Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Olivia GREGOIRE, bonjour !
OLIVIA GREGOIRE, MINISTRE DELEGUEE CHARGEE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, DU COMMERCE, DE L'ARTISANAT ET DU TOURISME
Bonjour Christophe BARBIER.
CHRISTOPHE BARBIER
Après cette chanson qui vous déchire, on va parler des déficits. Diagnostic et propositions. Diagnostic d'abord. Comment expliquez-vous qu'on fasse moins bien que l'Espagne, que le Portugal, que la Grèce ? Qu'est-ce qui s'est passé dans notre pays ?
OLIVIA GREGOIRE
La réalité de la situation, c'est que le Premier ministre Gabriel ATTAL l'a rappelé hier, ce n'est pas tant est-ce qu'on fait mieux ou moins bien, - Je vais un peu mitiger le tableau. – est-ce qu'on fait mieux ou moins bien que l'Allemagne, est-ce qu'on fait mieux ou moins bien que l'Espagne. Parlons deux secondes de la France. Est-ce qu'on a fait trop de dépenses l'année passée ? Est-ce qu'il y a eu un problème de gabegie publique ? Le Premier ministre l'a rappelé, non. Est-ce qu'on a rentré tout simplement moins de recettes ? Est-ce qu'on a rentré moins d'argent ? La réponse est oui. Pourquoi ?
CHRISTOPHE BARBIER
Un ressort s'est cassé ?
OLIVIA GREGOIRE
Ce n'est pas un ressort. Vous savez, ce n'est pas les tableaux de la loi, un budget. Un budget, ça évolue avec le contexte. Le contexte, ça n'a échappé à personne, vous venez de le rappeler, c'est que depuis deux ans, il y a deux-trois petites choses qui ont changé, et notamment la guerre qui est aux portes de la France et qui est en Europe. Ça a entraîné un choc très important de l'inflation, et ça a entraîné moins de recettes fiscales que prévues. Il faut regarder les choses, et notamment les notes de l'INSEE, mais aussi le tableau macroéconomique avec sérieux. Où est-ce que la France pêche aujourd'hui ? On a trop de déficits, il faut s'y atteler. On a donc des décisions à prendre, avec les propositions des oppositions dans les mois qui viennent, pour relever ce défi. Mais regardez, je lisais encore la presse ce matin, un gros journal économique titré, et titre encore, on le lit, que l'Allemagne est dans une situation très délicate aussi. Pourquoi ? Est-ce que c'est le même problème que la France ? Non, c'est un autre problème. Eux ils ont un problème de croissance, une croissance qui a du mal à se maintenir. A peine 0,2% en Allemagne, en prévision 0,8%. 1% de perspectives pour la France. On a plus de croissance, mais on a plus de déficits. Ils ont moins de déficits, mais ils ont un problème de croissance. Ce que je veux dire, c'est que… Ne croyons pas que la France est une île, c'est souvent un de nos défauts. Il n'y a pas que la France qui a revu son budget, l'Espagne a revu son budget, l'Allemagne a radicalement revu son budget. On parle même d'une situation très alarmante en Allemagne. Donc on a des difficultés en Europe, mais ça ne doit pas empêcher deux choses, Christophe BARBIER, si vous me permettez ; un, d'avoir un discours de vérité aussi. Quand on regarde un bilan économique, on regarde la colonne Dépenses, la colonne Recettes. Moi, j'ai quand même à coeur de rappeler aussi les recettes, qu'est-ce qu'on a gagné depuis 5, 7 ans.
CHRISTOPHE BARBIER
Des emplois, notamment. On les a payés chers, c'est ça ?
OLIVIA GREGOIRE
On ne paye jamais cher l'emploi. On va être très clair, l'emploi, est à la source de tout. L'emploi, si on n'a pas l'intention, comme c'est notre cas, d'augmenter les impôts, notre seule alternative, c'est d'augmenter le nombre de travailleurs et de remettre le plus de gens possible au travail. On a réussi ce qui paraissait impensable en quelques années. 2, 5 millions d'emplois ont été créés. Regardez le programme du Rassemblement National, le mot " Chômage " a disparu, ce n'est pas le hasard. 600 usines ont rouvert depuis quelques années en France, 100 000 emplois industriels créés. Donc on a aujourd'hui un chômage des jeunes, vous le savez, qui a été mesuré ces dernières années, le plus bas depuis qu'on mesure le chômage des jeunes. Donc on a des résultats économiques. On a aujourd'hui une nécessité, c'est de prendre des décisions. On a une dette, on a un déficit, c'est pareil… L'avantage des finances publiques, - Moi, j'aime beaucoup les politiques, mais j'aime aussi beaucoup les finances publiques. - c'est qu'il faut garder le sang-froid. Que représente 10 milliards d'économies en 2024, comme nous le portons avec Bruno Le MAIRE ? Ça représente 0,6 % des dépenses annuelles. Donc de grâce, ne faisons pas peur aux gens, on est loin de l'austérité, on est dans le sérieux, et on doit proposer des pistes pour maintenir ce cap.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est peut-être parce qu'il n'y a que 10 milliards d'économies et 0,6% que l'agence MOODY'S considère peu probable qu'on arrive, en 2027, aux 2,7% de déficits promis. Que répondez-vous à MOODY'S ?
OLIVIA GREGOIRE
D'abord, je réponds que nous avons été clairs, à chaque fois, notre objectif, c'est 3% de déficits en 2027. Il ne faut pas changer les règles du jeu pendant le jeu, ce n'est pas deux Set, c'est trois. OK ? Point 1. Point 2 : Moi, ce n'est pas MOODY'S qui, tous les matins, et d'ailleurs c'est la même chose pour Bruno Le MAIRE, dicte notre action politique. Ce qui dicte notre action politique, c'est le bon sens et c'est la réalité des faits. La réalité des faits, c'est que le chômage a diminué, les investisseurs sont revenus en France et on a des perspectives de croissance. Ça, c'est le volet positif. Le volet négatif, c'est qu'effectivement et on en parle beaucoup et j'aimerais en dire un mot, on a ces mille milliards de dettes qui se sont accumulées depuis des années. J'entends beaucoup, beaucoup d'oppositions, se vautrer un peu dans le commentaire de ces mille milliards de dettes. Est-ce qu'on peut prendre une minute et demie de façon très simple pour expliquer un peu aux gens qui nous écoutent et que je salue, que sur ces mille milliards de dettes, il y a des choses très simple, ce n'est pas une dette de complaisance, c'est une dette de protection. Quand vous avez sur mille milliards, 450 milliards d'euros qui ont été dépensés pour protéger les Français pendant le Covid, c'est bien joli aujourd'hui de dire, trois ans après : « Il ne fallait pas le faire ». Moi je n'aime pas tellement ce genre d'attitude. Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire, Marine Le PEN ? Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire Jordan BARDELLA ? Il ne fallait pas faire le chômage partiel pour les Français ? Il ne fallait pas le fonds de solidarité pour les commerçants ? Il ne fallait pas de prêts garantis par l'Etat pour que les entreprises survivent ?
CHRISTOPHE BARBIER
Là encore, on n'a pas payé trop cher cette protection généreuse ?
OLIVIER GREGOIRE
Ça, c'est pareil, c'est… Qui, en 2020-2021 s'est élevé sur les plateaux pour dire : " Il ne faut pas de chômage partiel pour les salariés qui ne peuvent pas travailler pendant le Covid " Qui ? Avez-vous été perclus de commentaires sur ce sujet ? Non. Est-ce qu'on a retrouvé de la croissance très vite, plus vite que les autres pays européens après le Covid ? Oui. Pourquoi ? Parce que justement, on a beaucoup soutenu notre économie. Souvenez-vous, l'histoire économique, c'est important, François FILLON, en 2010, il sort d'une crise très difficile avec la crise des subprimes, 2008-2009, c'est difficile. Quel est le déficit en 2010 sous François FILLON ? De 7,9%, donc la réalité, c'est que post-crise, il y a des chocs, que ce choc, nous, il est un peu amplifié par l'actualité et par le contexte géopolitique mais sur ces mille milliards de dettes, la moitié est pour protéger les Français et peu ou prou le reste pour soutenir et amplifier leur protection et l'activité. Cent milliards de plan de relance, cent milliards pour éviter que chacun en ait pendant deux ans des factures d'énergie qui explosent tous les mois, plus 150 euros, c'est ça, par mois qu'on a évité aux Français, ça a coûté cent milliards à l'État. Et de grâce, rappelons quand même, il s'agit, tiens de soixante milliards de baisses d'impôts, les ménages, les entreprises, tout ça. Il ne faut pas oublier non plus des politiques structurelles. Vous ajoutez le secteur de la santé, vingt milliards d'euros. On a investi en une fois ce qu'on fait en vingt ans, sans parler du fait qu'on a doublé le budget des armées et augmenté de 40% celui de la justice. J'ai une question ce matin qu'est-ce que le Rassemblement national, qu'est-ce que les Républicains n'auraient pas fait de ce que je viens de dire ?
CHRISTOPHE BARBIER
Ils voulaient même plus sur certaines dépenses, notamment la protection sur les carburants.
OLIVIER GREGOIRE
Vous avez vu, je suis honnête. Je ne l'ai pas encore mentionné, évidemment, ils voulaient bien plus. Ils voulaient plus de protection sur les carburants. Marine Le PEN à chaque question d'actualité au Gouvernement, et je le sais puisque j'ai eu l'honneur d'y répondre, c'est la suppression de la TVA, la suppression de la TVA alimentaire et l'énergie, c'est 17 milliards d'euros. Donc on regarde la colonne dépenses, on regarde la colonne recettes, que propose le Rassemblement national ? Moi, j'ai travaillé, j'ai regardé, j'ai écouté, elle s'est exprimée il y a peu de temps. Dans la colonne dépenses, on a cent milliards chez Marine Le PEN. Dans la colonne recettes, on a trente milliards. Tout le monde peut mesurer que les propositions du Rassemblement national ne sont pas sérieuses et qu'il faut un peu de cohérence et de constance quand on parle de politique économique. Entre les Républicains ou le Rassemblement national en plateau et les Républicains et le Rassemblement national au Parlement, nous n'avons pas affaire aux mêmes propositions ni aux mêmes personnes. Vous avez ceux qui vous disent en plateau, comme encore Éric CIOTTI il y a peu de temps : " Il faut absolument censurer le Gouvernement sur cette politique budgétaire ". Que font les LR au Parlement ? 1 800 amendements pendant le projet de loi de finances pour 125 milliards de dépenses supplémentaires. À qui parlons-nous ? En psychologie, ça a un nom, je vous laisse le trouver.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, parlons maintenant des solutions, proposer des pistes explorer l'assurance chômage, réduire la durée d'indemnisation, tous les chantiers ouverts qu'a ouvert le Premier ministre hier avec les partenaires sociaux, vous qui êtes au contact des entreprises, vous pensez qu'il y a un vrai levier de remise au travail alors que les carnets de commandes se vident un peu et qu'on s'inquiète sur, sur la capacité à embaucher ?
OLIVIA GREGOIRE
Alors, je me permets, Christophe BARBIER la réponse par la fin. Grand 1, on commente beaucoup les chiffres du déficit d'aujourd'hui. Il y a eu l'étude, l'analyse de l'INSEE qui est sortie il y a quelques jours, mais c'est comme toujours, lisons tout de l'analyse de l'INSEE. Que dit-elle ? On en parle aussi dans la presse économique ce matin. Les ménages ont plutôt le moral en matière de consommation et le climat des affaires, c'est-à-dire le moral des entrepreneurs de petites et moyennes entreprises, d'entreprises de taille intermédiaire est plutôt bon et il se maintient. La réalité et je vois dans mes secteurs les commerçants, les restaurateurs, vous en avez parlé, les hôteliers, c'est qu'on a un vrai sujet de pénurie de main d'oeuvre, comme on dit, pour permettre de maintenir le niveau d'emploi. Vous avez à peu près un restaurateur sur deux qui a eu des difficultés pour servir, pour ouvrir son restaurant depuis deux ans parce qu'il ne trouve pas de main d'oeuvre. Donc on a un énorme sujet avec une capacité ici de pouvoir ramener vers l'emploi et vers des secteurs qui en ont besoin, des gens qui sont éloignés de l'emploi et j'ai trouvé intéressant l'expression du Premier ministre hier, on remarque et soyons neutres, regardons objectivement qu'après douze mois d'indemnisation chômage une piste qu'il a apportée, il est vrai que le retour à l'emploi est plus faible. Donc ça fait partie des pistes, est-ce qu'il faut diminuer cette durée d'indemnisation de 18 à douze mois ? Ça n'est qu'une des trois pistes qu'il a élaborées hier. Il s'est aussi exprimé sur la progressivité des allocations ou la dégressivité des allocations mais ça, c'est pareil. Il faut regarder les choses avec un regard objectif. On est le pays au monde qui en matière de protection et le plus protecteur, ça n'est pas pour rien.
CHRISTOPHE BARBIER
Pendant longtemps avec des montants élevés.
OLIVIA GREGOIRE
Mais ce n'est pas pour rien qu'on a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe. On a aujourd'hui une protection sociale en France qui est et c'est dans notre ADN, mais il faut regarder ces sujets qui est extrêmement longue et qu'on obtient après six mois de travail sur 24 mois. Et donc, on doit avoir, je dirais, l'honnêteté et même le courage de poser ces questions. Moi, je me déplace toutes les semaines. J'étais à Toulouse hier, je serais à Avignon, demain j'étais dans le centre-Val de Loire la semaine dernière. Il y a chez nos entrepreneurs, chez nos PME qui sont l'immense majorité de nos entreprises, 98% de nos entreprises sont des PME, une difficulté à attirer, à recruter des talents, ce n'est pas un sous sujet.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'on va réduire la durée d'indemnisation pour les plus âgés, c'est-à-dire ce pont, cette passerelle qu'on leur faisait pour attendre la retraite ?
OLIVIA GREGOIRE
Deux choses, un, on ne peut pas, et ça a été le cas pendant tant d'années, nous critiquer en nous disant : « Vous écrasez les corps intermédiaires, vous n'écoutez pas les partenaires sociaux, vous ne sollicitez pas les syndicats », et nous demander alors même qu'ils sont encore en train de réfléchir…
CHRISTOPHE BARBIER
De trancher.
OLIVIA GREGOIRE
De trancher, ça pipe le jeu, si vous voulez. Donc je n'ai pas vocation, moi, certainement pas moi, à donner les pistes d'atterrissage. Mais il est certain qu'il faut qu'on pose ces questions et qu'on ne se cache pas derrière son petit doigt. C'est ce que je reproche avec avec beaucoup de colère, vous ne voyez pas que ce matin au Rassemblement National. Quand vous faites des claquettes toute la journée depuis des années en disant sur le RSA, il faut vraiment que les gens retournent au travail etc., et que vous n'êtes même pas capables de voter quinze heures d'activités hebdomadaires pour maintenir ce contact avec l'emploi, vous êtes au mieux hypocrite, au pire, je vous laisse conclure.
CHRISTOPHE BARBIER
Pas de dogme sur la taxe sur les superprofits, a dit le Premier ministre hier. Là aussi, pour l'État, il y a un moyen de solliciter les grands groupes qui ont fait des bénéfices ?
OLIVIA GREGOIRE
Pas de dogme, d'autant plus qu'il n'y a pas eu de dogme. C'est l'avantage d'être à Bercy. Quand, en 2022, on voit les prix de l'énergie exploser, on met en place une taxe sur les rentes des énergéticiens.
CHRISTOPHE BARBIER
300 millions, ça a rapporté ?
OLIVIA GREGOIRE
Est-ce qu'elle a rapporté autant que prévu ? Non. Est-ce qu'on doit regarder très précisément dans le cadre des échanges qui auront lieu dès aujourd'hui, par exemple, avec les oppositions à Bercy, avec Bruno Le MAIRE ce sujet ? Oui. Pourquoi n'a-t-elle pas ramené plus ? Après, c'est un débat qui sera porté et discuté dans les prochaines semaines. Vous m'autoriserez, en tout cas je m'autorise, à rappeler que je suis la ministre déléguée aux Entreprises, que nous avons, durant 7 ans, eu une politique extrêmement stable et volontariste, 26 milliards d'Euros au dernier quinquennat de baisse d'impôts. Nous avons aujourd'hui un danger. J'aime bien l'expression de Bruno Le MAIRE, c'est le " Tête-à-queue ". Et donc je ne suis pas la plus favorable à la taxation des profits des entreprises, c'est comme la taxation des dividendes. Rappelons ce matin que les dividendes sont taxés à hauteur de 30 %. Nous, on est déjà des grands champions.
CHRISTOPHE BARBIER
Un tout petit mot sur les Jeux olympiques. Sur le tourisme, ça va nous aider beaucoup ?
OLIVIA GREGOIRE
Ça nous aide déjà beaucoup, 63,5 milliards d'Euros de recettes internationales sur l'année passée, en augmentation de 5 milliards. C'est un des piliers économiques de ce pays, le tourisme, 8 % du PIB à peu près. On a une excellence, on sait recevoir le monde, la Coupe du monde de rugby l'a démontré. Je ne doute pas qu'on sera au rendez-vous, on est des bosseurs, on est des sportifs et des compétiteurs, ce sera un très beau moment.
CHRISTOPHE BARBIER
Olivia GREGOIRE, c'était un bon moment aussi ce matin. Merci. Bonne journée !
OLIVIA GREGOIRE
Oui, partagé. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 avril 2024