Texte intégral
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup Monsieur le Premier ministre, cher Petr, pour ces mots si chaleureux et clairs et pour l'accueil. C'est pour moi-même et ma délégation un grand plaisir d'être à Prague aujourd'hui, pour la troisième fois dans mes fonctions.
Lorsque, en juin 2022, tu étais venu à Paris, nous avions parlé d'une année franco-tchèque pour l'Europe, point de jonction entre nos deux présidences du Conseil de l'Union européenne qui se succédaient avec, je crois, un travail que nous avons fait durant cette année si décisive en commun et qui a été utile pour l'unité de l'Europe dans un contexte géopolitique que chacun connaît ici.
Nous pourrions parler aujourd'hui d'une année européenne de la République tchèque, puisque ton pays célèbre les 20 ans de son adhésion à l'Union européenne, et quel chemin parcouru ! Ce long chemin a conduit à une relation encore plus étroite entre nous et des avancées absolument uniques dans bien des domaines. Ce qui fait que la République tchèque est aujourd'hui pour la France un partenaire de confiance au sein de l'Union européenne et un allié précieux au sein de l'OTAN.
Nous venons donc de signer le plan d'action pour la mise en œuvre de notre partenariat stratégique. Il a été signé en 2008 et le plan d'action que nous avons signé aujourd'hui structurera la relation et l'approfondira durant les quatre années à venir. Il couvre les questions internationales et de défense, les matières économiques, énergétiques ou de transport, les domaines culturels comme scientifiques, ça a été rappelé, c'est un plan d'action large qui, en effet, va nous permettre de continuer d'avancer.
Le sujet le plus structurant aujourd'hui pour notre Europe et pour l'un et l'autre, c'est évidemment la guerre d'agression lancée par la Russie contre l'Ukraine. Elle a commencé il y a 10 ans. Elle s'est accélérée, intensifiée depuis février 2022. Et sur ce point, nous avons une véritable convergence de vues. Merci d'avoir eu ces mots pour la conférence de Paris lundi dernier, Monsieur le Premier ministre, cher Petr. Elle nous a permis de structurer, je crois, plusieurs initiatives.
D'abord, de rassembler beaucoup de pays autour de l'initiative pour les munitions et la proposition tchèque, et donc, nous allons maintenant accélérer avec nos ministres. Nos services y travaillent ensemble avec plusieurs autres collègues. Elle vient soutenir plusieurs des coalitions capacitaires que nous avions lancées ces derniers mois, en particulier, la coalition artillerie lancée sous la présidence américaine et française.
Ensuite, nous avons acté d'une nouvelle coalition sur les frappes en profondeur et les capacités données à l'Ukraine en la matière pour pouvoir se défendre. Et puis, nous avons acté plusieurs éléments de coopération additionnelle avec les Ukrainiens, qu'il s'agisse du déminage, des actions cybers, de la protection par des civils à la frontière biélorusse, de la protection de la Moldavie et des États vulnérables et de la coproduction industrielle et de la maintenance de plusieurs équipements. Tout ça va très clairement nous amener dans les prochains mois à continuer de soutenir avec force, aussi longtemps et aussi intensément que nécessaire, l'Ukraine pour que la Russie ne puisse gagner. Le soutien à l'Ukraine passe aussi par plus de souveraineté et d'autonomie européenne.
Au-delà du pragmatisme, pour répondre aux besoins militaires ukrainiens immédiats, comme par exemple votre initiative sur les munitions, nous voulons continuer à orienter les nouveaux instruments de soutien militaire de l'Union européenne vers l'Ukraine et plus largement, afin de renforcer la base industrielle de défense européenne. Pour la France, cela passe par une préférence européenne dans les futures acquisitions conjointes de la Facilité européenne de paix comme dans le futur programme européen d'investissements de défense. C'est là aussi une question d'autonomie stratégique.
Au-delà de ce sujet, nous avons évidemment évoqué des sujets bilatéraux, mais qui ont une composante européenne et le nucléaire civil en fait partie. L'un et l'autre appartenons à cette Alliance européenne du nucléaire, qui a beaucoup œuvré pour que, dans les principaux textes européens, dans la structuration de nos marchés de l'énergie, il y ait, je dirais, une forme de neutralité technologique. Il ne faut pas que l'Europe surréglemente et il ne faut pas que l'Europe s'affaiblisse elle-même par le manque de discernement ou des voix dissidentes qui pourraient s'élever. Nous avons besoin, pour avoir une stratégie européenne souveraine décarbonée et compétitive, de moins consommer, d'une plus grande efficacité énergétique, d'énergies renouvelables et de nucléaire. Et donc c'est dans ce cadre-là que nous avons veillé à bâtir ensemble, que nous orienterons les travaux de la Commission, de la BEI et des différentes instances mais que nous voulons aussi bâtir davantage. L'important accord signé par ORANO avec vous aujourd'hui sur l'uranium en est une des composantes. Et comme vous le savez, EDF s'est portée candidate aussi aux projets industriels qui sont les vôtres, mais que nous voulons être — et j'y reviendrai tout à l'heure durant le forum sur le nucléaire civil — aussi des coopérations dans la durée en profondeur, avec un juste retour industriel dans la production, mais un retour industriel dans la durée pour la République tchèque, avec des partenariats d'innovation et de technologie pour les futures générations de réacteurs, et avec aussi un partenariat en matière de régulation et de sûreté.
Au-delà de cela, nos deux pays ont établi des relations étroites dans les domaines des infrastructures routières, ferroviaires et des partenariats publics-privés, et là aussi, je souhaite que nous puissions les approfondir. Et puis sur le plan culturel, nos deux pays sont intimement liés. Je me réjouis de visiter la collection d'œuvres françaises achetées par l'État tchécoslovaque à l'époque, il y a 100 ans, les expositions croisées entre la Galerie nationale de Prague, le Louvre et le centre Georges Pompidou, cette année et l'année prochaine, où les échanges nombreux entre formations musicales sont la preuve de cette vitalité. La Villa Heska, un dispositif de résidence croisée porté par notre pays avec ses partenaires tchèques, permettra à des auteurs, à des illustrateurs aussi, et d'autres artistes, de pouvoir créer dans nos deux pays, passant de l'un à l'autre, et inventer un imaginaire commun et, qui sait peut-être, notamment autour de la bibliothèque de Milan KUNDERA à Brno. En tout cas, vous l'avez compris, ces coopérations artistiques, les coopérations aussi académiques, tout le travail que nous menons pour développer notre connaissance réciproque — je n'oublie pas les formations si importantes à Dijon ou à Nîmes et les sections tchèques, mais également les sections françaises que vous avez développées et le nombre de locuteurs français qui augmente encore dans votre pays, sont pour moi le ciment de la relation à venir. Car je pense à nos successeurs qui signeront le énième plan d'action dans quelques années ici même : il se nourrira de ce que nous avons réussi à faire, mais de ces générations que nous aurons formées. Et je sais ô combien, Monsieur le Premier ministre, c'est l'une de vos priorités, la formation, l'éducation, et cet apprentissage en particulier de l'un et de l'autre.
Merci en tout cas une fois encore pour votre accueil dans ce moment si décisif pour l'Europe. Merci Monsieur le Premier ministre, cher Petr, de cette communauté de vues que nous avons encore pu conforter aujourd'hui dans nos échanges.
Merci beaucoup.