Interview de M. Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, à France 2 le 26 mars 2024, sur le déficit public et les économies budgétaires.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral


ANNE-CLAIRE POIGNARD
Le chiffre est donc tombé il y a quelques minutes : le déficit public grimpe à 5,5% du PIB en 2023.

THOMAS SOTTO
" La dernière symphonie du Mozart de la finance ressemble au chant du cygne ", a tweeté le président du parti Les Républicains, Eric CIOTTI. On est en direct avec Thomas CAZENAVE, ministre délégué en charge des Comptes publics. Merci pour cette première réaction, Thomas CAZENAVE. Vous prévoyiez 4,9%, finalement, c'est 5,5%, ce qui met la France dans le peloton de queue des pays de la zone euro, très loin de l'Allemagne, très loin de l'Espagne et même de la Grèce. Qu'est-ce que vous avez raté, ou avez-vous échoué pour vous tromper à ce point-là, Thomas CAZENAVE ?

THOMAS CAZENAVE
Bonjour. Eh bien en fait, nous avons constaté une baisse très forte de nos recettes en fin d'année, liée au ralentissement économique, aux désordres géopolitiques, je pense à la guerre en Ukraine, au ralentissement chinois, et nous avons perdu en fin d'année plus de 20 milliards de recettes. Des milliards d'euros en moins de cotisations sociales, d'impôt sur les sociétés, de TVA, d'impôts sur le revenu, donc une forte baisse des recettes, des dépenses de l'Etat notamment, qui sont tenues. Mais le résultat à la fin, c'est un déficit public plus important que prévu, lié justement à cette conjoncture internationale plus difficile.

THOMAS SOTTO
Même si cette conjoncture, elle touche aussi les autres pays que je citais et qui font beaucoup mieux que nous. Le gouvernement a déjà prévu 10 milliards d'économies pour cette année, 20 l'an prochain. Est-ce qu'il faudra faire davantage d'économies ? Est-ce qu'il va y avoir un projet de loi rectificative du budget 2024 ?

THOMAS CAZENAVE
Alors d'abord, vous l'avez dit, on a réagi tout de suite face à cette baisse des recettes, cette nouvelle donne économique. L'Etat, nous avons annulé 10 milliards d'euros sur les dépenses de l'Etat. Et ce qui est certain, c'est que cet effort, il ne peut pas reposer uniquement sur l'Etat, c'est l'affaire de tous, les finances publiques. C'est l'affaire des collectivités territoriales, de la Sécurité sociale, des parlementaires. Et donc nous avons engagé maintenant un travail pendant les trois, quatre prochains mois, pour construire ce budget 2025, tenir compte de cette nouvelle réalité économique et tenir l'objectif du président de la République, de ramener le déficit public sous 3% en 2027.

THOMAS SOTTO
C'est vrai qu'on a du mal à le croire. Et juste pour donner un chiffre, passer de 4,9, votre prévision à 5,5, c'est quasiment 20 milliards de moins encore dans les caisses de l'Etat, donc c'est ce que vous avez prévu d'économiser en 2025. Certaines voix dans la majorité, François BAYROU, Yaël BRAUN-PIVET, la présidente de l'Assemblée, s'élèvent pour dire : maintenant, il faut en finir avec le dogme du refus de la hausse d'impôts. Est-ce que oui ou non, vous allez augmenter les impôts ? Est-ce que oui ou non, vous allez taxer les super dividendes et les superprofits ?

THOMAS CAZENAVE
Alors, deux choses. D'abord, il faut qu'on fasse des efforts sur les dépenses. Les dépenses, elles ont énormément augmenté ces dernières années. Les dépenses de l'Etat, entre 2019 et 2023, elles ont augmenté de 25%. On a beaucoup protégé, et c'est normal maintenant que nous fassions l'effort sur les économies. Et les économies, c'est possible. On vient de faire 10 milliards d'euros, mais on doit construire des économies avec toutes celles et ceux qui sont concernés, je parle des collectivités territoriales, de la Sécurité sociale. Après la question des recettes elle n'est pas taboue, et j'entends, moi, le débat au sein de la majorité. Vous savez, quand la Cour des comptes explique qu'il y a des superprofits, générés par les énergéticiens, de plusieurs dizaines de milliards d'euros, que nous avions prévu une taxation de ces superprofits qui n'a pas donné ce que nous attendions, 600 millions d'euros contre près de 3 milliards d'euros attendus, je trouve que ce sujet-là il mérite d'être posé et nous sommes prêts à y travailler avec les parlementaires.

THOMAS SOTTO
Donc la question des hausses d'impôts n'est pas taboue, c'est ce que vous nous dites ce matin Thomas CAZENAVE ?

THOMAS CAZENAVE
Ce qui est certain c'est que nous ne changerons pas de politique économique. Celle qui a conduit à baisser l'impôt sur les sociétés, à rendre la France plus attractive, elle produit des résultats, nous avons fait refluer massivement le chômage, nous sommes le pays le plus attractif, nous avons la croissance, une des croissances les plus élevées en Europe, mais que sur un certain nombre de sujets, pointés du doigt, notamment par la Cour des comptes, par les parlementaires, sur les superprofits des énergéticiens, notre porte est ouverte, on n'a pas d'opposition dogmatique, mais en revanche, dire on va faire l'effort en augmentant massivement les impôts, la réponse est non, puisque nous devons à la fois conserver l'attractivité du pays, créer des emplois, atteindre le plein emploi, et protéger le pouvoir d'achat des Français.

THOMAS SOTTO
J'ai une dernière question. Emmanuel MACRON a promis, alors ça paraît un peu anachronique là, 2 milliards de baisses d'impôts pour l'an prochain, pour les classes moyennes, est-ce que ça c'est toujours d'actualité, 2 milliards de baisses d'impôts pour les classes moyennes ?

THOMAS CAZENAVE
Comme l'a rappelé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, nous avons un objectif, " désmicardiser " la France, c'est-à-dire celles et ceux, notamment des classes moyennes, qui ont du mal à s'en sortir, comment on soutient leur pouvoir d'achat, leurs salaires, c'est l'engagement du président de la République à baisser de 2 milliards d'euros les impôts qui pèsent sur eux, mais c'est aussi réinterroger les cotisations sociales, la prime d'activité. Il y a un travail qui est en cours, qui donnera lieu à des propositions dans quelques semaines, quelques mois, pour tenir cet engagement du président de la République.

THOMAS SOTTO
Merci Thomas CAZENAVE. Vous n'avez pas répondu à une seule question par oui ou par non. Y aura-t-il, oui ou non, un projet de loi rectificative du budget 2024 ?

THOMAS CAZENAVE
Pour l'instant toutes les options sont sur la table, on va regarder comment évoluent nos recettes, comment évolue la croissance, à ce stade il n'y en a pas, mais nous laissons ouvert cette possibilité-là en fonction, encore une fois, du contexte. Vous savez, on a réagi tout de suite avec 10 milliards d'euros de baisses de dépenses, constatant les baisses des recettes, et nous restons, j'allais dire, flexibles, prêts à utiliser tous les leviers qui sont les nôtres, le cas échéant, en fonction de la situation.

THOMAS SOTTO
Merci Thomas CAZENAVE…

THOMAS CAZENAVE
Merci à vous.

THOMAS SOTTO
D'avoir été en direct pour cette toute première réaction après ces chiffres du déficit, 5,5%.


source : Service d'information du Gouvernement, le 4 avril 2024