Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur le partenariat entre la France et la République tchèque, à Prague le 5 mars 2024.

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Circonstance : Discours à la communauté française en République tchèque

Texte intégral


Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus consulaires,
Madame la directrice de l'Agence de l'Enseignement français à l'étranger,
Madame la proviseure et Monsieur le proviseur, parce que c'est un relais qui se passe,
Mesdames et Messieurs les présidents d'institutions et de recherches, chefs d'entreprises, représentants des forces vives de la nation à l'étranger, représentants du monde économique, culturel, associatif,
Mesdames et Messieurs les agents de l'État à l'étranger, personnels de l'ambassade, de l'Institut, du lycée, du Centre français de recherche en sciences sociales,
Chers élèves,
Chers compatriotes.


Merci d'abord d'être là en pleine période scolaire et pour certains, de vacances scolaires. Je souhaitais en effet, avant de retrouver dans quelques instants le Président puis le Premier ministre, être à vos côtés.

C'est la troisième fois qu'en tant que Président, je viens en République tchèque. La première, c'était à l'automne 2018 pour le centenaire de l'indépendance. Ensuite, en octobre 2022, pour le premier sommet de la communauté politique européenne. Et nous voilà avec plusieurs ministres, avec votre député, mais aussi avec les présidentes et présidents des groupes d'amitié au Sénat et à l'Assemblée, ici, pour bâtir une nouvelle étape, qui est ce partenariat entre la France et la République tchèque, qui structure nos relations bilatérales, mais aussi au sein de l'Union européenne et de l'OTAN.

J'avais reçu il y a quelques semaines le Président PAVEL, c'était le 20 décembre, la veille de ce terrible moment pour le pays, et nous rendrons ensemble hommage tout à l'heure, évidemment, à l'ensemble des victimes du 21 décembre dernier. Mais nous avons décidé ensemble d'une stratégie commune. Le nouveau plan d'action du partenariat stratégique franco-tchèque constituera donc, nous allons le signer tout à l'heure, pour nos deux pays, le fil conducteur de la relation pour les prochaines années.

Alors, ce plan couvre différents axes, du dialogue stratégique à la défense de notre coopération au sein de l'Union européenne, aux enjeux énergétiques et de transport, en passant par notre partenariat culturel, éducatif, linguistique, scientifique et de recherche. Et donc, vous le voyez, à peu près tout ce que vous faites vivre dans la relation sera couverte par cet accord. Évidemment, les questions de défense seront clés dans le contexte que nous connaissons et alors même que nous avons pris ensemble plusieurs initiatives pour soutenir les Ukrainiens face à la guerre d'agression menée par la Russie. Les questions énergétiques seront aussi fondamentales au moment même où la France cherche à apporter une solution en matière de nucléaire civil et nous sommes, là aussi, avec le président d'EDF et le ministre, pour pouvoir justement essayer de participer à l'avenir de la République tchèque en matière de nucléaire. Je sais, pour cette feuille de route que nous allons signer et ce partenariat, pouvoir compter sur Stéphane CROUZAT, qui a remis ses lettres de créance hier même au président PAVEL et qui pourra poursuivre l'excellent travail de notre ambassade à Prague au service de la relation franco-tchèque puisque je vous ai dérobés il y a quelques semaines, votre ambassadeur qui est venu à l'Elysée pour piloter les questions européennes.

Tout ce que nous allons signer et discuter aujourd'hui, bâtir ensemble en matière de nucléaire civil, de défense, de politique européenne, de relations économiques, culturelles et académiques repose avant toute chose, c'est pour ça que je voulais commencer par venir vous voir, sur ce que vous faites au quotidien et depuis plusieurs années voire plusieurs décennies. En effet, je veux vous remercier, ici, pour votre contribution au rayonnement économique de notre pays. La France en République tchèque, ce sont plus de 500 entreprises représentant plus de 65 000 emplois directs et 12 milliards d'euros de chiffres d'affaires l'an dernier. Près de 1 200 entreprises présentes en République tchèque ont au moins un actionnaire français et la France est, ici, le troisième investisseur étranger.

Cette réalité, c'est celle que vous faites vivre, que chaque jour vous rendez plus forte et c'est pourquoi je veux saluer tout particulièrement l'écosystème d'appuis à la relation économique franco-tchèque. L'engagement des conseillers du commerce extérieur de la France, la Chambre de commerce franco-tchèque, l'appui de l'ambassade, Business France, Atout France, les fondateurs et animateurs aussi de la French Tech Prague et l'ensemble des entrepreneurs. Vous contribuez à projeter la réalité de l'ampleur de notre présence économique, de notre dynamisme et de nos objectifs prioritaires, notamment l'accompagnement et la promotion de l'offre française, tout particulièrement en matière de transition énergétique et climatique.

La République tchèque est aussi une destination particulièrement attractive et motivante pour près de 150 volontaires internationaux en entreprises. Les étudiants, dont plus de 1 800 Erasmus français chaque année, ainsi que la mobilité des chercheurs, dont nous encourageons les échanges croisés par diverses bourses et prix scientifiques, montrent la vitalité de ce lien d'étudiants, de chercheurs et de volontaires. Et cette vivacité, cette vitalité entretiennent nombre de projets communs, et la possibilité de continuer à avancer vers l'avenir. Ceci s'appuie sur une communauté française en République tchèque où résident près de 10 000 de nos compatriotes, avec, je le sais, une vie associative très forte, et je veux, ici, féliciter tout particulièrement “Prague accueil” ou l'initiative du réseau “Prague accueil entreprendre”.

C'était ainsi presque naturel de vous retrouver dans ce gymnase, devant ce mur d'escalade que je vois là, derrière vous et devant moi tant le lycée français de Prague en quelque sorte, illustre la vitalité de cette communauté. S'il existe depuis 1919 et l'indépendance de la Tchécoslovaquie un établissement scolaire français à Prague, c'est en 1997 que le Président CHIRAC a posé la première pierre de ce bâtiment, en tout cas de sa part contemporaine. L'inauguration a été faite par Lionel JOSPIN en 1998. Et à l'instant même, nous avons eu le plaisir d'inaugurer les nouveaux bâtiments, près de 800 élèves y sont aujourd'hui accueillis, représentant 40 nationalités. Et je veux féliciter l'AEFE, remercier sa directrice générale qui est à nos côtés, ainsi que l'ensemble des équipes pédagogiques car cela contribue pleinement au projet qui est le nôtre et à la réforme que nous avons faite il y a quelques années. Faire rayonner le français, l'enseignement en français est notre modèle. Le faire pour nos enfants, qui constituent à peu près 40% de l'effectif ; le faire aussi ici les enfants tchèques - c'est 40% de l'effectif - et le monde entier ici présent - et donc vous avez en fait environ 20% des élèves qui viennent d'horizons totalement différents, de nationalités totalement différentes, et fondent les 38 autres nationalités que j'évoquais et qui sont ici présentes.

Le lycée français de Prague est un point de référence pour nos partenaires de la coopération linguistique menée par l'Institut français de Prague qui se traduit par un apprentissage du français, ici, en hausse de 10 % l'année dernière avec plus de 30 000 apprenants - ce qui est une force pour nous au moment même où la France va accueillir la Francophonie au mois d'Octobre. Nous avons créé cette Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts et où nous devons pleinement assumer une francophonie ouverte voyageant dans le multilinguisme. C'est ce que vous faites vivre ici. Et la vitalité retrouvée d'ailleurs du français en République tchèque montre notre contribution collective et elle est indispensable après plusieurs années où le français avait reculé, et donc nous sommes en train de retrouver des couleurs et de la dynamique. Je veux ici saluer aussi les 4 lycées tchèques à section bilingues - dont celui de Prague, tout proche de l'ambassade - qui permettent aussi à plus de 750 élèves tchèques d'étudier l'histoire, les mathématiques et autres disciplines non linguistiques en français et les filières d'excellence que nous avons su développer de part et d'autre. Nous avons des sections tchèques, des lycées Carnot de Dijon ou Alphonse Daudet de Nîmes, qui participent aussi de cette vitalité.

La langue française a toujours été au coeur de la relation bilatérale. Je pourrais remonter à Charles IV de Bohême et à son neveu Charles V le Sage, mais je voudrais avoir un mot particulier en ce moment, devant vous, pour un immense écrivain tchèque qui a épousé le français. C'est Milan Kundera - il nous a quittés en juillet dernier, sa veuve vit toujours à Paris - et je suis heureux d'abord que dans sa ville natale, une bibliothèque porte aujourd'hui son nom, que le regroupement non seulement de ses archives personnelles, mais aussi d'archives multiples, va pouvoir se faire avec une véritable aide française. Et le programme franco-tchèque de Résidence Kundera pour auteur et traducteur permettra de marquer notre fidélité à cet auteur, à ce qu'il a apporté à la pensée tchèque et française et plus largement à notre capacité à voir l'Europe différemment. Et je dois dire que pour beaucoup de Français, lire l'Occident kidnappé ou des textes fondateurs de Milan Kundera, c'est comprendre un peu l'âme qui règne dans cette région. Et je suis heureux, à ce titre, que nous puissions rester fidèles à sa mémoire.

Au-delà de cela, j'aurai l'occasion tout à l'heure de consacrer aussi notre coopération culturelle que j'évoquais. Les expositions croisées entre la Galerie Nationale, le Louvre, le Centre Pompidou cette année et l'année prochaine. Les échanges nombreux entre formation musicale aussi sont la preuve de cette vitalité. J'avais eu l'occasion avec le Premier ministre d'alors en 2018, de lancer plusieurs de ces projets qui sont en train d'aboutir, ce dont je me félicite. Les artistes poursuivent leurs échanges. La Villa Eska, un dispositif de résidence croisée, permettra à des auteurs, mais également illustrateurs des deux pays, d'aller entre Prague et Paris et au-delà de nos capitales, entre nos imaginaires. Et puis, l'Institut français de Prague, mais également les 6 Alliances françaises qui sont ici présentes et en train de se développer, font vivre cette coopération culturelle en Bohême, en Moravie, en Silésie. Le Centre français de recherche en sciences sociales est également un vecteur majeur de circulation des idées de recherche et je veux le dire ici, font vivre aussi cette diversité française.

Voilà, mes chers compatriotes, ce que je voulais ici vous dire. C'est une journée importante parce que nous bâtissons l'avenir, nous signons des accords stratégiques. Nous montrons une communauté de vues et d'ambitions entre République tchèque et France dans ce moment important de notre Europe. Mais ceci n'est possible que parce qu'il y a ce que vous faites vivre au quotidien par l'éducation, la culture, la science, la vitalité économique, et la force de cette relation ensemble, dans sa diversité celle que vous représentez aujourd'hui.

Je le dis dans un moment grave de notre histoire collective. En évoquant de Milan Kundera, je parlais d'une conscience qui avait vécu dans sa chair une Europe coupée en deux. Elle avait été coupée en deux par, il faut bien le dire, la lâcheté, une volonté d'une partie de l'Europe de ne pas voir les difficultés de l'autre, abandonnant en quelque sorte le destin de celle-ci au totalitarisme. Nous abordons à coup sûr un moment de notre Europe où il conviendra de ne pas être lâche. On ne veut jamais voir les drames qui viennent ; on ne veut jamais voir ce qui se joue. Et je crois que nos deux pays ont conscience de ce qui est à l'oeuvre en Europe, du fait que la guerre est revenue sur notre sol, que des puissances devenues inarrêtables sont en train d'étendre la menace, chaque jour, de nous attaquer nous-mêmes davantage, et il nous faudra être à la hauteur de l'histoire et du courage qu'elle implique. Ce sera aussi notre responsabilité aux uns et aux autres et c'est cela aussi que je suis venu bâtir.

Voilà, mes chers compatriotes, ce que je suis venu vous dire en cette journée commençant avant les rendez-vous officiels avec vous, mes remerciements, ma confiance et ma détermination ; et la conviction que vous portez ici, pas simplement une part de la relation bilatérale, mais une part de ce que notre pays porte en lui, cette part d'universel, d'amour de l'Europe, d'ouverture aux autres.


Vive la République et vive la France !