Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'action du gouvernement en faveur du photovoltaïque, à Manosque le 5 avril 2024.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Déplacement à Manosque sur le théme " Plan de bataille pour le photovoltaïque en France "

Texte intégral

Je suis ravi de vous retrouver aujourd'hui à Manosque.

C'est la première fois que je m'exprime sur le photovoltaïque depuis que je suis en charge de l'énergie.

Autant vous le dire tout de suite : le sujet n'est pas de savoir si nous voulons oui ou non recourir massivement au photovoltaïque.

Le sujet est de savoir comment nous allons le faire, à quelle vitesse, avec quelle filière industrielle.

1. Le photovoltaïque est une évidence

Dans un monde où l'électricité est devenue le grand enjeu économique, parce que nous voulons sortir des énergies fossiles, parce que nous voulons réindustrialiser notre pays, nous avons besoin du photovoltaïque.

Ses atouts sont considérables.

Premier atout : les Français aiment l'énergie solaire.

Ils sont de plus en plus nombreux à installer des panneaux photovoltaïques sur leurs toits ou dans leur jardin. Ils sont également prêts à accueillir des centrales solaires à proximité de chez eux.

C'est l'énergie du bien vivre. Quand on a des panneaux photovoltaïques chez soi ou à proximité, c'est bon signe : c'est qu'il y a du soleil, comme ici à Manosque.

C'est aussi l'énergie de la proximité et de la liberté, pour tous ceux qui font le choix de l'autoconsommation.

À l'heure où la transition écologique est parfois mal comprise et mal acceptée, nous avons tout intérêt à miser sur l'énergie solaire.

Deuxième atout : une technologie facile et rapide à installer à grande échelle.

Soyons lucides : si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050, nous ne pouvons pas attendre d'avoir modernisé notre parc nucléaire existant ou d'avoir construit de nouveaux réacteurs.

J'ai beau être un grand soutien de la filière nucléaire, je suis convaincu que nous devons utiliser toutes les ressources bas-carbone à notre disposition : éolien, biogaz, biocarburant, géothermie, hydroélectricité et, bien sûr, énergie solaire.

Troisième atout, une technologie mature, qui fournit une électricité de plus en plus compétitive.
Nos derniers appels d'offre solaire sol sont sorti à 82€/MWh et les prix baissent de manière régulière.

Le photovoltaïque est donc indispensable. La question ne se pose pas.

2. Quelle est notre stratégie ?

Elle comporte deux volets : le déploiement et l'industrialisation.

Déploiement.

Le président de la République a fixé un objectif clair : 100 GW de production d'énergie solaire à horizon 2050. La proposition de PPE de fin d'année dernière envisage même d'avancer cette cible avec un objectif 75GW-100GW d'ici 2035.

Nous sommes aujourd'hui à 19,3 GW, dont 50% sont produits dans trois régions : Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Rhône-Alpes. Soit dit en passant, la région PACA a donc de la marge…

Nous avons installé au total sur le territoire français 2,7 GW de capacités supplémentaires en 2022 et 3,2 GW de capacités supplémentaires en 2023.

Il faut à présent accélérer, pour passer à 6 GW de capacités supplémentaires par an – c'est-à-dire le double de ce que nous faisons aujourd'hui.

Comment ? Plus de déploiement et plus de foncier.

Annonces

1. Depuis le début de l'année, nous avons déjà approuvé 182 nouveaux projets, représentant 1,3 GW ;
2. Nous avons également rehaussé de 38% le rythme de déploiement du photovoltaïque sur bâtiment, en passant la cible de 1,3 à 1,8 GW par an ;
3. Nous accélérons la mise à disposition du foncier :
- Nous publierons demain le décret sur l'agrivoltaïsme, permettant de déployer des panneaux solaires sur une terre agricole uniquement lorsqu'il apporte un service direct à l'agriculteur ; 
- Nous annonçons le lancement d'une série d'appels à manifestation d'intérêt pour installer du photovoltaïque sur le délaissé routier du réseau national. 
4. Enfin, nous mettrons à jour en 2024 la PPE afin de rehausser notre objectif global à 6GW/an.

Industrialisation.

Nous ne serons jamais véritablement souverains en matière d'énergie si nous ne le sommes pas en matière industrielle.

Nous avons réussi à nous libérer de la dépendance au gaz et au pétrole russes. A-t-on envie de passer à une dépendance aux panneaux photovoltaïques chinois ?

Acheter l'équivalent de 100 GW de panneaux solaires représente 20 Md€ d'investissements. A-t-on envie que cet argent arrive dans les poches de nos partenaires étrangers ?

Je préfère que ces 20 Md€ servent à ouvrir des usines et à créer des emplois bien rémunérés pour nos compatriotes.

Nous devons donc produire des panneaux photovoltaïques sur notre territoire.

Il nous faut un plan de bataille pour le solaire.

Soyons lucides : nous partons de loin.

Aujourd'hui, la quasi intégralité des panneaux utilisés en France sont importés. Cette centrale solaire de Manosque, dont les panneaux proviennent de Malaisie, en est le meilleur exemple.

Retroussons-nous les manches, pour produire en France d'ici 2030 40% des panneaux photovoltaïques que nous utilisons. C'est l'objectif fixé au niveau européen dans le Net Zero Industry Act.

Je veux revenir dans six ans ici, peu importe ce que je ferai, et voir des panneaux photovoltaïques français.

C'est un pari : nous pouvons le gagner.

1. Il nous faut d'abord des entreprises et des projets.

Nous continuerons à soutenir les nouveaux projets de gigafactories de Carbon et d'HoloSolis, notamment avec le crédit d'impôt industrie verte. Ils représentent 2,2Mds€ d'investissements totaux et 4,600 emplois potentiels à Fos et Hambach.

Nous devons également redoubler nos efforts pour que les acteurs existants puissent grandir ou trouver des repreneurs lorsqu'ils sont en difficulté, comme c'est le cas actuellement.

2. Il nous faut aussi des technologies différenciantes. Nous devons accélérer le développement de technologies à haut rendement, passer rapidement des technologies TopCon à d'autres technologies comme les cellules Tandem silicium amorphe et pérovskite afin de rattraper notre retard, en s'appuyant sur nos centres d'excellence en la matière, comme le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et l'Institut Photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF).

3. Il faut enfin des commandes.

J'appelle les grands donneurs d'ordres, énergéticiens ou développeurs de champs solaires, à s'engager dans le " Pacte solaire " , lancé par Roland Lescure, pour recourir massivement aux panneaux made in France. Nous avons déjà reçu 29 engagements de signature du pacte de la part de développeurs ENR, de la SNCF, de Lidl. L'objectif est simple : s'engager à installer en France des panneaux made in France.

Pour les aider à y parvenir, nous garantirons une concurrence équitable entre les panneaux solaires fabriqués en France et ceux fabriqués à l'étranger :

- À partir de cet été, nous renforcerons le critère carbone dans les appels d'offres sur le PV bâtiment, afin de favoriser les critères de production les plus respectueux de l'environnement et d'éviter les contournements.
- Nous intégrerons également une prime pour les panneaux bas carbone dans le nouveau guichet tarifaire pour le petit PV au sol.
- Si ce critère carbone fonctionne, nous l'étendrons ensuite à tous les dispositifs de soutien public à l'énergie solaire. 
- Nous mettrons en œuvre d'ici fin 2025 les critères de résilience obtenus dans la négociation du NZIA, afin que le déploiement des panneaux solaires ne repose pas sur un seul pays d'origine.

C'est ce que nous avons fait sur les voitures électriques. Résultat : la part des véhicules produits en Chine et immatriculés en France est passée de 49% en décembre 2023 à 24% en février 2024.

Enfin, je salue l'engagement de la Commission européenne qui a décidé d'utiliser tous les instruments commerciaux à sa disposition pour assurer cette concurrence équitable.


Conclusion

Vous l'aurez compris, ma doctrine en matière d'énergie photovoltaïque est la même que pour tout le reste de notre politique énergétique.

Je veux une France souveraine, décarbonée, réindustrialisée.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 8 avril 2024