Déclaration de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit à Gaza, Le Caire le 30 mars 2024.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe du ministre de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec ses homologues égyptien et jordanien

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,


Pour obtenir effectivement un cessez-le-feu, comme pour trouver une issue politique au conflit, la France doit et donc veut travailler avec ses partenaires arabes. C'est pourquoi je me réjouis que nous ayons pu nous réunir aujourd'hui au Caire avec mes homologues égyptien et jordanien. Cette réunion est en réalité une continuité, et mon homologue jordanien vient de le dire, la continuité des bonnes relations qu'ont nos chefs d'Etat et de gouvernement, depuis plusieurs années maintenant, qui nous permet aujourd'hui de coordonner une partie de nos actions internationales.

Merci beaucoup, cher Sameh, pour ton accueil d'abord, et pour le travail que nous avons commencé aujourd'hui, qui n'est pas fini. Nous avons interrompu nos travaux pour venir vous parler, mais un certain nombre de points vont être abordés cet après-midi. L'Egypte et la Jordanie sont d'ailleurs en première ligne dans le drame qui se joue aujourd'hui à Gaza ; en première ligne aussi, je tiens à le dire, dans les efforts pour résoudre et pour faire des propositions à cette crise. Nous avons longuement parlé de ces efforts. Nous voulons les mener, ensemble, en coordination avec les Européens et l'ensemble des pays arabes qui veulent sortir de cette crise.

Pour ma part, j'ai évoqué trois axes prioritaires de l'action de la France, en particulier le volet humanitaire. Nous avons d'ailleurs déjà coordonné une partie de nos actions sur le volet humanitaire, avec un certain nombre de largages. Le Dixmude était sur place, mais nous avons fait beaucoup, avec à la fois l'Egypte et la Jordanie, sur ce volet-là. La France veut porter également un volet politique, et nous voulons le porter au Conseil de sécurité des Nations unies dans les prochaines semaines. La concertation a donc commencé avec un certain nombre de pays sur le contenu de ce volet politique.

La situation humanitaire, comme je le disais, est tragique : deux millions de personnes manquent de tout. Plus d'un million ont d'ailleurs trouvé refuge à Rafah et sont aujourd'hui placées devant le risque d'un nouveau déplacement massif en cas d'opération terrestre. Je tiens à le dire ici, devant vous : mon pays s'oppose fortement et formellement à une telle offensive à Rafah. Nous considérons qu'il est temps que les hostilités cessent. C'est ce que demande, sans ambiguïté, le Conseil de sécurité des Nations unies, dans une résolution votée lundi dernier. Face à l'urgence humanitaire, la France, , l'Egypte et la Jordanie continueront à travailler ensemble.

Je pense qu'Israël doit pouvoir autoriser un accès massif et sans entrave de l'aide à Gaza. C'est ce que lui demande aujourd'hui la Cour internationale de justice. Israël doit en particulier ouvrir sans délai et sans condition tous les points de passage terrestres. Je le disais également à mes homologues : le fait d'intégrer, y compris pour nous-mêmes, l'idée qu'il faille passer maintenant par la mer, montre une forme de faiblesse de la communauté internationale sur ce point. Il ne faut donc pas lâcher. Nous devons obtenir des points de passage terrestres de l'aide humanitaire, le rappeler, et en faire une condition absolue.

La tragédie en cours à Gaza ne sert pas la sécurité d'Israël et des Israéliens. Il est essentiel qu'Israël maintienne des relations apaisées avec ses voisins - avec l'Egypte et la Jordanie notamment - qui doivent être préservés des effets de cette guerre. Je pense aussi au Liban, où une confrontation d'ampleur entre Israël et le Hezbollah ne ferait que des perdants. Nous agissons d'ailleurs très concrètement sur le dossier, comme l'ont récemment rappelé les autorités libanaises, et comme nous l'avons fait, puisqu'un certain nombre de propositions ont déjà été formulées par la France.

Je le rappelle également, la libération immédiate des otages est un impératif inconditionnel pour la France. Le Conseil de sécurité l'a également rappelé. Je souhaite avoir également une pensée pour les 42 Français qui ont perdu la vie dans les attaques terroristes du 7 octobre. Nous ne les oublions pas, comme nous n'oublions pas d'ailleurs nos trois ressortissants toujours otages. Avec ces actes, nous considérons également que le Hamas a une responsabilité, la responsabilité d'avoir provoqué cette guerre dont le peuple palestinien aujourd'hui paye le prix et les conséquences.

Cette conviction est celle de la France. Elle rend d'autant plus crédible d'ailleurs les exigences que nous formulons à l'égard d'Israël. Je pense notamment à la situation en Cisjordanie, où l'accélération de la colonisation - illégale en droit international - compromet le futur Etat palestinien. Les premières mesures ont été prises contre les colons coupables de violences envers les civils palestiniens. La France envisage également d'autres mesures en concertation avec ses partenaires, notamment européens, pour aller plus loin sur ce volet-là.

Enfin, pour sortir durablement de cette crise, il faut une solution politique. Je le disais en introduction, elle est connue : c'est la solution à deux Etats, la seule qui puisse garantir la paix et la sécurité aux Israéliens comme aux Palestiniens. La France veut jouer un rôle et porter en Europe et au Conseil de sécurité les efforts pour faire de cette solution une réalité, notamment au bénéfice des Palestiniens, des Israéliens et de la région toute entière. C'est le sens d'ailleurs de l'initiative de la France au Conseil de sécurité. Donc il est temps de poser un certain nombre de bases d'une paix durable, avec un certain nombre de critères, qui sont bien connus mais qui doivent aujourd'hui faire l'objet d'un consensus international. C'est dans cet esprit que je suis venu échanger avec mes homologues, à la fois pour commencer à discuter de ces paramètres de la solution à deux Etats et de cette initiative éventuelle de la France au Conseil de Sécurité avec une résolution politique.


Chers collègues,

Je voudrais d'abord vous remercier de votre accueil chaleureux et vous remercier pour les échanges que nous avons eus, qui sont des échanges en toute transparence, qui sont des échanges francs et constructifs. Je serai également heureux de pouvoir vous accueillir à Paris, dans les prochaines semaines, pour poursuivre évidemment ce travail, qui est un processus de construction dans la durée. Mais si nous voulons mettre un certain nombre de fondations qui nous permettent de construire la paix - qui est quand même notre objectif principal, à tous - il faut à la fois prendre le temps et faire part d'une forme d'urgence. L'urgence, aujourd'hui, elle est humanitaire et la crise, aujourd'hui, elle est humanitaire. Travaillons donc sur ces deux volets : la crise humanitaire et le volet politique. Je pense qui sont indissociables de la résolution de ce conflit.

Merci.


Q - Vous avez évoqué, Monsieur le Ministre, avoir commencé de nouveaux travaux avec vos homologues. En quoi votre approche diffère-t-elle de celle du précédent gouvernement sur les principaux objectifs de la France, qui sont d'arriver à un cessez-le-feu, de permettre le passage de l'aide humanitaire et l'ouverture d'un horizon politique ? Pour l'instant, on est loin d'avoir rencontré du succès.

R - Pour être très clair, nous nous concertons sur une initiative française au Conseil de sécurité sur le volet politique, et donc une potentielle future résolution qui pourrait être portée par la France et qui permettrait d'avoir l'ensemble des paramètres de la solution à deux Etats, et qui nous permettrait également d'avoir un outil politique pour la communauté internationale, un consensus, une organisation. Cela oblige à se concerter avec l'ensemble des membres du Conseil de sécurité, qu'ils soient d'ailleurs permanents ou élus.

Mais la responsabilité de la France, c'est de travailler également avec ses partenaires dans la région et donc de se concerter avec l'ensemble des pays arabes, qui eux-mêmes ont déjà pris des initiatives et qui, depuis maintenant plusieurs semaines, travaillent à un processus de paix, un calendrier, un dispositif de gouvernance. Cette initiative ne doit pas se substituer, évidemment, à une résolution au Conseil de sécurité, mais il faut convaincre. Et pour convaincre, il faut se concerter, il faut discuter.

Moi, je souhaite avoir une approche très ouverte de cette possible initiative française. D'abord, avec un certain nombre de grands principes que nous souhaitons poser - je les ai énoncés dans mon introduction -, avec notre capacité à pouvoir nommer les choses et, en même temps, répondre à la situation de crise humanitaire - et en même temps politique -, avec la solution à deux Etats ; et puis regarder ce qui est susceptible d'être accepté et ce qui serait acceptable pour l'ensemble de la communauté internationale sur un positionnement qui doit nous mener sur le chemin de la paix. Parce que notre objectif, c'est évidemment le chemin de la paix. La France a cette possibilité. Elle est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a une position, aussi, qui permet de réunir un certain nombre d'Etats, qui lui permet également de faire un consensus autour de grands principes. Et nous souhaitons jouer notre part.

Cette concertation, elle a commencé aujourd'hui. Elle continuera demain d'ailleurs, puisque je serai à Pékin, puis je me déplacerai dans d'autres capitales européennes pour recueillir un certain nombre de retours sur cette proposition française. Voilà l'objet également de cette visite et les nouvelles initiatives qui seront prises.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 avril 2024