Interview de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à France Info le 29 mars 2024 sur la réforme de l'assurance chômage, l'accès à l'emploi et la laïcité.

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Média : France Info

Texte intégral

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Oui, nous allons parler d'abord avec madame RETAILLEAU de cette semaine, avec les Français qui se sont réveillés avec une dette publique encore plus forte que la précédente. Et Gabriel ATTAL qui annonce que pour compenser la dette, eh bien, pour tenter de venir compenser cette dette, eh bien, il va s'attaquer à l'Assurance chômage. Il annonce une réforme de l'Assurance chômage en raccourcissant la durée d'indemnisation et en durcissant les conditions d'accès au chômage. Est-ce que ce n'est pas un peu facile de s'en prendre aux plus précaires ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors d'abord, bonjour ! Et alors cette réforme de l'Assurance chômage, vous savez, d'abord, avant de penser peut-être à l'impact, il y a l'impact sur les comptes publics, c'est aussi l'impact sur les personnes, sur les gens. Le chômage, c'est d'abord un impact sur la société, c'est d'abord un impact sur les gens. Et dans cette réforme, dans ces discussions, dans ces réflexions, il y a aussi toute la réflexion sur les conditions de travail. Vous savez qu'en France, on est un des pays où il y a le plus de risques d'accidents de travail, et d'accidents de travail, en réalité, deux par jour. Et puis aussi sur l'accompagnement à l'insertion à l'emploi.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Mais est-ce que ça ne fragilise pas l'esprit de solidarité ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors je pense que l'esprit de solidarité, c'est l'esprit de comment accompagner…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il y a un système solidaire qui caractérise la France.

SYLVIE RETAILLEAU
Mais c'est pour sauver ce système solidaire. On a un système social, et personnellement, et notre Premier ministre aussi est très attaché à ce système social.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Donc ce n'est pas pour compenser la dette ? Le timing alors, il est particulier.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors compenser la dette… Si l'objectif de cette réforme qui a été annoncé de l'Assurance chômage était uniquement de compenser la dette et pas, en partie, aussi de le réinjecter, par exemple, dans des formations. C'est-à-dire que quand quelqu'un est au chômage, l'idée est de mieux l'accompagner et de raccourcir. Parce que ce n'est bon, même pas pour la personne, et ni pour la société.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Mais beaucoup d'économistes considèrent que ça va plutôt favoriser les mini-jobs. Ce n'est pas complètement faux.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors c'est pour ça que… Ça ne favoriserait que les mini-jobs si de l'autre côté, on ne réinvestissait pas, par exemple, dans la formation. Ça, c'est mon domaine, c'est quelque chose justement sur lequel on va participer fortement. Vous savez, aujourd'hui, au XXIème siècle, les métiers évoluent énormément, les technologies, donc tout le monde va avoir besoin, encore plus qu'avant, d'une formation tout au long de la vie. Et avec Catherine VAUTRIN, dans ce cadre-là, on va aussi réfléchir à proposer, et en particulier à nos jeunes, à nos jeunes qui parfois doivent et veulent sortir à Bac +3 ou à Bac +5, une notion de droit à la reprise d'études. Parce que ce droit à la reprise d'études, ce droit à la formation, eh bien, il va être important pour tous parce que les métiers évoluent, parce que le monde change.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il n'y a pas que les jeunes, mais les seniors sont ceux qui ont le plus de mal à accéder à l'emploi.

SYLVIE RETAILLEAU
Mais justement, c'est pour ça que je parle de formation tout au long de la vie. Mais vous savez, pour avoir cette dynamique de formation, il faut s'y prendre tout de suite. C'est-à-dire donner un cadre, changer de paradigme. Et quand on prend…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Ce sujet divise quand même votre majorité. Il y a eu le sujet sur la loi Immigration. Maintenant, il y a celui de la réforme de l'Assurance chômage. Ce n'est pas rien.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors il ne faut absolument pas…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
D'autant que vous, vous avez pris conscience sur la loi Immigration, vous aviez posé votre démission. Voilà. Mais c'est…

SYLVIE RETAILLEAU
C'est un autre sujet, et je pense que ce sujet-là, il ne faut absolument ni le minimiser… Et vous avez raison, c'est un sujet important parce que c'est un sujet qui touche beaucoup de monde et notre société, mais il faut aussi s'y attaquer, on ne va pas mettre la poussière sous le tapis pour les gens. C'est-à-dire, les gens qui sont au chômage, aujourd'hui, il y a des expérimentations dans le cadre de France Travail, par exemple, qui montrent que l'accompagnement, quand on travaille 15 heures par semaine, conduit finalement à de bons résultats d'insertion dans le monde du travail, avec 60 % dans certains cas. C'est se baser sur ces expérimentations, c'est discuter, négocier, ouvrir des discussions et ouvrir des discussions sur un cadre plus large pour justement accompagner.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Alors justement, on parlait de la majorité. L'argent, vous pourriez aller aussi le chercher en taxant les super profits. Yaël BRAUN-PIVET, la présidente de l'Assemblée a évoqué cette piste. Alors premièrement, pourquoi ne pas aller vers ça et tout de suite aller vers les chômeurs et les plus fragiles finalement de notre société que nous devons protéger ?

SYLVIE RETAILLEAU
Mais vous opposez deux choses. Je pense que, et le Premier ministre l'a dit, il n'y a pas de tabou aujourd'hui. Aujourd'hui, la volonté, c'est de trouver les meilleures solutions.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Enfin, il a annoncé une réforme de l'Assurance chômage, il n'a pas annoncé la taxe sur les superprofits.

SYLVIE RETAILLEAU
Alors il a annoncé une réforme de l'Assurance chômage, il n'a pas annoncé ce qu'il allait faire.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il a donné un cadre très contraint aux partenaires sociaux quand même.

SYLVIE RETAILLEAU
Il a annoncé une ouverture, il a donné un cadre, des points, des préférences. Et il a dit qu'on va aussi discuter sur, ce que je vous disais, l'accompagnement, l'insertion. Le cadre est large. Il a posé un cadre parce que c'est son rôle, mais un cadre large.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il est contraint, le cadre, quand même.

SYLVIE RETAILLEAU
Enfin, en tout cas, un cadre…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Réduire la durée d'indemnisation, durcir l'accès au chômage.

SYLVIE RETAILLEAU
Mais ça, c'est pour dégager des leviers, effectivement, mais aussi proposer des solutions concrètes, et à nous, et à eux, de proposer pour l'accompagnement. Je reviens sur les problématiques de budget dont vous posiez. Je pense que là aussi il a dit : « Pas de tabou, pas de tabou » et sur le côté, alors, vous le savez, la France est un des pays, sinon le pays où il y a déjà le plus de prélèvements et donc, c'est une question d'équilibre. Je pense que l'idée est de ne pas bloquer les créations d'emplois. Je rappelle qu'il y a eu plus de deux 2,5 millions de créations d'emplois et l'objectif de plein-emploi est un objectif important. Et de l'autre côté, s'il faut taxer de type les superprofits, il a donné l'exemple des énergéticiens en considérant qu'on a prélevé…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Alors, certains considèrent que c'est électoraliste à deux mois et demi des Européennes, une annonce pareille, c'est pour parler à un électorat qui n'est pas concerné par tout ça finalement, et que les chômeurs ne peuvent pas vraiment descendre dans la rue. Ils ne peuvent pas s'organiser. Pour les Européennes, justement, vous êtes à 18%, la liste de Valérie HAYER est à 18 % et Emmanuel MACRON a demandé à François BAYROU et Édouard PHILIPPE de se lancer, de s'engager dans la campagne même d'apparaître sur la liste en position non-éligible. C'est une bonne idée ? Ils peuvent vous aider à gagner des points ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors d'abord, la campagne démarre, la campagne démarre. J'étais à Lille lors du lancement de la campagne pour Valérie HAYER. J'ai vu effectivement l'enthousiasme et la volonté d'alimenter les idées. Edouard PHILIPPE et François BAYROU, ce sont deux personnalités politiques publiques, je dirais, qui comptent. On connaît d'abord leur engagement sur l'Europe et leur mobilisation dans la campagne, donc pourquoi pas ? Et je crois que dans ce cadre-là, toute l'Europe, c'est, et je dirais que le slogan de « Besoin d'Europe » est important. Et donc, aller ensemble, défendre, faire des propositions, montrer des bilans, mais aussi se projeter dans l'avenir, oui, c'est important.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Les espaces numériques de travail des collégiens et lycéens, les ENT, ont été piraté tout au long de la semaine dernière. Est-ce que vous craignez la même chose côté université ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, aujourd'hui, je voudrais d'abord rassurer : il n'y a pas les ENT des universités qui sont à part.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Non, sur les messageries…

SYLVIE RETAILLEAU
Même sur les messageries qui sont à part, qui sont gérées par établissement, on a une organisation différente. Je dirais que pour l'instant, nous n'avons, même s'il y a des attaquants régulièrement, mais nous n'avons pas ce que subit au niveau de l'Education nationale. Mais nous sommes très vigilants parce qu'aujourd'hui, vous savez, les attaques cyber, les problématiques d'attaques touchent tous les domaines. Et donc, effectivement, il y a une vigilance et des protections particulières dans notre domaine de l'enseignement supérieur.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Le proviseur du lycée RAVEL, qui avait demandé à une jeune femme de retirer son voile, s'est vu menacé de mort et il a dû démissionner. Hier, le Premier ministre a employé une expression très forte pour évoquer le sujet : « L'entrisme islamiste », vous le constatez dans les universités et grandes écoles ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors je dirais que, comme je dis toujours, l'université, c'est aussi à l'image de notre société, c'est-à-dire qu'elle a ses atouts, ses richesses, sa dynamique, ses faiblesses et ses tensions. Et ce que je voudrais dire, c'est que sans nier certaines évolutions ou certaines dérives que l'on trouve aussi dans les universités, deux choses. Premièrement…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il y a eu Scientifique politique…

SYLVIE RETAILLEAU
Dernièrement… Premièrement, nous les combattons, nous donnons des cadres, des cadres de plus en plus forts et les présidents, les directeurs des établissements se mobilisent. J'y reviendrai. Et deuxièmement, dire que c'est une minorité, une minorité certes bruyante, mais une minorité qui ne représente pas la majorité. Et donc…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
La laïcité n'est pas en danger à l'université et dans les grandes écoles ?

SYLVIE RETAILLEAU
La laïcité, c'est un principe Républicain qu'il faut coûte que coûte protéger. C'est pour ça que vous voyez le côté judiciaire des articles, des signalements aux procureurs, les plaintes, les procédures disciplinaires augmentées aussi dans nos établissements d'enseignement supérieur.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Dernière question Parcoursup. Les candidatures vont se terminent le 2 avril, on aura…

SYLVIE RETAILLEAU
Le 3.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Le 3 avril, pardon, les élèves n'ont pas à s'inquiéter de leur entrée, de leur entrée en fac, en grandes écoles, est-ce que vous pouvez nous assurer qu'il n'y aura pas de couac cette année ?

SYLVIE RETAILLEAU
Alors, ça fait un moment qu'il n'y a pas de couac dans Parcoursup, au sens Parcoursup étant quelque chose de robuste aujourd'hui et l'accompagnement s'améliore d'année en année. Et si j'avais à donner un dernier message…

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Il n'y aura personne sur le carreau ?

SYLVIE RETAILLEAU
Un dernier message en tout cas aux parents aussi et aux élèves, c'est : ayez confiance, faites ce que vous avez envie de faire dans vos derniers choix et que la plateforme Parcoursup aujourd'hui est accessible jusqu'au 3 avril.

PATRICIA ISSA DE GRANDI
Merci madame RETAILLEAU.

SYLVIE RETAILLEAU
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 avril 2024