Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Bonjour Adrien GINDRE
ADRIEN GINDRE
On va d'abord évoquer ce drame : la mort de Shemseddine à Viry-Châtillon et l'enquête. Cette nuit : quatre jeunes hommes ont été mis en examen pour assassinat, dont deux frères qui disent avoir voulu défendre la réputation de leur soeur. On est condamné à assister, impuissant, à des drames comme celui-ci ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Evidemment que non. Mais si vous le permettez, déjà un premier mot pour la famille de Shemseddine qui a 15 ans, qui a perdu la vie dans des conditions atroces. Evidemment qu'on n'est pas condamné. Cet acte appelle à la plus grande fermeté. C'est intolérable. La plus grande sévérité, la plus grande prise de conscience… On doit comprendre que maintenant, une histoire d'amour, honneur… Enfin, parler d'un crime d'honneur, on parle du Moyen Âge, là.
ADRIEN GINDRE
Les deux frères eux-mêmes ont dit qu'ils ne voulaient pas que leur soeur rentre en contact avec des garçons et qu'elle ait avec eux des discussions sur des sujets liés à la sexualité. On est là sur des raisons quoi ? Comment vous les qualifieriez ? Religieuses ? Culturelles ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Religieuses, culturelles… Enfin, on peut les qualifier de ce qu'on veut. Ce que je vois surtout, c'est qu'il y a un jeune de 15 ans qui est mort pour des raisons… Il n'y a pas de raison, il n'y a pas d'explication.
ADRIEN GINDRE
Mais sans qu'on puisse dire comment l'éviter. En réalité, il y a une part de fatalité.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non, non, il n'y a pas de fatalité. Les seuls combats qu'on perd, c'est ce qu'on ne mène pas. Il n'y a pas de fatalité. Moi, ce mot fatalité, je ne l'entends pas.
ADRIEN GINDRE
Et alors comment ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Comment ? Plus grande sévérité pénale c'est-à-dire que j'espère… Je sais que la Justice fera son travail, la plus grande sévérité à leur endroit, puisqu'ils ont avoué les faits. Je suivais hier comme vous, je lis comme vous dans la presse, la plus grande sévérité. La deuxième chose : revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire à l'éducation, à expliquer : " on a le droit, on n'a pas le droit. C'est bien, ce n'est pas bien. Le mal, le bien. " Je pense qu'on a trop renoncé, trop souvent, trop longtemps à mettre des vrais mots sur le mal de cette jeunesse. Je ne peux pas accepter qu'on me dise « cette jeunesse est perdue. » La jeunesse n'est pas perdue… Par contre la jeunesse a besoin… et c'est pour cela que je travaille sur la prévention de la délinquance ; je crois qu'on va revenir aux fondamentaux, à la base : l'éducation, la sévérité, le bien, le mal, on a le droit, on n'a pas le droit. »
ADRIEN GINDRE
Dans les sujets, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, dont vous vous occupez actuellement avec le ministre de l'Intérieur, il y a bien évidemment la lutte contre le trafic de drogue. Gérald DARMANIN a annoncé encore hier plus de 7 000 interpellations depuis le début des opérations, baptisée " place nette. " Vous voulez notamment vous arrêter sur le cas des parents et tout particulièrement ce que vous appelez les mères nourrices. C'est-à-dire ? Ça concerne qui et pour faire quoi ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, ça concerne qui ? Le trafic de drogue, donc c'est le haut du spectre, c'est Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur. Moi, la prévention de la délinquance, c'est le bas du spectre ; c'est le volet social de la lutte contre le trafic de drogue. C'est quoi une mère nourrice ? C'est une femme ou un homme (enfin, on les appelle plutôt les mères nourrices) qui cachent de la drogue pour les trafiquants de drogue, mais dans la très grande majorité des cas - c'est la police qui le dit et la Justice qui le dit - elles sont forcées. Elles sont plutôt des femmes isolées : 30% de femmes isolées dans les quartiers prioritaires. Donc je veux…
ADRIEN GINDRE
Donc vous dites que ce sont des victimes plutôt que des coupables ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C'est plutôt des victimes que des coupables. Les enquêtes le disent, les enquêtes le disent ; mais elles ne parlent pas. Moi, ce que je veux, c'est que, un, elles puissent parler. Pour pouvoir parler, il ne faut pas avoir peur, donc il faut les protéger. Je suis pour volet statuts comme sur le modèle du repenti - j'en ai parlé avec le garde des Sceaux, évidemment - de permettre à ces femmes d'être protégées en premier, elles et leurs enfants. Je répète 30% de familles monoparentales en quartiers prioritaires, elles et leurs enfants pour… On les protège pourquoi ? Pour qu'elles puissent parler…
ADRIEN GINDRE
Vous nous dites qu'il y aura un statut particulier pour que ces femmes qui cachent de la drogue puissent donner des informations ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non. Pour que ces femmes qui cachent de la drogue, pour que la justice puisse remonter les enquêtes. Comment vous remontez des enquêtes si vous n'avez pas des gens qui parlent, si vous n'allez pas chercher l'information là où elle est ? L'information, elle est chez elle. Et je pense qu'il faut s'émanciper du volet, justement moral, parce que trop longtemps on a fait ça en expliquant « Non, non. Du moment que quelqu'un a participé à un délit ou à un crime en bande organisée, on ne veut pas entendre sa parole et il ne peut servir à rien. » Non, il va servir à la justice.
ADRIEN GINDRE
Donc vous contestez l'idée que ce soit des mères défaillantes, des parents défaillants comme on le dit parfois ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je ne dis pas ça. J'ai été la première à dire " on est responsable de ce qu'on fabrique.' " Mais c'est compliqué quand vous n'avez pas de revenus, très peu de revenus avec des conditions sociales très difficiles, des enfants seuls à charge dans un quartier compliqué. J'estime qu'il y a des circonstances qui, justement, doivent nous emmener, doit nous questionner. Que pouvons-nous faire ? Qu'est-ce qu'on fait ? On accepte ? On accepte que, encore une fois, les trafiquants de drogue prennent…
ADRIEN GINDRE
Statut particulier.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, un statut particulier. Mais c'est quoi la finalité ? Protéger…
ADRIEN GINDRE
D'un mot…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
… les mères et leurs enfants, pardon. Et la deuxième chose, pouvoir aller chercher l'information là où elle est, pour pouvoir mener les enquêtes.
ADRIEN GINDRE
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, vous avez vu également (alors, sans lien direct avec ce que vous venez de nous dire) mais une élue de la République pour le coup, la maire d'Avallon dans l'Yonne, chez qui, 70 kilos de cannabis ont été retrouvés. On ne sait pas si elle participe aux trafics. Elle a été placée en garde à vue.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
L'enquête nous le dira.
ADRIEN GINDRE
Ça remet en cause pour autant son statut d'élue de la République ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C'est une justiciable comme les autres, c'est une justice.
ADRIEN GINDRE
Et en tant que ministre, vous lui maintenez une forme de confiance ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je maintiens une forme de confiance à la Justice.
ADRIEN GINDRE
A la Justice, puisqu'elle est juste ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, à la justice qui va faire son enquête. On ne peut pas condamner quelqu'un. Enfin, il y a quand même quelque chose qui s'appelle " la présomption d'innocence. "
ADRIEN GINDRE
" La présomption d'innocence. "
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Et vous me connaissez suffisamment bien ici, pour être déjà… y être extrêmement attachée. C'est une justiciable comme les autres. La justice fait son travail.
ADRIEN GINDRE
Au-delà du trafic de drogue, on le voit très régulièrement dans nos reportages, également dans les quartiers, parfois, c'est la vie qui est un enfer pour plein de raisons. Parfois, c'est faute d'ascenseur, tout particulièrement dans les logements sociaux. Est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui combien d'immeubles ça concerne ? Combien d'habitants et comment est-ce qu'on règle ce problème ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, plusieurs chiffres : 37% dans les quartiers prioritaires d'immeubles desservis par des ascenseurs, 37%, écoutez bien, 37…
ADRIEN GINDRE
37% qui sont ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
… Équipés d'ascenseurs, qui sont équipés d'ascenseurs, première chose. Combien de personnes dans les quartiers prioritaires ? Plus de cinq millions. Combien de familles monoparentales ? Je vous l'ai dit, 30%. Donc, moi, j'ai décidé, je l'ai lancé, à Kallisté et à Marseille il y a quelques semaines, je lance le grand plan ascenseur avec ma collègue Fadila KHATTABI, donc…
ADRIEN GINDRE
Qui est en charge des Personnes handicapées notamment.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ministre déléguée des Personnes handicapées et des Personnes âgées. Tenez, un autre chiffre sur les personnes âgées : 20% des personnes en quartiers prioritaires qui ont plus de 65 ans et mon collègue…
ADRIEN GINDRE
Mais donc, vous voulez faire quoi ? Obliger à la construction d'ascenseurs ou à la réparation d'ascenseurs là où il n'y en a pas ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, une grande, une grande consultation. Je veux un diagnostic auprès des bailleurs sociaux pour qu'on nous dise combien d'ascenseurs, combien ça coûte et avec ça pour voir permettre aux familles justement les mamans seules avec des enfants qui font des courses au 8e ou même au CASINO.
ADRIEN GINDRE
Mais vous pouvez contraindre les bailleurs sociaux à avoir des ascenseurs fonctionnels dans leur immeuble ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ben, écoutez si on doit les contraintes, on les contraindra, c'est un devoir.
ADRIEN GINDRE
Et comment ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ben, la loi, la loi, le règlement, enfin, dire, comment ? La loi, les règlements et les bailleurs sociaux sont des alliés. Moi, les bailleurs sociaux ne sont pas mes ennemis, ce sont des alliés avec qui nous pouvons travailler.
ADRIEN GINDRE
Alors pourquoi aujourd'hui le manque d'ascenseur ou d'ascenseur en état fonctionnel ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Parce qu'encore une fois, je pense qu'on a laissé des situations qui datent de trente-quarante ans, je veux dire, ce n'est pas à vous que j'apprends ça, c'est trente-quarante ans de plus tôt, on a laissé passer, il n'y avait pas d'ascenseur, on ne remplace pas une pièce et puis, c'est un an et puis c'est deux ans et puis six mois, ce n'est plus acceptable. Donc maintenant, permettre aux gens de vivre dans des conditions décentes, c'est, enfin, moi, en tout cas, ça fait partie des combats, c'est quand même des mamans isolées dans les…
ADRIEN GINDRE
Mais à quelle échéance ça peut se régler ? Retrouver des conditions décentes, ça prendra combien de temps ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
La consultation part, là, maintenant, je pense qu'à la fin de l'année, on a déjà et le diagnostic, et les solutions, et les moyens. Vous savez, là, on ne parle pas de choses qui vont coûter des milliards. On parle juste de réparer… Enfin, un ascenseur, c'est quand même…
ADRIEN GINDRE
Ça coûtera combien en l'occurrence ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je ne sais pas puisqu'on attend le diagnostic, mais ça coûtera ce que cela coûtera. En tout cas, les habitants des quartiers méritent d'avoir des conditions décentes de vie et qu'une personne âgée, une personne PMR, qu'une maman seule puisse accéder à son étage quand il est de manière confortable et normale, c'est quand même…
ADRIEN GINDRE
C'est votre engagement.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument.
ADRIEN GINDRE
On pourra suivre tout ça. Merci, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE d'avoir été sur TF1 ce matin.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci.
ADRIEN GINDRE
La suite, c'est avec vous, Bruce.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 avril 2024