Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur le partenariat stratégique entre la France et le Brésil, à Itaguaí le 27 mars 2024.

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Circonstance : Voyage officiel au Brésil ; Mise à l'eau du sous-marin Tonelero depuis la base navale d'Itaguaí

Texte intégral

Monsieur le Président de la République du Brésil, mon cher Lula,
Madame la Première Dame, Madame la marraine en ce jour,
Chers Indiens,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Gouverneur,
Messieurs les Officiers généraux,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Chers amis,


Je veux vous dire combien je ressens d'honneur et de fierté à partager à vos côtés ce matin, ce moment si particulier qu'est la mise à l'eau du sous-marin Tonelero. Vous lui avez donné le nom d'une grande victoire de l'histoire brésilienne. Et en effet, ce sous-marin est une victoire, ne serait-ce que par son berceau ici même, car il y a à peine 16 ans de cela, ce site d'Itaguai n'était que forêts et marécages. C'est désormais l'un des chantiers de construction de sous-marins parmi les plus modernes du monde et le seul dans l'hémisphère sud. Un nouveau Tonelero sonnera comme une victoire brésilienne plus pacifique, plus industriel, plus technologique, mais à coup sûr, une victoire. Si la prouesse technologique ne peut que laisser admiratif, il s'agit avant tout du triomphe d'une volonté et d'une détermination, celle d'un homme au caractère visionnaire, mon cher Lula, qui a su fixer le cap d'une ambition qui pouvait paraître en 2008 démesurée. La France y a cru, la France y a adhéré et la France s'est engagée dans cette aventure à vos côtés, avec toutes ses compétences, celles de sa marine, celles de ses industriels et main dans la main avec votre Marine, vos armées, avec vos industriels, nous avons su bâtir. Je peux le dire aujourd'hui à coup sûr, vous aviez raison d'y croire et nous avions raison de vous soutenir.

Ce troisième sous-marin est le témoignage très concret de ce que nos deux pays sont capables d'accomplir ensemble dans un véritable partenariat stratégique. Vous êtes à l'origine de ce projet et je suis donc tout particulièrement heureux qu'il vous revienne l'honneur du lancement opérationnel de ces magnifiques outils de combat. Ce chantier titanesque, pendant toutes ces années, a mobilisé toutes les forces vives ; ingénieurs et ouvriers ont oeuvré pour cette réussite et ce partenariat représente pour la France un transfert inégalé de technologies. Nous n'avons jamais autant partagé notre savoir-faire qu'avec le Brésil et nous sommes fiers de l'avoir fait. Je tiens à remercier très chaleureusement ici les équipes des constructions navales d'Itaguaí et notamment la société Naval Group pour la qualité de l'exécution de cette coopération. Je le dis devant les dirigeants et devant l'ensemble des équipes ici rassemblées, les retombées positives de ce chantier, vous savez ô combien, Monsieur le Gouverneur, en termes d'emplois créés et de vocations suscitées aussi, en termes d'universités associées, dépasse largement les espérances initiales qui étaient les nôtres.

Elles vont permettre de décupler la portée en surface et bien au-delà des profondeurs sous-marines. Je veux ici dire aussi combien la qualité de l'échange, l'intimité stratégique et opérationnelle qui s'est développée entre nos armées et tout particulièrement nos marines a été exemplaire et a permis aussi de faire de ce projet quelque chose de plus grand encore qu'un partenariat industriel, mais bien un partenariat stratégique équilibré. Alors aujourd'hui, grâce à vous, Madame la marraine, chère Janja, et grâce aux moments d'émotion que vous nous avez fait vivre, nous célébrons une réalisation industrielle qui est le fruit de ces 16 années. Et vos marins auront à en prendre la tête. Et je félicite, Commandante, l'ensemble des équipages qui auront à rejoindre le sous-marin. Il nous faut aller plus loin. Et si je suis parmi vous aujourd'hui, ce n'est pas simplement pour dire la fierté de la France d'être à vos côtés pour ce projet inédit et féliciter l'ensemble de ceux qui l'ont permis. C'est vous dire la conviction que nous pouvons, que nous devons ouvrir, une nouvelle page de ce partenariat stratégique entre nos deux pays.

D'abord parce que nous avons destins liés par la géographie. La France est en effet le seul pays d'Europe à être aussi une puissance amazonienne, à partager 730 kilomètres de frontière commune avec vous. Des zones contiguës qui nous conduisent à partager tant de défis. Nous avons à lutter ensemble contre les trafics illégaux à terre ou en mer, qui sont autant d'outrages à la nature, à nos valeurs, à notre futur. Nous avons à défendre ensemble nos frontières, nos espaces forestiers, notre Amazonie où nous étions hier, nos zones économiques exclusives. Nous avons à protéger nos pêcheurs. Vous avez à protéger vos extractions pétrolières et gazières. C'est le premier défi essentiel que nous partageons.

Nous avons plus largement le défi maritime à partager. Tous les experts le disent, parmi les grands théâtres de conflictualité du siècle qui s'ouvrent, la mer en sera à coup sûr. Elle l'est déjà. Nous sommes deux grandes puissances maritimes internationales. La France, grâce à ses territoires ultramarins, est la deuxième puissance maritime par ses zones économiques exclusives au monde et donc avons, avec le Brésil, communauté de destin à cet égard. Et puis encore plus profondément, les débats que nous avons eus ces derniers mois ensemble, discussions depuis hier me l'ont confirmé, mais l'histoire, la force de nos relations diplomatiques que vous avez rappelé amiral il y a un instant et que le ministre de la Défense a aussi rappelé qui conduisent, nous avons quelque chose d'une même vision du monde et de ses équilibres. Refusons un monde qui serait prisonnier par la conflictualité entre deux grandes puissances. Nous aimons l'indépendance des grandes diplomaties et des grandes armées. Nous aimons défendre notre indépendance et notre souveraineté. Mais avec elle, le respect du droit international partout dans le monde. Nous croyons à la dignité humaine qui est constitutive même de nos ordres politiques et constitutionnels. Nous croyons dans le climat et nous voulons le défendre. Nous croyons dans la paix en ce qu'elle bâtit des équilibres. Et ceci, et vous l'avez aussi très bien dit, suppose d'être fort.

Des grandes puissances pacifiques que sont le Brésil et la France doivent acter que dans un monde de plus en plus désorganisé, il nous faut savoir fort tenir le langage de la fermeté pour la paix, de la défense, des équilibres qui refusent à chacun ce temps d'être les vassaux de certains autres et de savoir défendre avec crédibilité l'ordre international auquel nous croyons. Oui, cette vision géopolitique qui est la nôtre, celle d'être des grandes puissances qui coopèrent au service d'un ordre international et de ses équilibres, qui refusent la partition du monde, qui refusent la vassalisation à laquelle on voudrait parfois nous attraire, c'est cela qui nous lie. Et donc, fort de cette vision, nous avons beaucoup plus à faire pour aujourd'hui et pour demain. Et nous voulons ensemble ouvrir une nouvelle page reposant sur cette intimité diplomatique, sur la force déjà de nos liens militaires pour produire ensemble, de manière respectueuse, équilibrée comme nous l'avons fait ici et bien davantage.

Je souhaite que nous ouvrions le chapitre, évidemment pour de nouveaux sous-marins, le quatrième, le cinquième. Mais comme vous l'avez dit un instant, les uns et les autres que nous regardions en face la propulsion nucléaire en étant parfaitement respectueux de tous les engagements les plus rigoureux de non-prolifération. Ce cadre existe, est possible, vous le voulez, la France sera à vos côtés. Je veux qu'à vos côtés nous puissions continuer le formidable travail qui a été mené dans le cadre de la production des hélicoptères. Regardons aussi d'autres champs, des tourelles de combat aux satellites et à l'espace qui doit là aussi un instrument de coopération concrète car nous avons là aussi à bâtir des coopérations technologiques, un nouveau champ à construire ensemble. La production, la coopération pour l'intérêt de nos deux pays et, qui sait, au-delà de ces sous-marins, d'avoir d'autres équipements et d'avoir peut-être pour fêter dans quelques années le sous-marin à propulsion nucléaire que vous aurez bâti dans le cadre parfaitement rigoureux sur le plan international et juridique. Avoir des rafales qui passeront demain, car nous aurons aussi, sur ce sujet, su bâtir une coopération nouvelle.

Comme vous, je veux voir grand, puissant parce que le monde dans lequel nous vivons est inquiétant. En ce monde, nous partageons des valeurs, une exigence et une amitié et une connaissance réciproque. Je vois ici beaucoup d'anciens officiers généraux. Ils témoignent de l'intimité qu'il y a entre nos armées, entre cette coopération qui vient de loin. Alors oui, cher Lula, je suis ici pour célébrer ces 16 ans de coopération extraordinaire et pour vous dire que nous voulons, pour les décennies à venir, aller encore plus loin, lancer des projets ambitieux et nouveaux. Consolidons cette relation indéfectible, mais bâtissant l'avenir pour que ce Tonelero, avant qu'il rejoigne son milieu naturel dans quelques heures, nous permette aussi d'être le prétexte d'une coopération, d'une ambition encore plus grande, celle d'un Brésil plus fort, d'une France plus forte au service de la paix et d'une vision partagée du monde. Je veux, en vous remerciant toutes et tous et en vous félicitant, conclure l'honneur de nos marins, qu'ils soient surfacier sous-marinier ces quelques mots : Boas águas e boa caçada submarinistas brasileiros. Bonne mer et bonne chasse aux sous-mariniers brésiliens.


Vive le Brésil?! Vive la France et vive l'amitié entre nos deux pays.