont très lourdes, cela peut aller jusqu'à des peines de prison, et il y a déjà eu des situations, dans les fausses alertes à la bombe, où il y a eu des peines de prison qui ont été prononcées. Donc, il n'y aura pas d'impunité parce que, évidemment, le trouble qui est créé n'est pas du tout propice aux apprentissages.
SONIA DEVILLERS
Alors, il y a le trouble, puisque ça a commencé dès la semaine dernière, mais entre-temps il y a un attentat majeur qui a été perpétré en Russie, un plan Vigipirate en France qui a été relevé au niveau urgence attentat, vous comprenez que ça puisse créer un climat assez anxiogène pour les familles ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, bien sûr, je comprends parfaitement ce climat, c'est la raison pour laquelle, dans le cadre du plan Urgence Attentats, l'opération Sentinelle nous permet de mieux sécuriser encore les abords des établissements scolaires, nous faisons absolument tout pour que les parents et les élèves puissent travailler dans des…, les parents soient rassurés et les élèves puissent travailler dans des conditions sereines.
SONIA DEVILLERS
Alors, Nicole BELLOUBET, parlons des groupes de niveau, qui ont fait couler tant d'encre, qui ont été voulus par Gabriel ATTAL, les textes concernant cette nouvelle organisation sont désormais parus, vous avez assoupli le dispositif en garantissant que les élèves passeraient un tiers de l'année en classe entière, c'est-à-dire tous ensemble, mais le problème semble demeurer entier auprès des enseignants. Regardez le préavis de grève de la semaine prochaine, déposé par le SNES, il martèle « Nous ne trierons pas nos élèves », que répondez-vous à ces professeurs qui ne veulent pas trier leurs élèves, qui s'y refusent ?
NICOLE BELLOUBET
Je réponds qu'il n'y a pas de tri d'élèves, justement c'est ce que nous n'avons pas voulu. Si vous voulez, c'est très simple. Ce nous disons c'est, on veut améliorer les résultats de nos élèves en français et en maths, qui sont les deux apprentissages fondamentaux, pour cela comment faire mieux que de travailler en groupes pour permettre une acquisition plus ciblée des compétences qui sont exigées. Donc, ce que nous proposons, c'est qu'en sixième, en cinquième, en maths et en français, nous prenions les élèves en groupes, mais que ces groupes ne soient pas des groupes qui soient figés toute l'année, c'est-à-dire où il y aurait les plus aisés qui soient toujours dans le même groupe, les moins bons qui soient toujours dans le même groupe, au contraire, nous donnons des temps pour brasser les groupes en cours d'année, des temps de classe entière, pour que réellement nous puissions découper des séquences pédagogiques qui correspondent aux meilleurs apprentissages.
SONIA DEVILLERS
Alors, ce que je voudrais comprendre, c'est que, au début de l'année les élèves sont néanmoins testés et répartis en fonction de leur niveau, c'est-à-dire est-ce que c'est un petit effectif avec des élèves de plusieurs niveaux, ou est-ce que c'est plusieurs petits groupes avec les mauvais, les moyens et les bons ?
NICOLE BELLOUBET
Non, si vous voulez, en début d'année, comme toujours en sixième d'ailleurs, il y a des évaluations nationales, sur la base de ces évaluations, sur la base des observations que les professeurs vont faire en classe entière, mettons pendant les trois ou quatre premières semaines, à ce moment-là, en fonction des compétences à acquérir lors de la première séquence, par exemple la numération en maths, eh bien on va répartir les élèves en fonction de leurs besoins, en fonction de leurs besoins. Vous avez des élèves…
SONIA DEVILLERS
Vous dites besoins, vous ne dites plus niveau ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, nous disons besoins, c'est ce qui est dans les textes. Si vous voulez, vous avez des élèves qui ont des besoins en géométrie, qui n'ont pas les mêmes besoins en numération, vous avez des élèves qui ont des besoins en fluence, qui n'ont pas les mêmes besoins en orthographe, donc, au fond, il s'agit de prendre au plus près des élèves la réalité de leurs besoins et d'installer une pédagogie différenciée, il n'y a pas de tri, je refuse le tri social des élèves.
SONIA DEVILLERS
Ça veut dire que, par exemple Gabriel ATTAL, devenu Premier ministre entre temps, et vous, n'êtes pas exactement sur la même ligne, il y en a un qui parle de niveau, il y en a un autre qui parle de besoins ?
NICOLE BELLOUBET
Non, nous sommes sur la même ligne. Il faut dépasser les aspects sémantiques, nous sommes sur la même ligne, ce que nous voulons c'est faire progresser les élèves, c'est aussi ce que veut le Président de la République.
SONIA DEVILLERS
Par ailleurs les chefs d'établissement sont catégoriques, 2300 postes débloqués à l'échelle de 7000 établissements en France, ça ne suffira pas. Vous pensez que vous aurez les moyens de mettre ça en oeuvre ?
NICOLE BELLOUBET
Je suis certaine que nous aurons les moyens de mettre en place les groupes de niveau, actuellement, d'ailleurs, nous allons commencer à nous occuper du recrutement des enseignants puisque, au-delà de ceux qui entrent par concours, je l'ai toujours dit, il faudra que nous recrutions des personnels contractuels, nous avons un manque d'enseignants du fait d'une attractivité insuffisante de notre profession, à laquelle nous allons remédier rapidement, il faut que nous recrutions des contractuels et c'est ce à quoi nous nous attachons…
SONIA DEVILLERS
Alors rapidement. Justement, les concours de professeurs ont lieu en Master 2, c'est ça, Bac+5…
NICOLE BELLOUBET
Actuellement c'est le cas.
SONIA DEVILLERS
Il est question de caler le recrutement des professeurs dès la troisième année de licence, Bac+3, est-ce que vous confirmez ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, ça fait partie des hypothèses qui ont été envisagées, les arbitrages devraient être rendus très très rapidement sur ce sujet.
SONIA DEVILLERS
Mais ça fait des enseignants qui auront un bagage académique suffisant pour enseigner ? Est-ce qu'on abaisse le niveau ?
NICOLE BELLOUBET
Non, non, pas du tout, pas du tout, au contraire on attire beaucoup plus de personnes, si c'est cela qui est fait, on les attire en les recrutant à Bac+3, avec une préparation, notamment pour les professeurs des écoles, qui sera adaptée au concours de recrutement, mais ensuite rien n'interdira que ces enseignants-là prolongent jusqu'au Master en travaillant dans les classes par ailleurs.
SONIA DEVILLERS
C'est ça, c'est-à-dire qu'ils passent le concours à Bac+3 et ensuite ils ont un an, deux ans ?
NICOLE BELLOUBET
C'est une hypothèse de travail, les derniers arbitrages vont être rendus très vite.
SONIA DEVILLERS
Et alors, puisqu'on parlait d'évaluation des élèves, là on est en cours d'année, vous avez déjà les résultats des évaluations auxquelles vous procédez chaque année, par exemple des élèves de CP et de CE1, qu'est-ce que ça donne ?
NICOLE BELLOUBET
Si vous voulez, on s'aperçoit que… vous savez que depuis 2017 on a mis en place des dédoublements, notamment en REP, en REP+, des dédoublements de classes en CP, CE1 et maintenant grande section, et on s'aperçoit que ces élèves qui sont rentrés, donc en 2017 dans les petites classes, et qui ont été évalués en sixième, ont des compétences, ont des acquis, qui sont plus solides que ne l'étaient leurs prédécesseurs, qui eux avaient été évalués en 2017, par exemple, et on s'aperçoit qu'il y a…
SONIA DEVILLERS
Donc le dédoublement ça marche ?
NICOLE BELLOUBET
Ça marche surtout s'il y a une pédagogie adaptée, c'est un peu ce que font nos enseignants, c'est-à-dire qu'il ne suffit pas d'avoir des élèves en moins, il faut avoir une pédagogie adaptée, c'est d'ailleurs un peu le même principe que ce que nous voulons faire en sixième et en cinquième, une pédagogie adaptée à des groupes de besoins, ou à des groupes d'élèves, qui corresponde vraiment à ce qui est nécessaire.
SONIA DEVILLERS
Et ces élèves de CP et CE1, Madame la ministre, ils sont évalués en français et en maths…
NICOLE BELLOUBET
Français et maths, oui.
SONIA DEVILLERS
Ça porte ses fruits plutôt en français ou plutôt en maths ?
NICOLE BELLOUBET
Alors écoutez, mais bon, je ne sais pas si on peut tabler sur des choses définitives, là plutôt en français, mais il y a des progrès en maths également et nous avons une attention toute particulière à l'enseignement des maths.
SONIA DEVILLERS
Nicole BELLOUBET, depuis le 26 février, ça fait un mois maintenant, collégiens, lycéens, professeurs, personnels administratifs et parents de Seine-Saint-Denis, se mobilisent H24 pour dénoncer l'effroyable état de dégradation de l'enseignement dans ce département, ils réclament un plan d'urgence. Est-ce que vous les entendez ? un mois c'est long !
NICOLE BELLOUBET
Oui, j'entends… alors d'abord les cours ont quand même lieu, au moment où nous parlons, même s'il y a effectivement des établissements et des personnels qui sont en grève, ce que je sais parfaitement. Oui, je les entends, parce que la Seine-Saint-Denis est un département qui a une spécificité forte et donc il faut que nous soyons en capacité de répondre. Je voudrais juste dire là que, en 2019, sous le gouvernement d'Edouard PHILIPPE, il y avait déjà eu un premier plan qui s'appelait « Un Etat plus fort en Seine-Saint-Denis », ce premier plan a permis d'établir une prime de fidélisation de 12 000 euros au bout de cinq ans de présence, pour les enseignants, les CPE, les assistants d'éducation, etc., une prime, donc, qui est destinée à fidéliser nos enseignants en Seine-Saint-Denis. Il y avait également, dans ce plan, de l'argent, 2 millions par an pendant dix ans, pour aider à la reconstruction des écoles, des établissements, donc il y a des efforts qui ont été faits. Nous avons amélioré la carte, l'offre, pardon, d'enseignement, on appelle ça la carte dans notre jargon, l'offre d'enseignement dans des établissements en Seine-Saint-Denis pour attirer ou pour maintenir les élèves. Nous avons mis davantage de professeurs, 1500 professeurs supplémentaires dans le premier degré depuis 2017…
SONIA DEVILLERS
Mais ça ne suffit pas.
NICOLE BELLOUBET
Eh bien je pense qu'il faut effectivement tenir compte de la singularité de la Seine-Saint-Denis, c'est ce à quoi nous nous attachons en permanence.
SONIA DEVILLERS
Ça ne suffit pas, les primes ça ne suffit pas, ça se voit.
NICOLE BELLOUBET
C'est un élément qui n'est pas négligeable tout de même ! J'entends ce que vous me dites, que ça ne suffit pas, mais c'est un élément qui n'est pas négligeable, bien sûr ce n'est pas cela qui résout l'ensemble des questions, je travaille avec les collectivités territoriales, j'ai vu Stéphane TROUSSEL et Valérie PECRESSE récemment sur les collèges et les lycées, nous allons essayer d'avoir une action concertée ensemble.
SONIA DEVILLERS
Merci Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 avril 2024