Interview de M. Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, à Sud Radio le 29 mars 2024, sur le trafic transfrontalier de cigarettes, le déficit public et les économies budgétaires.

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Média : Sud Radio

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bonjour. Bonjour à toutes et à tous. Merci d'être avec nous. Les Français veulent savoir. " Parlons vrai ", ce matin avec Thomas CAZENAVE, ministre chargé des comptes publics. Thomas CAZENAVE bonjour.

THOMAS CAZENAVE 
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
D'abord cette info, cette info : décret paru dans la Nuit, il sera désormais possible de rapporter en France, de l'étranger, jusqu'à quatre cartouches de cigarettes par personne.

THOMAS CAZENAVE 
Mais ce n'est pas le cas. En fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ah ?!

THOMAS CAZENAVE
Eh non. Parlons vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ah bon ? Parlons vrai !

THOMAS CAZENAVE 
Parlons vrai. De quoi il s'agit ? Vous savez que le décret, aujourd'hui, on ne pouvait pas, quand on traverse la frontière, ramener plus d'une cartouche. Ce décret a été annulé par le Conseil d'Etat, on a dû revoir complètement notre système. Et qu'est-ce qu'on a décidé de faire ? De ne plus parler du nombre de cartouches.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?

THOMAS CAZENAVE 
Pour permettre aux douaniers de systématiquement sanctionner ceux qui veulent faire du commerce, en allant de l'autre côté de la frontière. Donc ça ne sera plus le nombre de cartouches.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ça veut dire quoi alors ?

THOMAS CAZENAVE 
Ça veut dire que vous pouvez avoir…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Je passe la frontière, si j'ai une cartouche, je peux être sanctionné.

THOMAS CAZENAVE 
Imaginons la situation. Vous avez une cartouche, et sur la cartouche, elle est bien empaquetée, vous avez le nom d'un destinataire, par exemple, à qui vous allez faire une livraison, demain, les douaniers pourront le sanctionner. Nous, on a voulu passer d'une logique de nombre de cartouches, à une logique beaucoup plus forte en disant : permettons aux douaniers, dès l'instant où il y a une suspicion de trafic, de commerce, et c'est bien ça que nous souhaitons traiter, et c'est là-dessus qu'on souhaite lutter, notamment pour protéger nos buralistes, ils pourront sanctionner. Donc on a complètement changé de logique.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Mais si je passe avec six cartouches, et que le douanier ne m'arrête pas ?

THOMAS CAZENAVE 
Aujourd'hui, s'il ne vous arrête pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, remarquez, c'est pareil.

THOMAS CAZENAVE 
Voilà. Donc la question c'est : nous, on veut permettre aux douaniers d'identifier ceux qui vont faire du commerce et qui, en faisant du commerce, un, privent les finances publiques de nombreuses recettes. Deux, font de la concurrence déloyale à nos 23 000 buralistes partout sur le territoire. Et trois, des fois posent des problèmes, j'y reviendrai, de santé publique, quand il s'agit du tabac de contrebande.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Donc il n'y a plus de permissivité en quelque sorte.

THOMAS CAZENAVE 
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Terminé.

THOMAS CAZENAVE 
Et donc c'est pour ça, j'ai lu dans la Presse ce matin, en disant : ça y est, on va ouvrir les frontières du tabac. C'est complètement faux, on a juste changé de logique. Et je redis un point sur lequel avec Bruno LE MAIRE nous sommes très engagés, sur j'allais dire la contrebande de tabac à la frontière…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, la lutte contre la contrebande.

THOMAS CAZENAVE 
Quel est le problème aussi ? Le problème, c'est la fiscalité. On a des fiscalités très différentes d'un pays à l'autre, entre l'Espagne, la Belgique, le Luxembourg, la France. Et nous, nous portons, avec Bruno LE MAIRE, l'idée d'avoir une harmonisation fiscale sur le tabac.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Vous y arriverez ?

THOMAS CAZENAVE 
On vient d'écrire, on écrit ce matin de nouveau aux deux commissaires. Moi, je pense aussi que ce sujet, il doit faire partie des thèmes de campagne que nous allons défendre aux européennes. Mais vous voyez, je crois que sur ce sujet-là, nous sommes mobilisés. Et puis j'imagine, nous y reviendrons…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Attendez, attendez, vous écrivez aux deux commissaires. Vous leur demandez quoi ? Une harmonisation fiscale ?

THOMAS CAZENAVE 
On demande à revoir la directive de 2011 et ouvrir l'harmonisation fiscale pour stopper ce trafic transfrontalier.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Alors, la lutte contre la contrebande, des résultats ?

THOMAS CAZENAVE 
Alors, nous avons…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ça donne quoi ?

THOMAS CAZENAVE 
Nous avons lancé une opération coup de poing entre le 20 et le 27 mars. Vous savez que ma stratégie, c'est de lutter contre le tabac, de la même manière, avec les mêmes méthodes, que la lutte contre les stupéfiants. Nous avons mobilisé 10 000 agents, entre le 20 et le 27 mars, plus de 5 000 douaniers, et nous avons, tenez-vous bien, saisi 27 tonnes de tabac.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
En une semaine.

THOMAS CAZENAVE 
27 tonnes de tabac en une semaine. C'est une saisie historique. L'année dernière, l'année dernière une opération de la même ampleur, je dirai, 9 tonnes. Nous avons…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ça veut dire que la contrebande s'étend.

THOMAS CAZENAVE 
Ça veut dire que…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Plus on saisit, plus il y a de contrebande.

THOMAS CAZENAVE 
Ça veut dire que la douane s'est mobilisée comme jamais. On a multiplié par deux le nombre de douaniers partout, blocage de frontières, contrôles dans les aéroports, contrôles routiers, contrôles du fret, travail avec les gendarmes, travail avec la police nationale. Imaginez-vous, en une semaine 10 000 agents partout sur le territoire et une saisie historique record. Et je vais le redire ici, que cette lutte contre la contrebande de tabac, elle est indispensable. D'abord, protéger nos buralistes, protéger nos finances publiques. Il s'agit. Imaginez, avec une seule semaine, c'est l'équivalent de 20 millions d'euros. 20 millions d'euros de recettes pour l'Etat. Et puis, parce que derrière, c'est le crime organisé, c'est notre sécurité. Donc il faut lutter de manière acharnée contre le trafic de tabac, ce que nous faisons, dans le cadre d'ailleurs d'une politique que je mène de lutte contre toutes les fraudes, fiscales, sociales, douanières.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien. Thomas CAZENAVE, vous êtes ministre des Comptes publics. Important. Vos prévisions budgétaires étaient-elles fausses ? On était fin 2023 à 4,9 et on est passé en trois mois, deux mois et demi à 5,5, 0,6% d'écart. C'est considérable. Je lis ce que disent les LR : " Vous avez menti aux Français ", c'est ce qu'ils vous disent. " Vous êtes des escrocs en col blanc ", c'est ce que dit Fabien ROUSSEL. Moi je vous pose une simple question : quel dirigeant d'entreprise résisterait à de tels mauvais résultats et finalement à de tels écarts de prévisions, entre la prévision et la réalité ?

THOMAS CAZENAVE 
C'est vrai qu'il y a eu un grand écart entre la prévision et la réalité. Qu'est ce qui s'est passé ? A partir du mois de décembre l'année dernière, les Directions de Bercy nous ont indiqué qu'il y avait un risque sur nos recettes. Les recettes, c'est quoi ? C'est l'impôt sur les sociétés, c'est les cotisations sociales, l'impôt sur le revenu. Et qu'est-ce qu'on constate ? On a perdu près de 20 milliards d'euros de recettes. Et cette information-là, on l'a obtenue en décembre. Et en fait, c'est quoi ? C'est l'effet du ralentissement économique qui a été plus précoce, plus rapide que prévu. Et dès que nous avons eu cette information, nous avons pris dans les tous premiers jours de février, un décret d'annulation pour réduire la dépense de l'Etat. Pourquoi ? Moins de recettes, moins de dépenses. Et nous avons eu l'occasion d'ailleurs, avec…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
10 milliards.

THOMAS CAZENAVE 
10 milliards, avec Bruno LE MAIRE, ensuite, d'aller nous en expliquer, devant la représentation nationale. Vous savez, moi je suis un parlementaire, je suis député de Gironde, et c'est très important de pouvoir travailler en transparence et en confiance. Et c'est aussi ce que nous avons fait hier en réunissant Sénat, Assemblée, les présidents de groupe, pour expliquer la situation des finances publiques et puis partager les économies. Parce que maintenant il faut se mettre aux travaux pratiques.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
On va parler d'économie, on va parler... Bien. Mais vous voulez réunir les parlementaires, pour construire collectivement, si j'ai bien compris, le prochain budget. C'est l'objectif. Sauf que vous ne vous réunissez pas le RN, le Rassemblement national. Pourquoi ? Parce qu'ils sont anti-républicains ? Pourquoi ?

THOMAS CAZENAVE 
Il y a deux sujets.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
88 députés ou 89, je ne sais pas, à l'Assemblée nationale, je ne sais plus, à 1 ou 2 près. Pourquoi ?

THOMAS CAZENAVE 
Moi, j'ai une position très claire sur le Rassemblement national. Je considère que les députés du Rassemblement national, ils sont légitimes. Ils ont été élus légitimement par les Français, ils ont un rôle à jouer, ils sont à l'Assemblée. Et donc ils sont légitimes. Mais pour autant, moi je n'ai pas envie de construire quoi que ce soit avec le Rassemblement national. Je suis, je vais vous dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Mais, s'ils sont légitimes, n'est-il pas légitime de les associer ?

THOMAS CAZENAVE 
Je suis un adversaire du Rassemblement national, et je distingue deux choses. Qu'ils soient dans des grandes réunions collectives comme hier à Bercy, on reçoit tous les groupes, pour partager des informations, les écouter. Ils ont leur place, comme tous les groupes. Quand on est dans une logique où on veut essayer de trouver des accords avec des groupes politiques, parce que nous sommes en majorité relative, ce qui nous arrive à l'Assemblée, on trouve des accords avec les LR, avec le Parti socialiste, avec les écologistes, avec LIOT, alors là, je considère que je n'ai aucun accord à trouver que le Rassemblement national, surtout quand Marine LE PEN donne des leçons de finances publiques. Il faut quand même bien s'accrocher. Quand ils veulent nationaliser les autoroutes, exonérer tous les Français de moins de 30 ans d'impôt sur le revenu, Kylian MBAPPE sera ravi d'apprendre cette proposition. Qui ne vote pas la réforme des retraites, qu'ils expliquent qu'on peut donner la retraite à 60 ans et que ça ne coûtera rien au contribuable. Tout ça, c'est du mensonge, c'est 100 milliards d'euros. Donc, les leçons de finances publiques, non merci. Trouver des accords avec des partis de gouvernement, oui, surtout en majorité relative. C'est ce que nous…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Donc ce n'est pas un parti de gouvernement pour vous, Thomas CAZENAVE.

THOMAS CAZENAVE 
Moi je considère que non, ils ne l'ont jamais été, et moi je considère que ce sont des adversaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien. Thomas CAZENAVE, pas de hausses d'impôts pour les entreprises et les classes moyennes, on est bien d'accord ?

THOMAS CAZENAVE 
Notre... Regardez le bilan…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Non mais là, vous me dites oui ou non ?

THOMAS CAZENAVE
Je vais vous répondre.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Non, non, non, non, mais moi…

THOMAS CAZENAVE 
Mais si si, je vais…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Parce que ma question est précise, parce qu'il y a une ambiguïté. Je vous pose franchement la question : pas de hausses d'impôts pour les entreprises et les classes moyennes ?

THOMAS CAZENAVE 
Pas de changement de politique, pas de changement…

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Pas de hausses d'impôts ?

THOMAS CAZENAVE 
Non, pas de changement de politique. Pourquoi ? On a baissé les impôts pour les Français, taxe d'habitation, redevance audiovisuelle, les premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Depuis 2017, on a baissé l'impôt sur les sociétés. Avec quel résultat ? Plus de 2 millions d'emplois créés. Le pays le plus attractif d'Europe. Le début de la réindustrialisation. Pourquoi est-ce qu'on changerait de politique ? Pourquoi est-ce qu'on changerait ?

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Donc, pas de hausses d'impôts.

THOMAS CAZENAVE 
Et pas de hausses d'impôts on ne change pas de politique fiscale. En revanche, quand j'entends la majorité comme les oppositions, comme le président de la Cour des comptes, dire : il y a quand même un sujet avec certaines entreprises, par exemple des énergéticiens qui ont fait des profits exceptionnels en raison du bouclier énergétique. Bien sûr que cette question, elle est sur la table, et ça ne me pose aucune difficulté, nous l'avons dit, à ce qu'on regarde comment on récupère une partie de ces profits exceptionnels.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, parce que jusqu'à maintenant, ça ne marche pas très bien votre taxation des électriciens.

THOMAS CAZENAVE 
Vous avez raison.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Et des superprofits de ces énergéticiens.

THOMAS CAZENAVE 
Vous avez raison.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ça ne marche pas du tout. 300 millions au lieu de, les prévisions étaient de 12 milliards au départ, vous êtes passés à 4 milliards. Finalement, vous avez récolté 300 millions.

THOMAS CAZENAVE 
Vous avez raison.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bon, c'est peu.

THOMAS CAZENAVE 
Vous avez raison.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc là, vous allez taxer les superprofits.

THOMAS CAZENAVE
Oui. On est prêt à agir et vous voyez la grande différence…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez taxer les superprofits de qui ? Des énergéticiens, c'est tout ? Les seuls ?

THOMAS CAZENAVE
Des énergéticiens. Oui, parce que c'est la rente.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les seuls ?

THOMAS CAZENAVE
Oui. C'est la rente, elle existe mais elle n'a pas fonctionné, vous avez raison. Donc on a laissé des bénéfices exceptionnels qui n'ont rien à voir avec l'innovation, le développement économique, c'est de la pure rente. Ces surprofits, on doit les récupérer ; le contribuable doit les récupérer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez récupérer ces surprofits, ça va rapporter combien ces surprofits ?

THOMAS CAZENAVE
On avait prévu 3 milliards.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous aviez prévu 12 milliards au départ puis 4 milliards, puis 3 milliards et vous êtes tombés à 300 millions. Franchement, ce n'est pas terrible.

THOMAS CAZENAVE
Soyons clairs et parlons vrai comme c'est votre slogan donc parlons vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je regardais les chiffres.

THOMAS CAZENAVE
On a prévu 3 milliards, on aura fait que 300 millions et donc il faut le revoir. Et c'est l'intention d'ailleurs, moi j'écoute les parlementaires de la majorité qui souhaitent qu'on y revienne et nous sommes favorables à y revenir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ça va vous rapporter - pas vous, mais au budget, - ça va rapporter combien ?

THOMAS CAZENAVE
On doit on doit pouvoir aller rechercher au moins un milliard d'euros supplémentaire cette année. Il faut qu'on aille les chercher.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Au moins un milliard d'euros supplémentaire. La CVAE, cet impôt local que paient les entreprises, la CVAE va-t-elle baisser ?

THOMAS CAZENAVE
La CVAE, on l'a beaucoup baissée.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était une promesse.

THOMAS CAZENAVE
Oui, mais promesse déjà à moitié tenue.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez au bout de la promesse ? Est-ce que vous allez continuer à la baisser ?

THOMAS CAZENAVE
La question que je pose, c'est est-ce que la politique de l'offre que nous menons avec acharnement depuis 2017, nous allons la remettre en question ? La réponse est non parce qu'elle produit des résultats.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la CVAE, c'est non ou oui ?

THOMAS CAZENAVE
La CVAE, je pense que ça fait partie des sujets dont on doit parler avec les parlementaires. Qu'est-ce qu'on a fait hier ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est non ? Quelle est la position du gouvernement ? Je vous dis ça parce que j'ai rencontré des chefs d'entreprises hier. Ils m'ont dit ‘pas de hausse d'impôts mais pas de baisse non plus'. Donc la CVAE ne baissera pas, c'est ce qu'ils craignent.

THOMAS CAZENAVE
C'est ce qu'ils proposent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment c'est ce qu'ils proposent ? Ils proposent une baisse, oui !

THOMAS CAZENAVE
Moi ce que je souhaite faire sur ce sujet, sur les dépenses comme sur les recettes, on vient juste de démarrer avec l'ensemble des parlementaires, c'était hier. N'attendez pas de nous qu'on vous explique : voilà le budget pour 2025. D'abord, ce serait extrêmement méprisant pour les parlementaires qu'on a réunis hier, on a un travail, on a quatre mois devant nous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est méprisant pour les parlementaires de parler de l'assurance chômage alors. Pardon, c'est vous qui en parlez. Vous êtes extraordinaire !

THOMAS CAZENAVE
Mais pas du tout, pas du tout.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment pas du tout ? Ce n'est pas moi, c'est le gouvernement.

THOMAS CAZENAVE
Je vais vous dire, les finances publiques c'est l'affaire de tous, on l'a dit.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est l'affaire de tous et des Français parce que c'est l'argent des Français, Thomas CAZENAVE, qui est parfois mal dépensé.

THOMAS CAZENAVE
Des parlementaires, je vais terminer, des parlementaires - on a commencé à le faire. Des élus locaux qui sont concernés par les finances publiques, on les réunira le 9 avril avec Bruno LE MAIRE. Des partenaires sociaux aussi. Sur quelles bases ? Quand le contexte économique change, ce n'est pas anormal de revoir un certain nombre de dispositifs comme le dispositif de l'assurance chômage. Ce que l'on veut dire dans cette approche méthodique que nous mettons en place pour les prochains mois, c'est dire : on est tous concernés, vous avez raison de le dire, on est tous concernés par les finances publiques. Ce n'est pas que l'affaire, je vous le dis, du ministre du Budget, c'est l'affaire de tous et je souhaite qu'on puisse identifier avec chacun comment on prend sa part dans la nécessité de redresser progressivement nos finances publiques.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les 2 milliards de baisse pour les classes moyennes, ça vous le confirmez ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, je confirme mais dans une approche plus globale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors c'est quoi une approche globale ? On se méfie, vous savez Thomas CAZENAVE. Quand on nous parle d'approche plus globale, tout le monde se méfie, vous le savez bien.

THOMAS CAZENAVE
Je vais préciser. Le Premier ministre l'a annoncé, l'a redit dans sa déclaration de politique générale, notre enjeu c'est la désmicardisation. Comment on redonne du pouvoir d'achat aux classes moyennes notamment, qui ont l'impression de ne pas s'en sortir avec leur travail ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

THOMAS CAZENAVE
Donc on a la question des impôts, on a les questions des cotisations sociales, question des primes d'activité. Vous savez, il y a beaucoup en fait. On dépense…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Cotisations sociales, patronales et salariales qui vont baisser ?

THOMAS CAZENAVE
C'est le travail qu'on a demandé en disant est-ce qu'on peut les mettre en oeuvre différemment ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les baisser ?

THOMAS CAZENAVE
Les baisser au niveau du SMIC, ce qu'on appelle reprofiler. Vous savez, on met quasiment plus de 60 milliards d'euros là-dessus. Donc est-ce qu'on peut le mettre en oeuvre différemment pour aider ceux qui sont au SMIC et un peu au-delà, qui n'arrivent pas à progresser dans leur carrière ? Deux économistes ont été saisis par le Premier ministre, ils vont rendre bientôt leur travail. C'était l'objet de notre échange autour du Premier ministre en séminaire gouvernemental : comment on peut aider ces Français qui travaillent et qui ont l'impression de ne pas s'en sortir ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si on baisse les cotisations, on augmente la TVA ?

THOMAS CAZENAVE
Non, non, on n'augmente pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On n'augmente pas la TVA sociale ?

THOMAS CAZENAVE
Non. Il n'y a pas d'augmentation de TVA au programme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'augmentation de TVA. La Cour des comptes recommande de revoir le crédit d'impôt pour les aides à la personne. Est-ce que vous allez y toucher ?

THOMAS CAZENAVE
Moi je considère que dans la période, il est sain maintenant de tout regarder. Chaque euro…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous regardez ça aussi, le crédit d'impôt pour les aides à la personne.

THOMAS CAZENAVE
J'ai vu le rapport qui est sorti hier de la Cour des comptes. Quand on a demandé au Premier président de la Cour des comptes " faites-nous des propositions d'économies ", je considère que ça fait des propositions d'économies à livrer au débat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une piste.

THOMAS CAZENAVE
Mais oui, bien sûr. Je ne vais pas écarter a priori des pistes qui ont été instruites par la Cour des comptes, qui identifient un milliard - c'est ce que j'ai lu – d'économies potentielles. Donc je ne vais pas balayer d'un revers de main un travail sérieux qui nous permettrait d'obtenir un milliard d'euros d'économies.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous allez examiner le crédit d'impôt pour les aides à la personne.

THOMAS CAZENAVE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et éventuellement changer les choses, changer les règles, peut-être le baisser, je ne sais pas. Enfin, nous verrons.

THOMAS CAZENAVE
Mais vous savez, quand la Cour des comptes dit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes prêt à examiner ? C'est sur la table ?

THOMAS CAZENAVE
Mais oui, bien sûr. Moi je lis, la Cour des comptes dit : il faut absolument le conserver, notamment pour les aides à domicile mais qu'il y a certains petits travaux qui pourraient être revus, moi je suis ouvert à tout. On a devant nous un chantier important, celui du redressement des finances publiques. Donc je ne vais pas commencer, à chaque fois que quelqu'un émet une idée à dire " non, non, non, très peu pour nous ".

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Thomas CAZENAVE, il y a une expression qui a un peu choqué les Français, open bar. Ce n'est pas vous qui l'avez prononcée, c'est Bruno LE MAIRE. Ça veut dire quoi, Open bar ? C'est open bar pour qui ? Franchement, expliquez-moi parce que c'est open bar pour qui dans notre pays ?

THOMAS CAZENAVE
Non mais il faudrait demander à l'auteur de la formule.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Non mais vous l'avez compris comment, vous ? Vous l'avez compris comment, vous ?

THOMAS CAZENAVE
Je vais essayer de le dire avec mes mots. Je ne suis pas l'auteur de cette formule.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, je sais.

THOMAS CAZENAVE
On quitte une période où nous avons beaucoup, beaucoup dépensé. Et pourquoi on a beaucoup, beaucoup dépensé ? Parce qu'on a beaucoup, beaucoup protégé. Et d'ailleurs, je constate que les oppositions qui aujourd'hui nous disent " qu'est-ce qui se passe sur les finances publiques ? " n'ont jamais, jamais contesté la protection des commerçants, des salariés, des collectivités territoriales, des associations qu'on a mis en place pendant les crises - les crises. La crise du Covid, la crise énergétique, la crise liée notamment la conjoncture internationale avec l'Ukraine. Donc oui, on a beaucoup dépensé et notre défi collectif, je le dis aussi aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, c'est revenir à un mode normal de gestion de nos finances publiques. Donc oui, faire des économies là où on a beaucoup dépensé. Par exemple, quand on a remonté progressivement la taxe sur l'électricité qu'on avait annulée pendant la crise de l'énergie, ça fait partie des efforts collectifs qu'on a demandés aux Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne toucherez pas à l'énergie d'ailleurs, aux taxes sur l'énergie, vous n'y toucherez pas.

THOMAS CAZENAVE
On l'a fait, on l'a déjà fait. Mais vous voyez, c'est là où c'est paradoxal. Quand on le fait et que les mêmes, les LR notamment, nous disent à l'Assemblée " c'est honteux, vous tapez au portefeuille des Français " et on leur dit " et en même temps, vous nous expliquez qu'on ne redresse pas assez vite les finances publiques ", mais ils sont en plein paradoxe quand même.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux questions encore. Pas de désindexation, on est bien d'accord.

THOMAS CAZENAVE
Attendez ! J'ai entendu il y a quelques semaines à peine – enfin, oui, deux mois - on a indexé les retraites sur l'inflation. 5,4% d'augmentation des pensions de retraite, c'est tout frais. C'est tout frais, ça a coûté au budget de l'Etat, 14 milliards d'euros. On les a protégés, on a protégé tout le monde face à l'inflation, et tout de suite on voudrait nous amener à... Et qu'est ce qui va se passer l'année prochaine ? Et qu'est ce qui va se passer l'année prochaine ? Je vais vous dire, c'est d'abord les quatre mois qui sont devant nous, où moi je souhaite que chacun des groupes, je recevrai chaque président de groupe. J'ai proposé à chaque président de groupe de le recevoir individuellement dans mon bureau pour écouter ses propositions. Et une fois qu'on aura vu l'ensemble des présidents de groupe à l'Assemblée, au Sénat, que toutes les propositions seront sur la table, alors on pourra construire le budget 2025.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, désindexation. Là encore, c'est possible.

THOMAS CAZENAVE
Mais non, mais mon sujet…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est sur la table. Tout est sur la table. Vous me dites, si j'ai bien compris, pour résumer : tout est sur la table.

THOMAS CAZENAVE
Mais, ce que je vous dis, c'est que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une révision totale de la politique budgétaire publique.

THOMAS CAZENAVE
Mais quand on a pour objectif de ramener le déficit public sous 3%, c'est l'objectif que nous a fixé le président de la République. Quand je rentre dans des discussions avec nos partenaires, avec notre majorité, je ne vais pas commencer à mettre des lignes rouges partout et fermer le dialogue. Ce n'est pas ma méthode.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Alors, je suis chef d'entreprise. La simplification, ça aussi, ça peut faire faire des économies. Vous êtes bien d'accord, puisqu'on parle beaucoup…

THOMAS CAZENAVE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait des années que j'entends parler de simplification. On va s'amuser ensemble, Thomas CAZENAVE. Je suis chef d'entreprise, patron de PME. Tout à coup, je franchis le seuil, ces fameux seuils stupides, entre nous, c'était un commentaire personnel, de 50 salariés. Que se passe-t-il si je franchis le seuil de 50 salariés ? Je dois mettre en place le DUERP. Vous ne savez pas ce que c'est ?

THOMAS CAZENAVE
DUERP. Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez ce que c'est ?

THOMAS CAZENAVE
Document Unique... Il me manque la suite.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord. Le RUP, vous savez ce que c'est ?

THOMAS CAZENAVE
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non. Bon, d'accord. La BDESE, vous savez ce que c'est ?

THOMAS CAZENAVE
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le RIE ? Vous savez ce que c'est ? Non. Le DSN, l'ADSN, vous savez ce que c'est ?

THOMAS CAZENAVE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi l'ADSN ?

THOMAS CAZENAVE
La Déclaration Sociale Nominative.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le ou la DOETH ? Vous savez ce que c'est ?

THOMAS CAZENAVE
Oui, Déclaration obligatoire pour les travailleurs handicapés, je pense.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Les NAO ?

THOMAS CAZENAVE
Les Négociations Annuelles Obligatoires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon.

THOMAS CAZENAVE
C'est un quiz en fait, ce matin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas un quiz, Thomas CAZENAVE, ce n'est pas un quiz, mais c'est un quiz auquel sont confrontés tous les chefs d'entreprise, de PME.

THOMAS CAZENAVE
Mais, bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous vous rendez compte ? Et ensuite il doit contribuer au PEESC, au FNAL au FPSTI, à la formation professionnelle etc. etc. Il passe ses dimanches à remplir tous ces papiers. Voilà le sort d'un chef d'entreprise, d'un patron de PME en France.

THOMAS CAZENAVE
Non mais bien sûr que la charge administrative, elle est importante. Quand on a lancé, Bruno LE MAIRE et Olivia GREGOIRE en particulier, un grand chantier de simplification, qu'on a reçu, énormément de propositions, qu'on va travailler sur des textes législatifs, que la majorité s'est emparée de ce sujet-là. C'est bien pour répondre. Quand Bruno LE MAIRE dit : " On va supprimer tout un tas de Cerfa ", on est dans la simplification concrète. Donc j'entends les difficultés, je rencontre à Bordeaux, en Gironde, les chefs d'entreprise…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j'imagine.

THOMAS CAZENAVE
Voilà…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ils vous le disent.

THOMAS CAZENAVE
... des commerçants. Ils me le disent. Je connais leurs difficultés. Nous, on a fait des grandes simplifications dans le champ fiscal, y compris pour les particuliers. Quand on a fait le prélèvement à la source, ça a été une sacrée simplification. Et moi je considère qu'on doit pouvoir poursuivre ce travail-là aussi pour les entreprises.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci beaucoup Thomas CAZENAVE…

THOMAS CAZENAVE
Merci à vous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
... d'être venu nous voir ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 avril 2024